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Citations de Henri de Régnier (268)


Les Lendemains

EXPÉRIENCE


J’ai marché derrière eux, écoutant leurs baisers,
Voyant se détacher leurs sveltes silhouettes
Sur un ciel automnal dont les tons apaisés
Avaient le gris perlé de l’aile des mouettes.

Et tandis qu’ils allaient, au fracas de la mer
Heurtant ses flots aux blocs éboulés des falaises,
Je n’ai rien ressenti d’envieux ni d’amer,
Ni regrets, ni frissons, ni fièvres, ni malaises.

Ils allaient promenant leur beau rêve enlacé
Et que réalisait cette idylle éphémère ;
Ils étaient le présent et j’étais le passé.
Et je savais le mot final de la chimère.

p.19

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LE JARDIN MOUILLÉ

La croisée est ouverte; il pleut
Comme minutieusement,
À petit bruit et peu à peu,
Sur le jardin frais et dormant,

Feuille à feuille, la pluie éveille
L'arbre poudreux qu'elle verdit;
Au mur, on dirait que la treille
S'étire d'un geste engourdi.

L'herbe frémit, le gravier tiède
Crépite et l'on croirait là-bas
Entendre sur le sable et l'herbe
Comme d'imperceptibles pas.

Le jardin chuchote et tressaille,
Furtif et confidentiel;
L'averse semble maille à maille
Tisser la terre avec le ciel.

Il pleut, et, les yeux clos, j'écoute,
De toute sa pluie à la fois,
Le jardin mouillé qui s'égoutte
Dans l'ombre que j'ai faite en moi.
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La taille échancrée des violons voisinait avec la rondeur des tambourins et faisait compagnie à la maigreur élancée ou noueuse des flûtes et des fifres. Tous ces instruments s’alignaient en guirlandes le long des murs et quelques-uns même, qui pendaient du plafond, oscillaient imperceptiblement, parmi lesquels un luth obèse à gros ventre semblait un oiseau sans ailes et prêt à pondre son œuf sonore.
Cette vue divertissait fort M. de Bréot et il restait assez souvent là à rêver. Il lui semblait peu à peu que tous ces instruments s’animaient, et il croyait en entendre le concert silencieux où s’ajoutait le timbre argenté du rire de la jolie marchande dont les dents blanches étaient d’un ivoire digne d’être incrusté aux manches des violes et aux panses des luths et dont les blonds cheveux eussent vibré délicieusement sous l’archet.

VII. OÙ REPARAÎT POUR DISPARAÎTRE M. FLOREAU DE BERCAILLÉ.
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Apaisement
EN FORÊT


On quitte la grand-route et l’on prend le sentier
Où flotte un bon parfum d’arôme forestier.

Dans le gazon taché du rose des bruyères,
Surgissent, çà et là, des ajoncs et des pierres.

Un tout petit ruisseau que verdit le cresson
Frôle l’herbe, en glissant, d’un rapide frisson.

Nul horizon. Le long de cette sente étroite
Une futaie à gauche, un haut taillis à droite.

Rien ne trouble la paix et le repos du lieu ;
Au-dessus, un ruban très mince de ciel bleu

Que traverse parfois, dérangé dans son gîte,
Un oiseau voletant, qui siffle dans sa fuite.

Puis c’est, plus loin, une clairière à l’abandon
Où noircissent encor des places à charbon ;

Des hêtres chevelus se dressent, en un groupe,
Des arbres épargnés à la dernière coupe ;

De grands troncs débités s’étagent en monceau ;
C’est tout auprès que prend sa source le ruisseau

Qui longe le sentier et traverse la route ;
Il sort d’un bassin rond qui filtre goutte à goutte,

Où tremble, reflété comme dans un miroir,
L’œil vacillant et clair de l’étoile du soir.

p.74-75
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À TRAVERS L'AN
MADRIGAL LYRIQUE


Vous êtes grande de tout un corps charmant
Dont l’ombre est à vos pieds, parmi les roses
Qu’effeuillent vos mains en rêvant ;
La douce fleur, pétale à pétale, se pose
En papillons légers et lents ;
La tige, peu à peu, s’envole de sa rose,
Et la flûte à l’écho s’accorde dans le vent.

