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Citations de Jean Lorrain (135)


Jean Lorrain
MÉLUSINE

Les bras nus cerclés d'or et froissant le brocart
De sa robe argentée aux taillis d'aubépines,
Mélusine apparaît entre les herbes fines,
Les cheveux révoltés, saignante et l'oeil hagard.

La splendeur de sa gorge éblouit le regard
Et l'émail de ses dents a des clartés divines ;
Mais Mélusine est folle et fait dans les ravines
Paître au pied des sapins la biche et le brocart.

Depuis cent ans qu'elle erre au pied des arbres fées,
Elle est fée elle-même ; un charme étrange et doux
La fait suivre à minuit des renards et des loups.

Ses yeux au ciel nocturne enchantent les hiboux,
Et près d'elle, érigeant ses fleurs en clairs trophées,
Jaillit un glaïeul rose à feuillage de houx.
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Jean Lorrain
MORGANE

Un pâle clair de lune allonge sur la grève
L'ombre de hauts clochers et de grands toits, où rêve
Tout un choeur de géants et d'archanges ailés.

Pourtant la ville est loin, à plus de deux cents lieues ;
La dune est solitaire et les toits dentelés,
Les clochers, les pignons et les murs crénelés,
Sur le sable et les flots montent en ombres bleues.

Au fond des profondeurs du ciel gris remuées
Toute une ville étrange apparaît : des palais,
Des campaniles d'or, hantés de clairs reflets,
Et des grands escaliers croulant dans les nuées.

Leur ombre grandissante envahit les galets
Et Morgane, accoudée au milieu des nuages,
Berce au-dessus des mers la ville des mirages.
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"Ne trouvez-vous pas, monsieur le duc, que la marquise de Sarlèze ressemble étrangement à une cigogne ce soir ?"
C'était fou et c'était vrai.
Avec son long cou granulé, sa face étroite, ses yeux ronds aux paupières membraneuses, avec son grand nez effilé surtout, effilé comme un bec et l'artifice évident des faux cheveux adhérant mal au crâne, la marquise de Sarlèze était, ce soir-là, une effarante cigogne de cauchemar. La ressemblance m'apparut tout à fait criante, et je sentais ma raison sombrer dans l'inconnu ; car dans la buée lumineuse des lustres, le long des hautes fenêtres drapées de satin vert pâle et dans l'embrasure des portes, les salons de l'hôtel de Sarlèze venaient de se peupler de masques.
La femme au piano, qui chantait, à moitié nue, comme entraînée en avant par le poids de sa gorge, avait le profil d'une brebis bêlante ; le blond de ses cheveux avait jusqu'à l'aspect terne et laineux d'une toison. De Tramsel dégageait un museau de renard, Mireau, le romancier, une gueule de hyène ; dans le groupe des femmes assises, toutes les fleurs du faubourg en corbeille pourtant, c'étaient des édifices de plumes, de gazes et de soie peintes écrasant des cous frêles et des poitrines plates : d'étroites épaules engoncées de manches énormes, la maigreur étoffée des phtisies à la mode, ou bien, pis encore, l'éléphantiasis cuirassée de jais des grosses dames, et cela sous les jets crus du gaz. De lourdes faces bovines, des prunelles aqueuses de vaches ruminantes à côté de fronts fuyants de carnassiers et d'yeux ronds d'oiseaux de proie.
Debout près du Pleyel, la dame à la face moutonnière, la comtesse de Barville, continuait à bêler du Chaminade ; un pianiste, un professionnel aux yeux saillants de batracien dans une pauvre petite figure écrasée et stupide, l'accompagnait en saccade avec des gestes hâtifs.
L'enfilade des salons de l'hôtel de Sarlèze, leurs longs parallélogrammes d'anciennes boiseries à peine rehaussées d'or, peuplés littéralement de spectres et, comme dans un envoûtement, l'atmosphère toute grouillante de larves, telle une goute d'eau vue au microscope, laissait transparaître avec les âmes les épouvantables faces des instincts et des pensées ignobles. Autour de nous, grimaçaient, tournoyaient des bouches d'ombre.
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Amsterdam, c'est toujours de l'eau et des maisons peintes en blanc et noir, tout en vitres, avec pignons sculptés et rideaux de guipure ; du noir, du blanc se dédoublant dans l'eau. Donc, c'est toujours de l'eau, de l'eau morte, de l'eau moirée et de l'eau grise, des allées d'eau qui ne finissent plus, des canaux gardés par des logis pareils à des jeux de dominos énormes ; ça pourrait être funèbre et pourtant ça n'est pas triste, mais c'est un peu monotone à la longue, surtout quand il gèle et que l'étain figé des canaux ne mire plus les belles petites maisons de poupée, perron en l'air et tête en bas.
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Oui, il était mon amant ! Il est hideux, je le sais...La vie coûte à Paris !
Mais il s'agit bien de cela !
Ce corps ne peut pas rester ici, ma fille dort à côté, presque porte à porte, et mon fils à la pension !
Ce serait affreux, songez, la police ici, le concierge, le scandale dans la maison et les les journaux et moi-même traitée en fille publique !....
Ah !....et puis, vous savez, Mr Bariller est marié ; il y a une femme, des enfants, une famille, je ne peux pas leur renvoyer ça !.....
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Mme Adèle était une brune quadragénaire à l'arrière train énorme, une engorgée et massive commère dont les yeux capotes et le profil absent nageaient dans la graisse.
Le rouge outrageant de ses joues n'en animait pas la pâleur. Ses sourcils peints, ses cheveux gras de pommade et les bajoues de sa face blafarde en faisaient un type accompli de matrone.
Ses bras trop courts émergeant en ailerons d'un peignoir de surah mauve, elle avait installé sa croulante personne parmi les coussins Liberty d'un divan et nous faisait maintenant les honneurs du boudoir.
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Est-ce pour m'être trop complu dans l'eau froide des joyaux que mes prunelles ont pris cette clairvoyance atroce ? La vérité est que je souffre et meurs de ce que ne voient pas les autres et de ce que, moi, je vois!
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- Mais une qui ne m'a pas emballé, oh ! ça non ! c'est leur grande vedette, et ils en font pourtant un foin pour elle. Vous connaissez, vous, Mlle Yls ? Mais, c'est pas une femme, c'est une canne à pêche, ça n'a ni tétons, ni fesses.
En v'là une qui n'ferait pas un sou chez nous, et ça couche dans le lit des princes !
Ah ! on peut bien dire que les gens d'la haute ont l'estomac fatigué !
Y faut guère avoir d'appétit pour aimer une femme ainsi torchée, y a pas la place pour aimer ; mais si j'avais ça chez moi, j'la mettrais sur une étagère et encore j'aurais peur de l'épousseter.
Ah ! non, que je n'la gobe pas, vot' demoiselle Plumeau.
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Je traîne avec moi ma vie. Quel châtiment !
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Jean Lorrain
L’étang mort

