AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Henri Bergson (416)


Quel est l'objet de l'art ? Si la réalité venait frapper directement nos sens et notre conscience, si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l'art serait inutile, ou plutôt que nous serions tous artistes, car notre âme vibrerait alors continuellement à l'unisson de la nature. Nos yeux, aidés de notre mémoire, découperaient dans l'espace et fixeraient dans le temps des tableaux inimitables. Notre regard saisirait au passage, sculptés dans le marbre vivant du corps humain, des fragments de statue aussi beaux que ceux de la statuaire antique. Nous entendrions chanter au fond de nos âmes, comme une musique quelquefois gaie, plus souvent plaintive, toujours originale, la mélodie ininterrompue de notre vie intérieure. Tout cela est autour de nous, tout cela est en nous, et pourtant rien de tout cela n'est perçu par nous distinctement. Entre la nature et nous, que dis-je ? Entre nous et notre propre conscience, un voile s'interpose, voile épais pour le commun des hommes, voile léger, presque transparent, pour l'artiste et le poète. Quelle fée a tissé ce voile ? Fut-ce par malice ou par amitié ? Il fallait vivre, et la vie exige que nous appréhendions les choses dans le rapport qu'elles ont à nos besoins. Vivre consiste à agir. Vivre, c'est n'accepter des objets que l'impression utile pour y répondre par des réactions appropriées : les autres impressions doivent s'obscurcir ou ne nous arriver que confusément. Je regarde et je crois voir, j'écoute et je crois entendre, je m'étudie et je crois lire dans le fond de mon cœur. Mais ce que je vois et ce que j'entends du monde extérieur, c'est simplement ce que mes sens en extraient pour éclairer ma conduite ; ce que je connais de moi-même, c'est ce qui affleure à la surface, ce qui prend part à l'action. Mes sens et ma conscience ne me livrent donc de la réalité qu'une simplification pratique. Dans la vision qu'ils me donnent des choses et de moi-même, les différences inutiles à l'homme sont effacées, les ressemblances utiles à l'homme sont accentuées, des routes me sont tracées à l'avance où mon action s'engagera. Ces routes sont celles où l'humanité entière a passé avant moi. Les choses ont été classées en vue du parti que j'en pourrai tirer. Et c'est cette classification que j'aperçois, beaucoup plus que la couleur et la forme des choses. [...]
Commenter  J’apprécie          00
L'estomac à jeun, quand on le remplit, digère mal; un esprit tout à fait vide ne pourra que recevoir et rejeter ce qu'on y mettra. De là vient que le spécialiste rend les faits tels qu'il les a reçu ; et comme il ne se soucie de la science que pour en parler, il risque fort de la faire dégénérer sous peu en simple commérage scientifique.
Commenter  J’apprécie          00
l résulte de cette double analyse que le principe de causalité renferme
deux conceptions contradictoires de la durée,
deux images non moins incom-
patibles de la préformation de l'avenir an sein du présent. Tantôt on se
représente tous les phénomènes, physiques ou psychologiques, comme durant
de la même manière, comme durant à notre manière par conséquent ; l'avenir
n'existera alors dans le présent que sous forme d'idée, et le passage du présent
à l'avenir prendra l'aspect d'un effort, qui n'aboutit pas toujours à la réalisation
de l'idée conçue. Tantôt au contraire on fait de la durée la forme propre des
états de conscience ; les choses ne durent plus alors comme nous, et l'on
admet pour les choses une préexistence mathématique de l'avenir dans le
présent. D'ailleurs chacune de ces hypothèses, prise à part, sauvegarde la
liberté humaine ; car la première aboutirait à mettre la contingence jusque
dans les phénomènes de la nature ; et la seconde, en attribuant la
détermi-
nation nécessaire des phénomènes physiques à ce que les choses ne durent pas
comme nous, nous invite précisément à faire du moi qui dure une force libre.
C'est pourquoi toute conception claire de la causalité, et où l'on s'entend avec
soi-même, conduit à l'idée de la liberté humaine comme à une conséquence
naturelle.
Commenter  J’apprécie          00
« Le moi touche au monde extérieur par sa surface et comme cette surface conserve l’empreinte des choses, il associera par contiguïté des termes qu’il aura perçus juxtaposés : c’est à des liaisons de ce genre, liaisons de sensations tout à fait simples et pour ainsi dire impersonnelles, que la théorie associationniste convient. Mais à mesure que l’on creuse au-dessous de cette surface, à mesure que le moi redevient lui-même, à mesure aussi ses états de conscience cessent de se juxtaposer pour se pénétrer, se fondre ensemble, et se teindre chacun de la coloration de tous les autres. Ainsi chacun de nous a sa manière d’aimer et de haïr, et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière.
Commenter  J’apprécie          00
Une des idées les plus importantes et les plus profondes de la Critique de la Raison pure est celle-ci : que, si la métaphysique est possible, c'est par une vision, et non par une dialectique. La dialectique nous conduit à des philosophies opposées ; elle démontre aussi bien la thèse que l'anti-thèse des antinomies. Seule, une intuition supérieure (que Kant appelle une intuition « intellectuelle » ), c'est-à-dire une perception de la réalité métaphysique, permettrait à métaphysique de se constituer. Le résultat le plus clair de la Critique kantienne est ainsi de montrer qu'on ne pourrait pénétrer dans l’au-delà que par une vision, et qu'une doctrine ne vaut, dans ce domaine, que par ce qu'elle contient de perception : prenez cette perception, analysez-la, recomposez-la, tournez et retournez-là dans tous les sens, faites-lui subir les plus subtiles opérations de la plus haute chimie intellectuelle, vous ne retirerez jamais de votre creuset que ce vous y aurez mis ; tant vous y aurez introduit de vision, tant vous en retrouverez ; et le raisonnement ne vous aura pas fait avancer d’un pas au-delà de ce que vous aviez perçu d’abord. Voilà ce que Kant a dégagé en pleine lumière ; et c’est là, à mon sens, le plus grand service qu’il ait rendu à la philosophie spéculative.

