Citations de J. Courtney Sullivan (201)
Quand la statue de la Liberté se découpa sur l'horizon, le jour de leur arrivée à New York, on aurait dit que tous les gens à bord s'étaient alignés le long du bastingage pour l'apercevoir. Nora se demanda si le bateau n'allait pas chavirer.
Les gens lisaient des récits de meurtre, de viol, de scandale ou bien ils regardaient la télévision pour se distraire de tout ce qui n'allait pas dans leur propre vie.
Il était étonnant qu'on ne devienne pas un chagrin ambulant, dégoulinant de peine. Il pouvait rester en sommeil pendant des jours, des semaines, des années. Vous aviez l'air d'une personne tout à fait normale aux yeux des autres. Sans prévenir, le chagrin pouvait vous transpercer les côtes, vous cogner l'estomac, vous couper la respiration. Mais même alors, vous faisiez bonne figure. La Terre continuait de tourner.
Arlo pensait que la vie était courte, et que vous ne deviez fréquenter que des gens que vous appréciez. Il pensait aussi que la loyauté se méritait, et que les liens du sang ne vous obligeaient pas à être proches.
Patrick tenait un chapelet en cristal dans une main. Elle sut alors avec certitude qu'il était mort.
Finalement, un prêtre était le sex-symbole ultime : toujours constant, gentil, heureux de vous voir et d'écouter vos problèmes. Totalement inoffensif et pourtant vaguement sexuel, son voeu de chasteté produisant finalement l'inverse de l'effet voulu : tout le monde ne pensait qu'au sexe en lui parlant.
Plus tard Célia repenserait au week-end du mariage de Sally comme à un commencement, et elle se surprendrait à souhaiter qu’il se soit passé autrement. Si seulement elles avaient trouvé le moyen de changer le début, songeait-elle, peut-être que ce qui s’était passé par la suite ne serait jamais advenu.
Le lendemain, par égard pour Sally, elles posèrent pour les photos, mangèrent du gâteau, dansèrent sous la pluie et se rassemblèrent dans le hall de l’hôtel pour porter un toast au champagne et échanger une tempête de baisers, avant de l’envoyer en lune de miel. Mais les blessures de la nuit précédente étaient encore cuisantes. Leurs adieux furent tendus, et, pour la première fois, elles se sentirent soulagées lorsque ce moment vint.
Elle parla aussi du poids de la technologie. Pas une seule novice ces dernières années n’avait passé la porte du couvent sans mentionner à quel point elle serait heureuse de ne plus avoir de messagerie, de téléphone portable. Le mot qu’elles utilisaient toutes était le bruit. Elles pouvaient à peine supporter le bruit. La vie en était devenue trop pleine. Plusieurs moniales dans la hiérarchie de l’abbaye mettaient en doute cette motivation. Certaines pensaient qu’elle démontrait un manque de dévotion, mais mère Cecilia n’était pas d’accord. Chaque génération était arrivée à l’abbaye chargée de ses propres fardeaux. Chaque religieuse était un produit de son époque, comme tout un chacun.
Au fil des ans, il y eut des moments où l’un des trois autres enfants accaparait ses pensées. A mesure qu’ils grandissaient, Nora les connaissait mieux. C’est une chose que personne ne vous dit jamais. Qu’il vous faudra apprendre à connaître vos propres enfants.
Pour conserver un mariage ardent
Dont la coupe est remplie d'amour,
Chaque fois que vous avez tort, admettez-le
Et chaque fois que vous avez raison, fermez-là.
