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Citations de Jean Lacouture (214)


Ce qui a conduit un ancien journaliste à consacrer tant de mois à l'évocation rétrospective de cette étrange société de prêtres, c'est qu'il n'a pu manquer de voir en eux des découvreurs de mondes, d'êtres, de civilisations différentes, des mangeurs de cultures assez férus de l'homme, en ses contradictions, pour se faire ici et là "tout )à tous", conquérants-conquis pris dans les rets d'un dialogue sans fin, sinon sans finalité, trop confiants en ses pouvoirs et en sa fertilité pour se résigner à croire qu'une frontière, un rituel, une coutume borne ou exclut.

Avant-propos
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Mais le mieux est de laisser au mémorialiste le soin de commenter : dix ans plus tard, il s'analyse avec une formidable pertinence :
" ... Mon intention [était] d'aller d'abord, non point à l'Hôtel de Ville où siégeaient le Conseil de la Résistance et le Comité parisien de libération, mais " au centre ". Dans mon esprit, cela signifiait au ministère de la Guerre, centre tout indiqué pour le gouvernement et le commandement français. Ce n'était point que je n'eusse hâte de prendre contact avec les chefs de l'insurrection parisienne. Mais je voulais qu'il fût établi que l'État, après les épreuves qui n'avaient pu ni le détruire ni l'asservir, rentrait d'abord tout simplement chez lui. Lisant les journaux, Combat, Défense de la France, Franc-Tireur [...], je me trouvais tout à la fois heureux de l'esprit de lutte qui y était exprimé et confirmé dans ma volonté de n'accepter pour mon pouvoir aucune sorte d'investiture, à part celle que la voix des foules me donnait directement. "
Le propos est d'une telle éloquence, sinon bonapartiste, au moins consulaire, qu'on s'en voudrait de le noyer dans quelque glose. Mais il faut, sinon le nuancer, en tout cas le compléter par une confidence faite quelques jours plus tard à Louis Joxe et par un propos tenu le lendemain, dans ce même château de Rambouillet, à un jeune homme nommé Philippe Vianney.
Il expliquait ainsi à Joxe le choix du ministère de la Guerre pour " centre " du nouveau pouvoir, plutôt que Matignon, le Quai d'Orsay ou l'hôtel de Lassay : " je campe ici, vous comprenez pourquoi ? La guerre n'est pas terminée, il faut qu'on le sache pour le cas où on aurait tendance à l'oublier, et puis, le ministère de la Guerre, c'est Clémenceau. Je n'occupe d'ailleurs pas son bureau, notez-le."
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C'est un intellectuel : on veut dire quelqu'un dont la vie, les décisions, les actes sont inspirés et motivés par des idées. Certes, on a constamment marqué à quel point cet homme d'action se méfiait des doctrines et s'attachait à tenir compte des circonstances. Dans son esprit, en effet, les doctrines sont nocives en ce qu'elles coagulent en systèmes le libre mouvement des idées. Ce machiavélien est un idéaliste qui, attentif au réel, le conceptualise par un constant effort de volonté. Dans la formule fameuse qui lui sert à jamais de devise : " Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France ", le mot clé semble être " fait ". Inspiré par une idée, certes : mais par une idée qu'il s'est faite, qu'il a sculptée à son image, exigeante, orgueilleuse, inaccessible. On dirait d'un jansénisme de la France.
Réaliste, de Gaulle ? Certes, dans les visées immédiates et les procédures, et dont la stratégie n'est presbyte que pour corriger la myopie générale qui sévit autour de lui dans le pouvoir, les institutions, l'entourage, dans le siècle... Mais c'est un réaliste de l'imaginaire qui " traite ", manipule et triture de sa main puissante des données préalablement modelées par son génie inventif. Et Dieu sait si, conjuguées, la volonté et l'imagination de Charles de Gaulle s'entendent à modifier les données du réel tel que le voient les petits hommes...
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Bref, ayant depuis bien longtemps cessé d'être monarchiste - s'il le fut jamais au-delà de l'adolescence - il s'est affiché républicain. Entrer dans un gouvernement de la IIIe République - fût-il le dernier, et le plus infirme - lui sera un honneur, et durant toute la crise, il sera l'allié le plus intime des champions de l'esprit jacobin - Reynaud, Mandel, Marin, Campinchi, Jeanneney, Herriot - contre les " grands chefs " militaires que navre moins la défaite si elle peut être présentée comme celle du régime démocratique.
