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Citations de Jean Lacouture (214)


"Pour bien comprendre ce que pouvait être ma pensée avant la rencontre de Herr, imaginez ce qu'était le Clemenceau de l'époque,vacillant entre le socialisme et l'anarchie...Tout le travail négatif était fait chez moi. Il s'agissait de trouver une forme déjà prête...Herr m'apporta l'idée d'organisation,le collectivisme. Ce fut l'opération de la cataracte".
Comme Claudel se découvre chrétien derrière un pilier de Notre Dame,Blum se constate socialiste,grâce à Lucien Herr,sous les marronniers des Champs Élysées à 21 ans.
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Page 746 : Quelques semaines plus tard, à la veille de la conférence de Téhéran, le Président des Etats unis résume ainsi ses vues à l'intention du Secrétaire d'Etat Cordelle Hull : "... Je suis de plus en plus enclin à voir l'occupation de la France, lorsqu'elle se produira, comme une occupation militaire." Occupation, le mot est répété deux fois. Et le "de plus en plus" du Président vaut qu'on s'y arrête : est-ce parce que la résistance antinazie est "de plus en plus" forte, l'autorité de CFLN "de plus en plus" reconnue, Vichy "de plus en plus" démonétisé, que Roosevelt se sent, ainsi "de plus en plus " enclin à soumettre la France à une occupation militaire, de type de celle qu'on impose aux ennemis ?
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" C'étaient les obsèques d'un chevalier, devait dire André Malraux à Jean Mauriac. Il y avait seulement la famille, l'ordre, la paroisse. Mais il aurait fallu que la dépouille du général ne soit pas dans un cercueil, mais déposée, comme celle d'un chevalier, sur des rondins de bois... "
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Joseph Luns, ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, longtemps secrétaire général de l'OTAN et adversaire par excellence de la politique européenne du général de Gaulle : " Je regrette que le général de Gaulle ne soit pas devenu le président d'une Europe unie naissante qui s'acheminait vers une unité politique, parce que son prestige, sa renommée étaient tels que, s'il avait eu une autre conception du rôle de la France, certainement il aurait été élu et accepté par tous les autres pays, y compris l'Angleterre, comme premier chef de cette Europe en voie d'unification."
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Il est moins de 19 heures, en tout cas, quand Charles de Gaulle, foudroyé par une rupture de l'aorte abdominale (ce qu'on appelle d'ordinaire "rupture d'anévrisme"), perd connaissance et entre aussitôt dans le coma. (...) L'heure " officielle " de la mort de Charles de Gaulle est en tout cas 19 h 25, le 9 novembre 1970.
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Cette présence de la mort, la rôdeuse, il l'a décrite d'une façon très belle à Philippe de Gaulle : " Le vieux maréchal Hindenburg, sentant sa fin prochaine, avait dit à son fils : " Quand l'ange de la mort - celui que dans la Bible on nomme Raphaël - viendra, tu me préviendras." Quelque temps après, le maréchal s'alita. A son fils accouru à son chevet, il dit : " Est-ce que Raphaël est dans la maison ? " Et le fils de répondre : Non. Il est dans le jardin, mais il ne va pas tarder à entrer dans la maison. " De Gaulle à son fils : " Je te poserai la même question..."
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L'Irlande lui avait rendu un peu de sérénité, l'Espagne l'avait touché. Pourquoi pas, maintenant, la Chine ? Quel plus beau voyage, plus épique, pour un vieil homme à demi retiré du siècle ? Où être mieux " ailleurs " ? Et où apprendre, d'un coup, plus de choses neuves sur le monde ?
A supposer que cette idée ne lui fût pas familière (elle l'était probablement dès avant sa retraite), il avait reçu à la fin de mars 1970 une lettre inspirante de l'ambassadeur de France à Pékin, Etienne Manac'h, vieux Français libre, très longtemps directeur d'Asie au Quay d'Orsay, depuis peu (à son initiative...) ambassadeur à Pékin, lui suggérant de " venir jusqu'en Chine " où il aurait pour interlocuteur Mao Tsé-toung. Et le diplomate, ne reculant pas devant une formule qu'il savait à la mesure de l'imagination du destinataire, ajoutait : " L'histoire du monde contemporain serait complète après un tel événement."
