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Citations de Jean-Pierre Issenhuth (81)


Vus sous l'angle des geometries, les intellectuels sont des gens du
commun simplifiés, diminués, réduits. Sergio Pitol a vu de cette manière
des intellectuels mexicains : « Ils étaient affolés par l'évocation d'un
Mexique auquel ils ne souhaitaient pas être confrontés, un Mexique
radieux, barbare, innocent et grotesque, qu'il leur était impossible
d'accepter, et par un langage beaucoup plus vivant que la grisaille affectée
qu'ils utilisaient pour communiquer. » [L'art de la fugue) Gombrowicz avait
regardé des intellectuels argentins sous un angle voisin : «Ah ! j'eusse
préféré quelque gaffe créatrice, une erreur, voire du gâchis, mais rempli
de l'énergie que respirait le pays tout entier, à côté de quoi eux passaient
le nez fourré dans leurs bouquins. » (Journal) Guyotat n'est pas plus
tendre pour une certaine « classe intellectuelle » française, chez laquelle
il note « quelque chose du mépris de la plus sotte noblesse de jadis pour
le "vulgaire'' qui la faisait vivre et penser » (cité par Catherine Brun dans
Pierre Guyotat, essai biographique).
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Hopkins a abusé de ses forces en plongeant dans la misère populaire
de Liverpool et de Glasgow
; il n'était pas préparé à ce choc. Stendhal
se disait du côté du peuple, mais incapable de vivre avec lui. Denis de
Rougemont ne semble pas avoir supporté très longtemps la compagnie
des gens du commun. Après deux ans de tentatives admirables, il donne
des signes d'amertume et abandonne : « Les hommes sont ennuyeux les
uns pour les autres, dès qu'ils ont cessé de s'étonner les uns les autres,
et qu'ils n'ont pas le même genre de métier. Ce n'est pas la "classe" qui
nous sépare ici, mais la profession, les préoccupations professionnelles,
et le défaut de buts communs surtout, je pense... Il vaut mieux partir,
quand on en est là » (Journal d'un intellectuel en chômage). W avait pourtant
les meilleures intentions, et avait agi à partir d'une perception juste des
données : « Quant au peuple il y a belle lurette qu'il sait ce qu'on doit
penser des gens instruits. La plupart sont des égoïstes, des orgueilleux,
des espèces d'aristos qui ne vont qu'avec les riches. » avait même fait
mouvement vers le Talmud : « Il me semble souvent que plus je travaille
de mes mains, plus il me vient d'idées fermes et utilisables. Est-ce que
les vraies idées viendraient du seul contact des choses, par les mains ? »
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Je ne suis pas un intellectuel. Si on les laisse contrôler la vie, les
« choses de l'esprit » sont une prison comme une autre, et je leur ai refusé
le droit d'enfermer la mienne. J'ai des loisirs intellectuels, tout au plus.
Culte des Idées, culte de l'Art, du « grand visage de l'art qui éteint les
visages des vivants » (Witold Gombrowicz, Journal) — j'ai fui ces prisons
en gardant toujours les pieds et souvent la tête parmi les gens du commun.
Je suis donc mal placé pour imaginer une solution à la culpabilité des
intellectuels, si elle existe. Je ne la vois pas de l'intérieur. La seule issue
qui me vienne à l'esprit serait l'abandon pur et simple de l'illusion de la
« vie absolue ». « Les plus grandes autorités du Talmud furent des ouvriers
et des artisans en tous genres, et, habitués aux travaux pratiques, il leur fut
facile de combler le vide né de l'aspiration de l'hispano-chrétien à une vie
« absolue », éloignée de tout ce qui n'était pas sa conscience et l'expansion
de sa personnalité, fuyant tout ce qu'exige l'humble pratique des choses. »
( Americo Castro, cité dans Primo Levi, le double lien)
"La religiosité juive a ceci de spécifique qu 'elle attribue une valeur
absolue à l'action humaine, qui ne saurait se comparer à la mesquine
connaissance des causes et des effets terrestres. Dans quelque action que
ce soit de quelque homme que ce soit est contenu, jaillit copieusement
l'infini. Il n'appartient pas à celui qui agit, de comprendre de
quelles puissances il est le messager, de quelles puissances il est le
promoteur, mais que cet homme sache que la plénitude du sort du
monde, dans son enchaînement sans nom, passe à travers ses mains."
