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Citations de Jean-Marie Blas de Roblès (346)


S'il y a quelque chose de pire que la religion, c'est le mythe ; la littérature est bien incapable de changer le monde, mais dis-toi qu'elle a encore les moyens d'entretenir ce qui le désagrège. (p. 142)
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Depuis que les hommes ne croient plus en Dieu (...) ce n'est pas qu'ils ne croient plus en rien, c'est qu'ils sont prêts à croire en tout. (p. 140)
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Mener à bien une résolution, ne serait-ce qu'une seule, c'est se rapprocher de l'état de grâce... (p. 89)
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(...) il m'a fallu toute une vie pour comprendre que le centre d'un labyrinthe avait moins de valeur que nos errements pour y parvenir. (p. 45)
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... ma copine d'alors (m'en)traîna un jour chez un de ses amis "artiste", dans le XVIe arrondissement. Il habitait un loft dont l'ordre et la netteté tenaient plus du laboratoire que d'un antre propice à la création, ou de ce que j'imaginais d'un atelier de peintre. (... ) Dès les présentation, j'appris qu'il travaillait pour le peintre Vasarely. Comme une demi-douzaine d'employés de son genre, épars dans les grandes capitales du monde, il recevait par fax les instructions du maître et se chargeait de réaliser les tableaux correspondants. Il nous montra la commande du jour : une longue suite de nombres qu'il déchiffra pour nous en préparant son matériel. D.29, p. 40 renvoyait à la page 40 du dossier 29 où se trouvait la matrice géométrique désirée, un canevas dont chaque polygone était numéroté. Suivait la taille de la toile, puis les chiffres associant chacune des surfaces à une couleur particulière. Ç a n'était que du coloriage, de la supercherie !
- Eh oui, ce con a réinventé la peinture au numéro... Lamentable, je suis d'accord, mais c'est mon gagne-pain. J'arrêterai quand je commencerai à vendre mes propres toiles.
(...) par bravade et pour enchérir sur mon écoeurement, il nous proposa de l'aider à peindre.
- On pourrait laisser des petits messages avant de s'y mettre, non ?
- Tout ce que tu veux, ça ne se verra pas sous le gesso.
C'est ainsi que j'avais commencé à écrire, au feutre indélébile, sur les deux toiles vierges qu'il venait d'accrocher au mur. "Ceci n'est pas de l'art, c'est de la merde" et d' autres insanités dont je ne me souviens plus mais sous lesquelles j'avais signé mon nom.
Le séchage de la couche d'apprêt nous avait laissé le temps de vider une seconde bouteille. Il reporta ensuite les figures requises à l'aide d'un projecteur, posa les toiles à plat sur la table, et nous nous mîmes tous les trois à colorier les cases numérotées en respectant les consignes données pour les couleurs.
Quand nous partîmes, au petit matin, il y avait dans l'atelier deux nouveaux Vasarely que le maître authentifierait sans vergogne quelques jours plus tard.
Ils doivent être sur les cimaises d'un musée ou dans ses réserves - qui en voudrait chez soi aujourd'hui ? - et il n'y a aucune chance qu'un expert les passe jamais au rayon X, mais la simple existence des petites bombes à retardement que j'y ai placées continue de me rasséréner.
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Est-ce qu'elles ont vraiment existé, les choses dont on ne se souvient pas ?
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Dès qu'on se mêle de raconter, le réel se plie aux exigences de la langue : il n'est qu'une pure fiction que l'écriture invente et recompose.
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Cet été 1941, Manuel obtint sans problème sa première année de pharmacie, mais avec un pénible sentiment de désillusion. L'homme était un loup pour l'homme : tout ce qui était advenu autour de lui ces derniers mois démontrait à l'envie cette affreuse limite, clamant haut et fort l'impuissance des idées face à la nature humaine. Les idéologies politiques, la religion ou la métaphysique n'étaient que des ersatz, des emplâtres qu'une humanité terrifiée, et au fond d'elle-même consciente de leur inefficacité, appliquait sur la mortelle blessure d'être au monde.
