Représentant de la psychothérapie institutionnelle aujourd'hui en France, Pierre Delion offre ici un regard sensible sur l'oeuvre et la vie de son ami Jean Oury (1924-2014), l'un des fondateurs de ce mouvement qui a en son temps révolutionné la psychiatrie.
« Oury, m'a aidé à être ce que je suis et je suis sûr que c'est le cas de nombreux soignants » : c'est ainsi que Pierre Delion débute ce récit à la première personne où il porte un regard sensible sur l'oeuvre et la vie de Jean Oury (1924-2014), l'un des fondateurs du mouvement de la psychothérapie institutionnelle.
Jean Oury s'est formé à la psychiatrie avec François Tosquelles et auprès de nombreuses personnalités : Lacan, Ey, Bonnafé, Ajuriaguerra, Daumezon
En appui sur une culture encyclopédique, il a su proposer une psychiatrie accueillante et sans discrimination qui a fait école en France et dans de nombreux pays. Des milliers de stagiaires du monde entier sont venus apprendre, auprès de lui et de son équipe dans la clinique de la Borde, les conditions de possibilité de la psychothérapie institutionnelle. « Son message est d'autant plus important actuellement que la psychiatrie est en train de changer profondément, et que la manière dont il a réussi à en revisiter la pratique et la réflexion, de façon à la fois si intelligente et si humaine, risque de disparaître d'un souffle, si on ne se pose pas la question de cultiver dans nos pratiques, de façon efficace, les différents concepts qu'il nous a transmis. »
Dans la collection Questions de psychiatrie
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Les enfants eux, précisément, peuvent très bien assumer la différence et la singularité. C'est l'adultéité dominante qui constitue une voie royale de puérilisation.
F. Guattari
Il y a des moments dans l'Histoire où il faut peu de chose pour influer sur toute une série d’événements, et ce peu de chose peut se passer dans un micro-groupe qui peut avoir une transcendance provisoire historique, ce peu de chose peut être un trait de caractère, une peur, une colère, une contingence.
L'aliénation sociale et l'aliénation mentale sont à ne pas confondre mais à ne pas dissocier. La preuve est, précise-t-il, qu'on retrouve l'impact de l'aliénation sociale dans les symptômes dits les plus désocialisés ...
Tout son texte circonscrit la question de l'accès, ou du non-accès, à la parole. Est-ce qu'un individu va pouvoir prendre la parole dans un groupe?
Si on résume les choses, il dit que le système de la subjectivité dans les États moderne est la réduction au silence.
(au sujet d'un article de Félix Guattari "La transversalité")
La pire des maladies c'est l'illusion.
Tout discours entendu devient en fait polyphonique, au-delà de l'indicatif des messages conscients, ça traîne partout de l'inconscient ; chaque mot, chaque phrase traîne du passé méconnu.
F. Tosquelles
La lutte des classes est devenue le théâtre de la répartition et de la consommation des sucettes.
F. Tosquelles
Quant à l'étonnement, c'est une qualité exigible de tout travailleur en psychiatrie. Qu'il soit étonné. Parce que l'étonnement autorise la rencontre, la surprise de la rencontre. Le hasard fait le tissu d'une rencontre.
La question fondamentale, à toujours se poser, dit Jean Oury - "Qu'est-ce que je fous là ?"
Ce que la psychothérapie institutionnelle s'obstine à faire, créer de l'hétérogène pour qu'on puisse passer d'un point à un autre. Il ne faut pas confondre ce qui se passe avec l'agitation. Il y a une pression aliénatoire pour que rien ne se passe. Ce que j'appelle la thanato-technocratie qui fabrique obstinément de l'homogène, des classes homogènes, par exemple. Si l'on regroupe les mêmes, il ne se passera rien. Ou alors ... Il n'y a pas longtemps, un ami m'a raconté qu'il suivait un jeune homme qui venait de se défenestrer. On l'a hospitalisé dans un pavillon regroupant les défenestrés. Ça a l'air d'une blague terrible, mais c'est vrai. J'ai demandé : "Il y a un étage ?"
"Ils sont assis sur les marches en pierre un peu sales du château, par toutes les saisons. Ils attendent. Tu dis que les psychotiques sont comme des colis en souffrance, oubliés dans une gare de campagne. Quand ton maître en psychiatrie, le catalan François Tosquelles, est venu à la clinique de La Borde, il a regardé les marches et il a posé une seule question : "à quelle heure passe le train?"
Tu est psychiatre, un grand psychiatre comme on dit dans les romans... Pas moi. Si nous sommes là, à parler, et si nous partageons quelque chose, ce n'est pas un savoir, mais une obstination, un amour... Ce mot-là, il faut le dire dans la marge, sans accent, en douce. Nous aimons passer nos jours avec les fous."