Il a définitivement établi que, si la métaphysique est possible, ce ne peut être que par un effort d’intuition. – Seulement, ayant prouvé que l’intuition serait seule capable de nous donner une métaphysique, il ajouta : cette intuition est impossible. (pp. 123-124)
Commenter  J’apprécie          00
La philosophie grecque […] expliqua d'abord toutes choses par un élément matériel, l'eau, l'air, le feu, ou quelque matière indéfinie. Dominée par la sensation, comme l'est au début l'intelligence humaine, elle ne connut pas d'autre intuition que l'intuition sensible, pas d'autre aspect des choses que leur matérialité. Vinrent alors les Pythagoriciens et les Platoniciens, qui montrèrent l'insuffisance des explications par la seule matière, et prirent pour principes les Nombres et les Idées. Mais le progrès fut plus apparent que réel. Avec les nombres pythagoriciens, avec les idées platoniciennes, on est dans l'abstraction, et si savante que soit la manipulation à laquelle on soumet ces éléments, on reste dans l'abstrait. L'intelligence, émerveillée de la simplification qu'elle apporte à l'étude des choses en les groupant sous des idées générales, s'imagine sans doute pénétrer par elles jusqu'à la substance même dont les choses sont faites. À mesure qu'elle va plus loin dans la série des généralités, elle croit s'élever davantage dans l'échelle des réalités. Mais ce qu'elle prend pour une spiritualité plus haute n'est que la raréfaction croissante de l'air qu'elle respire. Elle ne voit pas que, plus une idée est générale, plus elle est abstraite et vide, et que d'abstraction en abstraction, de généralité en généralité, on s'achemine au pur néant.
Commenter  J’apprécie          00
Pour emprunter encore une fois aux platoniciens leur langage, nous dirons, en dépouillant les mots de leur sens psychologique, en appelant Idée une certaine assurance de facile intelligibilité et Âme une certaine inquiétude de vie, qu'un invisible courant porte la philosophie moderne à hausser l'Âme au-dessus de l'Idée. Elle tend par là, comme la science moderne et même beaucoup plus qu'elle, à marcher en sens inverse de la pensée antique.
Commenter  J’apprécie          00
Dans les deux cas [de la science et de la philosophie], expérience signifie conscience ; mais, dans le premier, la conscience s'épanouit au dehors, et s'extériorise par rapport à elle-même dans l'exacte mesure où elle aperçoit des choses extérieures les unes aux autres ; dans le second elle rentre en elle, se ressaisit et s'approfondit.
Commenter  J’apprécie          00
Henri Bergson
L'élan est fini, et il a été donné une fois pour toutes
Commenter  J’apprécie          00
La conscience, tourmentée d'un insatiable désir de distinguer, substitue le symbole à la réalité, ou n'aperçoit la réalité qu'à travers le symbole. Comme le moi ainsi réfracté, et par là même subdivisé, se prête infiniment mieux aux exigences de la vie sociale en général et du langage en particulier, elle le préfère, et perd peu à peu de vue le moi fondamental.
Commenter  J’apprécie          00