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Exclu du lycée Lamoricière - (par les lois anti-juives du gouvernement de Vichy) - André Bénichou, professeur de philo, en fut réduit à créer un cours privé dans son appartement. C'est à cette occasion qu'il recruta Albert Camus, lui-même écarté de l'enseignement public à cause de sa tuberculose. Et je comprends mieux, tout à coup, pourquoi l'enfant de Mondovi, coincé à Oran, s'y était mis à écrire La Peste.
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Mon père s'appelle Manuel Cortès. Le sien s'appelait Juan, "Juanico" entre intimes (...)
Mon grand-père avait débarqué en Algérie au mois de juillet 1882, le jour anniversaire de ses quatre ans. Ses parents s'étaient longtemps agrippés à leur terre andalouse, résistant aux vagues d'émigration qui se succédaient depuis vingt ans. Ici, la sécheresse, endémique, les terres brûlées en front de mer, les paysages lunaires sous le ciel profond de Cabo de Gata. De l'autre côté, disaient ceux qui avaient franchi le pas, c'était le même décor, mais avec des sources, des rivières, des plaines à l'abandon qui ne demandaient qu'à être défrichées et irriguées pour se mettre à produire généreusement. Ce n'était certes pas un pays de Cocagne : on y côtoyait le typhus de fort près, le choléra, la dysenterie ; des nuages de criquets vous boulottaient une récolte en moins de deux, tremblements de terre et crues ravageuses remettaient ça quelques semaines plus tard, des bandits arabes attaquaient les fermes, rançonnaient les gens sur les chemins, sans parler du sirocco, et de l'angoisse qui vous brûlait la gorge lorsqu'il fallait d'urgence calfeutrer les ouvertures de la maison pour échapper à cette exhalaison d'enfer. Au matin, il y avait trente centimètres de sable rose accumulé sur le rebord des fenêtres, on respirait profondément, avec la lenteur éberluée de ceux qui s'étonnent d'avoir échappé à l'asphyxie. Et cependant, cela ne semblait pas si terrible à des gens qui survivaient avec peine à une enjambée de l'Afrique, là où d'autres Espagnols réussissaient à faire manger leur femme et leurs enfants.
Le père de Juanico, Francisco, avait un lopin de terre sur les contreforts de la montagne et une barque de pêche à Adra ; la terre ne produisait plus que des lézards, la pêche, des sardines qui pourrissaient sur les docks, faute de clients pour les acheter. C'était tragique, mais encore supportable, si fort est l'attachement de l'homme au sol qui l'a fait naître.
Quand Francisco fut tiré au sort pour le service militaire - ce qui signifiait partir à Cuba rejoindre le contingent d'appelés miséreux qui se faisaient massacrer là-bas au nom du drapeau espagnol - la décision fut immédiate. Il n'avait pas l'argent nécessaire à l'envoi d'un suppléant, sa femme et ses enfants ne survivraient pas à son absence.
La traversée vers l'Algérie était plus abordable, il n'eut qu'à vendre sa barque au prix du bois pour être en mesure d'acheter leur passage sur le Tintoré, un vapeur qui reliait Alicante à Oran, tout en gardant une petite réserve de secours. Nul besoin de visa ou de papiers, la France avait choisi de fermer les yeux sur ces formalités, pressée d'exploiter un territoire conquis durement, mais qu'aucun Français ne consentait à cultiver. Vamo nos (on y va), avait-il dit à sa femme sur le ton qu'il employait pour partir aux champs.