Vous êtes belle de tout un visage qui sourit,
De vos yeux clairs qui vous font douce
À votre bouche
Où le sourire en sa grâce s’endolorit
Comme l’espoir
Qui, lèvre à lèvre, joint et touche
Les lèvres de la tristesse qui lui sourit
En son miroir...
La flûte avec le vent s’est tue au fond du soir.

Vous êtes belle de toute votre vie et de vos jours
Qui, un à un, vers vous s’en viennent
Menant l’Amour
Nu dans sa robe d’or et de laine
Avec sa gourde et son diadème ;
À vos roses il mêlera ses épis lourds
Et, pas à pas, la main dans la sienne,
Vous irez vers l’aurore et, dans la nuit sereine,
Où s’est brisée avec le vent ma flûte vaine,
Vous entendrez,
Une à une, sous les roses et les cyprès,
Chanter dans l’ombre les fontaines.

p.189-190
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La vérité est que M. de La Boulerie se pensait plus exposé qu'un autre au danger de vivre. M. de La Boulerie attribuait ce risque au nom qu'il portait et qui le désignait, comme du doigt, aux pièges des événements et à la malignité du sort. Il devait cette distinction et ce péril à la particule et à l'article qui précédaient son nom. M. de La Boulerie était noble, et il croyait fermement que, de notre temps, la noblesse est un avantage qui se paie cher et qui ne va pas sans de grands inconvénients ; mais il s'y résignait stoïquement avec une dignité mélangée de mélancolie.
La noblesse ! M. de La Boulerie était convaincu que le pays tout entier avait l'œil sur elle et qu'on se tenait toujours prêt à lui faire expier son antique privilège, au moins par toutes sortes de tracasseries. Au premier trouble, la fureur populaire se tournerait de ce côté. M. de La Boulerie voyait les cachots se rouvrir et la guillotine se dresser en permanence sur la place aux Bœufs. Mais, sans en venir là, la malveillance publique qu'on encourt à être noble emprunte les formes les plus diverses. M. de La Boulerie, par exemple, affirmait que ses feuilles d'impôts étaient intentionnellement surchargées, que ses fournisseurs augmentaient leurs prix pour lui seul, que ses lettres se perdaient ou arrivaient en retard par des menées préméditées, qu'il était guetté par tous les yeux, épié à tous les coins de rue, quand il sortait pour la messe de neuf heures. Il allait plus loin encore. Il prétendait qu'on volerait chez lui de préférence, de même qu'il avait plus de chances qu'un autre d'être renversé par une voiture ou mordu par un chien enragé, que le feu prendrait plus volontiers à sa maison qu'à la voisine et qu'on l'y éteindrait avec moins de zèle et que les pompiers ne seraient pas fâchés, après tout, de voir brûler la demeure d'un La Boulerie, non qu'ils eussent contre lui quelque motif de haine personnelle, mais simplement à cause de sa qualité de noble. Telle est la sourde animosité que vous vaut le hasard d'une naissance qui vous distingue du commun et qui, si elle vous sépare du vulgaire, vous met en butte à son hostilité.
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SONNETS 1888-1890
IV


Les lourds couchants d'Été succombent fleur à fleur,
Et vers le fleuve grave et lent comme une année
Choit l'ombre sans oiseaux de la forêt fanée,
Et la lune est à peine un masque de pâleur.

Le vieil espoir d'aimer s'efface fleur à fleur,
Et nous voici déjà plus tristes d'une année,
Ombres lasses d'aller par la forêt fanée
Où l'un à l'autre fut un songe de pâleur.

Pour avoir vu l'Été mourir, et comme lui
Lourds du regret des soirs où notre amour a lui
En prestiges de fleurs, d'étoiles et de fleuves,

Nous voilà, miroirs d'un même songe pâli,
Emporter le regret d'être les âmes veuves
Que rend douces l'une à l'autre le double Oubli.

p.264
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Mais que diable allez-vous chercher à Paris ! Les gens de cœur n’y sont guère à leur place. Ce n’est plus comme au temps des troubles où se présentaient mille occasions favorables et avantageuses à un honnête homme et où les degrés de la fortune étaient au pied du plus hardi.
» Ah ! monsieur, tout est bien changé !… Il faut que vous sachiez qu’il règne partout un ordre si bien établi par un roi puissant et minutieux que chacun n’est plus qu’un chaînon de la chaîne et une roue de la mécanique.

