Jean-Christophe Béchet

Une lecture plaisir.

Cela peut paraître étrange comme affirmation vu l'intitulé commençant par "petite philosophie pratique" mais en tant que photographe j'y ai trouvé des échos à mes propres questions et ma manière de ressentir la photographie.

Mais présentons un peu cet ouvrage. Il s'agit d'un dialogue entre Jean Christophe Béchet photographe et Pauline Kasprzak philosophe Il permet de confronter expérience de la photographie et la philosophie du sujet même si après la lecture de ce livre je pense que Jean Christophe Béchet a tout autant de philosophie vis à vis de la photo que son interlocuteur. Rien ne remplace l'expérience et la réflexion.

Certain passage son un peu commun mais d'autres sont d'une telle justesse et sensibilité. Il se lit très facilement

Un livre à lire pour tous les amoureux de la photographie.

En tant qu'exploration et découverte de photographes à connaitre il est parfait mais hélas son - très - gros défaut est le manque d'images de ceux qu'il voudrait nous faire découvrir au dépend d'images produites par l'auteur "dans le style (l'influence) de"... Ce qui reste terriblement frustrant car même si ses images sont de qualité la connaissance d'un photographe passe *avant tout* par le visionnage de ses images.

Le photographe se contente-t'il de prélever un morceau de la réalité? Ou bien, est-il vraiment un créateur? Je n'ai pas de réponse à cette question que je me pose depuis longtemps. Béchet n'est pas non plus totalement affirmatif à ce sujet, même s'il trace une frontière plus précise sur le sujet de la post-production.

J'aime beaucoup ce petit livre que je relis de temps en temps, même si je ne suis pas toujours d'accord avec ce qu'affirme Béchet. J'adore son anecdote sur l'amateur qui devant un arc-en-ciel, farfouille désespérément dans les menus de son appareil la fonction qui correspond précisément à cette situation... et lorsqu'il finit par la trouver, bien évidemment, l'arc-en-ciel s'est évanoui.

J'ai fait mienne sa distinction entre amateur, pro, et artiste. L'amateur est celui qui se laisse dominer par le sujet; le professionnel, est dominé par son client (ou par le public potentiel à qui il pense que sa photo devra plaire, et l'on ne peut que juger de la désolante conformité quand on voit la masse de photos similaires qui envahit le web); l'artiste, lui, ne se laisse dominer par personne...

Je l'avoue, j'ai un faible pour Jean-Christophe Béchet et ses images (voir par exemple Noir Vertical). Il fait partie des photographes qui peuvent revendiquer un style bien à lui, et pourtant, dans ce livre, il reconnaît avoir été influencé par d'autres, beaucoup d'autres.



Il aurait pu se contenter de nous sortir un nième bouquin sur les photographes les plus connus et leurs images iconiques. Mais il y en a déjà pléthore, qui tombent dans le panégyrique béat et/ou dans l'intellectualisme abscons... Alors, il a choisi de nous montrer ses propres images, tentant à chaque fois de nous expliquer en quoi elles avaient été influencées par un autre. Coup double! Non seulement on approche l'univers de ces photographes, de A comme Arbus à W comme Winogrand, mais on en a la vision de quelqu'un d'impliqué dans le même métier. Béchet n'est pas critique d'art, pas conservateur de musée, même pas journaliste, il porte un regard frais, presque naïf sur ces images, et c'est ce qui le rend à la fois bienveillant et pertinent.



L'occasion aussi de réfléchir à notre propre pratique de la photographie, devenue tellement banale avec les téléphones mobiles et le partage compulsif d'images sur internet. Cette pratique a-t'elle encore une signification? Qu'est-ce qui nous y pousse, simplement l'imitation des autres? Comme l'écrit Béchet, on se met un jour à photographier parce que l'on a vu et aimé des images faites par d'autres. On est spectateur avant de devenir acteur. On est donc forcément influencé, en particulier dès lors que l'on dépasse le rôle purement familial de la photographie, activité ambiguë s'il en est, à la fois extrêmement triviale et à prétention artistique.