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Citations de Howard S. Becker (39)


Au lieu de nous demander pourquoi les déviants veulent faire des choses qui sont réprouvées, nous ferions mieux de nous demander pourquoi ceux qui respectent les normes tout en ayant des tentations déviantes ne passent pas à l'acte.
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Est déviant non pas celui qui transgresse la norme mais celui dont on a intérêt à dire qu'il transgresse la norme.
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Tous les groupes sociaux instituent des normes et s'efforcent de les faire appliquer, au moins à certains moment et dans certaines circonstances. Les normes sociales définissent des situations et les modes de comportement appropriés à celles-ci : certaines actions sont prescrites (ce qui est "bien"), d'autres sont interdites (ce qui est "mal"). Quand un individu est supposé avoir transgressé une norme en vigueur, il peut se faire qu'il soit perçu comme un type particulier d'individu, auquel on ne peut faire confiance pour vivre selon les normes sur lesquelles s'accorde le groupe. Cet individu est considéré comme étranger au groupe [outsiders].
Mais l'individu qui est ainsi étiqueté comment étranger peut voire les choses autrement. Il se peut qu'il n'accepte pas la norme selon laquelle on le juge ou qu'il dénie à ceux qui le jugent la compétence ou la légitimité pour le faire. Il en découle un deuxième sens du terme : le transgresser peut estimer que ses juges sont étrangers à son univers.

Le double sens de "outsider", p. 25
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Le fait central en matière de déviance [est] que celle-ci est créée par la société. [...] Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme des déviants [outsiders]. De ce point de vue, la déviance n'est pas une qualité de l'acte commis par une personne, mais plutôt une conséquence de l'application, par les autres, de normes et de sanctions à un "transgresseur". Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès et le comportement déviant est celui auquel la collectivité attache cette étiquette. (p. 32-33)
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La déviance est une propriété non du comportement lui-même, mais de l'interaction entre la personne qui commet l'acte et celles qui réagissent à cet acte.
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Ce n'est pas parce qu'une norme existe qu'elle est automatiquement en vigueur. On ne peut pas rendre compte de l'application des normes en invoquant la vigilance constante de quelque groupe abstrait.
[...]
Premièrement, il faut que quelqu'un prenne l'initiative de faire punir le présumé coupable ; faire appliquer une norme suppose donc un esprit d'entreprise et implique un entrepreneur. Deuxième, il faut que ceux qui souhaitent voir la norme appliquée attirent l'attention des autres sur l'infraction ; une fois rendue publique, celle-ci ne peut plus être négligée. [...] Troisièmement, il faut y trouver un avantage : c'est l'intérêt personnel qui pousse à prendre cette initiative.
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En bref, les individus apprennent à participer à une sous-culture organisée autour d'une activité déviante particulière.
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Ne demandez pas "Pourquoi?" ; demandez "Comment?"
[...] En interviewant les gens, je me suis rendu compte que je déclenchais systématiquement chez eux une réaction de défense lorsque je leur demandais pourquoi ils faisaient telle ou telle chose. Quand je demandais à une personne pourquoi elle avait fait telle chose [...], elle avait l'impression que je lui demandais de se justifier, de trouver une raison vraiment valable pour expliquer l'action en question. Mes "Pourquoi?" recevaient systématiquement des réponses brèves, défensives et pugnaces [...].
A l'inverse, quand je leur demandais comment telle chose s'était produite [...], les personnes interrogées répondaient longuement, me racontaient des histoires pleines de détails intéressants, faisaient des récits qui mentionnaient non seulement les raisons pour lesquelles elles avaient fait telle ou telle chose, mais également les actions d'autres personnes ayant contribué au résultat auquel je m'intéressais [...].
