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Citations de Ivan Chméliov (35)


Ivan Chméliov
La dorure du Castelle s'épaissit ; on voit davantage de pierres grises ; l'automne avance plus vigoureux, ici coloriant, ici dévêtant. Dans les aubes plus fraîches les cigognes claquettent, puis elles volent en biseaux. Déjà, dans les jardins, sifflent les mésanges.
L'azur du ciel, dans un nouvel éclat d'automne, est plus vif. Les étoiles rendent les nuits plus noires et d'une profondeur infinie. Le cours de la voie lactée, laissant voir de plus en plus de nébuleuses, est plus net.
Le matin, les jeunes aigles commencent à jouer dans le ciel. Ils jettent des cris sonores au-dessus des vallées du Castelle et de la mer, et font des culbutes, heureux de leur premier vol lointain, tandis que, pour les surveiller, les vieux planent au-dessus d'eux.
La mer est devenue, elle aussi, bien plus noire. Le bondissement des dauphins, tournant comme une roue dentée, y jaillit plus souvent.
C'est donc l'automne, et le Babougane annonce les pluies...

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L'horizon, il ne faut pas le contempler. Il est trompeur comme les rêves. Il attire et ne donne rien. Il est bourré de bleu, de vert, de doré ; mais il ne nous faut pas de féérie ; elle est là, sous tes pieds, la vérité ...
Je sais que les vignes, sous Castelle, n'ont pas de raisin ; je sais que les blanches petites maisons sont vides, et que, sur les pentes boisées, sont éparpillées des vies humaines...
Je sais que la terre est imbibée de sang, que le vin sera âcre et ne donnera pas de joyeux oubli. La muraille grise de la Kouchekaïa, que l'on voit de si loin, a enregistré des choses horribles. Le temps venu, on les déchiffrera... (p20)
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Voici déjà la nuit close. Un vent furieux semble vouloir arracher même les étoiles ; elles tressaillent, tremblent, dans l'infini noir. Le vent lisse la mer, qui est comme une vitre froide. Les étoiles frémissent sur elle. Tout le monde s'est depuis longtemps verrouillé, frissonnant aux heurts ; on ne sait pas présentement qui pousse les portes. Et, dans les rafales du vent, des cris, des prières étouffées, arrive-vent...
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Il fait bon rester assis dans la paix matinale de la gorge aux vignes, et s'y cacher de tout. Rien que les ceps... Leurs rangs grimpent au long de la gorge, vers la liberté, là où se trouvent les vieux amandiers, là où sautillent les geais. Quelle cuve paisible ! L'un des côtés est encore à l'ombre ; l'autre est chaud, doré. C'est celui où se trouvent les jeunes poiriers couverts de grosses girandoles. En se retournant, on voit la large baie bleu sombre : la mer. La gorge dévale à pic, et dans son étroite fente, s'aperçoit, la coupe bleue de la mer ; il n'y a qu'à la boire des yeux ! (p36)
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Le soleil est descendu derrière le Babougane. Les montagnes bleuissent. Les étoiles commencent à blanchir. On ne voit plus de merle mais il siffle encore. Et là-bas aussi-où l'on a coupé les amandiers-il y en a un second...tous deux saluent leurs printemps. Mais pourquoi de façon si mélancolique ?...
J'écoute jusqu'à la nuit noire.
Voici la nuit. Le merle se tait. Il recommencera à l'aube...nous l'écouterons pour la dernière fois.

( Derniers paragraphes )
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L’histoire ne tient aucun compte des terrains vagues, des berges des rivières désertes, des fosses à ordures, des taudis, des fillettes russes qui troquent contre des pommes de terre leurs corps d’enfants ; elle n’a cure des vétilles. Elle est occupée de trop grandes choses et de trop grands exploits pour prendre son vol sur ces vétilles !… Elle inscrira ceux qui communiquent par radio avec l’univers, ceux qui passent des revues sur les places, ceux qu’on invite aux congrès et qui portent les fracs décents d’un tailleur de Londres ; elle ne parlera pas de toi, Ver-perche ; elle parlera de ceux qui, en votre nom, gens perdus, décident du sort de votre descendance sacrifiée. Mille plumes notent en criant ce qui est agréable à leurs oreilles ; mille plumes vendues et menteuses étouffent le bruit de vos gémissements bègues.

