C’est dans les lectures d’un petit Lutin facétieux que j’ai pioché ce roman. Et cette découverte était arrivée à point nommé car quelques jours auparavant, un de mes collègues m’avait justement exposé ce fameux Paradoxe de Fermi dont je n’avais jamais entendu parlé. Ni une ni deux, je me suis procurée le roman car je voulais non seulement en savoir plus mais aussi allier la connaissance au plaisir car il s’agit d’une uchronie/dystopie.
Le paradoxe de Fermi est un roman résolument pessimiste. Pour remettre les choses dans le contexte, Boudine l'a fait paraître au début des années 2000 avant de le réviser en rajoutant la Crise de 2008 comme toile de fond pour le publier une seconde fois, en 2015.
Très sincèrement, je ne partage pas cette sinistrose ambiante. Il est vrai que c'est un peu facile à dire dix ans après, surtout quand la France commence à retrouver un brin de croissance. Mais, même à l'époque, une fois passé le choc du marasme la première année, je n'ai pas perçu la Crise comme étant quelque chose de forcément négatif. J'ignore s'il s'agit d'une question générationnelle mais pour moi, une crise peut aussi s'accompagner de changements ou d'évolutions. Prenons une exemple historique : si la Chûte de Rome au Vème siècle après J.-C. s'est accompagnée de pillages, d'invasions, etc..., elle permettra aussi l'émergence d'une nouvelle civilisation qui progressivement évoluera vers la nôtre.
Et dans ce roman, tout tourne un peu trop rapidement au catastrophisme, ce qui rend parfois certaines situations peu crédibles. Par exemple, Robert explique que quelques mois seulement après la banqueroute, des barrages et des centrales nucléaires sont attaqués et détruits. Sincèrement, je n'y crois pas. Ce sont des lieux hautement stratégiques et même en cas de faillite, je pense que l'Armée prendra le relai pour les protéger. Dit comme cela, on pourrait croire que je n'ai pas aimé le roman, or c'est loin d'être le cas. Hormis ces quelques défauts, Boudine parvient parfaitement à installer une ambiance dans son roman et le lecteur n'a pas d'autres choix que de se prêter au jeu. Le personnage de Robert Poinsot suscite d'ailleurs l'admiration grâce à ses capacités hors normes de survie. Et l'on se pose des questions : si j'avais été à sa place, aurais-je survécu? Aurais-je pris les mêmes décisions que lui? Certainement pas.
Enfin, je voulais revenir sur le titre. Le lecteur ne fait le lien avec le paradoxe de Fermi que dans le tout dernier quart du livre, lors d'une réflexion hautement philosophique rapportée par Robert. Le paradoxe fait aussi l'objet de la postface de Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien et essayiste français, dont le ton va dans le même sens pessimiste de Boudine.
Enrico Fermi était un physicien italien des années 50 et il s'est interrogé sur la présence d'autres civilisations dans l'univers. Son paradoxe pourrait se résumer ainsi : s'il existe d'autres civilisations quelque part, pourquoi ne sont-elles pas déjà rentrées en contact avec nous? A cela, on pourrait formuler plusieurs réponses :
- elles sont déjà parmi nous mais elles ne se sont pas manifestées aux Humains.
- elles n'ont pas les moyens technologiques de le faire.
- elles ne s'intéressent pas à nous car nous serions des êtres insignifiants à leurs yeux.
- et dans le roman, Boudine en développe une quatrième que je vous laisserai bien entendu découvrir.
En conclusion, si le roman de Jean-Pierre Boudine possède quelques situations peu crédibles, à la limite du grotesque, force est de constater que l'ambiance dystopique est fouillée et bien décrite. Le personnage de Robert suscite également l'empathie et l'admiration. Mais plus que tout, le paradoxe de Fermi offre des axes de réflexion très intéressants. Je ne saurais donc que vous conseiller ce roman.
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