Citations de Hyam Zaytoun (77)
La vie sans l'autre, quand on l'a partagée si longtemps, est-ce qu'on s'y habitue ?
- Je sais que je serai capable de m'en occuper, même s'il est handicapé, même s'il n'est plus le même. J'en suis capable. Pourvu qu'il sache qui je suis, qui nous sommes.
« Près de ton lit je dévisse.
Et tisse autrement.
Je gagne du temps.
Que nos enfants grandissent.
Que l’on s’aime encore plus.
A tes oreilles, je glisse une autre histoire.
Et tes lèvres pendront bien le relais mon amour .
Le temps s’est arrêté, pour mieux t'accompagner. »
Oui je me sens soudain si coupable. De ne t'avoir pas protégé, pas assez aimé, pas assez regardé. Si j'avais su, est-ce que j'aurais pu? Est-ce que l'on s'aime en s'épargnant? Cette énergie là, à vouloir toujours imaginer avec toi de nouveaux projets, un nouvel horizon, n'est-ce pas, depuis le début, la façon que j'ai de t'aimer?
L’oxygène te quitte peu à peu, je le vois à ton front, à ton visage qui perd sa couleur. Je donne mon poids dans ta poitrine, continue de t’appeler. Reviens mon amour. À l’autre bout du fil, la voix me dit: — Vous continuez. Je n’ai pas le droit de flancher puisque je sais quoi faire. Le temps passe, il faut qu’ils arrivent vite, les pompiers. Alors, le geste, le geste, le geste qui sauve, répétitif. Il fait passer ma peur, occupe mon énergie, 15 tout entière dans mes mains, dans mon dos qui s’incline, près de toi, en rythme…
Paul verse alors dans mon verre ce vin que je vais adorer : « Gewurztraminer », choc de consonnes et de voyelles, monde de saveurs et de sons, que je vais découvrir avec toi...
Paul verse alors dans mon verre ce vin que je vais adorer : "Gewurtztraminer" choc de consonnes et de voyelles, monde de saveurs et de sons, que je vais découvrir avec toi...
Pourquoi cette blessure? Pourquoi cette façon que tu as eue de ne pas sentir alors que tu sens si bien? Ceux qui te connaissent savent. On ne peut qu’être stupéfait. Tu sembles si solide. Le temps n’a pas de prise sur toi. Tu fais si jeune et les seize ans qui nous séparent l’un de l’autre ne se devinent pas. Tu portes tes deux enfants dans les bras sans ciller. Tu vas aider les copains à déménager, à bricoler. Tu n’es jamais malade. Et c’est arrivé, comme cela, d’un coup. Le cœur.
Je me sens tellement coupable.
Sans trop se poser de questions, on a inventé comment être une famille, à force d’empathie, de tendresse, de sentiment du juste ou bien du raisonnable.
C'est une nuit blanche que nous avons passée là. Tu souris et demande À partir de quand dit-on vraiment qu'elle est blanche ? Un tour inverse de cadran, une lune absente, qui font croire que rien n'est arrivé ? [...] Est-ce un rêve, mon amour, que je fais cette nuit pour toujours, à ne vouloir pas de demain ?
Cette part de ton absence que je remplis de mots, à faire de toi mon confident, mon unique.
Oui je me sens soudain si coupable. De ne t'avoir pas protégé, pas assez aimé, pas assez regardé. Si j'avais su, est-ce que j'aurais pu ? Est-ce que l'on s'aime en s'épargnant ? Cette énergie-là, à vouloir toujours imaginer avec toi de nouveaux projets, un nouvel horizon, n'est-ce pas, depuis le début, la façon que l'ai de t'aimer ?
Est-ce que l'on s'aime en s'épargnant ? Cette énergie-là, à vouloir toujours imaginer avec toi de nouveaux projets, un nouvel horizon, n'est-ce pas, depuis le début, la façon que j'ai de t'aimer ?
Il y a quelques jours, pour mon anniversaire, tu m'as invitée au restaurant. Cette attention m'a émue, parce que je sais combien pour toi, c'est compliqué d'être fêté, de fêter les autres. Comme une pudeur venue de l'enfance, une façon d'aimer au long cours qui n'aurait pas besoin d'extras.
Une semaine après ton réveil, le neurologue a eu ces mots:
-Pour l'instant vous avez quelques trous de mémoire, c'est normal. Un peu comme si vous aviez fait tomber votre bibliothèque et qu'il fallait à nouveau tout ranger.
A chacun de tes départs, je tremblais.
Il me fallait absolument inviter quelqu'un à la maison pour passer le cap de ton départ, devenir à nouveau capable de préparer le repas, jouer avec Margot, la baigner, la coucher, et passer alors un moment seule.
Pourtant le lendemain et les jours suivants, je savais de nouveau m'occuper de Margot avec plaisir, j'aimais la retrouver après mes répétitions, et m'attendais sans problème au petit marathon de la mère solo.
J'ai su, après, combien courante , mais taboue, est cette peur-là, cette solitude de la mère face au bébé qui ne parle pas encore, dépend entièrement de ses soins.
Un vertige dont on ne parle pas.
- Si tu reviens, mon amour, qu´est-ce qui en toi aura changé ?
Et si je me prépare au pire, parce qu’on me l’a demandé, parce que c’est toujours comme cela que je fais, depuis toute petite, et sans pouvoir faire mieux, je sens, en même temps, tellement présent cet entêtement fou, cette énergie d’amour et de colère, que ces mots tant de fois chuchotés me donnaient à connaître, il y a presque vingt ans.
En mon corps le même souffle, le même battement du cœur. Je vais me lever, longer le couloir, pousser la porte de la chambre.
Je poserai la main sur ta poitrine et peut-être tu frémiras :
- Je suis ta vigile, ta garde du corps...
La vie sans l'autre, quand on l'a partagée si longtemps, est-ce qu'on s'y habitue ?
Oui c'est toujours toi derrière l'objectif et toujours moi devant. J'aurais dû t'immortaliser mon amour.
Certaines nuits sont plus épaisses que d'autres. Celle-ci est trouée de tristesse.