II. COMMENT M. DE BRÉOT AVAIT LIÉ CONNAISSANCE AVEC M. FLOREAU DE BERCAILLÉ.
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Si vous battez une femme avec une fleur,prenez plutôt une rose . Sa tige a des épines .

in "DONC" .
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Henri de Régnier
Le jardin chuchote et tressaille,
Furtif et confidentiel;
L'averse semble maille à maille
Tisser la terre avec le ciel...
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Celles qui fuyaient dans la forêt sont revenues,
Leur chevelure s'effile comme un soir de nues,
Les torches de jadis sont mortes en leurs mains nues.

Comme ce cœur saigna parmi ce bois de Faunesses
Entre les mains spoliatrices et chasseresses,
O quel cri d'angoisse écho des antiques détresses.

Elles qui portaient émeraude et rubis en frange
Par qui je fus ivre de chair et d'odeur étrange
A dire leur chevelure forêt ou vendange.

Ce fut en des soirs où chantaient les Voix et les Lyres
Où les cortèges menaient la danse des Satyres
Et les gemmes craquaient sous les pas parmi les rires.

La flamme, les cris, les rires sont morts et nous-mêmes...
Terne pierrerie à l'or frontal des diadèmes
Mourez selon les torches noires en les mains blêmes;

Et là-bas aux rampes des terrasses merveilleuses
Comme un lis se fane la quenouille des fileuses
D'attendre encor la laine des toisons fabuleuses !
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Il l’avait entrevue au théâtre, à travers les lumières de la scène, sous le fard, dans les costumes divers de ses rôles, avec ses amples paniers enguirlandés, sa coiffure élevée, parmi l’entrecroisement gracieux des figures de ballet qu’elle animait de sa danse élégante, spirituelle, noble ou passionnée. Elle se confondait dans son esprit avec la clarté des lustres, le mouvement de la musique et les événements fabuleux qu’elle représentait et dont elle débrouillait les intrigues de ses pointes promptes et légères. Elle était, en son souvenir, instable, changeante et fugitive, toute vaporeuse de gazes, tout illuminée du feu des diamants et comme volante de rythme et d’agilité, en une sorte de prestige mobile dont elle était le centre lumineux et qui rayonnait autour d’elle.
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ILS ont heurté les portes d'or
Du pommeau rude de leurs glaives
Et leurs lèvres étaient encor
Amères de l'embrun des grèves.

Ils entrèrent comme des rois
En la ville où la torche fume,
Au trot sonnant des palefrois
Dont la crinière est une écume.

On les reçut en des palais
Et des jardins où les dallages
Sont des saphirs et des galets
Comme on en trouve sur les plages ;

On les abreuva de vin clair
De louanges et de merveilles ;
Et l'écho grave de la mer
Bourdonnait seul à leurs oreilles.
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Au bout de ses bras pendaient des poings massifs et tout velus de poils fauves. Une courte et grosse perruque à rouleaux faisait ressortir, par sa blancheur poudrée, la teinte cramoisie du visage carré où l’on distinguait, dans une masse de chair comme bouillie, de petits yeux vifs, un rien de nez, une toute petite bouche en cul de poule avec une moue qui semblait prête à pondre.
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L'office commençait, comme ils entraient à l'église. Cette grand'messe était un rude supplice pour Mme de La Boulerie : corpulente et congestionnée, elle étouffait au milieu de tant de monde. A l'Evangile, elle était pourpre ; à l'Elévation, elle était cramoisie.
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LES LIVRES


Ils alignent leurs dos vêtus de cuirs divers
Où luit l’empreinte d’or des fleurons et des titres ;
Serrés sur les rayons, côte à côte, à travers
La clarté miroitante et bleuâtre des vitres,
Ils alignent leur dos vêtus de cuirs divers.

Les maroquins grenus et fins semblent du marbre ;
Les veaux polis ont la douceur souple des mains ;
Les chagrins sont rugueux comme une écorce d’arbre,
Et, parmi la candeur lisse des parchemins,
Les maroquins grenus et fins semblent du marbre.

Aux uns, le rouge ardent et les riches couleurs ;
Aux autres, la douceur des teintes assorties,
Le bleu-tendre, le vert et ses glauques pâleurs,
L’indécision des nuances perverties
Qui dérivent du rouge et des riches couleurs.

