James Swain

Son ravisseur passa de la musique à baiser. Guns n’Roses, Van Halen, Aerosmith. Les femmes y étaient des salopes bien chaudes, et les hommes des prédateurs qui se gargarisaient à la bière. Nola colla ses mains sur ses oreilles comme Steve Tyler, d’Aerosmith, l’implorait de « s’asseoir sur son trente centimètres ». Elle aurait voulu pleurer, mais sa conscience l’empêchait : C’est toi qui t’es mise toute seule dans cette situation. Tu as passé ton temps à tourner autour des hommes parce que tu croyais qu’ils étaient la réponse, que l’amour d’un type bien était ce dont tu avais besoin pour te libérer de la solitude dans laquelle tu as grandi. Tu ouvrais la porte chaque qu’ils appelaient. Nick a été le pire, mais est-ce que tu as quitté Las Vegas après ta rupture avec lui ? Non, il a fallu que tu restes pour prouver que tu pouvais t’en sortir seule. Et comment est-ce que tu as fait ça ? En prenant un boulot dans son casino et en devenant son esclave. « Assieds-toi sur mon gros trente centimètres » a raison.

La sonnerie de mon téléphone portable m’arracha à mon profond sommeil.

Je ne recevais guère d’appels. En particulier au milieu de la nuit. Les yeux écarquillés, je fixai l’obscurité de ma chambre de location. Au-dessus de ma tête flottaient les visages souriants de ma femme et ma fille.

Des images de mon passé, qui me submergeaient de tristesse. Je levai le bras pour tenter de les atteindre, mais elles s’évanouirent aussitôt. Sur la table de nuit, mon portable sonnait toujours. Je m’en emparai et consultai l’écran. Le numéro de mon correspondant commençait par 305, l’indicatif de la ville du comté de Dade, à Miami. Les seules personnes que je connaissais là-bas étaient des flics. Je décidai de répondre.

La plupart des policiers croient en Dieu. Chose qui m’a toujours paru étrange, étant donné la montagne de souffrances et de tragédies humaines à laquelle les flics doivent faire face. Peut-être la foi était-elle la meilleure manière de supporter de telles épreuves. Ou d’expliquer les choses extraordinaires qui se produisaient parfois.

Afin de maintenir un certain équilibre chez leurs enfants autistes, les parents réduisent souvent les sucres et les produits laitiers de leur alimentation. Cela permet en effet de les apaiser. Le paquet de M&M’s de Stuart avait activé le système nerveux de Bobby, un peu comme une bombe, décuplant ses facultés sensorielles, à tel point qu’il s’était enfui. Attrapant le sac à dos de Bobby, je rejoignis Buster, toujours sagement couché sur le sol. Je plaçai le sac sous le nez de mon chien et le lui fis renifler. Buster se leva aussitôt après et gagna le fond de la salle. Je le suivis de près.
Buster colla son museau contre l’une des fenêtres qui faisaient face à l’aire de jeux. Elle n’était pas verrouillée et s’ouvrit facilement. L’ouverture ne semblait pas assez large pour le passage d’un enfant, mais je savais d’expérience que les autistes étaient capables de prouesses quand ils étaient en crise.

Les enfants autistes sont souvent perturbés par un simple changement dans leur routine quotidienne, un nouveau professeur, par exemple, ou encore un objet déplacé sur leur table, comme un crayon ou une gomme. Le tableau devenait plus clair.
— C’est bien ce que je pensais. L’arrivée de la remplaçante a bouleversé Bobby, alors, il s’est sauvé. La plupart des gamins autistes se réfugient dans des lieux confinés pour évacuer leur colère. Bobby peut très bien se cacher dans un placard ou a pu se glisser dans un réfrigérateur.
— Oh ! mon Dieu !
— Dis aux agents à l’école de fouiller toutes les cachettes possibles. Dis-leur aussi de ne pas appeler Bobby par son prénom. Si le gamin les entend, ce sera encore plus difficile de le retrouver.