Deux semaines plus tard, le solitaire de la Boisserie répondait à Manac'h qu'il avait " pris note " de sa suggestion, mais qu'il ne pouvait " y donner suite actuellement ". L'idée n'en commençait pas moins à mûrir.
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Charles de Gaulle voulait depuis longtemps connaître l'Espagne. Dévot de Corneille, fervent de Hugo, familier de Claudel, admirateur de Montherlant, et bien que la peinture ne soit pas une des composantes de son univers, il se sent en harmonie avec le génie castillan. " Pourquoi les Espagnols ne m'aimeraient-ils pas ? devait-il dire à Malraux en décembre |1969]. Ils aiment Don Quichotte ! " Au surplus, la première lettre de chef d'Etat qu'il ait reçue, au lendemain de son retour à Colombey, était signée du général Franco. Dans ces cas-là, ce sont des choses qui comptent. Si bien que les réserves qu'il gardait à l'égard du franquisme avaient eu tendance à s'estomper. Un homme qui manifeste à de Gaulle de tels sentiments ne saurait être tout à fait pervers. Ainsi, passant sur la désapprobation qui ne pouvait manquer d'émaner de Malraux, de Mauriac et de bon nombre de ses amis, il décida de partir.
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" L'homme du 18 juin " ? Charles de Gaulle s'irritait de cette formule. Dût-il reconnaître, avec Courcel ou Schumann, ce que cette date avait d'irremplaçable, et que la France libre était le point culminant de son destin, il n'aimait pas que l'on enfermât de Gaulle dans ce musée. Eh ! Quoi... Rien depuis lors ? Et " l'homme du 26 août 1944 ? " Et celui du " 8 janvier 1959 " ? Et celui du " 19 mars 1962 " - point final mis à vingt-six ans de guerres ininterrompues ?
Aussi bien se gardait-il de plus en plus d'enfermer son mythe dans cette évocation du passé. La cérémonie du mont Valérien lui importait de moins en moins et, à partir de 1956, il n'y allait plus que sous la pression de l'entourage. Les aménagements du site lui semblaient en altérer la sinistre noblesse. Bref, à partir de 1960, on le voit de plus en plus réservé à l'endroit du rituel le plus symbolique de la Résistance. L'heure venue de la retraite, sa réticence se transforme en refus. Pour ne pas blesser trop de sensibilités, le mieux sera d'être, en ces temps-là, hors de France. En 1969, c'était l'Irlande. En 1970, ce sera l'Espagne - en attendant, peut-être, la Chine.
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Et de Gaulle d'insister sur son éloignement des choses, et sur le sens qu'auront ses Mémoires d'espoir, en marquant bien ce qu'il a voulu faire : " Cela, non autre chose. " Et d'ajouter : " C'est pourquoi je n'ai plus pour ministres que les nuages, les arbres et, d'une autre façon, des livres. " L'avenir ? " On dressera une grande croix de Lorraine sur la colline qui domine les autres [...] et comme il n'y a personne, personne ne la verra. Elle incitera les lapins à la résistance. "
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Comme Malraux suggère que le vrai prédécesseur de De Gaulle, c'est moins Clémenceau, peut-être, que Victor Hugo, le général le coupe : " Au fond, vous le savez, mon seul rival international, c'est Tintin !... On ne s'en aperçoit pas, à cause de ma taille..."
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Les Mémoires d'espoir ne sont pas tout à fait comparables aux Mémoires de guerre (...)
On ne peut faire grief à de Gaulle que M. Coty ne soit pas Churchill, ni M. Pflimlin Roosevelt, ni Jacques Duclos Staline. Il est clair que Maurice Challe, du temps même où il le sert avec éclat, ne lui offre pas une matière comparable à Eisenhower, et que Raoul Salan ne vaut ni Jean Moulin comme " féal " ni Muselier comme carbonaro. Et il se trouve que ses adversaires, puis partenaires algériens n'échauffent pas sa verve. Seul Khrouchtchev lui donne l'occasion d'un très savoureux croquis.
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Comme tous les autres, c'est d'abord un artisan, un homme qui, des heures durant, couvre une certaine surface blanche d'une certaine substance brune, et qui a, comme tous, ses recettes. Michel Droit, qui fut l'un de ses derniers visiteurs accueillis à La Boisserie (août 1970), a rapporté les confidences que lui a faites le vieil écrivain :