[...] Mes "Comment?" donnaient plus de marge aux personnes interrogées ; [...] ils leur permettaient de répondre exactement comme elles voulaient [...]. Ils n'appelaient aucune "bonne réponse", n'avaient pas l'air de chercher à trouver le coupable de telle ou telle mauvaise action ou de tel ou tel résultat regrettable. Ils ne trahissaient qu'une sorte d'intérêt distant : "Tiens! Qu'est-ce qu'il t'est arrivé en route pour que tu arrives si tard au travail?". Mes "Comment?" ne "téléphonaient" pas le type de réponse attendu (dans le cas du "Pourquoi?", une raison justifiée par une intention). En conséquence de quoi ils invitaient les gens à inclure dans leur réponse ce qu'ils estimaient être important pour l'histoire, que j'y eusse pensé de mon côté ou non. (p. 105-107)
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Mais il convient de faire quelques distinctions préliminaires. Les normes peuvent se présenter sous des formes très variées. Elles peuvent être édictées formellement par la loi : dans ce cas les forces de police de l'Etat peuvent être employées pour les faire respecter. Dans d'autres cas, elles représentent des accords informels, établis de fraîche date ou revêtus de l'autorité de l'âge et de la traduction; des sanctions informelles de diverses sortes sont utilisées pour faire respecter ce type de normes.
De même, la tâche de faire respecter les normes - que celles-ci aient la force de la loi ou de la tradition, ou qu'elles s'appuient simplement sur un consensus - peut incomber à un corps spécialisé, comme la police ou la commission déontologique d'une association professionnelle ; mais cette tâche peut aussi être l'affaire de tout un chacun, ou moins de tous les membres du groupe auxquels les normes sont censées s'appliquer.
Les nombreuses normes que nul ne cherche à faire appliquer n’ont qu’un rapport tout à fait superficiel avec le type de norme qui m’intéresse ici. Par exemple, les « Blue laws » figurent encore dans les codes bien qu’elles ne soient plus en vigueur depuis une centaine d’années. (Mais il est important de se souvenir qu’une loi tombée en désuétude peut être réactivée pour diverses raisons et retrouver toute sa force originelle, comme cela s’est passé récemment dans le Missouri pour les lois régissant l’ouverture des établissements commerciaux le dimanche.) Des normes informelles peuvent pareillement dépérir si on ne les fait pas appliquer. Je m’occuperai ici principalement de ce que l’on peut appeler les normes effectivement en usage, celles que des groupes maintiennent en vie par leurs efforts pour les faire respecter.
Enfin, le degré exact auquel un individu est étranger - aux deux sens du terme précédemment mentionnés - varie d’un cas à l’autre. De celui qui commet une infraction de la circulation ou de celui qui a un peu trop bu dans une soirée, nous pensons que c’est un individu somme toute pas très différent des autres, et nous traitons sa transgression avec tolérance. Mais nous estimons que le voleur est déjà moins semblable à nous et nous le punissons sévèrement. Quant aux crimes tels que le meurtre, le viol ou la sédition, ils caractérisent à nos yeux leurs auteurs comme de véritables étrangers à la collectivité.
De même, certains transgresseurs ne pensent pas avoir été injustement jugés. Celui qui a enfreint les règles de la circulation admet en général les règles qu’il a violées. Les alcooliques ont souvent une attitude ambivalente : tantôt ils estiment que ceux qui les jugent ne les comprennent pas, tantôt ils reconnaissent que l’ivresse chronique est néfaste. Certains déviants enfin, dont les homosexuels et les toxicomanes sont de bons exemples, élaborent quant à eux une idéologie systématique expliquant pourquoi ils sont dans le vrai et pourquoi ceux qui les désapprouvent et les punissent ont tort.