Peut-être la crainte entre-t-elle en effet pour quelque chose encore dans la compassion que les maux d'autrui nous inspirent; mais ce ne sont toujours là que des formes inférieures de la pitié. La pitié vraie consiste moins à craindre la souffrance qu'à la désirer. Désir léger, qu'on souhaiterait à peine de voir réalisé, et qu'on forme pourtant malgré soi, comme si la nature commettait quelque grande injustice, et qu'il fallût écarter tout soupçon de complicité avec elle. L'essence de la pitié est donc un besoin de s'humilier, une aspiration à descendre. Cette aspiration douloureuse a d'ailleurs son charme, parce qu'elle nous grandit dans notre propre estime, et fait que nous nous sentons supérieurs à ces biens sensibles dont notre pensée se détache momentanément.
Commenter  J’apprécie          00
Il suffit que dans la joie de l'enthousiasme il y ait plus que dans le plaisir du bien-être, ce plaisir n'impliquant pas cette joie, cette joie enveloppant et même résorbant en elle ce plaisir. Cela, nous le sentons; et la certitude ainsi obtenue, bien loin d'être suspendue à une métaphysique, est ce qui donnera à cette métaphysique son plus solide appui.
Commenter  J’apprécie          00
Quand on fait le procès du machinisme, on néglige le grief essentiel. On l'accuse d'abord de réduire l'ouvrier à l'état de machine, ensuite d'aboutir à une uniformité de production qui choque le sens artistique. Mais si la machine procure à l'ouvrier un plus grand nombre d'heures de repos, et si l'ouvrier emploie ce supplément de loisir à autre chose qu'aux prétendus amusements, qu'un industrialisme mal dirigé a mis à la portée de tous, il donnera à son intelligence le développement qu'il aura choisi.
Commenter  J’apprécie          00
On ne fait pas du mouvement avec des immobilités, ni du temps avec de l'espace.
Commenter  J’apprécie          00
Le rire châtie certains défauts à peu près comme la maladie châtie certains excès
Commenter  J’apprécie          00
Qu'est-ce que l'intelligence? La manière humaine de penser. Elle nous a été donnée, comme l'instinct à l'abeille, pour diriger notre conduite. La nature nous ayant destinés à utiliser et à maîtriser la matière, l'intelligence n'évolue avec facilité que dans l'espace [...] elle tend à la fabrication ; elle se manifeste par une activité qui prélude à l'art mécanique et par un langage qui annonce la science.
Commenter  J’apprécie          00
Ce n'est donc pas son changement brusque d'attitude qui fait rire, c'est ce qu'il y' a d' involontaire dans le changement, c'est la maladresse.
Commenter  J’apprécie          01
Le comique naîtra, semble-t-il, quand des hommes réunis en groupe dirigeront tous leur attention sur un d'entre eux, faisant taire leur sensibilité et exerçant seul leur intelligence.
Commenter  J’apprécie          00
Notre rire est toujours le rire d'un groupe.
Commenter  J’apprécie          00
Comment un fait aussi important, dans sa simplicité, n'a t' il pas fixé d'avantage l'attention des philosophes ?
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Henri Bergson (1313)Voir plus

Quiz Voir plus

On entend les noms d'écrivaines et d'écrivains

Elle correspondit sans discontinuer avec Madame Bovary à partir de 1863.

George
Louise
Mathilde
Pauline

12 questions
139 lecteurs ont répondu
Thèmes : Écrivains français , 19ème siècle , 20ème siècle , 21ème siècleCréer un quiz sur cet auteur

{* *}