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Citations de Jacques Lusseyran (156)


Mes parents étaient la protection, la souffrance, la chaleur. Je l'éprouve encore aujourd'hui, quand je songe à mon enfance, cette sensation de chaleur au-dessus de moi, derrière moi, autour de moi. Cette impression merveilleuse de ne pas vivre encore à son compte, mais de s'appuyer tout entier, du corps et de l'âme, sur d'autres vies qui acceptent.
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C’était un préjugé - d’ailleurs commun à presque tous les hommes - : celui qu’il existe deux mondes, l’extérieur et l’intérieur. [...] Il y a un seul monde. Les choses extérieures n’existent que si tu jettes vers elles tout ce que tu portes en toi. Quant aux choses intérieures, tu ne les verras jamais bien, à moins que tu ne laisses entrer toutes celles du dehors.
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Je comprenais que notre liberté n’est pas dans le refus de ce qui nous frappe. Être libre, je le voyais, c’était, acceptant les faits, de renverser l’ordre de leurs conséquences.
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Prenons l’exemple d’une femme : c’est plus clair. Mme X est assise à l’autre bout du salon. Je le sais, je l’entends. Je la vois même distinctement à l’extrémité de la pièce. Mais voici que, la conversation aidant, Mme X souhaite faire des confidences, et les faire à moi ce jour-là. Je la vois aussitôt s’approcher. Notez bien qu’elle est restée assise très honorablement dans son fauteuil là-bas, à quelques mètres. Elle n’a pas bougé, et même souvent, elle n’a rien dit. Mais je la vois qui s’approche. Il y a deux Mme X maintenant : celle que les autres voient adossée contre la fenêtre, et celle que je vois, à mi-chemin de la fenêtre et de mon fauteuil.
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Parfois je distingue votre corps, je regarde vos yeux ou vos doigts. Mais c’est alors signe que vos doigts ou vos yeux, le pli de votre bouche ou l’impatience de vos jambes sont en train de parler pour vous, de participer à ce que vous dites, de vous exprimer enfin. Ce qui n’est pas toujours le cas : il est des gestes arbitraires.
Plus souvent, je vous vois, mais d’une manière très peu anatomique. Je ne vous détaille pas. Je vous attrape (je dirais aussi volontiers je vous reçois) à l’instant où vous arrêtez la lumière que je tends vers vous. Vous faites une ombre. Cette ombre se diversifie presque immédiatement, se met en forme, se colore, mais selon d’autres rythmes que ceux des yeux. Si vous ne tenez pas en place, si ma conversation vous agace, votre ombre alors se disloque : il en part des morceaux à droite, à gauche, en arrière. Si vous êtes attiré vers moi par l’amitié ou l’intérêt, votre ombre est toute proche. Elle tend à s’intégrer dans la mienne. De là des sensations si particulières que, généralement, je me tais sur elles, par discrétion, pudeur ou timidité, à votre choix.
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Quand je dis « lumière », je ne songe pas aux objets lumineux, au tourbillon de reflets et d’oscillations qui forme l’univers visuel.
Je songe à la source qui, elle, est au-dedans.
La source précède le fleuve et tous les accidents de son cours, tous les objets vus. On peut tarir les objets, la source demeure.
Ce courant essentiel de lumière, cette puissance de lumière qui n’attend pas, pour être, que nous nous servions d’elle, elle est canalisée pour vous, commodément, pratiquement, à travers les yeux du corps. Il en résulte un monde, le vôtre. Mais si les yeux sont fermés accidentellement, elle n’en crée pas moins un monde : le mien, le mien puisque c’est moi qui parle.
Sont-ils semblables, ces deux mondes ? Oui. Je n’hésite pas à le dire, parce que, depuis plus de vingt ans, leur coïncidence m’a frappé cent fois. Pourtant, cela n’est pas vrai au sens banal du mot « semblable ».
Ne me demandez pas, par exemple, de vous dire si vous êtes blonde ou brune, maigre ou ventripotent, de le deviner. Ne faites pas cela, tout simplement parce que ces questions ne concernent pas la vue, mais les reflets seulement, et les plus futiles. Je ne vous vois pas blonde ou brune, peignée ou les cheveux fous, levant le bras ou le baissant. Je vous vois, ce qui est une autre affaire.
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Mes amis eux-mêmes s’y trompent souvent : ils ne savent pas ce que je dis quand je dis « lumière ». Cela ne prouve pas qu’ils soient sots - au contraire bien souvent - mais qu’ils ont des habitudes et qu’ils n’ont pas eu l’occasion, comme moi, de les perdre. Les yeux du corps se placent entre eux et leur regard intérieur. Ce regard, ils l’ont nécessairement, mais ils ont aussi un casque sur la tête.
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Donc, je suis aussi impuissant que vous à ne pas voir le monde.
Comme vous, je peux fermer les yeux, mais c’est un acte volontaire et toujours bref. Je crois même qu’il m’est plus difficile qu’à vous, car je n’ai pas le recours de clore les paupières (j’entends les paupières physiques).
Je dois accomplir, pour éteindre un instant la vue, une opération intérieure beaucoup plus brutale et plus artificielle.
Je nage positivement dans la lumière et dans toutes les formes qui naissent d’elle. La lumière, c’est mon élément. J’en suis fait.
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Cessant de mendier aux passants le soleil, je me retournai d'un coup et je le vis de nouveau: il éclatait là dans ma tête, dans ma poitrine, paisible, fidèle.
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Les vrais yeux travaillent en dedans de nous.