(p. 182)
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Encore plus à droite, le bonnet velu du Babougane boisé. Les matins le dorent, mais il est d'habitude d'un noir profond. Telles des soies, on y aperçoit, quand le soleil liquéfié vibre derrière lui, les aiguilles des arbres résineux. C'est de là que viennent les pluies. C'est là que le soleil se couche. Il me semble, je ne sais pourquoi que c'est de ce sombre et noir Babougane que descend la nuit...
Il ne faut plus songer à la nuit, ni à ces rêves décevants, ou rien n'est d'ici-bas. La nuit prochaine ils reviendront. Le matin arrache les rêves. Voici, là, en dessous, la vérité nue.
L'horizon, il ne faut pas le contempler. Il est trompeur comme les rêves. Il attire et ne donne rien. Il est bourré de bleu, de vert, de doré ; mais il ne nous faut pas de féerie ; elle est là sous tes pieds la vérité.
( premier chapitre)
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L'Allemand marchait en se dandinant, à la façon des obèses ; Ivan, comme un niais, avait les yeux fixés sur le large dos, la nuque rougeaude, plissée. Tout lui répugnait dans cet homme : les pans de son habit qui ballotaient avec des boutons brillants à la ceinture, son bâton sec, muni d'un écrou, le bonnet rapiécé, le cigare qui empestait. Ils rencontrèrent un peloton de soldats qui marchaient au son du tambour. Ivan se rappela sa compagnie et devint pensif. Personne ne l'examinait : on savait que ce loqueteux aux yeux gris, à la haute taille-était le prisonnier russe Ivan. il y en avait bien d'autres. Seule une vieille avec un sac d'herbe et petit chien en laisse, le regarda dans les yeux, remua les lèvres. Comprenant que la vieille le plaignait, Ivan se rappela sa mère.
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Tu vas ton chemin et te dis:dans un instant, j'entendrai la douce prière, refrain si simple et pourtant si particulier, refrain enfantin, chaleureux, et les images soudain te veindront d'un petit lit d'enfant et d'étoiles.
Идешь и думаешь: сейчась услышу ласковый напъвъ-молитву, простой, особенной какой-то, дътски, теплый.. и почему-то видится кроватка, звъзды.
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Quittez vos vénérables bureaux, confortablement éclairés de douces lampes, et les milliers de volumes dont les reliures dorées cachent la réalité nue de la vie ; allez-y voir vous-mêmes ! Vous n’aurez plus sous les yeux du papier couvert de mots : vous verrez des âmes vivantes ensanglantées, rejetées comme des détritus. Vous verrez tout, si seulement vous voulez voir !…

(p. 132)
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Je m'arrache à la vue de la mer, je marche, comptant mes pas pour détourner mes idées... Maintenant cognons dur sur les racines millénaires des chênes, enfouies dans la terre...
Les parois forment ici une coupe qui tapissent de noueux pieds de charmes. Au-dessus est le ciel. Cogner sans penser ! Et si les pensées vous assaillent, il faut les arracher aux broussailles, les balayer, les disperser; il faut regarder les étranges formes des charmes, caprices de la nature. Ce ne sont pas des arbustes, mais de merveilleuses métamorphoses... on ne sait quelles mystérieuses allusions à on ne sait quoi...
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– Et Kouleche est mort… me dit Lalia en mâchant, mort de faim…
– Oui, Kouleche est mort. Il a cessé de souffrir. Toi, as-tu peur de la mort ? (…)
– Non… De quoi aurais-je peur ?… répond-elle en cassant une coque avec ses dents. Maman dit que lorsqu’on meurt sans souffrir, c’est comme si on dormait… Dormir, et ensuite tout le monde ressuscitera. Et tout le monde sera en chemise blanche, pareil à des anges, avec des petites mains comme ça… Tenez là, sous votre main, sous votre main… une, deux… quatre amandes !
Kouleche est mort. Il est allé recevoir la chemise blanche et voir les petites mains comme ça… Il ne souffre plus.

(p. 172-173)
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Je ne prends plus les routes. Je ne parle plus avec personne. La vie est une lampe qui a fini de brûler ; maintenant, ça charbonne. Je regarde les yeux des animaux. Mais il n’en reste guère.