(Martin Buber, cité dans Primo Levi, le double lien)
Les intellectuels devraient-ils donc se changer en hommes du Talmud ? Je
ne connais pas d'exemples d'une telle métamorphose.
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Léautaud voyait dans le peuple « de braves bonshommes qui,
somme toute, se fichent pas mal de la culture et autres balivernes, et
se plaisent bien mieux, sans qu'on puisse leur en faire grief, chez les
mastroquets ou au cinéma que dans les livres ». Stéphane Audeguy note
chez une intellectuelle : « Comme toutes les personnes dont c'est le métier
d'être intelligent, Nicole Strauss est d'une naïveté confondante quand il
s'agit de décrypter son environnement immédiat » (La théorie des nuages).
Dans le Journal d'un intellectuel en chômage, Denis de Rougemont montre
que l'intellectuel qui veut se rapprocher des « braves bonshommes » doit
d'abord surmonter l'incapacité de Nicole Strauss. Après une première
rencontre significative avec des gens du commun, il écrit : « Il me semble
qu'elle m'a fait voir "le peuple" pour la première fois de ma vie'. » C'était
dans les années 1930. Qu'est devenu « le peuple » aujourd'hui ? Selon
Sloterdijk, « dans le capitalisme avancé », c'est « la masse de ceux qui
restent exclus de la surgratification. Le peuple, c'est ce qui peut être certain,
même à l'avenir, de ne rien recevoir en échange de sa simple apparition. »
Sloterdijk observe par ailleurs : « Les surgratifications stabilisées
produisent chez ceux qui les reçoivent des prétentions statutaires
caractérisées par une tendance élitaire. Les personnes surgratifiées de
manière chronique développent souvent le talent de considérer leurs
primes comme un tribut adapté à leurs prestations — ou, en cas d'absence
de prestation, à leur seul être eminent. » (Colère et temps) S'il en est ainsi,
où trouver un pont entre intellectuels et gens du commun ?
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Pourquoi les intellectuels s'entêtent-ils à proposer aux gens du
commun une assistance que personne ne leur demande ? S'ils ne sont
pas mus par un désir de spectacle ou de pouvoir, espèrent-ils, par une
perpétuelle et généreuse offre sans demande, se dédouaner des privilèges
que le statut d'intellectuel leur octroie ? L'existence quotidienne des
gens du commun est sans commune mesure avec la vie des intellectuels.
Fonctionnaires de la pensée et de l'écriture, pour la plupart, ils disposent
d'une liberté de manœuvre et d'une aisance dont nul ouvrier, nul employé
ne peut rêver. Se peut-il que les intellectuels les meilleurs, conscients de
cette différence, l'éprouvent comme une injustice, et qu'il en résulte pour
eux une culpabilité que l'honnêteté les empêche d'occulter ? Si c'est le
cas, comment l'offre d'assistance, qu'ils espèrent de nature à les libérer
d'un malaise, pourrait-elle se réaliser ? Par la fourniture d'idées aux gens
du commun ? Mais les gens du commun ont leurs idées, issues de leur
forme de vie, qui n'est ni stérile ni vaine. Ils pensent eux aussi, ils pensent
pour vivre. Ils ont les idées adaptées à leur situation, à leurs soucis, à leurs
désirs, à leurs desseins. Tout leur savoir-faire non machinal est chargé
de pensée. Que feraient-ils des idées de gens qui vivent et sont payés
pour penser, analyser, critiquer, interpréter, commenter ? Les gens du
commun vivent d'aspirations à la sécurité de base, la sécurité matérielle,
et la sécurité matérielle ne préoccupe guère les intellectuels ; en général
ils disposent d'elle pour la vie. Il y a là un hiatus, qui se manifeste avec
évidence aux élections : le verdict populaire correspond rarement aux
souhaits des intellectuels.