Ô livres, confidents de la pensée humaine,
Gardiens silencieux de trésors amassés,
Il est des heures où la fatigue ramène
Les cœurs pris de tristesse et les esprit lassés
Aux livres confidents de la pensée humaine.

Car entre leurs feuillets sommeille le parfum
De rêve confiés et d’intimes détresses,
De vœux inexaucés ; et c’est là que plus d’un
Mit ses plus chers espoirs, ses meilleures tendresses
Qui montent des feuillets comme un vivant parfum.

C’est vers eux qu’on s’en vient encore aux heures lentes
Lorsque, pris du dégoût des hommes coudoyés
Et de l’écœurement des choses ambiantes,
On appelle l’essor des rêves éployés ;
C’est vers eux qu’on revient toujours aux heures lentes ;

Et l’esprit allégé fuit sur l’aile des mots,
Trompant ainsi l’ennui des traînantes journées ;
Dans un oubli voulu du réel et des maux,
Au froissement fébrile des pages tournées,
L’esprit allégé fuit sur les ailes des mots.
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Henri de Régnier
Nos amis vont bien. Pierre Louÿs est admirable. Madame Forain fait son portrait. Valéry songe à Vinci et combine la mécanique délicate de ses pensées. Jacques Blanche peint la petite fille. On va, on vient, on se rencontre, chez Heredia, Bonnières ou Mallarmé où chacun, le Mardi, contribue à tisser de la fumée de sa cigarette la toile d’araignee qui s’étire, se rompt, se recommence, et remplit de son filet, le sombre boudoir du doux et sublime Maître.

Cher ami, je suis affectueusement votre :
Henri de Régnier.
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— Je suis l’Amour. Écoute-moi. Mes mains sont fortes
C’est en vain à mes pas que l’on ferme les portes
De la maison prudente et du jardin secret ;
Lorsque l’on ne veut pas que j’entre, j’apparais.
Je suis le visiteur impatient et l’hôte...
Que la lampe baissée ou que la torche haute
Éclairent plus ou moins mon visage, c’est moi !
Il n’est plus temps de fuir, alors que l’on me voit...
Que la frappe l’airain ou la marque le sable,
Accepte à son instant mon heure inévitable
Et ne t’attire pas mon regard irrité,
Mais attends-moi plutôt avec simplicité,
La porte grande ouverte et la table servie ;
Car, si veut ton destin que j’entre dans ta vie,
Ni le verrou massif, ni la clé, ni le chien
Qui aboie et qui mord, ni la serrure, rien
N’empêchera jamais, sache-le, que je vienne,
Si je le veux, poser ma bouche sur la tienne,
Quoi que tu fasses, malgré toi, un soir, un jour.
Mes mains sont fortes. Obéis. Je suis l’Amour. »
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SUR LA GRÈVE

Couche-toi sur la grève et prends en tes deux mains,
Pour le laisser couler ensuite, grain par grain,
De ce beau sable blond que le soleil fait d’or ;
Puis, avant de fermer les yeux, contemple encore
La mer harmonieuse et le ciel transparent ;
Et, quand tu sentiras, peu à peu, doucement,
Que rien ne pèse plus à tes mains plus légères,
Avant que de nouveau tu rouvres tes paupières,
Songe que notre vie à nous emprunte et mêle
Son sable fugitif à la grève éternelle.
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REPOS APRES L’AMOUR


Nul parfum n’est plus doux que celui d’une rose
Lorsque l’on se souvient de l’avoir respiré
Ou quand l’ardent flacon, où son âme est enclose,
En conserve au cristal l’arôme capturé.

C’est pourquoi, si jamais avec fièvre et délice
J’ai senti votre corps renversé dans mes bras
Après avoir longtemps souffert l’âcre supplice
De mon désir secret que vous ne saviez pas,

Si, tour à tour, muet, pressant, humble, farouche,
Rôdant autour de vous dans l’ombre, brusquement,
J’ai fini par cueillir la fleur de votre bouche,
Ô vous, mon cher plaisir qui fûtes mon tourment.

Si j’ai connu par vous l’ivresse sans pareille
Dont la voluptueuse ou la tendre fureur
Mystérieusement renaît et se réveille
Chaque fois que mon cœur bat contre votre cœur,

Cependant la caresse étroite, ni l’étreinte
Ni le double baiser que le désir rend court
Ne valent deux beaux yeux dont la flamme est éteinte
En ce repos divin qu’on goûte après l’amour !
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