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Citations de Jean-Pierre Dupuy (69)


L’autoroute, le rein artificiel et l’Internet ne sont pas seulement des objets ou des systèmes techniques ; ils trahissent un certain type de rapport instrumental à l’espace, à la mort et au sens.
C’est ce rapport instrumental, le rêve de maîtrise qu’il recouvre que la critique se doit d’analyser pour en mesurer les effets délétères.
Car il ne faudrait pas qu’en voulant dominer la nature et l’histoire par leurs outils, les hommes ne réussissent qu’à se faire les esclaves de leurs outils.
(page 28)
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Non, ce qui est ici en question est la critique du projet technicien qui caractérise la société industrielle.
J’entends par là la volonté de remplacer le tissu social, les liens de solidarité qui constituent la trame d’une société, par une fabrication ; le projet inédit de produire les relations des hommes à leurs voisins et à leur monde comme on produit des automobiles ou des fibres de verre.
(page 27)
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Résultat paradoxal : passés les seuils critiques, plus la production hétéronome croît, plus elle devient un obstacle à la réalisation des objectifs mêmes qu’elles est censée servir : la médecine corrompt la santé, l’école bêtifie, le transport immobilise, les communications rendent sourd et muet, les flux d’information détruisent le sens, le recours à l’énergie fossile, qui réactualise le dynamisme de la vie passée, menace de détruire toute vie future et, last but not least, l’alimentation industrielle se transforme en poison.
(page 26)
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Les hommes quant à eux, n’ont pas peur, ô l’ironie des choses.

Les liquidateurs de Tchernobyl n’avaient pas peur : ils n’étaient pas informés du danger. Les habitants des zones contaminées n’ont pas, ou n’ont plus peur : ils veulent vivre, c’est-à-dire oublier.

Quant à nous, habitants des pays techniquement développés, on nous dit qu’un Tchernobyl est impossible chez nous, et nous le croyons.

Bienheureux que nous sommes, car s’il s’en produisant un, je doute que l’on trouve en France huit cent mille volontaires prêts à sacrifier leur vie et leur santé pour éviter la catastrophe majeure ; ou des responsables suffisamment respectés pour obliger un nombre équivalent de leurs concitoyens à payer de leur vie la folie des autres. 