" Le matin, je descends vers 9 heures et j'écris jusqu'à midi. Et après le déjeuner, de 4 à 6. Je crois que c'est là un maximum pour faire quelque chose de convenable. D'ailleurs, je rédige lentement. Je reviens beaucoup sur mes manuscrits. J'essaie de me débarrasser de mes tics d'écriture. Ce n'est pas toujours facile..."

Un instant, et puis, un ton au-dessus :

" Ce que je fais ici, en écrivant mes Mémoires, est bien plus important pour la France que ce que je pourrais faire à l'Elysée, si j'y étais encore..."

Un peu plus tard, un ton en-dessous, mais parce qu'il est, après tout, un homme de lettres : " Que lit-on à Paris ? Qui va être élu à l'Académie ? "

Charles de Gaulle était un écrivain ennemi de lui-même, bourreau de ses textes, que l'on eût dit avide de ratures, et que seule pouvait relire sa fille Elisabeth. On rapporte à ce propos un joli mot de lui, prononcé à l'occasion d'une visite à la Bibliothèque nationale, où étaient exposés un brouillon de sa main et, à côté, quelques lignes de Corneille, sans rature ni surcharges. Il avait souri et laissé tomber : " Tiens, Corneille ne se relisait pas ? "
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Esquissant entre le nouvel élu et Maurice Couve de Murville un parallèle, favorable au second, de Gaulle revient sur les résultats du 1er tour [1er juin 1969]. Avec 37% de suffrages, Pompidou a obtenu beaucoup moins que les 47% qu'il avait recueillis, lui, au référendum, et observe que si les communistes l'avaient voulu, c'est Poher qui serait président - le tout pour conclure : " Le glissement de la France vers la médiocrité va se poursuivre."
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Le père attentif et assez peu tyrannique (" pas sévère, exigeant " selon son fils) qu'il a été est devenu un grand-père très tendre. Anne de Boissieu et Yves de Gaulle, le second fils de Philippe, sont ceux qu'il emmène le plus volontiers en promenade - avec le chien Rase-Mottes. Lui raconte-t-on que ses petits-fils, passant devant les gendarmes qui gardent le portail de La Boisserie, lâchent le guidon de leur bicyclette et lèvent les bras en hurlant : " Je vous ai compris ! ", il en rit franchement.
Vie douce de vieil écrivain campagnard - telle que la menait naguère un Joseph de Pesquidoux. Vie régulière, presque cloîtrée, rythmée par les chapitres qui défilent, les visites familiales, les promenades sous les arbres, et la rumeur du monde. Il consacre cinq à six heures par jour à ses Mémoires et deux ou trois heures à la correspondance. Il a calculé qu'il avait, en un demi-siècle, signé 35 000 lettres... En ces jours-là, de Lady Churchill au comte de Paris, de Franco à Nixon, de Bourguiba à Senghor, de Hassan II à Houari Boumediene, il ne manque pas de correspondants.
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(...) Rentrant d'une visite à Colombey, au début de juillet 1969, Maurice Couve de Murville répondait à une question que nous lui posions sur l'état où il avait trouvé le général de Gaulle : " J'ai vu un homme heureux... Heureux ? - Oui, parce qu'il fait ce qu'il aime : écrire." Foudroyé par le verdict du 27 avril [1969], Charles de Gaulle a été, dans le même temps, rendu à ce métier d'écrivain que l'histoire ne lui permettait d'exercer que par échappées. Le voici dans sa tour d'angle - ou dans quelques autres demeures, couvrant feuillet sur feuillet de sa longue écriture fléchie.
Souffrance du souverain, bonheur de l'écrivain. En dix-huit mois, une vie ainsi se réinvente et retourne à sa source : les mots. Désormais familier de la mort, il s'abandonne, en attendant, au doux démon de l'écriture.
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Mais tout chez de Gaulle n'est pas stratégie, esthétique ou morale de l'histoire. Il y a aussi chez lui un homme très vulnérable, et qui vit " son " histoire comme une liaison pathétique avec le peuple de France.
Cet homme-là est, au début de mai 1969, un être malheureux. Celui dont Churchill avait, dans une intuition géniale, décelé du premier coup d'œil, en juin 1940, " l'aptitude à la souffrance ". Celui dont Yvonne de Gaulle dira, dix-huit mois plus tard, devant le corps foudroyé : " Il a tant souffert depuis deux ans..." Celui qui confie à l'un de ses proches, au début de mai : " J'ai été blessé en mai 1968. Maintenant ils m'ont achevé. Et maintenant, je suis mort..."