Certes, ce n'est pas une idéologie qu'il défend - et on le verra à Londres fort prévenu contre certaines personnalités symboliques du parlementarisme - mais un état d'esprit fondant une stratégie. Son seul critère est alors l'esprit de refus au IIIe Reich. Peu lui chaut que Kérillis soit de droite ou Lagrange de gauche : c'est à leur attitude face à l'entreprise nazie qu'il les jugera. Il a admiré Tardieu, mais rompu avec lui dès son ralliement au clan du compromis avec l'Axe. Il a dédaigné Blum, mais s'est voulu son allié dès que le leader socialiste fut mis au rang des " bellicistes ".
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La conscience de sa seigneurie et de son savoir élitiste, qui le guindait encore en 1572 se mue, vingt ans après, en sympathie citoyenne, en tolérance lucide. Il était renaissant, il s'est fait humaniste. (p.379).
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L'histoire, selon Pierre Mendès France, a un sens. Ne prétendons pas, en son nom, dire qu’elle tend inéluctablement à l’avènement de la justice par le développement. Disons que l’histoire n’est à ses yeux ni tragique, comme assurait Malraux, ni absurde, comme le pensait Camus. Elle est faite d’une série de problèmes qu’il incombe à l’homme de résoudre. Ces problèmes, bien posés, étudiés avec soin, doivent appeler des solutions équitables. Si l’histoire est in Sphinx, cette Œdipe qu’est l’homme doit savoir lui répondre. En accord ici avec Marx, Mendès pense que l’histoire ne pose que des problèmes que l’humanité est en mesure de résoudre.
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À Matignon depuis trois ans, Rocard ne s'est pas usé aussi vite que l'escomptait le président.
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" A 84 ans, dit-il un jour à son aide de camp, j'aurai terminé mon œuvre et ma vie." Il a calculé, en effet, qu'au rythme qui est le sien - il compulse d'innombrables documents, manie de nombreux chiffres et rature beaucoup -, il lui faut cinq ans pour rédiger les deux derniers tomes de ses Mémoires d'espoir. Son neveu Bernard de Gaulle, qui l'accompagne pendant une de ses dernières promenades en forêt, sous une pluie battante, entend cette espèce d'appel, de supplication : " Les Mémoires, comme je voudrais les terminer avant ma mort. Je me dépêche, je me dépêche... J'espère écrire le second tome en moins d'un an. C'est ma mission avant de mourrir..."
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Charles de Gaulle est, comme Gorki le disait de Lénine, " hérissé de mots comme un poisson d'écailles ". Des hommes d'Etat contemporains, il est celui dont le destin politique aura dépendu le plus constamment des mots.
Ce militaire qu'un livre a sorti de l'ombre, ce rebelle dont un discours a fait un chef national, cet opposant qui dut sa survie politique à quelques entretiens avec la presse, ce président qui gouverne par la radio et la télévision, comment ne croirait-il pas aux vertus du langage ?
Jeune, il s'efforce au silence, mais se grise de Rostand. Officier, il se veut lointain mais ne perd aucune occasion de mettre en valeur son génie didactique. Prisonnier, il commente inlassablement les nouvelles du front pour ses camarades. Et puis le voilà professeur d'histoire militaire à Saint-Cyr - fonction qui restera la plus chère à son cœur : car de Gaulle est un pédagogue.
S'il faut isoler deux traits pour caractériser son art, on proposera ceux-ci : c'est une œuvre didactique, et une littérature aristocratique.
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(...) sa famille maternelle (...) descendait d'un clan irlandais, les Mac Cartan. Sa grand-mère Joséphine de Gaulle avait, entre autres biographies, écrit celle de Daniel O'Connell, symbole du nationalisme irlandais. Et son oncle Charles était l'auteur d'une histoire des Celtes. Il n'était pas jusqu'à l'expédition de l'un de ses héros préférés, Hoche, sur les côtes d'Irlande, en 1796, qui n'éveillât sa curiosité sympathique.
