Citations de Jean-Baptiste Dethieux (17)
et homme repartit comme il était venu, comme une apparition flottante laissant dans son sillage ce poison qui, au lieu du sang de vie, coulait à présent dans mes veines. Je m’affaissai. Pour je ne sais quelle raison, l’amnésie était devenue une reine mère régentant ma vie. Et par conséquent, je ne pouvais que me désespérer de l’oubli attendu. Je savais dans l’instant. Demain, en me réveillant, je ne saurais probablement plus… J’étais enchaîné à cette répétition mortifère. Mon royaume était celui de l’oubli et j’aurais tout donné pour m’endormir et ne plus jamais me réveiller, si ce n’est le besoin furieux de faire la lumière sur la disparition de ma femme et de ma fille.
Quant à moi, je compris, peu à peu, qu’il fallait faire le deuil d’une vie heureuse, que le bonheur était une histoire à dormir debout.
(...) il eut mieux valu regarder Jeanne, car c'est bien dans le regard de ses parents qu'un enfant naît véritablement. Au lieu de quoi, nous étions toujours en position de guetteurs. Surveiller l'arrivée de dangers lorsque, le plus souvent, c'est par la seule direction inquiète de nos regards qu'ils arrivaient et nous sautaient dessus. (p. 120-121).
Je dormais. Mon amie la bouteille avait rendu l’âme hier soir et je tentais péniblement de secouer les neurones paresseux, les seuls pouvant encore répondre présents. L’armée déchue se réveilla et cette troupe de fantassins de cirque s’ébroua pour commander à mes jambes de se lever, malgré ma volonté ou plutôt mon manque de volonté.
« C’eût été trop beau. Mais je voulais croire, sans me le dire véritablement, que toute la beauté n’avait pas quitté le monde »
Et si l’échelle du temps avait cédé la place à un calendrier capricieux soumis au régime de l’amnésie et de la folie ?
Fou, je l’étais car hospitalisé, protégé de je ne sais quel danger par les hauts murs de l’enceinte de la clinique spécialisée. Depuis quand, je ne savais, car le temps prenait la tangente et s’enroulait sur lui-même comme une corde qui me narguait… Celle-là même qu’ils avaient réussi à me confisquer de crainte qu’elle ne se resserre autour de ma gorge afin de me délivrer de cet enfer vide de sens.
Au fond, je n'aspirais qu'à une seule chose : me fondre dans la masse indifférenciée des parents qui s'amusent tranquillement des progrès de leurs enfants en les regardant grandir comme des herbes folles. (p. 117)
Au fur et à mesure de mon avancée, les parties boisées gagnaient du terrain jusqu’à borner l’autoroute et me donner le sentiment d’être un Moïse soulevant les flots de part et d’autre de son passage. Et si les arbres de plus en plus hauts s’abattaient sur moi ?
Et pourtant, ma main, oubliant toute obligation de réserve et d’obédience à ma tête, glissa sur le clavier pour les ouvrir un à un… A chaque fois, cette même photo, sans aucun texte accompagnateur, me sautait au visage. J’y voyais, perdu dans la brume de cette forêt menaçante, cet homme de dos, encapuchonné. Puis, avançant dans la découverte des derniers messages, je me rendis compte que ce dernier amorçait d’une photo à l’autre un mouvement. Il me semblait à la fois se retourner et commencer de tendre le bras en indiquant une direction. Les dernières photos reçues dans la nuit me glacèrent…
Longtemps, percevant son retard grandissant, j'ai imaginé dans mes rêves les plus fous me retirer de ce monde qui devenait juge et témoin au travers des regards et des questions. (p. 90)
Les humains sont bien compliqués, bien plus que les poissons... Il aimerait être comme les autres et comprendre vraiment ce qui peut agiter les poissons à deux pattes... Au lieu de cela, in continu de rester seul avec lui-même.
Il a remarqué que l'attente creuse un petit fossé dans les pensées et dans le cœur, une petite crevasse, comme une gerçure qui peut être un peu douloureuse et à peine pénible...
A présent, la fin de l'année est proche. Paul a continué à sentir des petites ailes pousser sur son dos, des petites ailes l'aidant à se mouvoir plus facilement dans les méandres des relations humaines bien compliquées.
Pour la première fois de sa vie, il sent nettement ce soleil au ventre qui pousse, insiste, voudrait crier son amour du monde et donner la vie sous la chaleur de sa lumière.
La joie flotte, la joie simple, c'est celle de celui qui la vit sans le savoir.
La solitude n’en finissait pas de se refermer sur moi et de me prendre dans ses longs filets gluants…