Citations de Jean-Charles Pichon (201)
Les mythes sont comme les marches d’un escalier géant, dont nous ne connaissons ni le début –toujours possible, ni la fin –éternelle. A chacun d’eux correspond une vision nouvelle du monde, une nouvelle forme d’expression, de nouveaux langages et de nouvelles vertus : une exigence plus haute et plus puissante que les exigences passées. Si nous suivons le chemin que les dieux nous ont creusés, nous ne verrons plus l’histoire de l’humanité comme une suite de morts et de destructions, mais comme une constante escalade, une prodigieuse néguentropie.
La synthèse métaphorique (nécessairement irrationnelle) aura pour effet de créer, par le recours à quelque thème commun (concept de création, de justice ou de maîtrise), une néguentropie durable. La métonymie (dans le sens où l’entend Jakobson) précise l’utilisation des formes signifiantes ; la métaphore en crée de nouvelles.
Si, en chacune de ses mues, l’homme du rêve renaît, persévère et meurt, il dévore en effet le temps : il vit cent existences dans la durée de sa vie, que leur puzzle disloque.
Il y a donc un temps où les Idées adviennent, s’organisent, se réalisent et un temps où elles dégénèrent, perdant de leur cohérence à cause de leur dissociation.
Si le premier temps est celui des figures mythologiques, harmonieuses, unies et désunies, le second est celui des lois, de la nécessité que nous nommons durée et où les phénomènes n’opèrent qu’en un seul sens, de la cause à l’effet, du passé à l’avenir, selon les lois.
Le but de toutes les quêtes humaines : mystiques ou mythologiques, philosophiques ou scientifiques, est la connaissance ou la reconnaissance ou la naissance (création) de ce qui est.
Or, selon les époques, ne sont glorifiées que celles-ci ou celles-là : tantôt les quêtes irrationnelles, totémiques, religieuses, théologiques, théosophiques, tantôt les quêtes rationnelles des philosophes ou des savants, technites macédoniens, urbanistes, médecins, techniciens, technocrates.
Pour n’étudier que l’histoire des quatre derniers millénaires, nous voyons que la quête irrationnelle a dominé l’humanité de -2000 à -500 plus ou moins et, de nouveau, depuis l’an 0 jusque vers 1650. La quête rationnelle a dominé dans les cinq derniers siècles avant J.-C. et, de nouveau, depuis 1650.
Mais que s’est-il passé à la jointure de ces périodes, vers -600/-500 ou vers 1560/1610, puis vers -250/-200 ou depuis 1900 ? C’est-à-dire : comment l’humanité passe-t-elle de l’irrationnel au rationnel et à l’inverse ? Ce n’est jamais éclairci.
S’il a pu rêver la mort d’une femme, la vieillesse d’un homme, vingt ans à l’avance, pourquoi pas la vie, la vieillesse, la mort de l’humanité, cent millions d’années à l’avance ?
J’ai vu trop de gens mourir ; des pleutres et des lâches qui pleurnichent leur grâce jusqu’au dernier moment, mais aussi de celles et de ceux que la mort n’atteint pas, même quand elle les emporte, emportant avec eux le sourire hésitant, le geste bénisseur, la parole non dite.
A chaque verset l’un des nœuds se défaisait, jusqu’à ce que, libéré, le Prophète témoignât –lui seul- du prodige accompli.
Que chacun de nous, ainsi, s’arrache à ses entraves, dont nul ne sait jamais s’il n’en fut pas le seul et aveugle artisan !
[...] Toutes les aliénations seront reçues pour ce qu’elles furent : l’approche maladroite et torturée d’une future –mais prochaine- formulation de Dieu.
Considère l’Instant. Avant que tu vives, il était à venir ; quand tu l’auras vécu, il sera le passé. L’homme libre est celui qui ne renie jamais cette évidence et remonte sans fin le chemin que l’esclave descend. Il n’est pas d’autre liberté. Il n’est pas d’autre approche du Réel ; ou, du moins, toutes les autres te mèneraient à l’erreur, au mal et à l’informe.