Tant pis si le vocabulaire fait défaut, s’il est faible.

Voir, c’est un acte fondamental de la vie, un acte indéchirable, indestructible, indépendant des outils physiques dont il se sert.

Voir, c’est un mouvement que la vie fait en nous, avant les objets, avant toute détermination extérieure.

Avant les objets, et après eux si, par accident, les instruments matériels de la rencontre viennent à manquer.

C’est au dedans de vous que vous voyez.

Si la lumière intérieure ne nous était pas donnée d’abord, et par conséquent les couleurs aussi, les couleurs qui sont la monnaie de la lumière, jamais nous ne pourrions admirer les couleurs du monde.

Voilà ce que je sais après vingt-cinq ans de cécité.
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Je me suis dressé dans mon armure d’habitudes, dressé moi-même entre lui et moi. Je vais donc me tromper, être trompé, m’établir enfin dans ma solitude — une solitude hostile.
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Ce qui m’empêche de lire dans la pensée d’autrui, ce n’est pas le silence d’autrui, ou même ses mensonges. C’est le bruit que je fais, dans ma tête, à son sujet. Avant d’aller à lui, je calcule, je pèse et contre-pèse les mérites et les torts, je tire déjà ma conclusion.
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"Quand je serai parti, me dit-il, il ne faudra plus que tu penses à moi: cela te ferait du mal. D'ailleurs, je serai avec toi beaucoup plus qu'avant. En toi. Je ne peux pas dire cette chose. Non, je ne te dis pas de ne plus penser à moi... mais il faudrait que tu penses à moi autrement. Je suis ce que je suis, mais une fois parti, je serai autre chose."
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La joie ne vient pas du dehors. Elle est en nous quoi qu'il nous arrive. La lumière ne vient pas du dehors. Elle est en nous, même sans les yeux.
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Paris occupé avait l’air de prier sans interruption. Paris avait l’air d’appeler quelqu’un. C’était un grand cri muet.
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L'affection, l'amour nous mettraient-ils si près des êtres que nous ne puissions plus évoquer leur image? Peut-être même, à cause de notre amour, ceux que nous aimons, nous ne les avons jamais vus complètement.
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Un groupe d'hommes qui séjourne dans une pièce par contrainte - ou par obligation sociale, ce qui revient au même - ne tarde pas à sentir mauvais. C'est à prendre à la lettre.
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Nous gagnerions tous beaucoup à mettre la mémoire en quarantaine.
La petite mémoire du moins, la mesquine, l'encombrante, celle que nous fait croire à cette irréalité, à ce mythe : le Passé.
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J'apprenais que la poésie est un acte, une incantation, un baiser de paix, une médecine. J'apprenais que la poésie est une des rares, très rares choses au monde, qui puisse l'emporter sur le froid et la haine.
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Une voix belle ( et belle veut dire beaucoup ici, veut dire que l'homme de la voix est beau) restait belle à travers la toux, et le bégaiement. Une voix laide, au contraire, pouvait se faire douce, se parfumer, ronronner tout à son aise, chanter comme une flûte: elle est laide à jamais.
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