« Ses seins devinrent gonflés, étrangers, au fil des semaines. Son ventre était tendu comme un tambour. Elle ne pensait pas à la chose à l’intérieur de son corps comme à un enfant. C’était une chose indésirable qui lui arrivait, l’assiégeait puis passerait comme une brûlure, une ecchymose ou une grippe. Elle se sentait horriblement seule. Elle pensait que Dieu avait été ingénieux de la punir d’être allée seule au dancing en la laissant vraiment seule ici. Parfois, elle était réveillée au milieu de la nuit par des cris. Des filles disparaissaient et nul n’en parlait plus. »
« C’était bien la partie la plus difficile du rôle de parent. Vos enfants évoluaient dans leur propre monde, où vous ne pourriez jamais les protéger. Ils vous appartenaient, sans pour autant être à vous. »
« Il était étonnant qu’on ne devienne pas un chagrin ambulant, dégoulinant de peine. Il pouvait rester en sommeil pendant des jours, des semaines, des années. Vous aviez l’air d’une personne tout à fait normale aux yeux des autres. Sans prévenir, le chagrin pouvait vous transpercer les côtes, vous cogner l’estomac, vous couper la respiration. Mais même alors, vous faisiez bonne figure. La Terre continuait de tourner. »
Il avait été assez sensé pour ne pas avoir d'enfants, il ne connaissait donc pas cette sensation exaspérante qui consistait à s'inquiéter pour une personne sur laquelle on n'a aucun contrôle. Quelqu'un dont vous êtes responsable et qui, pourtant, n'a pas de comptes à vous rendre.
"Cette culture a engendré un mythe selon lequel une fois qu'une femme devient mère, elle perd ses droits de femme: elle s'interdit tout désir sexuel, toute passion, tout rêve. Et ça, c'est tout simplement faux. Notre âme ne change pas sous prétexte qu'on a des enfants, ça ne produit pas de changement moléculaire." p459/460
"Oh, c'est magnifique ! Bien plus beau que sur la photo !"
C'était assez charmant, il fallait bien l'avouer, le genre de chose qui transportait votre imagination, qui vous faisait croire que vous aviez grandi dans un coin de la campagne anglaise, que vous y éleviez des moutons et y lisiez de la poésie à la tombée du jour, que le mal avait disparu du paysage pour l'éternité, que le monde marchait enfin droit et avec le sourire.
[1947]
La vie d'une célibataire comme Frances ne l'aidait en rien à rédiger les publicités De Beers. Elle s'était donc tournée vers ses collègues, ses amies et ses colocataires. Que désiraient-elles le plus ? Se marier. De quoi avaient-elles peur ? De la solitude. La guerre n'avait fait qu'aviver ces deux sentiments. Frances en tint compte et appuya sur ces deux points sensibles. Elle essaya de transmettre l'idée que le diamant avait le pouvoir magique de prévenir toute tragédie. [...]
La plupart du temps, les publicités s'adressaient aux hommes, puisque c'était eux qui achetaient les bagues. Il s'agissait de montrer des images de gentlemen. Rien de tel qu'un diamant pour évoquer le bon goût et la réussite sociale, sans avoir ni l'un ni l'autre.
(p. 25)
[Etats-Unis, 1972]
Lorsqu'elle avait l'âge de Teddy [dans les années 50], on ne parlait de divorce qu'à voix basse. C'était matière à scandale. La dernière porte de sortie pour échapper à un conjoint alcoolique ou fou. Ces dernières années, le divorce semblait s'être infiltré partout. Certains Etats avaient même introduit une loi sur le divorce 'sans faute' [...] Sans faute... C'était une logique de juriste. Dans les faits, un mariage ne se brisait jamais sans raison. Il y avait toujours un responsable.
(p. 168)
Au lycée, les gens de sa classe le considéraient comme un des plus beaux mecs, même s'il n'était pas aussi grand que son frère. Sheila lui répétait tout le temps qu'elle avait de la chance qu'un type aussi canon l'ait choisie. Il se souvenait de l'électricité qu'il y avait entre eux lors des boums du CYO*. Les bonnes soeurs utilisaient des réglettes afin qu'ils respectent une distance de sécurité, pour laisser de la place au Saint-Esprit.
(p. 81-82)
* Catholic Youth Organization : association fondée sur les mêmes principes que le Mouvement eucharistique des jeunes en France, et visant à la préparation de leur vie catholique. (NdT)