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4.18/5 (sur 19 notes)

Biographie :

Fille d'alpiniste et femme de guide, Isabelle Scheibli écrit sur un sujet qu'elle connaît bien : la montagne.
Son livre "Le roman de Gaspard de la Meije" a été adapté à la télévision.






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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
C'est que Salomon est un coureur de cimes. Il vit par les hautes terres. Tout au long de l'année il parcourt les pics et les rocs sans se soucier de semer ni de récolter. Il sait tout de ces montagnes, il en a gravi toutes les pentes. Peut-être parce qu'il est fils de passeur de frontières. Il connaît ces lieux comme le paysan sa propre terre, avec toutes les créatures qui demeurent vivantes par ces hauteurs. Dans ces contrées d'abandon, chaque animal lui est un peu un compagnon. Mais surtout, il est chasseur ou plutôt braconnier. Il est de ceux qui ne craignent ni Dieu ni diable, de ceux qui ne respectent ni le roi, ni la république. Tel est Salomon dans son royaume d'en haut, un peu homme, un peu animal et peut-être aussi un peu montagne.
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À présent la montagne semble faire une trêve. Elle se laisse gravir. On dirait qu'elle est vaincue et qu'elle s'abandonne sans plus opposer de défense. Gaspard tremble, devant, parce que ça va bien. La roche est franche et facile, le sommet se rapproche, et il ne peut pas y croire. Il ne peut pas penser qu'on y est presque, parce que c'est trop beau, c'est trop de joie. Mais surtout, il sait que le Bec est un ennemi terrible, et qu'il faut le craindre jusqu'au bout. Autour il y a cette vilaine couleur du ciel, ces nuages qui s'assombrissent et ce vent qui se lève. Sans doute les dernières armes du Bec et de la Meije, qui se sont unis pour combattre. Mais eux n'ont plus peur à présent. Ils savent que la victoire est là, tout près, juste au-dessus d'eux. Et rien d'autre dans ce monde n'a d'importance.
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À mesure que descend le soir, l'air se fait glacé et vibrant comme du cristal. Gaspard est bien aise de retrouver ces montagnes qu'il avait quittées le temps d'un jour. Et il regarde ce pays inquiet, tout tendu vers le ciel comme pour une immense question, une éternelle prière. Il le voit qui se hausse et qui s'étire autant qu'il peut vers Dieu, là-haut. Alors il songe à ces enfants qui se dressent sur la pointe de leurs pieds et tendent leurs bras et leurs mains pour essayer d'atteindre leur père. Il pense aux femmes dans les églises, avec leurs mains jointes levées vers la croix pour implorer. Et il comprend qu'eux ici sont posés, accrochés,sur ce bout extrême de la terre, celui qui s'étire vers l'infini, qui est une perpétuelle prière, qui implore et supplie Dieu, depuis que le monde est monde, pour le salut des hommes. Il se dit que peut-être, eux qui peinent par ces montagnes, eux, sans le savoir, sont aux portes des cieux.
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Et eux sont là, au bord de la terre, aux limites du ciel, comme suspendus entre les deux. Ils restent un moment comme ça, dans le silence de ces hauteurs. Castelnau regarde Gaspard, et Gaspard regarde l'univers. Lui aussi se trouve bien. C'est comme s'il était au-dessus de toute la misère et du labeur, au-dessus de toutes les tristes choses de cette vie. Là en dessous, c'est gris et terne, sans joie, comme à travers une vitre sale. Ici tout paraît clair et facile. Ici tout est lumière, et on se sent lavé de la peine d'en bas.
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Clairon, le chien berger, vient à la fin du troupeau. Il se tient là comme un point final. Ce n'est qu'une grosse touffe de poils sans couleur, à la fois grise et marron, sous laquelle on ne sait, où se trouve l'avant, où se trouve l'arrière. Il va, sous cette folle crinière emmêlée, de droite, de gauche, en donnant de la gueule. Car il reprend sa tâche, celle de l'été dernier. Celle du pasteur qui inlassablement rassemble les bêtes et les mène là où l'herbe est meilleure. Celle du gardien, qui veille sur ceux qui traînent, ou qui s'égarent. C'est un rôle important, Clairon le connaît bien.