(...)

Xavier de La Chevalerie, qui fut l'un des premiers à le revoir après l'enfermement à La Boisserie, le trouva " blessé jusqu'au fond de l'âme. Mai 1968 l'avait ébranlé. Avril 1969 lui donna le coup de grâce. La souffrance qu'il en éprouva était de celles auxquelles on ne survit pas ".
Et dans une interview à France-Inter, le 18 juin 1972, Philippe de Gaulle, répondant à la question de savoir si " cette retraite forcée " avait " précipité la fin " du général, répondit : "... C'est ma conviction ". Charles de Gaulle pouvait bien répéter, à lui-même comme à ses rares visiteurs, que les Français avaient moins voté contre lui que contre " l'effort ", il avait trop fondé sur ce lien charnel, venu des profondeurs entre lui et " le peuple " - entité que sa puissante imagination confondait d'emblée avec " la France " - pour ne pas voir en ce scrutin du 27 avril une sorte de trahison.
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Dans l'ascenseur qui, à la fin de l'enregistrement, le ramenait à son appartement, le général avait demandé à Flohic : " Pensez-vous que ça ira, comme sortie ? " Il avait alors convoqué le chef du service de presse, Pierre-Louis Blanc, pour faire ajouter sur le texte à publier quelques mots qu'il a oubliés (tiens...) au cours de l'enregistrement. Puis, prenant congé de ses collaborateurs avant de prendre la route pour Colombey comme s'il s'était agi d'un vendredi ordinaire, il avait remis à Bernard Tricot le texte du communiqué à diffuser le dimanche soir, et une lettre pour le Premier ministre. Les témoins gardent le souvenir d'un moment de grande tension. Certains avaient les larmes aux yeux. En arrivant à La Boisserie, vers 16 h 30, le général de Gaulle lance à la cuisinière : " Nous rentrons définitivement, cette fois-ci, Charlotte, c'est pour de bon ! "
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Maurice Couve de Murville se garde bien d'imputer la défaite à son prédécesseur - pas plus qu'à Valéry Giscard d'Estaing : " La seule, la vraie raison de la mise en minorité du général, le 27 avril 1969, c'est, comme il le disait lui-même, que les Français ne voulaient plus de lui. C'est qu'une page d'histoire était tournée. C'est qu'une lassitude se manifestait, sur le thème de mai : dix ans, c'est assez ! Les manœuvres des uns et des autres, le lâchage de Giscard, la présence de Pompidou en tant qu'alternative ont joué. Mais de façon marginale. Le crédit du général de Gaulle était épuisé, voilà le vrai. On pouvait, on peut encore le regretter pour la France. Et personne plus que moi ne l'a fait. Mais c'était alors une donnée contre laquelle ni lui ni nous ne pouvions rien."
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C'est quatre jours plus tard [14 avril 1969], dira-t-il, que ses dernières illusions le quitteront - le jour où Valéry Giscard d'Estaing fera savoir, " avec regret, mais avec certitude ", qu'il ne pourra voter " oui ". La plupart des spécialistes estiment à 10% environ l'électorat que contrôle le député du Puy-de-Dôme : plus qu'il n'en faut pour faire basculer la majorité. C'est le dimanche 20 avril, une semaine avant le scrutin, que le général de Gaulle, recevant ses enfants dans son appartement privé de l'Elysée, manifestera clairement qu'il a perdu tout espoir. " Je sais que ce référendum sera perdu. Il me manquera les voix des indépendants qui suivront Giscard."
Trois jours encore, et le chef de l'Etat préside, le 23 avril, le Conseil des ministres. D'entre les participants, qui n'a la gorge serrée ? Qui oserait dire que ce n'est pas " la dernière classe " ? Le général tente dignement de donner le change : " Nous nous retrouverons mercredi prochain [...]. S'il n'en n'était pas ainsi, un chapitre de l'histoire de France serait terminé." Il confiera un peu plus tard à l'un des benjamins du Conseil, le secrétaire d'Etat Jean de Lipkowski, qui a tenté, on l'a vu, de le détourner de son projet : " C'est vrai, les Français ne veulent plus de De Gaulle. Mais le mythe, vous allez voir la croissance du mythe... Dans trente ans d'ici ! "
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