PREMIÈRE PARTIE.
IV Dans les taillis vivants...
Dans les taillis vivants l’insecte se promène;
Oh! la grande herbe verte et le grand bois profond !
Dieu travaille: oubliez ce que les hommes font.
Les oiseaux tout joyeux jasent dans le vieux chêne ;
L’air est calme; le ciel resplendit; c’est le jour,
C’est le soleil fécond, le sourire, l’amour.
La terre ténébreuse est un funèbre abîme.
De longs nuages noirs se déroulent là-bas ;
La foudre, sans éclairs, jette de sourds éclats.
L’heure sombre est parfois la complice du crime ;
C’est le ricanement, le deuil, l’horreur, la nuit !...
Le jour est dans mon coeur, la nuit en mon esprit.
Toulon, 15 avril 1866.
On ne pouvait donc pas dire qu'il n'eut pas conscience. Seulement, sa conscience travaillait à l'envers. Le diable en personne doit avoir des remords pareils, quand il a, par sa faute, manqué une occasion favorable de bien mal faire !
Aimer-Penser…
Extrait 4
« Votre immense mépris, je le compte pour rien,
Pour rien vos paroles amères !
« Je suis plus grand que vous, car je travaille au Bien !
J'ai pitié, moi, de vos misères !
Et je vais seul... j'avance : en ma force j'ai foi ;
Je suis l'homme du sacrifice !
Et quand vous serez tous insensés comme moi,
Alors régnera la justice ! »
C'est afin de plus tôt les accabler ainsi
Que je ne veux pas mettre à leur folle merci
Plus longtemps mon âme brisée ;
Désormais nul d'entre eux ne saura ma douleur :
À toi je veux livrer ma pensée et mon cœur !...
Ils n'auront, eux, que ma pensée !
Aimer-Penser…
Extrait 3
« Ah ! vous traitez encore d'insensés les penseurs,
Les libres rêveurs, les poètes,
Qui, — lorsque vous croisez vos haines, — âmes sœurs
Gémissent sur ce que vous faites !
« Ah ! vous pourriez trouver dans l'éternelle paix
Une félicité profonde,
Et vous ne voulez pas, et vos esprits épais
Se vautrent dans la nuit immonde !
« Vous célébrez en chœur arlequins et bouffons ;
Vous pensiez que, bête acrobate,
J'avais fait pour mon âme un habit de chiffons ;
Que mon vers était une batte ?
« Eh bien, détrompez-vous : quand j'ai pleuré, méchants,
Contre moi vous tourniez vos armes ;
Lorsqu'ils semblaient rieurs, vous admiriez mes chants,
Ignorant qu'ils étaient des larmes !
…
Aimer-Penser…
Extrait 2
Et quand mes chants auront amusé les pervers,
Toujours contents de voir apparaître en des vers
Des inutilités impies,
Je crierai, me dressant, sage, au-dessus des fous,
La justice en mes mains, et les fustigeant tous
D'un fouet d'ïambe et d'utopies :
« Ô monstres ! vous avez devant Dieu, devant Dieu !
Devant le firmament auguste,
Dressé vos tréteaux vils et fait un mauvais lieu
De la nature belle et juste !
« Votre société, sous les noirs préjugés,
Penche comme un vaisseau qui sombre ;
Rien de vous ne vivra ! Navire et naufragés,
Vous serez engloutis par l'ombre !
« Ah ! vous vous êtes dit, en votre lâcheté,
Que le mal sur le monde règne ;
Qu'il doit régner toujours ; qu'une fatalité
Veut que toujours un Jésus saigne !
…