(p. 136 et 137-Jean-Pierre Dupuy philosophe, polytechnicien et ingénieur des mines)
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Le catastrophisme éclairé consiste à penser la continuation de l'expérience humaine comme résultat de la négation d'une autodestruction - une autodestruction qui serait comme inscrite dans son avenir figé en destin. Avec l'espoir, comme l'écrit Borges, que cet avenir, bien qu'inéluctable, n'ait pas lieu
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Souvenons-nous : chez Bergson, à propos de ce surgissement de la nouveauté radicale qu'est une oeuvre d'art, on peut dire qu'avant l'événement elle n'était pas possible mais qu'avec l'événement il devient vrai qu'elle aura toujours été possible.
«Sa possibilité, qui ne précède pas sa réalité, l'aura précédée une fois la réalité apparue.» Il va nous falloir apprendre à penser que, la catastrophe apparue, il était impossible qu'elle ne se produise pas, mais qu'avant qu'elle ne se produise elle pouvait ne pas se produire. C’est dans cet intervalle que se glisse notre liberté.
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Dans la métaphysique de la prévention, ce possible qu'aurait été l'hiver nucléaire reste, en tout cas, à jamais un possible, non pas au sens où il pourrait encore aujourd'hui être actualisé, mais au sens où il restera à jamais vrai qu'il aurait pu être réalisé.
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Dire que l'avenir est déjà en quelque sorte ce qu'il sera n'exclût aucunement qu'il pourrait être différent de ce qu'il sera.
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Cependant, la critique semble ne pas voir que l'on peut se fixer sur le scénario du pire, non pas comme pouvant ou devant se produire dans l'avenir, mais en tant qu'il pourrait ou devrait se produire si l'on entreprenait telle action. Dans le premier cas, le scénario du pire est de l'ordre d'une prévision; dans le second, c’est une hypothèse conditionnelle dans une délibération qui doit aboutir à choisir, parmi toutes les options ouvertes, celle ou celles qui rendent ce pire acceptable ; ou, dans une autre variante, l'opinion qui rend ce pire le moins dommageable possible - dans la théorie de la décision en incertitude, cette dernière démarche se nomme minimax, car il s'agit de rendre minimal le dommage maximum.
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Dans la position que je défends, non seulement le « risque » - je dirais la catastrophe - reste une possibilité, mais seule l'inévitabilité de sa réalisation future peut conduire à la prudence. Le « scénario du pire » est en effet une notion floue. Pour telle action que l'on entreprend ou telle politique que l'on décide, jusqu'où le pessimisme peut-il raisonnablement aller ?
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Que le « risque zéro » soit un idéal inatteignable qui entrave l'action, on doit en convenir. Mais c’est aussi là une fausse querelle. « Derrière le leitmotiv permanent, "le risque zéro n'existe pas", ce qui est une évidence, se cache un véritable refus d'appliquer sérieusement le principe de précaution, qui est le seul à pouvoir raisonner et humaniser le progrès.
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Cette émergence d'une objectivité, d’une extériorité par la clôture sur soi d'un système d'acteurs qui tous s’imitent, acquiert une vigueur accrue à mesure qu’augmente le nombre de ceux-ci. Les rumeurs les plus absurdes peuvent polariser une foule unanime sur l'objet le plus inattendu, chacun trouvant la preuve de sa valeur dans le regard ou l'action de tous les autres. Le processus se déroule en deux temps : le premier est un jeu de miroirs, spéculaire et spéculatif, dans lequel chacun guette chez les autres les signes d'un savoir convoité et qui finit tôt ou tard par précipiter tout le monde dans la même direction ; le second est la stabilisation de l'objet qui a émergé par oubli de l'arbitraire inhérent aux conditions de sa genèse. L'unanimité qui a présidé à sa naissance le projette, pour un temps, au-dehors du système des acteurs lesquels, regardant tous dans le sens qu’il indique, cessent de croiser leurs regards et de s’épier mutuellement
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L'avenir du système est prévisible mais les individus se sentent impuissants à en orienter ou réorienter la course, alors même que le comportement d'ensemble continue de n’être que la composition des réactions individuelles à la prévision de ce même comportement. Le tout semble s'autonomiser par rapport à ses conditions d'émergence et son évolution se figer en destin.
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Une machine technologique folle, guidée par la seule soif d'aller toujours plus loin et d'être toujours plus rentable, s'est mise en marche. Hans Jonas n'est pas en reste lorsqu'il convient qu’ “il est indéniable que nous devenons progressivement les prisonniers des processus que nous avons déclenchés nous-même [...] sans fixation d'un but, presque à la manière d'un destin.
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L'inflation médicale a donc un effet, sinon une fonction : de plus en plus de gens sont convaincus que, s'ils vont mal, c'est qu'ils ont en eux quelque chose de déréglé, et non qu'ils réagissent sainement par un refus d'adaptation à un environnement ou des conditions de vie difficiles, et même parfois inadmissibles. Des médecins prescrivent, ou ont prescrit, des médicaments prétendument capables de traiter le “mal des grands ensembles” ou l' “angoisse née des conditions de travail”. Cette médicalisation du mal-être et tout à la fois la manifestation et la cause d'une perte d'autonomie : les gens n'ont plus besoin ni envie de régler leurs problèmes dans le réseau de leurs relations. Leur capacité de refus s'en trouve étiolée, leur démission de la lutte sociale facilitée. La médecine devient l'alibi d'une société pathogène.
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Cette figure de l'individualisme moderne à pour matrice la monadologie leibnizienne, inséparable de la théodicée : il y a du mal dans le monde, mais, sans ce mal, le bien ne serait pas maximisé, le monde ne serait pas le meilleur des mondes possibles.
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Or il se trouve que dans des cas exceptionnels, qui constituent autant de dilemmes pour la réflexion éthique, la visée maximisatrice globale prescrit de transgresser les interdits et de se soustraire aux obligations de la morale de sens commun. Celle-ci, du point de vue du conséquentialisme, se trouve donc dans la position paradoxale d'avoir à refuser absolument ce qui, globalement, minimiserait le mal et maximiserait le bien, et ce au nom d'interdits et d'obligations qui n'ont pas d'autre justification que d'empêcher ce mal et de favoriser ce bien. “Tu ne tueras point”, soit. Mais si, en tuant un innocent, j’évite que vingt-deux autres innocents soient tués? Si vraiment je considère que le meurtre d'un innocent et une chose abominable alors l'interdit qui frappe le meurtre, dans ce cas, apparaît contraire à la raison. La morale traditionnelle (chrétienne, kantienne, déontologique) semble donc coupable d’irrationalisme. Elle refuse de “reculer pour mieux sauter”; elle n'accepte pas la logique du sacrifice ;elle rejette le principe du détour.
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Des productions que l'on s'accorde à juger superflues ou même nuisibles sont légitimées par le travail qu'elles fournissent à la population. A la réduction de la durée de vie des objets, aux gaspillages destructeurs de ressources naturelles non renouvelables, forts consommateurs d'énergie et grands pollueurs de l'environnement, personne n'ose remédier car ils garantissent l'emploi.
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L'esprit du détour de production a été si bien perverti par la société industrielle et la division du travail extrêmement poussée qui la caractérise, que le détour, sa longueur, l'énergie dépensée à le parcourir deviennent des fins en soi et des objectifs recherchés pour eux-mêmes.
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Car il ne faudrait pas qu'en voulant dominer la nature et l'histoire par leur outils, les hommes ne réussissent qu'à se faire esclaves de leurs outils
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