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Mon père a quatre vingt treize ans (...). Je suis fier d'être son fils pour une infinité de raisons, mais je l'admire aussi, j'en conviens, pour avoir réussi à transformer toute partie de pêche en liturgie. Notre bon palangrier en bois, construit en 1980 par Cacciutolo à Port-Saint-Louis, est ainsi devenu au fil des jours une sorte de serapeum flottant, un sanctuaire regorgeant de rites propitiatoires impénétrables, d'ex-voto corrodés, d'aires sacrificielles délimitées au centimètre près. Tout y fait signe, le moindre geste y est lourd de conséquences. La façon de se déplacer d'un bord à l'autre, de tester un fil de nylon, de boire, de se nourrir ! Mon père est un chaman tout entier dédié à sa quête des profondeurs marines, il exige de tous ceux qui désirent communier avec lui et profiter de son savoir la même ascèse quasi religieuse, les mêmes privations qu'il s'inflige chaque jour sans sourciller : pour six à huit heures de pêche, il n'emporte en tout et pour tout que la thermo chinoise (trois tasses de café), une bouteille d'eau congelée (pour tenir au frais le poissons dans la glacière ; on peut en boire quelques gouttes vers onze heures, lorsque le glaçon commence à fondre un peu, mais c'est mal vu) et quatre biscottes sous cellophane (il en mangera une vers dix heures - il a du diabète, affaire de vie ou de mort - et moi une autre, par désoeuvrement ou parce que j'ai envie de fumer). C'est comme ça depuis quarante ans que je vais à la pêche avec lui, et je ne m'en porte pas plus mal. Les rares fois où mon père a accepté d'emmener quelqu'un d'autre avec nous, prenant sur lui pour ne pas imposer à son invité nos règles cisterciennes, cela s'est toujours mal passé. La personne en question se ramenait à bord avec des croissants, du pain frais, des rillettes, du pastis et du rosé ! Toutes victuailles auxquelles nous refusions de goûter mon père et moi, ce qui avait le don de mettre mal à l'aise notre passager et visait secrètement à l'écoeurer de notre compagnie. Il est bien évident que dans une telle situation, nous ne touchions pas à une seule biscotte ni même à l'eau ou au café que nous laissions entièrement à disposition de notre victime. Allez, allez, nous ne sommes pas ici pour nous amuser, a toujours dit mon père chaque fois que nous arrivions sur les lieux de pêche et que je tardais une seconde à mette ma ligne à l'eau. J'ai entendu cette phrase toute mon enfance, sans comprendre qu'elle résumait une philosophie, et non le désir d'amasser le plus de poissons possible dans un temps donné : la pêche est une activité sérieuse, une cérémonie - j'y insiste - qui demande le dévouement de tout son être. Une sorte d'incursion dans le monde des ténèbres qu'il faut gagner de haute lutte. Revenir bredouille, ce n'est pas bien grave mais c'est quand même s'être montré indigne. Un peu comme de perdre une partie d'échecs. L'adversaire a été plus fort, à nous d'en tirer les conclusions. Pas la bonne lune, la prochaine fois faudra partir plus tôt ; les daurades roses remontent le tombant vers les fonds de deux cent cinquante mètres dans l'après-midi - mon père assure que Cousteau a écrit ça quelque part - ce qui voudrait dire qu'on a calé nos lignes trop profond ; aujourd'hui on a choisi des plombs de cinq cents grammes, demain on essayera plus lourd pour pallier les effets du courant ; les sardines étaient pourries à force d'avoir été recongelées, l'invité présent nous a porté la scoumoune... Tout peut être prétexte à expliquer cette chose incompréhensible : pourquoi n'a-t-il pris ce jour aucun poisson à l'endroit même où hier encore nous en avons pêché une lessiveuse ?
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Par manque d'humanisme, de démocratie, de vision égalitaire, par manque d'intelligence, surtout, et parce qu'ils étaient l'émanation constante des "vrais colons"- douze mille en 1957, parmi lesquels trois cent riches et une dizaine plus riches à eux dix que tous les autres ensemble - dont la rapacité n'avait d'égal que le mépris absolu des indigènes et des petits blancs qu'ils utilisaient comme main-d'œuvre pour leurs profits.
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Plus que l'idée de Dieu, c'est le dogme qui est malsain, comme la systématique en philosophie ou toute règle fondée sur les préceptes lubrifiés à la vaseline de l'Absolu.
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Eléazard aimait cette aptitude d'Alfredo à la révolte. Il l'appréciait de même chez sa fille, quoique en secret et de façon plus subtile, sans parvenir à retrouver le noyau d'innocence qui lui aurait permis d'épouser leur optimisme. Il partageait, certes, le sentiment d'absurdité qui faisait frémir en ce moment la voix du Brésilien, il approuvait sa colère et sa résolution, mais il se sentait incapable de croire un seul instant à la possibilité d'endiguer, d'une manière ou d'une autre, le cours des événements. Non qu'il fût devenu fataliste, du moins à ses propres yeux, ni réactionnaire ou conservateur : il avait simplement perdu cette espérance qui permet seule de mouvoir les montagnes, ou en tous cas d'y aspirer. (...) Les hommes, estimait-il, son médiocres de nature ; l'infortuné qui a ressenti pareille évidence ne peut rien ensuite contre la masse innombrable de ceux qui la nourrissent. Alfredo n'était pas un ami, il ne le deviendrait probablement jamais ; si bien qu'Eléazard gardait pour lui cette sorte de désespoir extrême et contagieux qui ne doit, ni ne peut s'avouer, que dans l'enceinte protégée de l'amitié.

