Visant Blum, Maurras a écrit en 1935: « C'est un homme à fusiller… mais dans le dos ». Gaxotte a ajouté en 1938: « Il est le mal, il est la mort ». En 1936, il est violemment agressé par une foule de manifestants. Pour nous, il est difficile d’imaginer actuellement un tel déchaînement de haine à l’égard d’un homme d’Etat. Mais, avant guerre, on se formalisait guère d’une extrême violence à l’encontre du leader des socialistes, promoteur des avancées sociales du Front Populaire et… Juif qui plus est.
C’est cet homme qui est le sujet du très gros ouvrage de Jean Lacouture. L’auteur passe au peigne fin l’ensemble de sa vie, qui va très vite se confondre avec sa vie politique. Rien n’est laissé de côté, tout est consigné avec précision et des extraits de ses discours ou articles sont donnés à profusion. Ce livre intéressera tous les passionnés d’Histoire, et plus spécialement les quelques personnes qui s’intéressent encore maintenant à la période très agitée où Blum a joué un rôle majeur dans la politique française.
On connait les grandes lignes de son parcours: à la tête de la SFIO et du journal socialiste "Le Populaire", président du Conseil en 1936-1937 à un moment crucial pour la France, puis opposant déterminé à l’instauration du régime de Vichy. Paradoxalement l’apogée de sa trajectoire se situe peut-être pendant le procès qui lui est fait, à Riom: déjà condamné avant d’avoir été jugé, il fait face à ses accusateurs avec dignité et intelligence. A noter qu’un leader communiste (F. Billoux) s’était porté volontaire pour être témoin à charge contre lui ! Dans ce procès, Blum risque sa peau, mais finalement il ne sera "que" déporté à Buchenwald par les Allemands. Libéré, il jouera encore un rôle politique après la guerre, avant de mourir en 1950.
J. Lacouture ne fait pas mystère de son admiration pour cet homme cultivé, très fin, distingué. Dans une Europe plongée dans le chaos, il a tenté désespérément de concilier l’inconciliable: le marxisme et la démocratie, l’alliance avec le PCF et son hostilité personnelle au totalitarisme, le pacifisme et l’antifascisme. Ce dernier point est illustré notamment par la non-intervention dans la guerre civile en Espagne, en 1936 - décision difficile, mais explicable par l’extrême faiblesse de la France sur le plan militaire et diplomatique. Son "lâche soulagement" après les accords de Munich (1938) relève des mêmes raisons.
En définitive, Léon Blum a été un homme politique honnête et même scrupuleux, qui a connu des demi-succès et des échecs, en raison des situations extrêmement difficiles où il a été contraint d’agir.
Commenter  J’apprécie         80
En tout état de cause,l'"explosion sociale" de mai-juin 1936 fut pour le gouvernement de Front Populaire et l'ensemble de la coalition,communistes compris,A la fois une épreuve prénatale décisive et un stimulant vigoureux
Surprenante incapacité à dépasser les a priori d'une pensée politico-stratégique. Dès la fin des années 20,Blum voit mieux que personne l'ampleur du phénomène fasciste, ses implications,ses liaisons . Mais jamais,jusqu'en 1935,il ne saura en tirer les conséquences les plus simples,les plus naturelles. Contre des assassins qui s'admettent pour tels et s'affirment par leurs actes de mort est il d'autre choix que de se donner les moyens de défense ? Il s'agit d'un réflexe élémentaire. Mais élémentaire n'était pas son fort.
Pour Blum, la pensée dont il avait hérité de Jaurès était à la fois l'approfondissement de l'esprit républicain de la Révolution,une esthétique sociale et la chartre d'affranchissement du prolétariat-une morale aussi bien qu'une vision du monde. C'est cette morale ,cette vision,ce dépôt d'espoir qu'il fallait préserver et faire fructifier mais seulement dans les conditions les plus favorables à la classe ouvrière.,et dans ce "favorable",l'esprit très minutieux, très analyste de Blum mettait peut être trop de conditions,voyait trop de paramètres jusqu'à le conduire à une sorte de scrupule historique,de jansénisme politique .
Au surplus il ne faut pas trop s'attarder sur le concept de "chef" du parti. On sait avec quelle énergie à Tours,Blum s'était élevé contre toute hégémonie et avait su opposer le concept de direction égalitaire et contrôlée de la SFIO au système hiérarchisée et militaire des bolchéviques. Plus tard,son autorité reconnue,il refusa constamment d'être qualifié de chef du parti. Il préféra ce mot d'animateur, jusqu'à ce jour de mai 1936 où il revandiqua ardemment les responsabilités de chef à la veille d'assumer le pouvoir.
Il devenait difficile d'opposer les leçons données et les méthodes définies en 1908 au Congrès de Toulouse à ce concile de l'après jauressisme et de l'après massacre,à tant d'hommes pour qui le socialisme ne s'incarne plus dans la parole du député du Tarn mais dans les actes des vainqueurs de Petrograd.
20 mai 1996 Olivier BARROT présente une biographie de MONTAIGNE, écrite par Jean LACOUTURE, aux éditions du Seuil : "MONTAIGNE A CHEVAL". Images d'archive INA