Nous n’avons pas trouvé trace de Bobby Monroe. Je commence à croire qu’il n’est pas ici.
— Vous pensez qu’il a quitté l’établissement ?
— C’est ce que me dit mon instinct.
— Il y avait un policier en faction à l’entrée quand je suis arrivé. Comment le gamin aurait-il pu tromper sa vigilance ?
— Je ne sais pas. Je sais juste que Bobby n’est plus ici. Nous avons cherché partout.
Gordon avait une cinquantaine d’années. Dans ce métier, l’expérience comptait beaucoup. Si l’intuition de Gordon lui disait que Bobby Monroe n’était plus dans l’enceinte de l’école, c’était probablement vrai.
— Je veux parler aux gamins de sa classe.
— Suivez-moi. Pourquoi ce chien ?
— Il m’aide dans mes recherches.
— Bien. Toute aide est la bienvenue.

Cela m’est arrivé alors que j’étais une jeune recrue, en service depuis deux ans à peine.
Je rentrais chez moi dans ma voiture banalisée quand on m’a transféré un appel de détresse. Une femme était victime d’une agression dans le complexe immobilier Sunny Isle, et une voisine avait appelé le 911. Comme Sunny Isle se trouvait à moins de deux kilomètres de mon domicile, je répondis à l’appel.
D’après la standardiste, une étudiante du nom de Naomi Dunn était agressée par un homme dans son appartement. Cela m’avait tout l’air d’une querelle domestique, la routine en somme. Quand la téléphoniste m’a demandé si j’avais besoin de renforts, j’ai dit que non, je pouvais régler la situation seul. Elle m’a alors conseillé la prudence.

En tant que flic, j’avais eu affaire à de nombreux enlèvements d’enfants autistes. Ces gosses étaient des cibles faciles pour les kidnappeurs, mais j’avais le pressentiment qu’il y avait autre chose en jeu.
— L’école a été bouclée ?
— Oui, c’est la première chose que le proviseur a faite.
— Bien. Bobby Monroe est dans une classe spéciale pour autistes ou bien dans une classe normale ?
— Que veux-tu dire ?
— La plupart des écoles de Broward intègrent des enfants autistes dans des classes normales pour les aider à se développer socialement.
— Je pense que c’est une classe normale.
— Que dit son professeur ?
— Le professeur habituel est malade. Une remplaçante est arrivée aujourd’hui et elle est complètement paniquée.

La sonnerie de mon téléphone portable m’arracha à mon profond sommeil.
Je ne recevais guère d’appels. En particulier au milieu de la nuit. Les yeux écarquillés, je fixai l’obscurité de ma chambre de location. Au-dessus de ma tête flottaient les visages souriants de ma femme et ma fille.
Des images de mon passé, qui me submergeaient de tristesse. Je levai le bras pour tenter de les atteindre, mais elles s’évanouirent aussitôt. Sur la table de nuit, mon portable sonnait toujours. Je m’en emparai et consultai l’écran. Le numéro de mon correspondant commençait par 305, l’indicatif de la ville du comté de Dade, à Miami. Les seules personnes que je connaissais là-bas étaient des flics. Je décidai de répondre.

— J’aimerais parler aux enfants.
Je fis face aux élèves et ordonnai à Buster de se coucher. Mon chien était un berger australien de pure race au pelage brun avec (plutôt original) une queue coupée. Les gamins le fixaient comme s’il s’agissait d’un animal exotique tout droit sorti d’un zoo.
— Bonjour. Mon nom est Jack Carpenter et voici mon chien Buster. Nous sommes ici pour aider la police à retrouver votre camarade. Avant cela, j’aimerais vous poser quelques questions. Qui est la dernière personne à avoir vu Bobby Monroe ?
Une petite fille aux cheveux nattés leva la main au premier rang.
— Comment tu t’appelles ?
— Missy.
— Raconte-moi ce qui s’est passé, Missy.