Jay Haley

Parfois, Erickson ne provoque pas de conflit au sein d'un couple marié, mais il l'encourage plutôt à continuer à se disputer comme il en a l'habitude. Etre forcé de se disputer sous la contrainte entraîne obligatoirement une modification de la nature du conflit. Cette technique qui consiste à encourager les gens à se comporter selon leur habitude est caractéristique d'Erickson et semble avoir été inspirée des méthodes qu'il utilise lorsqu'il encourage la résistance chez un sujet soumis à l'hypnose.

"On peut faire naître un conflit en provoquant un comportement incompréhensible. Demandez à un enfant de cirer vos chaussures, et, lorsqu'il a terminé, faites exprès d'y renverser de l'eau. Puis dites d'un air idiot : "Ca fait des taches, hein ?" cette incompréhension est un sentiment désagréable qui provoque une réaction. Ou bien demandez que l'on vous recouse un bouton, et quand cela aura été fait sans grand enthousiasme, arrachez-le en disant : "Il était vraiment très bien cousu, n'est-ce pas ?" Si vous défaites quelque chose sans raison valable, cela a un effet vraiment négatif."

Bien souvent, dans son cabinet, Erickson restreint de diverses manières les possibilités de communication, et, dans son cabinet ou ailleurs, il n'hésite pas à prescrire un comportement bizarre et inapproprié pour atteindre un objectif. Par moment, son approche ressemble à une thérapie par l'absurde. Il peut dire à son patient de prendre sa voiture, de parcourir cinquante kilomètres dans le désert et de trouver ensuite une raison à sa présence dans cet endroit.

Lorsqu'un mari et une femme ont du mal à aborder un sujet qui les culpabilise, Erickson limite leurs échanges de façon à les obliger à évoquer le sujet en question.
Parfois, lorsque le mari et la femme participent ensemble à l'entretien, je les empêche de se regarder. Cette contrainte est assez pénible à supporter. Ils ont tendance à se jeter des regards furtifs pour voir comment l'autre réagit. Mais ils considèrent que c'est un mauvais tour qu'on leur a joué. Et de cette façon, ils en font beaucoup plus qu'ils ne l'avaient jamais pensé.

En fait, mon rôle se borne seulement à permettre à la personne de modifier son point de vue et sa façon de penser. Je ne fais que signaler "quelques douzaines d'autres itinéraires qui figurent sur la carte et qui n'ont pas attiré votre attention."

"Bon, vous êtes venus me voir pour que je vous aide. Vous voulez sûrement que je fasse preuve de compréhension envers l'un et l'autre afin que nous puissions effectivement parvenir à la vérité." De cette façon, ce sont mes propres critères qui servent à définir objectivement la vérité. Chacun des partenaires pense que je suis de son côté ; et puis ils s'aperçoivent tous deux que je suis en fait, grâce à leur coopération sans réserve, tout à fait objectif.

Lorsque vous avez affaire à un mari et à une femme qui éprouvent beaucoup de méfiance et de colère l'un envers l'autre, il faut absolument les voir ensemble. Précisez immédiatement votre rôle.

Lorsqu'il a affaire à un couple marié, Erickson s'arrange en général pour éviter de prendre le parti d'un des conjoints contre l'autre ; en règle générale, il considère cela comme quelque chose d'important, excepté dans les cas où se manifeste la violence ou un refus absolu de coopérer. II verra les époux soit individuellement, soit ensemble. C'est souvent dans sa salle d'attente qu'il prend cette décision.

En général, l'attitude morale d'Erickson se fonde non pas sur une idée abstraite, mais sur ce qui sera le plus apte à rendre l'existence agréable. Parfois, lorsque l'un des conjoints semble exploiter l'autre, Erickson fait en sorte de provoquer un changement.

Une partie de la confiance qu'éprouve Erickson en son approche envers les patients réside dans la sûreté de sa propre attitude morale. Il a des idées précises sur la façon dont les gens devraient se comporter, et pourtant, il fait preuve en même temps de compréhension envers les diverses façons de vivre que l'on peut rencontrer dans notre société. Sa position morale est dépourvue de rigidité ; et pourtant, il n'es pas non plus continuellement en train de la remettre en question, comme le font bon nombre de thérapeutes qui ont une mentalité d'intellectuel de gauche.

Une partie de la confiance qu'éprouve Erickson en son approche envers les patients réside dans la sûreté de sa propre attitude morale. Il a des idées précises sur la façon dont les gens devraient se comporter, et pourtant, il fait preuve en même temps de compréhension envers les diverses façons de vivre que l'on peut rencontrer dans notre société. Sa position morale est dépourvue de rigidité ; et pourtant, il n'es pas non plus continuellement en train de la remettre en question, comme le font bon nombre de thérapeutes qui ont une mentalité d'intellectuel de gauche.