(p. 170)
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Je n’ai plus de Dieu. Le ciel gros bleu est vide. Les parois de schiste et d’argile sont mes gardiens. Elles me cachent le désert. Il y vit des « natures mortes » : des pommes, du raisin, des poires…
Je descends sur le schiste mouvant examiner mes provisions. Les choses vont mal pour les pommiers : la cétoine dorée en a mangé les fleurs. Accourues par milliers au moment de la floraison, elles se jetaient dans les calices blancs, suçaient, rongeaient les étamines dorées ; je les enlevais lorsque vers midi, elles s’endormaient.

(p. 35)
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Assis sur un tertre, je regardais, par-delà la petite ville, le cimetière. J’épiais la vie des morts. Quand le soleil se couche, la chapelle du cimetière flamboie magnifiquement. Le soleil rit aux morts. Je regardais, en résolvant le problème vie et mort. Le miracle peut-il exister ? Le Ciel s’ouvrira-t-il ? Et existe-t-il quelque part, ce Ciel ?… (…) Je resterai témoin de la vie des morts. Je boirai tout le calice…

(p. 286)
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C’est donc l’automne, et le Babougane annonce les pluies…
Au petit jour viennent me voir des êtres humains, qui ne sont déjà plus de ce monde… Ils me regardent, regardent en moi, dans le calme pétrifié de l’aube, avec des yeux suppliciés… Les yeux éteints des animaux sont pleins, eux aussi, de leur douleur d’incompréhension et d’angoisse ; pourquoi regardent-ils ainsi ? Que demandent-ils ?…

(p. 171)
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Les vaches elles-mêmes ont disparu dans le vent. Il ne reste, dans la ferme muette, que le vide et le sang. Grichka Ragouline, le grêlé, un matelot désinvolte et avide, tout récemment encore voleur de poules, commissaire du district pour les forêts et les routes, vint une nuit chez la servante du lieu, et la tua, d’un coup de baïonnette dans le cœur, parce qu’elle lui résistait. Les enfants, à leur réveil, à l’aube, trouvèrent leur mère la baïonnette dans le cœur. Les femmes lui chantèrent le "Requiem", et crièrent tout haut l’offense faite à leur sœur de labeur, demandant que l’assassin fût jugé. On leur répondit à coups de mitrailleuse. Grichka-le-désinvolte ne passa pas en jugement ; on l’envoya… faire le commissaire plus loin.

(p. 134-135)
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Je sais bien, maintenant, comment tremblent les poules, comment elles se faufilent dans les églantiers, sous les murs, comment elles se glissent dans les cyprès, comment elles frémissent, en allongeant ou rentrant leur cou, comment elles clignent leurs pupilles effrayées. Je sais bien comment les hommes ont peur des hommes – sont-ce des hommes ? – comment ils fourrent leurs têtes dans les trous et creusent en silence leurs tombes…
Cela sera pardonné aux vautours – c’est là leur nourriture de chaque jour.
Nous mangeons des feuilles et tremblons devant des vautours ! La petite voix de Lalia effraie les mangeurs de charogne ailés… Mais les yeux d’une enfant n’effraient pas ceux qui viennent tuer.

(p. 48)
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Bien qu’il y ait peu de raisin, que c’est merveilleux ! C’est mon travail – mon dernier travail… Au printemps j’ai déchaussé chaque pied, arraché les gourmands, enfoncé des piquets dans le schiste, et lié les pousses. Alors… – ah ! que c’est loin ! – assis près de cet échalas tordu, je contemplais la coupe bleu sombre de la mer, miroitant à travers la fissure de la gorge. La mer brûlait d’un feu bleu. Dieu l’a créée : bois-la des yeux !
Je la buvais… à travers mes larmes.

(p. 41)
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Je mets mes haillons… Un chiffonnier en rirait en les fourrant dans son sac… Que comprennent les chiffonniers ? De leurs crochets, ils accrocheraient même une âme vivante pour l’échanger contre des liards. Ils feront, un jour, de la colle avec des os humains, et, avec du sang, des cubes de bouillon… C’est maintenant le bon temps pour eux – ces rénovateurs de la vie !… Les chiffonniers promènent à travers la vie leurs crochets de fer.

(p.18)
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