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Lorsqu'on arrive à la montagne, c'est pareil à une fête. Quand on arrive là, l'air est plus transparent, plus limpide, plus léger. On est tout près des cimes et plus près du ciel. Alors il y a comme mille petites aiguilles qui vous picotent à l'intérieur. Sans doute c'est ça, la joie. Et tous, là, tandis qu'ils gravissent la dernière grimpée, tous sentent cette drôle de chose qui pétille en dedans.
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Dès que Pierre s'était tenu bien dru sur ses jambes, le père lui avait montré comment on marche. Il avait montré les pas, lents et réguliers, toujours les mêmes, le corps pesant bien sur chaque enjambée. Il avait montré l'allure, toujours constante, surtout pas ralentir le train quand le sentier se redresse, mais pas de hâte non plus quand ça devient moins raide. Il avait expliqué comment faire remonter la lassitude tout au long du corps, des jambes jusqu'aux épaules. Elle vient se loger là, juste en haut du dos, et on s'en trouve tout allégé. Enfin, il lui avait appris à sentir ce grand soulagement qui s'installe partout à l'intérieur, quand arrive un replat ; c'est là qu'on reprend des forces pour continuer son chemin. Cette manière de faire, c'était le père qui la lui avait enseignée. Et tandis qu'il chemine, Pierre se souvient de toutes ces choses.
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Devant eux, ce n'est plus de la neige, mais de la pluie qui tombe à présent sur le vallon. Alors ils ramassent tout le matériel et puis chargent les sacs et commencent à descendre vers la Bérarde. Ils vont un moment sans rien dire. Puis ils se retournent, d'abord un, puis les autres, sur le sentier. Pour voir la Meije. Les nuages, là-haut, se sont effilochés, et voilà qu'elle apparaît. Elle est toute poudrée de neige, comme vêtue de dentelle blanche, sur le ciel sombre. Elle se dresse, immense, en face d'eux, et eux ont la gorge qui se serre à la regarder, à présent qu'ils sont montés sur sa cime. Jean-Baptiste éclaircit un peu sa voix et parvient à murmurer :
− Ça fait haut, vu d'ici...
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Et là, il y a Gaspard qui essaye de vivre, malgré cette mort qui rôde autour d'eux. Il est entré à l'intérieur de son corps, et il le visite dans sa tête. Il est allé donner du courage à ses pieds tout glacés, il est allé les aider à se détendre, à s'étaler, serrés comme ils sont dans les galoches dures et rigides. Et puis ses jambes, raides de fatigue, il les a caressées avec sa pensée, réchauffées en les flattant, et elles ont été contentes. Puis il y a eu les mains à qui il a parlé longtemps, en silence, s'adressant à chaque doigt en particulier. Il leur a dit que tout ça n'était qu'un mauvais songe, que bientôt on sortirait de là, et qu'on retrouverait la vie avec ses jours tranquilles, son bon soleil et sa douce chaleur. Il leur a dit tout ça et alors elles sont devenues tièdes de plaisir. Enfin ce fut le tour du ventre, durci de peur et de froid, le ventre qui fait comme un rondin au milieu de son corps. Il a fallu beaucoup de patience, beaucoup de douceur pour que, lentement, au bout d'un temps, il se fasse plus mou, il devienne plus souple, il se dénoue et se relâche un peu. C'est à sa qu'il s'est occupé, Gaspard, pris comme il est dans cette coquille de gel. Il sait qu'il lui faut sauver ce corps, car il est sa seule chance de salut. Il lui faut le garder capable de bouger, capable de s'accrocher encore sur le rocher et de descendre, capable de traverser le glacier et d'aller sur la caillasse, capable de marcher enfin jusqu'à la vallée. Là où se trouve le village et la terre des hommes, avec la douceur des foyers et ceux qui attendent.
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Et voilà qu’il prend pied sur le juste sommet de la Grande Meije. Alors il lance un cri énorme vers le ciel qui se trouve partout et qui est son seul témoin. Puis il se penche vers eux qui sont en bas :
- Ça y est, monsieur, y a plus au-dessus de moi que les nuages !
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