Citations de Jacques de Bourbon Busset (262)
Ne pas oser parler des morts, c'est les faire mourir une seconde fois.
J'ai entassé les titres comme un avare accumule les pièces d'or : dictateur à vie, divin, imperator. J'ai donné mon nom à un mois de l'année, et ma statue trône dans le temple de Quirinus. Aujourd'hui, enfin, dans quelques heures, le Sénat me décernera la couronne.
Mon métier me permet de mesurer le vide de ces mots accumulés. Que l'on cherche à amuser, à passionner, soit. Mais comment obtenir à la fois les gros tirages et l'estime du petit nombre.
Ton regard du dernier jour te résumait. Quand je l'ai reçu, je t'ai reçue tout entière pour toujours, je ne cesse d'écouter le timbre de ce regard.
[...] cette étrange complicité qui faisait de nous les coauteurs d'un roman où se mêlaient les lianes vertes du sentiment, , les étincelles des idées, les nénuphars du souvenir, les tentacules de l'angoisse.
L'éternité, ce n'est pas un glas qui résonne à l'infini, l'éternité, c'est l'éternel présent.
Je dois être cruel pour ne pas paraître faible.
Il est dur de passer de la paix à la guerre. Il est plus difficile encore de passer de la guerre à la paix. L’état de guerre donne au pouvoir de grandes commodités.
La tendresse illimitée que j’ai pour toi, je la reporte sur ceux qui m’entourent. Il me semble qu’ainsi je te reste fidèle. Tu m’as agrandi le coeur et je crois qu’il ne se rétrécira plus.
Dès les premiers temps, nous avons découvert entre nous un point commun : nous ne craignions pas la solitude. Ceux qui sont ainsi sont en danger. Ils sont guettés pas la passion de l'absolu. Nous avons flairé sour nous cette odeur d'engagement sans retour. J'ai senti fortement à quel point l'être aimé pouvait être un obstacle, obstacle à la débauche bien sûr, obstacle à l'arrivisme, obstacle à la camaraderie facile, obstacle surtout à la vie sans histoires, prise comme elle vient. Je voyais bien que tu étais prête à entrer en amour comme on entre en religion et j'admirais qu'on pût en venir là.
Les choses ont changé quand j'ai commencé, au lieu de te regarder, toi, à regarder ton regard. J'y ai lu des choses non dites, à peine pensées, fortement éprouvées. Un autre monde s'ouvrait devant moi, attirant et inquiétant. J'avais envie à la fois de le fuir et de m'y précipiter.
De la constance d'un attachement naît la liberté de l'esprit, le plus précieux de tous les biens. L'esprit a besoin d'un point fixe. Quand ce point fixe est assuré par la fidélité à un engagement, il se sent libre de ses mouvements et capable de tout. Ame engagée, esprit libre.
Tu as fait les premiers pas, ceux qui engagent, et ensuite tu t'es jetée à corps et cœur perdus dans l'aventure. Je n'ai pas compris, je ne comprends toujours pas pourquoi. Ne manquaient pas autour de toi des hommes séduisants et de grande valeur. Pourquoi moi? Je te disais que tu te montais la tête. Ce n'était pas fausse modestie de ma part ou tentative de prêcher le faux pour savoir le vrai. Il y avait une inexplicable disproportion entre tes sentiments et l'homme que je suis.
Le véritable amour n'est pas confusion mais union d'êtres distincts. [ ... ] Nous étions devenus deux forces associées, un couple.
On m'a souvent demandé comment expliquer un amour durable. La moins mauvaise explication est l'existence d'une confiance mutuelle absolue. Quand cette confiance existe, tout le reste va de soi. Quand elle n'existe que médiocrement, tout est précaire et sans cesse menacé.
Notre entretien porta sur les événements du Proche -Orient, et , rapidement, nous en vînmes à discuter sur les fondements réels d'une nation. Ni le territoire ni la langue ne nous paraissaient des titres suffisants quoique nécessaires. Quant à la volonté de vivre ensemble, qui est la définition courante, nous faisions lever, cachés dans ces quelques mots, un troupeau d'obscurités. S'agissait-il de volonté ou d'habitudes enracinées ? Pour vivre ensemble, suffisait-il de vivre sur un même sol dans une contiguïté purement géographique ? Après une discussion animée, nous convînmes que c'était la communauté des projets d'avenir, des vues à long terme qui était l'essentiel.
Somme toute, la Nation n'existe que dans la mesure où les nationaux donnent un même visage à son destin.
4 janvier 1965 - Quand le langage répond à un appel qui ne peut être formulé par le langage, la littérature apparaît.
2084 - [Folio n° 994, p. 32]
23 septembre 1964 - Ces cahiers s'enchaînent avec celui que je rédigeais à l'âge de quatorze ans. L'intervalle m'a appris à situer des êtres et des institutions, à donner une signification à des notions abstraites : la mort, l'amour, l'ambition, l'injustice. J'ai dressé une carte. Me voici de nouveau face aux problèmes sans énoncés.
2065 - [Folio n° 994, p. 13]
Je ne voulais pas produire un livre, comme une machine produit des emballages ou des ressorts, mais le créer, et que chaque lecteur pût le recréer à son tour. Le livre devait pouvoir se transfigurer. Il serait réussi dans la mesure où il prêterait à des interprétations diverses, mais qui convergeraient.
1714 - [Le Livre de poche n° 2456, p. 114]
Nous flottons entre le déterminé et l'indéterminé. Le déterminé nous plaît parce qu'il n'est pas illusoire. L'indéterminé nous séduit parce qu'il nous laisse notre liberté.
Le coeur donne la direction, la raison ratifie ou récuse, la volonté exécute.