Comme un lointain étang baigné de clair de lune,
Le passé m’apparaît dans l’ombre de l’oubli.
Mon âme, entre les joncs, cadavre enseveli,
S’y corrompt lentement dans l’eau jaunâtre et brune.

Les croyances d’antan s’effeuillent une à une,
Tandis qu’à l’horizon suavement pâli,
Un vague appel de cor, un murmure affaibli
Fait vibrer le silence endormi sur la dune.

O blême vision, étang crépusculaire,
Songe en paix. Pleure en vain, olifant légendaire,
O nostalgique écho des étés révolus !

Un trou saignant au front, les Espérances fées
De longs glaïeuls flétris et de lys morts coiffées,
Au son charmeur du cor ne s’éveilleront plus.
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C'est en sortie qu'il faut connaître ces dames.
A la maison elles se ressemblent toutes ; il y a que la couleur des cheveux qui diffère ; c'est toutes les mêmes vaches en peignoir.
Mais, une fois dehors, ça fringue et ça se requinque, ça ne vit vraiment que les jours de ballade. C'est alors que vous les poissez sur le tas, rigolant comme matelots en bordée et satisfaisant, chacune, sa petite passion et son vice.
Il y a les marchandes d'ail qui vont rejoindre leurs gousses, ça se carre à Montmartre ; les sentimentales ont un petit homme et vont à la campagne filer le parfait amour ; il y a les chahuteuses que vous trouverez au bal des Vaches ou à Nogent, chez Convert ; les veuves, celles qui cherchent à se marier par besoin de tendresse ; la Groseille à maquereau, la mistonne à béguins. Celle-là sait où trouver les hommes, les gros et les beaux, et ce n'est pas loin d'ici ; mais il y a les jours. Il faut les savoir.
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"Et avec ça, la clientèle qui chipote, grognasse et se fait de plus en plus regardante...des fournitures qui deviennent de jour en jour inférieures..., et la concurrence, et la plus déloyale, tolérée dans la rue.
Ainsi à Aubry-les-Epinettes il y a bien deux régiments, et, les jours de marché, toute la campagne qui rapplique ; et les cultivateurs, ça, c'est un rendement sûr ; mais il y a aussi les fabriques, deux tissages et un cardage de coton...et les ouvrières ! Ah ! monsieur Jacques, les ouvrières de fabrique ! Et la police ferme les yeux, elle ne dit rien, la police ; mais elle ne se gêne pas pour me dresser des contraventions.
A la moindre infraction, il faut voir si ça tombe ! Comme la grêle sur le blé d'avril ! Ces filles de fabrique, ça se donne pour vingt sous, quelque fois moins, au bord d'un champ, derrière une haie, où ça se trouve, tandis que chez moi c'est deux francs, pas moins, et, si l'on reste la nuit, la thune...
Mais il n'y a pas à dire, établissement régulier, ça n'a jamais l'excitant de l'aventure.
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Les yeux modernes ?
Il n'y a plus d'âme en eux ; ils ne regardent plus le ciel.
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Elle avait revêtu pour le dîner un peignoir de percale rose à fleurs vertes, qui la drapait comme dans un vieux rideau et lui donnait un air de chien savant ; des fleurs en papier la coiffaient à la façon d'un gâteau de Savoie, dont sa tignasse avait la nuance.
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Il n’est pas au monde émotion un peu délicate qui ne repose sur l’amour du merveilleux : l’âme d’un paysage est tout entière dans la mémoire, plus ou moins peuplée de souvenirs, du voyageur qui le traverse, et il n’y a ni montagnes, ni forêts, ni levers d’aube sur les glaciers, ni crépuscules sur les étangs pour qui ne désire et ne redoute à la fois voir surgir Orianne à la lisière du bois, Thiphaine au milieu des genêts et Mélusine à la fontaine. (…)