p. 61
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Mon maître allait s'attaquer à une nouvelle énigme, lorsque le valet revint nous faire patienter : Son Altesse ne tarderait plus, mais elle nous engageait à nous asseoir. Ce disant, le serviteur nous indiqua de la main quelques sièges disposés devant un tableau qui représentait le prince en habit de chasse.
A peine m'étais-je assis, que j'éprouvai une vive douleur au fondement : le coussin de mon fauteuil était hérissé de petites pointes qui me pénétraient les chairs & me causaient un insupportable désagrément. Je me relevai aussitôt, le plus naturellement possible, & sans dire quoi que ce fut, pour obéir aux ordres de mon maître. Ce dernier, je crois, réalisa sur-le-champ ma situation.
- Oh, excuse-moi, Caspar, dit-il en se levant de même, j'avais oublié cette hernie qui t'interdit les sièges trop confortables. Prends ma chaise, tu y seras mieux.
Aussitôt dit, il s'installa dans le fauteuil que je venais de quitter, sans paraître souffrir le moins du monde. J'admirai cette force de caractère qui lui permettait d'endurer un supplice auquel je n'avais pas résisté cinq secondes. La chaise où j'étais assis n'était pas exempte d'inconfort : ses deux pieds de devant étaient plus courts que les autres, & l'on y glissait de telle façon qu'il fallait raidir les muscles de ses jambes pour ne pas tomber. Incliné vers avant, le dossier augmentait encore la gêne de cette position, mais à comparaison de mon fauteuil, ce siège était un lit de roses, & je sus gré à Kircher d'avoir proposé un échange si peu équitable.
- Mais revenons à nos charades, continua mon maître. Legendo metulas imitabere cancros... Oh, oh ! du latin, maintenant, & du meilleur ! A toi, Caspar...
A cet instant, le laquais réapparut derrière nous comme par enchantement ; il annonçait le prince de Palagonia.
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La colère blanchissait les lèvres de l'oncle Zé, une fureur inhumaine, et qui enflait à proportion de cette absurdité sous laquelle se dissimule ordinairement la criminelle sottise des hommes.
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Poursuivie par ce défunt qui n'était plus l'homme qu'elle aimait, mais pas encore celui dont elle chérirait un jour la mémoire, elle comprenait mieux la hâte que nous mettions à faire disparaître les cadavres; leurs funérailles visaient à escamoter la pourriture, à empêcher cette angoisse tangible, inhumaine, de venir polluer le monde des vivants. Sans une sépulture pour fixer dans l'absence ces êtres sans états, les morts revenaient.
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Semer le séquoïa...Marcher les poches pleines de graines, et l'air de rien, ensemencer l'asphalte, jusqu'au jour où les jeunes pousses disloqueraient la ville avec la puissance d'un cataclysme...Forcer d'innombrables coins gorgés de sève dans le béton des métropoles....l'écart entre les pierres, entre les gens, ce vide entre les os qui permet au maître boucher de découper la bête sans émousser le fil de son couteau. Dans l'interstice, le salut...En finir, Jésus! avec les couillonnades mondialistes de l'Occident...Refaire une virginité de jungle à ces côtes souillées par la croix tumescente des jésuites et des conquistadores...Qu'avaient ils fait de ce monde nouveau, improbable, impensé! C'était comme s'ils avaient chié sur la pelouse en arrivant au paradis...
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Le jour où les mendiants auront des fourchettes, on leur distribuera de la bouillie....
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Transgresser une règle, toutes les règles, revient toujours à s'en choisir de nouvelles et donc à revenir dans le giron de l'obédience. On a l'impression de se libérer, de changer son être en profondeur alors qu'on a simplement changer de maître. Le serpent qui se mord la queue, voyez vous...
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