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Citations de Jaime Semprun (68)


Quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? », il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : « À quels enfants allons-nous laisser le monde ? ».

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Parmi les choses que les gens n'ont pas envie d'entendre; qu'ils ne veulent pas voir alors même qu'elles s'étalent sous leurs yeux, il y a celles-ci : que tous ces perfectionnements techniques, qui leur ont si bien simplifié la vie qu'il n'y reste presque plus rien de vivant, agencent quelque chose qui n'est déjà plus une civilisation; que la barbarie jaillit comme de source de cette vie simplifiée, mécanisée, sans esprit ; et que parmi tous les résultats terrifiants de cette expérience de déshumanisation à laquelle ils se sont prêtés de si bon gré, le plus terrifiant est encore leur progéniture, parce que c'est celui qui en somme ratifie tous les autres. C'est pourquoi, quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? » il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : « À quels enfants allons-nous laisser le monde ? »
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Le système des libertés marchandes se passe maintenant de quelque justification historique que ce soit, y compris par la référence à son ancien repoussoir stalinien. Il repose sur ce qu'ont accompli les totalitarismes de ce siècle et s’appuie sur leurs résultats. 
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À quels enfants allons-nous laisser le monde ?
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L’humanité n’a pas vieilli. Elle peut à chaque instant retrouver, intacts, ses pouvoirs d’embellissement. C’est le monde qu’elle s’est fabriqué qui vieillit de plus en plus vite, drainé par ses nouveautés incessantes, se fissurant à chaque instant, se regardant tomber en miettes.
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Rien de vraiment humain ne s'est fait dans l'histoire, et même à l'échelle individuelle, qu'en sachant « différer un plaisir » (c'est-à-dire indissociablement l'élaborer, le socialiser, le civiliser).

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On ne s'en prend jamais au contenu et aux finalités de la production industrielle, à la vie parasitaire qu’elle nous fait mener, au système de besoin qu'elle définit ; on déplore seulement que la cybernétique n'ait pas été à l'arrivée l'émancipation attendue.
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Jamais sans doute une société n’aura vanté à ce point la jeunesse, comme modèle de comportement et d’usage de la vie, et jamais elle ne l’aura dans les faits aussi mal traitée. Chesterton avait pressenti dans Divorce, que le sens ultime des théories pédagogiques alors les plus avancées, selon lesquelles il convenait de considérer l’enfant comme un individu complet et déjà autonome, était de vouloir « que les enfants n’aient point d’enfance » (Hannah Arendt a redit cela beaucoup plus tard, à sa manière). S’étant débarrassé, avec l’individualité, du problème de sa formation, la société de masse se trouve en mesure de réaliser ce programme, et dialectiquement de le compléter avec ce que l’on a appelé son « puérilisme », en faisant en sorte que les adultes n’aient point de maturité. Les consommateurs étant traités en enfants, les enfants peuvent bien l’être en consommateurs à part entière (« prescripteurs », comme tous les publicitaires le savent, d’une part sans cesse croissante des achats de leurs parents). De tout ce qu’un dressage si précoce à la consommation dirigée entraîne d’infirmités et de pathologies diverses, les honnêtes gens soucieux de « protection de l’enfance » parlent fort peu. Ils se demandent d’ailleurs tout aussi peu comment il se fait que les pervers et les sadiques dont ils s’inquiètent de protéger leurs enfants soient venus à tant abonder, justement dans les sociétés les plus modernes, policées, rationnelles.

Quand on dit que la jeunesse n’a jamais été aussi mal traitée, et non seulement dans ces pays lointains sur le dénuement desquels on s’apitoie, mais ici même, dans les métropoles de l’abondance, on se voit en général opposer le travail des enfants au XIXème siècle, ou bien la mise en apprentissage d’avant-guerre. Comme toutes les images en forme de slogans qui servent à justifier le progrès, celle-ci permet de ne rien dire sur ce que le progrès a effectivement apporté, ou de dire seulement que cela pourrait être pire. En l’occurrence, c’est la scolarité prolongée qui est tenue par postulat pour un bonheur et une conquête au mépris de tous les faits constatables et accablants ; parmi lesquels le moindre est que ces études dites supérieures, auxquelles on ouvre un accès aisé par des taux de réussite au baccalauréat fixés administrativement, ne préparent à rien qui mérite encore le nom de métier. Cela n’est certes pas fait pour entraver le fonctionnement d’une économie moderne, puisqu’on sait qu’on n’y embauche guère que dans cette néo-domesticité des « services », qui va du livreur de pizza à l’animateur socioculturel. Et de toute façon, il importe assez peu qu’on laisse mariner plus ou moins longtemps dans le jus malpropre de l’Education nationale ceux qui seront surtout « élevés à la console de jeux ». Car, pour en revenir aux mauvais traitements, là est l’essentiel : nous voyons grandir les premières générations qui auront été livrées à la vie numérisée sans que ne s’interpose plus rien, ou presque, de ce qui dans les mœurs empêchait encore il y a peu de s’y adapter complètement.
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En effet, à ceux qui vivent dans les sociétés modernes et qui, n'ayant plus le secours des anciennes croyances, se trouvent dans l'obligation de penser par eux-même sans en avoir pour autant le loisir ou la capacité, il faut des idées générales qui leur permet de se représenter commodément leur condition et leur donnent la certitude d'en posséder quelque explication simple.