Il ne voulait pas mourir avant de découvrir cette terre d'où sa famille tenait peut-être ce quelque chose d'intraitable qu'il portait en lui. Du Sin Fein à la France libre, une certaine parenté se manifeste. Aspect du voyage qui ne contribua pas à améliorer l'image du général dans la presse britannique.
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Avec Flohic, le lundi après-midi [28 avril 1969], le général de Gaulle sera un peu moins laconique :
" Au fond, je ne suis pas mécontent que cela se termine ainsi [...]. Quelles perspectives avais-je devant moi ? Des difficultés qui ne pouvaient que réduire le personnage que l'Histoire a fait de moi et m'user sans bénéfice pour la France.
Je lui ai proposé une réforme, capitale pour l'avenir, qu'elle a repoussée. Je n'avais pas d'illusion quant à l'issue du scrutin [...]. Pensez à tous ceux que j'ai vaincus et qui se sont trouvés de bonnes raisons de voter contre moi, tout en sachant bien qu'ils faisaient une mauvaise action contre la France ! Il y a d'abord les vichystes, qui ne me pardonnent pas d'avoir eu raison. Puis l'OAS, ceux de l'Algérie française - dont certains n'étaient pas sans valeur. Puis tous les notables [...] que j'ai tenus si longtemps écartés du pouvoir !
Mais il y a une question qui dépasse ma personne, c'est celle de la légitimité. Depuis 1940 [...] c'est moi qui l'incarne et cela durera jusqu'à ma mort. Il y a de toute évidence 47 à 48% de voix gaullistes irréductibles. Je les ai toujours eues. Dès l'instant que je ne suis plus là, la question est de savoir si elles vont rester groupées. Mais c'est sur elles, à ces conditions, que l'on doit compter pour bâtir un régime et un gouvernement. Il est possible que l'on se prête à des manœuvres et que l'on reconstitue, avec un Pompidou quelconque, la IVe République sans le dire... "
Et le général de conclure :
" En tout cas, je ne dirai plus rien ".

(...)

Deux confidences, enfin, de Charles de Gaulle à son beau-frère : sa décision de ne pas sortir de La Boisserie, de n'y recevoir personne, hormis sa famille et deux ou trois collaborateurs directs dont il a besoin pour mettre en ordre ses papiers et préparer la rédaction de la suite de ses Mémoires; et le projet qu'il a formé de gagner l'Irlande " où il pourra retrouver le souvenir de certains de ses ancêtres ", à l'époque où se déroulera la campagne présidentielle. Georges Pompidou vient, le jour même, de faire acte de candidature : seul de tous les députés gaullistes (avec Louis Vallon), Jacques Vendroux, quittant La Boisserie, se refusera à l'appuyer.
Avant de le laisser partir, le général de Gaulle avait déclaré à Vendroux : " Je n'ai plus rien à faire avec eux, ils me sont étrangers."
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On ne peut écarter, sans l'avoir examinée, cette hypothèse : que le général a cherché une " sortie " parce qu'il était hanté par son âge, épouvanté par les assauts de la vieillesse. Et si l'échec du 24 mai 1968 était le glas qui sonne ? La manifestation du syndrome de Pétain ? Alors il serait temps de prendre les devants - en démocrate.
Il est vrai qu'au cours de ces années-là plusieurs des familiers du général de Gaulle l'ont entendu exprimer le souhait - très discret - qu'il se trouve quelqu'un pour l'avertir du moment où il ne serait plus en possession de tous ses moyens, obsédé qu'il était à la fois par le précédent du maréchal, et par celui de Winston Churchill, achevant dans les bredouillis titubants une vie triomphale.