Dans le cas d'une lutte de pouvoir au sein d'un couple, Erickson agit avec promptitude s'il estime que la situation comporte un danger. Il considère qu'il est nécessaire d'intervenir dans la vie des gens ou tout au moins de leur donner des conseils, en particulier lorsque l'existence de quelqu'un est menacée. Par exemple, à une mère qui était venue le voir avec son enfant pour lui parler de son mari, Erickson recommanda de quitter la vielle sans même rentrer chez elle pour faire ses valises. Elle obéit, et le mari vint ensuite voir Erickson : il était furieux que ce dernier se soit arrangé pour qu'il ne puisse pas retrouver sa femme. Cependant, le mari reconnut qu'il avait acheté un fusil pour la tuer. Plus tard, Erickson réunit le mari et la femme dans son cabinet afin de résoudre leur problème.

A mon point de vue, il est préférable, lorsqu'on le peut, de contourner le problème. Inutile de s'obstiner en vain à nettoyer une maison envahie par une crasse impossible à éliminer, mieux vaut déménager.

Tous les couples mariés sont victimes du mythe qui voudrait faire croire que les choses étaient différentes deux générations plus tôt. Par exemple, nous avons dans l'idée qu'à l'époque victorienne, les pères avaient une position plus forte et plus dominante. Et pourtant, ce que nous savons de la structure familiale à cette époque, nous l'avons en grande partie acquis par ouï-dire. Voici une anecdote qui illustre le genre de fables auxquelles nous continuons à croire. [...] Je voulais savoir quelle sorte d'ambiance familiale pouvait exister du temps de Sigmund Freud, à l'époque où celui-ci considérait le père comme une figure castratrice douée d'un pouvoir considérable. Une Viennoise me rapporta que, du temps de sa jeunesse, son père détenait une autorité extrême. Elle ajouta : "Nous n'avions même pas le droit de nous asseoir sur le fauteuil de Papa." Curieux, je lui demandai comment faisait son père pour empêcher les enfants d'occuper son siège. Elle répondit : "Oh ! Ce n'était pas Papa, c'était Maman. Elle nous disait que si nous nous asseyions sur le fauteuil de Papa, nous attraperions des boutons sur les fesses." Il semble que ce fût le père qui était, du moins en théorie, considéré comme le détenteur de l'autorité familiale.

Lorsqu'une femme est tellement dominatrice qu'elle exclut son mari de l'éducation de leur enfant, Erickson abonde dans son sens d'une façon telle qu'il la persuade de faire en sorte que son mari intervienne davantage.

Souvent, lorsqu'un thérapeute a affaire à un couple, il découvre qu'il existe entre les époux une sorte de contrat selon lequel c'est l'épouse qui décide de tout ce qui doit se dire dans son cabinet. Il est difficile d'arriver à connaître le point de vue du mari sur le problème : en effet, son épouse ne le laisse pas parler, mais, à chaque fois que l'on pose une question au mari, elle vient à son aide et parle à sa place. On réussit souvent à obtenir de l'épouse qu'elle se taise pour que le mari puisse dire, mais parfois cette requête n'a aucun effet sur elle. Erickson dispose de différents moyens qui lui permettent de venir à bout de ces femmes dominatrices".

Elle disait qu'elle ne voulait pas dominer son mari de cette façon et qu'elle ferait n'importe quoi pour arriver à cesser de se conduire comme elle le faisait. Puisqu'elle se sentait impuissante contre ce qui la poussait à agir ainsi, je décidai d'utiliser cette conduite impulsive en la déplaçant pour que cette femme la mette en pratique non plus avec son mari, mais avec elle-même. Je lui assignais la tâche de soumettre son mari à un feu roulant de questions, comme elle le faisait d'habitude, mais elle devrait écrire la liste des questions qu'elle posait toujours. Ensuite, elle établirait une liste parallèle de questions similaires qui la concerneraient elle. Après avoir interrogé son mari, elle devrait s'en aller et s'interroger elle-même à propose de ses propres activités. [...]
Elle réagit d'une manière prévisible ; elle se lassa de toute cette procédure et cessa de poser chaque jour des questions à son mari.

L'organisation hiérarchique est un trait qui caractérise tous les animaux capables d'apprentissage, et dans un mariage, la question de savoir qui doit être le premier ou le second dans la hiérarchie des relations conjugales peut se poser de façon permanente.

Dans un monde aux contours flous, où les fluctuations intellectuelles et émotionnelles créent une ambiance d'incertitude qui varie selon les moments et les circonstances, il ne peut y avoir que doute et insécurité. Joe était en quête de quelque chose de réellement solide, ferme et sûr;, et sa méthode d'apprentissage était "efficace, tout comme on apprend qu'il faut protéger ses mains avant de saisir un cactus, ou encore qu'il vaut mieux éviter d'utiliser son pied nu pour taper dans un caillou.

Resté seul avec la mère, je lui expliquai l'exigence fondamentale pour un enfant de vivre dans un monde où il ait la certitude de trouver plus fort et plus puissant que lui.