Il faut donc aimer les contes et d’où qu’ils viennent, de Grèce ou de Norvège, de Souabe ou d’Espagne, de Bretagne ou d’Orient. Ce sont les amandiers en fleur des jeunes imaginations ; le vent emporte les pétales, dissémine le rêve, mais quelque chose est resté qui, malgré tout, portera fruit et ce fruit-là parfumera tout l’automne. Qui n’a pas cru enfant ne rêvera pas jeune homme ; il faut songer, au seuil même de la vie, à ourdir de belles tapisseries de songe pour orner notre gîte aux approches de l’hiver ; et les beaux rêves même fanés font les somptueuses tapisseries de décembre.
Il faut donc aimer les contes, il faut s’en nourrir et s’en griser comme d’un vin peu dangereux et léger, mais dont la saveur âpre sous un faux goût de sucre insiste et persiste, et c’est cette saveur là qui, le repas fini, enchante le palais et permet au convive écoeuré de la table parfois d’y demeurer.
Pour moi, je l’avoue, je les ai adorés et d’une adoration presque sauvage, les contes aujourd’hui proscrits et dédaignés ; et c’étaient des contes brumeux, trempés de lune et de pluie, semés de flocons de neige, des contes du Nord, car je n’ai connu, moi, que très tard dans la vie l’enchantement ensoleillé du Midi.

["Les Contes", préface]
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Ces contes de fées, qu'on a remplacés aujourd'hui par des livres de voyages et de découvertes scientifiques, ces merveilleuses histoires qui parlaient au cœur à travers l'imagination et préparaient à la pitié par d'ingénieux motifs de compassion pour de chimériques princesses, dans quelle atmosphère de féerie et de rêve, dans quel ravissement de petite âme éblouie et frémissante ont-elles bercé les premières années de ma vie ! et comme je plains au fond de moi les enfants de cette génération, qui lisent Jules Verne au lieu de Perrault, et Flammarion au lieu d'Andersen ! les pratiques familles de ces bambins-là ne savent pas quelle jeunesse elles préparent à tous ces futurs chevaucheurs de bicyclettes.
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Ils ne savent que faire le long des jours de leurs dix doigts. Allez ! les médecins les connaissent bien. Ces gens riches, il faut qu'on les embête pour qu'ils se croient guéris. Si on ne leur fait pas avaler la croix de la Passion, le gril de Saint Laurent et les cailloux de Saint Etienne, ils ne croiraient pas que c'est un traitement.
Ils sont tous loufs et, plus ça monte dans le grand, plus ils sont jobards et crédules. Le médecin peut leur tirer tout ce qu'il veut !
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La vie est ici, ce qu'elle devrait être : un étourdissement énivré.
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- Et vous autres, quand vous aurez fini d'baffrer ! s'emportait le gros homme en prenant à partie Géraldine et Totote, il y a déjà une heure que vous êtes là.
Vous en empiffrez-vous de ces asperges ! Vrai, vous en avez un estomac ! ça n'vous dégoûte pas d'en avaler tant que ça ?
- Oh ! la la, s'esclaffait Totote, secouée par une idée drôle, si les asperges nous dégoûtaient, qu'est-ce que nous ferions chez vous, patron ?
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Comme un lointain étang baigné de clair de lune,
Le passé m'apparaît dans l'ombre de l'oubli.
Mon âme, entre les joncs, cadavre enseveli,
S'y corrompt lentement dans l'eau saumâtre et brune.

Les croyances d'antan s'effritent une à une,
Tandis qu'à l'horizon suavement pâli,
Un vague appel de cor, un murmure affaibli
Fait vibrer le silence endormi sur la dune.

Ô pâle vision, étang crépusculaire,
Dors en paix ! pleure en vain, olifant légendaire,
Ô nostalgique écho des étés révolus !

Un trou saignant au front, les espérances fées,
De longs glaïeuls flétris et de lys morts coiffées,
Au son charmeur du cor ne s'éveilleront plus.
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