Mais cette angoisse qui le tenaillait, il savait lui trouver un antidote. Témoin ce trait que rapporte son aide de camp Jean d'Escrienne : " C'était à l'Elysée. Le Général avait alors 78 ans. A la fin de la journée, j'entrai dans son bureau... Il était encore assis et tenait à la main, devant lui, une feuille de papier à lettres. Comme je m'étais approché pour le saluer, il me montra cette feuille sans me la donner. Je ne vis qu'une liste de noms, avec quelques chiffres en face de chacun... Alors, il me dit : " Saviez-vous que Sophocle avait écrit Œdipe à Colone quand il avait 90 ans ? [...] A 80 ans passés, Michel-Ange travaillait encore admirablement à la Sixtine et à la construction de la Coupole de Saint-Pierre... Le Titien peignait La Bataille de Lépante à 95 ans et La Descente de Croix à 97 ans... Goethe terminait son second Faust, égal à ses œuvres précédentes, à 83 ans... A 82 ans, Victor Hugo écrivait Torquemada, à 83, la seconde Légende des siècles ! [...] Nous avons eu Voltaire, et encore aujourd'hui Mauriac !... "
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Où en est Georges Pompidou ? Cet " homme remarquable, mais qui, écrit Alexandre Sanguinetti, n'a probablement pas compris le sens réel du gaullisme ", le général de Gaulle l'a proclamé en juillet [1968], puis le 9 septembre, " en réserve de la République ", l'invitant, devant la presse internationale, " à se préparer à tout mandat qu'un jour la nation pourrait lui confier ". Quel autre mandat est confié par " la nation " que le mandat suprême ? Eût-il voulu l'investir officiellement de la succession, le général n'aurait pas parlé autrement - avec ces touches d'ambiguïté solennelle qu'il aimait mettre dans les grandes choses. Et pourtant, le député du Cantal se comporte alors en exilé de l'intérieur, en Choiseul prié d'aller soigner ses fleurs à Chanteloup plutôt qu'en dauphin désigné. Il est vrai que les dauphins ne brillaient pas tous par la patience...
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(...) Gardons-nous de faire de la débâcle monétaire de novembre [1968] la riposte organisée du patronat aux projets " révolutionnaires " [la participation] du vieux monsieur de l'Elysée. En de telles occurrences, la spontanéité et l'inconscient l'emportent sur les plus beaux complots. Mais il est vrai que la lourde " ardoise " de Grenelle, il vaut mieux la payer en monnaie dévaluée.
En novembre, au plus fort de la " grande peur du franc ", Le Monde publie une lettre de Paul Huvelin, président du CNPF, négociateur des accords de Grenelle : il y est question des " graves préoccupations que font naître [...] les projets de participation [qui] apparaissent comme une menace sur la vie et le développement des entreprises [...]. Il est parfaitement compréhensible qu'une telle menace joue directement sur les réactions des épargnants "... Louis Vallon a-t-il tort de voir là " une déclaration de guerre du CNPF à de Gaulle " ?
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La tentative de relance économique déclenchée d'abord par Maurice Couve de Murville, puis par François Ortoli, se fondait sur l'idée d' " accompagnement de l'expansion ", manifestée par une politique audacieuse du crédit.
Bien que le chef de l'Etat eût, le 29 juin [1968], clairement manifesté son habituelle inclination vers la rigueur, afin d' " empêcher la hausse des prix, l'inflation, la chute de la monnaie ", c'est une stratégie de fuite en avant qui fut adoptée sous la pression des entreprises et des organisations professionnelles, pour tenir, disaient-elles, les promesses faites à Grenelle et éviter qu'il y eût " un million de chômeurs en octobre ". D'où une politique d'expansion intensive, qui déboucha sur une périlleuse expansion monétaire.
Bien que l'économie française ait bien digéré les concessions salariales de Grenelle, l'importance du découvert budgétaire, la colère provoquée chez les possédants par les rudes mesures fiscales de l'automne, la multiplication des avances faites à l'Etat par la Banque de France, créèrent autour du franc un climat de méfiance. " Toutes les conditions, écrit Alain Prate, étaient réunies pour qu'à la crise universitaire et sociale de mai succède, en novembre, une crise monétaire d'une rare violence, alimentée par les liquidités internes surabondantes, qui allaient provoquer le retour tardif à la politique de rigueur voulue par le chef de l'Etat."
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(...) de Gaulle neutraliste, de Gaulle rompant avec les Etats-Unis, de Gaulle mué en Nehru européen ? Non. Quelles qu'aient été ses vues à long terme, les circonstances détournèrent le général de ce choix aventureux. En négociant avec Hanoi, Washington est alors en passe de désamorcer l'une des plus violentes campagnes menées, contre l'alignement atlantique, par de Gaulle. A la veille de se retirer, le fondateur de la Ve République va tenter de se rapprocher de Londres et décider de renouveler l'adhésion de la France au Pacte. Pour incommode qu'il fût, de Gaulle restera jusqu'au bout - en dépit de ce qu'on pourrait appeler le vertige nucléaire - un allié de l'Occident.