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La déviance [est] le produit d'une transaction effectuée entre un groupe social et un individu qui, aux yeux du groupe, a transgressé une norme. (p. 33)
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Cela fait des années que je possède un exemplaire des "Philosophical Investigations" [de Wittgenstein], mais je lis ce livre comme Everett Hughes m'avait conseillé de lire les ouvrages de Georg Simmel, c'est-à-dire sans chercher à avoir une compréhension totale de ce que l'auteur a pu vouloir dire, mais plutôt comme une manière de susciter des idées utilisables pour mes propres recherches et réflexions. (p. 223)
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Un des plus grands obstacles à la production de descriptions et d'analyses correctes des phénomènes sociaux découle du fait que nous pensons connaître par avance la plupart des réponses. Nous considérons beaucoup de choses comme allant de soi parce que nous sommes nous aussi, après tout, des membres adultes et compétents de notre société, et que nous savons ce que tout adulte compétent sait. Nous avons, comme on dit, du "sens commun". Nous savons par exemple que les écoles servent à éduquer les enfants et que les hôpitaux servent à soigner les malades. "Tout le monde" sait ça. On ne remet pas en question ce que tout le monde sait ; ce serait stupide. Mais comme notre objet d'étude est précisément ce que tout le monde sait, nous devons le remettre en question, ou tout au moins suspendre tout jugement à son sujet, et aller voir par nous-mêmes ce que font les écoles et les hôpitaux, plutôt que d'accepter d'emblée les réponses conventionnelles. (p. 142)
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Lorsqu'il interviewait les membres d'une organisation, [Everett Hughes] leur demandait, avec son air du Midwest le plus innocent : "Vous trouvez que les choses sont mieux ou moins bien qu'avant par ici?" C'est une question géniale : presque tout le monde a quelque chose à y répondre, elle fait sortir les problèmes saillants de l'organisation et elle ne préjuge de rien - ni des choses qui pourraient être mieux ou moins bien qu'avant, ni de ce que l'on entend exactement par mieux ou moins bien. (p. 155)
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Considérez que ce que vous étudiez n'est pas le résultat de causes, mais le résultat d'une histoire, d'un récit, de quelque chose comme "d'abord ceci s'est produit, puis cela, puis cela encore, et c'est comme ça qu'on en est arrivé là". Cette approche nous fait comprendre l'apparition d'un phénomène en nous montrant les étapes du PROCESSUS qui l'ont engendré, plutôt qu'en nous montrant les conditions qui en ont rendu l'apparition nécessaire.
Mais on ne cherche pas à élaborer des histoires spécifiques du genre de celles que les romanciers et les historiens élaborent. On ne s'intéresse pas aux spécificités qui distingueraient notre histoire de toutes les autres. On cherche au contraire à élaborer des histoires typiques, des histoires qui fonctionnent à peu près de la même manière à chaque fois qu'elles se produisent. On ne cherche pas les effets invariants des causes, mais des histoires où toutes les étapes répondent à une logique, une logique qui peut parfois se révéler aussi implacable que la logique des causes. De ce point de vue, les événements ne sont causés par rien d'autre que l'histoire qui les a conduits à être ce qu'ils sont.
[...] Il ne s'agit pas ici d'une simple question de vocabulaire qui consisterait à substituer le terme de "processus" à celui de "cause". Cette approche implique véritablement une méthode de travail différente. Vous voulez comprendre comment un couple se sépare? Ne cherchez pas [...] les facteurs qui [...] différencient les couples qui se séparent de ceux qui restent ensemble. Intéressez-vous plutôt, comme Dianne Vaughan à l'histoire de la rupture, à toutes les étapes de ce processus, à la manière dont ces étapes sont liées entre elles, à la manière dont chacune crée les conditions propices ou nécessaires à la suivante - bref, essayez de fournir "la description en termes conceptuels des processus au cours desquels les événements se produisent". L'explication de la rupture réside en ce que le couple est passé par toutes ces étapes, non en ce que ses deux membres étaient tel ou tel type de personnes.
[...] On constate de manière empirique que des gens de toutes sortes passent par toutes ces étapes et qu'il ne semble pas exister de type particulier de personne susceptible de le faire, ni de situation spécifique qui pousserait les participants à le faire. [...] Ce processus [de séparation] est le même, que le couple soit marié ou non, hétéro ou homo, de classe populaire ou de classe moyenne [...].