Comme de son côté cette condition est de plus en plus uniforme, elle se prête d'autant mieux à être décrite et expliquée à l'aide de termes généraux et abstraits.

A cette adéquation se reconnait la rationalité spécifique de nos démocraties.
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Rien ne saurait manquer à ceux qui ont perdu les moyens d'exprimer ce qu'ils n'ont plus l'occasion de ressentir.
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Ce qui porte le nom d'art contemporain est un composé de publicité, de finance spéculative et de bureaucratie culturelle. (...)
Les trémolos des pleureuses de la "haute culture" ...
Quelle culture, quand le travail se décompose en opérations mécaniques, sans cohérence ni sensibilité?
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dans cette société rien ne marche plus qu’à l’aide de prothèses toujours plus coûteuses et grosses de désastres : c’est jusqu’à la capacité de l’espèce à se reproduire sans recourir à des manipulations de laboratoires qui est entamée
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On pourrait penser qu’aujourd’hui, avec la variété inouïe des informations qu’on fait défiler devant eux, les gens sont disposés à tout entendre, blasés à tout déplaisir comme à tout intérêt. On vérifiera qu’il existe pourtant des choses qu’ils n’ont pas envie d’entendre, et dont ils s’arrangent pour faire, quand malgré tout elles viennent à leurs oreilles, de pures hypothèses,
qu’on envisagera parmi d’autres, pour se mithridatiser à la vérité, accoutumer l’esprit à l’absorber sans réagir.
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Demander à l’État aide et protection revient à admettre par avance toutes les avanies que cet État jugera nécessaire d’infliger, et une telle dépossession est déjà la nuisance majeure, celle qui fait tolérer toutes les autres.
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parler de créativité est particulièrement bien venu quand il s'agit de la finance moderne
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D'après ses promoteurs*, la "convergence" des nouvelles technologies va en effet permettre, parmi d'autre bienfaits, "la disparition complète des obstacles à une communication généralisée en particulier ceux qui résultent de la diversité des langues" et cela grâce à "l'interaction pacifique et mutuellement avantageuse entre humains et machines intelligentes".

*Les promoteurs de la novlangue actuelle
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Ainsi, au moment où, à travers son faux langage, c'est sur tous les détails de son paysage aujourd'hui en ruine que l'économie marchande doit passer aux aveux, et reconnaître n'avoir aucunement enrichi les pouvoirs des hommes, quoiqu'appauvrisssant certainement la nature, et pas seulement en sous-sol, elle tente encore de récupérer par le terrorisme de la pénurie l'adhésion qu'elle avait obtenue par le terrorisme de l'abondance, et qu'elle a perdue irrémédiablement.
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En fait l'effrondrement intérieur des hommes conditionnés par la société industrielle de masse a pris de telles proportions qu'on ne peut faire aucune hypothèse sérieuse sur leurs réactions à venir.
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Ceux qui veulent la liberté pour rien manifestent qu'ils ne la méritent pas.

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En trouvant des mots nouveaux pour faire apparaître de nouveaux faits et de nouvelles idées là où la paresse d'esprit ne voyait rien de changé, la novlangue permet de lever des "blocages" psychologiques, cristallisés dans l'archéolangue, qui empêchaient d'accéder à une connaissance objective. Grâce à ces mots, là où il n'y avait qu'indistinction et vague sentimentalisme, on analyse des données, on spécifie des fonctions, on élabore des procédures. Et ce faisant on arrache les notions aux songeries du substantialisme, à la fantaisie des définitions qualitatives, au vieil animisme qui imprégnait tant de formulations traditionnelles. (...)
L'important est surtout de reconnaître que dans l'immense majorité des cas c'est un préjugé borné qui fait blâmer à la légère une expression ou une tournure dont il conviendrait plutôt d'extraire et de savourer le suc de vérité.
Moi-même ayant lu, appliqué à une longue suite de malversations couronnées par un banqueroute frauduleuse, l'expression "comptabilité créative", j'avoue avoir tout d'abord souri, avant de m'aviser qu'il n'y avait pas de quoi. Parler de "créativité" est particulièrement bien venu quand il s'agit de la finance moderne, puisque d'une part aucun terme ancien de la langue propre aux comptables ne convient pour désigner les opérations qui donnent aujourd'hui aux "acteurs de la nouvelle économie" l'occasion d'enrichissements ou de ruienes retentissantes, et puisque d'autre part nul ne saurait se dérober, et surtout pas les "décideurs", à l'obligation qui nous est démocratiquement faite d'être en permanence "créatifs". Imagine-t-on que des notions aussi désuètes que "passif" et "actif", qui sentent le petit commerce et le bas de laine, pour tout dire le "pétainisme rampant", pourraient s'appliquer aux innovations d'un Haberer, d'un Messier, d'un Berlusconi? Ce serait comme d'évoquer le savoir-faire, le métier, ou même, comble de "ringardise", l'idéal du beau, à propos des "performances" ou des "installations" d'un artiste contemporain.
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