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Il ne quittera pas le Brésil - où il apprend (...) la destitution de Nikita Khrouchtchev - sans demander au chef de l'Etat ce qu'est une dictature militaire. " C'est, riposte le général Castelo Branco, un régime où les officiers s'emparent du pouvoir avec regret, et le quittent avec plus de regrets encore... " Ce n'est pas cette répartie ambiguë, c'est le déclenchement de la " guerre de la crevette " contre la France qui devait faire dire deux ans plus tard à de Gaulle : " Le Brésil n'est pas un pays sérieux... "
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D'un coup, de Gaulle prit l'ascendant. Il n'avait pas plutôt atterri à Mexico que, sur la place centrale de la capitale, le Zocalo où s'entassaient 300 000 exaltés, il rugissait une quinzaine de phrases en espagnol conclues par un " Marchamos la mano en la mano " qui valait bien le " Je vous ai compris " d'Alger et déclencha la même acclamation.
Laquelle redoubla jusqu'au délire, jusqu'à des manifestations qui épouvantèrent les responsables de la sécurité le lendemain (on était dix-huit mois après l'attentat du Petit-Clamart, six mois après celui de Dallas), lors de la visite du président français à l'université de Mexico. Avant que la voiture du général n'atteigne la porte où l'attendaient le ministre et le recteur, les étudiants bloquèrent le véhicule, extirpèrent le général de sa voiture et le portèrent en triomphe jusqu'à l'amphithéâtre. " Nous sommes tous bousculés, happés, renversés, raconte l'ambassadeur Offroy... Je me trouve à la hauteur d'un reporter qui hurle : " Ici, Europe n°1 : je suis debout sur le ventre d'un général mexicain..." Jean Mauriac, qui suivit tous les voyages de Charles de Gaulle, devait nous confier que jamais il n'avait eu si peur pour le général.
Lui, il était enchanté. Ici, ce n'est plus le bain de foule, c'est la plongée dans la houle. Et c'est assuré d'avoir gagné son pari qu'il lance à Raymond Offroy, en montant dans l'avion pour la Guadeloupe : " Plantez-moi un drapeau français, ici, aux portes des Etats-Unis ! "
Ce drapeau allait prendre la forme d'un métro - et guère davantage. Moins parce que le voisin du nord a fait le nécessaire pour détourner la clientèle mexicaine des séductions de l'intrus, mais parce que Paris ne prend pas les moyens (les avait-il ?) de faire fructifier l'initiative tonitruante de l'orateur du Zocalo. " La mano en la mano ? " Oui. Mais quand cette main est vide...
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(...) c'est la signature des accords d'Evian qui fit s'écrouler les murailles entre la France et les nations-prolétaires : dès cet instant, tout était possible, l'Algérie se muant bientôt d'obstacle en trait d'union.
C'est donc au printemps 1962 que, libéré de l'hypothèque algérienne, Charles de Gaulle accélère sa longue marche en direction de l'hémisphère Sud. Si sa carte africaine est d'ores et déjà jouée, avec des résultats forts ambigus - la Communauté s'est désintégrée, mais la coopération se développe - l'Asie va accueillir avec faveur les deux initiatives majeures du général (son appel du 29 juillet 1963 en faveur d'un règlement politique vietnamien, la reconnaissance de la Chine populaire) et l'Amérique latine faire un accueil chaleureux au visiteur qui, par deux fois en 1964, traversera l'Atlantique pour y mettre ses pas dans ceux de Bolivar.
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Il arrivait que ces tête-à-tête privilégiés prissent des formes bizarres. Quand, en 1967, Jean-Bedel Bokassa se saisit du pouvoir en République centrafricaine, il demanda à être reçu à Paris. De Gaulle, choqué du putsch accompli par cet ancien soldat de la France libre, refusa pendant plus d'un an de l'accueillir, puis finit par céder. Sitôt entré dans le grand bureau de l'Elysée, Bokassa se précipita, prit les mains du général et s'écria : " Oh ! Papa... - Voyons, Bokassa, appelez-moi mon général, comme tout le monde... - Oui, papa..."
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