Les histoires de processus n'ont pas de but prédéterminé. Elles peuvent avoir plusieurs fins possibles [...], dont certaines ne produisent pas le phénomène que nous voulions expliquer. Le couple, par exemple, peut finalement ne pas se séparer. A mesure que l'histoire se déroule, vous voyez apparaître tel ou tel facteur contextuel ou tel ou tel ensemble de circonstances qui rendent probable que l'histoire continuera à se dérouler sur un mode qui mène à la rupture. Mais cette issue n'est pas certaine. La seule chose certaine, c'est que les histoires qui aboutissent à une rupture empruntent toutes ce chemin. (p. 109-111)
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Il n'y a fondamentalement rien de mauvais dans les schémas de base de la pensée sociologique. Le problème, c'est que les sociologues ne les utilisent pas lorsqu'ils le devraient. Ils se créent leurs plus gros problèmes, et font leurs plus grosses erreurs, lorsqu'ils oublient la manière dont ils sont censés faire les choses. Et ils l'oublient parce qu'un engagement politique ou une inclination de tempérament les pousse à considérer le problème de manière étroite et à oublier toute l'étendue des possibilités que leurs théories fondamentales pourraient leur montrer s'ils y étaient attentifs [...].
[...] Exemple : les théories de la déviance. La soi-disant révolution de la "théorie de l'étiquetage" n'aurait jamais dû être nécessaire. Ce n'était ni une révolution intellectuelle, ni une révolution scientifique [...]. Aucun paradigme fondamental de la sociologie ne fut renversé. La "définition de la situation" [...] exige, par exemple, que nous comprenions la manière dont les acteurs voient la situation dans laquelle ils sont impliqués, et que nous découvrions comment ils définissent eux-mêmes ce qui est en train de se passer, afin de comprendre ce qui entre en jeu dans la production de leurs activités. Si les criminologues et les autres professionnels qui ont étudié ce qui allait plus tard recevoir le nom de "déviance" avaient fait cela, ils se seraient régulièrement enquis du point de vue des criminels, au de lieu de présupposer que les criminels ont des troubles de la personnalité ou qu'ils sont issus de milieux pathogènes. Ils auraient alors compris qu'il fallait qu'ils s'interrogent sur le mode d'action des forces de l'ordre au lieu de le considérer comme allant de soi.
La théorie de l'étiquetage n'a pas été une révolution, mais bien plutôt une contre-révolution, un retour conservateur à un courant de la pensée sociologique de base qui, d'une manière ou d'une autre, s'était perdu dans la pratique de cette discipline. (p. 73-76)
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Ce ne sont pas les motivations déviantes qui conduisent au comportements déviants mais l'inverse, c'est le comportement déviant qui produit au fil du temps la motivation déviante.
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Je ne pense pas que les idées sociologiques soient difficiles à comprendre.
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Les sciences idiographiques et les sciences nomothétiques se distinguent en ce que les premières traitent de cas particuliers pour en déduire des propositions générales, et les secondes visent à établir des lois générales dont on peut déduire des cas particuliers. (p. 199)
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Etre pris et publiquement désigné comme déviant constitue probablement l'une des phases les plus cruciales du processus de formation d'un mode de comportement déviant stable.
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Les premières phrases : Il m'est arrivé à plusieurs reprises d'animer un séminaire d'écriture pour étudiants doctorants, exercice qui exige un certain "culot". Car, normalement, on enseigne une matière quand on en sait quelque chose. Il est vrai que je pouvais prétendre à ce savoir dans la mesure où je produisais depuis près de trente ans des textes professionnels en tant que sociologue. J'ai bénéficié par ailleurs, de la part de plusieurs enseignants et collègues, non seulement de critiques de ma prose mais aussi de conseils innombrables sur la manière de l'améliorer. D'un autre côté, tout le monde sait que les sociologues écrivent fort mal et à un point tel que les littéraires arrivent à faire rire d'un style lamentable par une simple allusion à la "sociologie", tout comme des comiques de vaudeville font rire en citant des noms de lieu comme Trifouillis-les-Oies ou Petaouchnok (voir, par exemple, le texte polémique de Cowley, 1956, et la réponse de Merton, 1972). Toute cette expérience et les leçons prodiguées ne m'ont pas guéri des travers que je partage avec le gros de mes collègues.
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