Mais bande-toi les yeux, tourne le dos au futur, avance dans la nuit. Alors, ni près ni loin, ici, s’ouvre le lieu où l’avenir comme un buttoir te pousse, où le néant est derrière toi, où la vraie liberté se montre : […] le Miracle asservi, dont le Possible est le germe.
Dans cet état d’éveil où le Moi s’humilie, où le Toi se soumet et où le Lui se brise sous la puissance du Je, il n’y a plus d’angoisse, d’ignorance et de mort. Rarement l’humanité vit en ces temps de grâce, mais toi, tu peux y vivre à tout instant.
-Curé d'Ars-
Il n’est pas absurde de croire que ces hypothèses seront un jour unifiées en un système où les particules du signe spin entier seraient considérées comme les agents du processus entropique (passé-avenir) et les particules du spin ½ ou 2 comme les agents du processus inverse, néguentropique ou gravitationnel, que nous pouvons maintenant essayer de définir.
La libération des pays islamiques durera plus ou moins longtemps que celle des cités grecques (197-144 av. J.-C.), mais il est prévisible que leur influence mythique prendra une importance croissante.
Mais, dès 1920, les pays d’Occident étaient retombés dans leurs erreurs, qui n’étaient pas le pouvoir croissant de l’argent ou le jazz, le patriotisme ou la libération de la femme, le socialisme ou le rêve d’un âge d’Or planifié, mais à la fois tout cela : le refus de rendre à l’homme le sens mythique de l’existence.
Au XIXe siècle, tous ceux qui croient encore en un Age Nouveau et tentent de retrouver le sens de la flèche mythique sont des poètes, des créateurs.
Mais les destins se jouent sur un autre plan. Une Masse qui fût une Force, telle était l’utopie de l’homme faustien. Or, le concept de Contrat social, de Constitution triomphe peu à peu dans toute l’Europe, proscrivant la notion de Force individuelle.
La matière obéit aux mêmes lois que les structures, mathématiques ou mythiques, qui constituent les cadres de notre esprit.
En un livre récent, Michel Foucault a ouvert le dossier de la folie au XVIIe siècle. Il a montré qu’en quelque sorte le mot et la chose ne datent que de Louis XIII ; car, plus tôt, le Fou est « l’innocent », « le simple en esprit », celui qu’on ne comprend pas toujours mais qui, à cause de cela même, est sûrement en la grâce de Dieu. […]
Jusqu’au siècle dernier, au Caire et à Bombay, à Tunis et à Ispahan, on écoutera le Simple, le Délirant, le Calender, qui sait peut-être ce que les savants ignorent. Ainsi, en Grèce, jadis, Socrate se taisait devant la Pythie ou l’ilote ; ainsi, Erasme a fait l’Eloge de la Folie (car la Sagesse ne crée rien).
Notons que le mot « alchimie » est d’origine arabe et que sa signification : « terre noire » rappelle le culte de la Pierre Noire et le personnage symbolique de la Mère Noire, Ka’aba..
Si je crée le Réel, mon Réel est donc faux ? Ou, si le Réel m’est imposé, que puis-je créer qui ne soit inutile ? Ou bien existerait-il, à la fois dans la chose créée et hors de la chose, une réalité plus réelle que les Formes (devenues des « apparences ») : une essence qu’appréhenderait –ou n’appréhenderait pas- le Savoir ?
En 1054, un amas d’étoiles qu’on nommait « le Crabe » se pulvérisa : ce fut la plus grande nova que l’astronomie contemporaine connaisse. Cette même année, Byzance rompait avec Rome, comme, autrefois, Israël avec Juda en quête d’un roi. Puis, l’année suivante, Henri III mourut.
Il semblerait que, toujours, la difficile germination spirituelle s’accompagnât d’une manière de « rentrée dans la nuit », dont les caractères les plus évidents seraient une sclérose inconcevable de l’esprit et un appauvrissement démographique constant.