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À la fin de la dernière guerre, Heisenberg travaillait dans une
grotte du village d'Haigerloch, dans les Alpes bavaroises. Il surveillait le
fonctionnement d'un réacteur nucléaire modeste, grâce auquel il espérait
contribuer à fournir de l'énergie pour le redressement de l'Allemagne. Audessus de la grotte, au sommet d'une falaise, se dressait l'église baroque
du village. Chaque fois qu'il le pouvait, Heisenberg y montait, s'installait à
l'orgue et jouait des fugues de Bach.
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Dans La cité heureuse, deux personnages de Duteurtre dialoguent
ainsi :
- Je sais que c'est, idiot, l'extase devant la nature. Chercher Dieu
dans les paysages, contempler les mystères de la Terre ; on ne peut
plus penser comme ça — ni surtout le dire sans enfiler des lieux
communs. Pourtant, Je ne vois rien d'autre.
David esquissa un geste d'approbation avant d'apporter une
nuance :
- Il s'agit peut-être d'une forme de névrose moderne : l'exaltation
du citadin devant l'élément naturel. Encore que la plupart de mes
amis n 'éprouvent aucun besoin de s'asseoir sur des galets humides
dans un brouillard profond. Ils trouvent la nature exécrable et s'en
passent fort bien.
Chercher, contempler, penser, dire, voir, éprouver, trouver: un grand
dynamisme est exprimé là. Il n'v manque que faire, l'élément le plus
important. Mais j'aime aussi voir, présenté comme la perception de ce qui
reste quand tout s'est volatilisé : «je ne vois rien d'autre ».
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Un jour, les voyant se promener, mon ami l'éleveur de poulets me dit :
— Ils sont en parfaite santé, vos canards !
Et moi, toujours avide d'apprendre du nouveau à leur sujet :
— À quoi le voyez-vous ?
— À leurs pattes orange vif !
En effet, leurs pattes se voient de loin, mais il ne m'était jamais venu à
l'idée que ce rayonnement puisse être un signe de santé. Un animal terne
serait donc autant à plaindre qu'un homme terne ? L'éclat des couleurs
des colverts s'ajoute à l'étonnante variété de teintes qui fait d'eux, pour
Hubert Reeves, des animaux aussi rares que communs : « Les canards à col
vert sont parmi les plus beaux oiseaux que je connaisse. Je ne me lasse pas
de les admirer, chaque fois que j'en ai la chance. Et pourtant, leur coloris bariolé m'intrigue. Bec jaune, tête verte, dos brun, pattes orange, un choix
de couleurs qui ne vont pas nécessairement bien ensemble. » [Poussières
d'étoiles) Toute la crânerie inventive de la nature transparaît dans cette
remarque.
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Si un intellectuel descend d'un cultivateur, d'un ouvrier ou d'un
artisan, toute une intelligence des gestes risque de se perdre avec lui. On
peut lui souhailer de ne pas se résigner à celte perte, et de s'exercer à
entretenir de multiples talents exposés à disparaître.
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De quoi les gens du commun parlent-ils et aiment-ils entendre
parler ? Du temps qu'il fait, de la famille, des naissances, des deuils, des
voisins, de la santé et des bobos, du travail et de ses aléas, quelquefois des
vacances, des amours, de la télé, du sport, des voitures, de la politique,
surtout locale. Tout cela exprimé avec des zigzags, des temps morts, des
redondances, des coq-à-1'âne fréquents, des marches arrière, du surplace,
du tournage en rond, beaucoup de hasard et des signes d'expressivité
nombreux (gestes, mimiques, exclamations, onomatopées, rigolade,
soupirs). Comme cette espèce de chaos remuant et familier est loin de la
. conversation linéaire, lisse, épurée et bien rangée des intellectuels ! Dans
un sens, c'est la géométrie fractale comparée à la géométrie euclidienne.
Rougemont l'a compris : la langue des intellectuels « manque de durée.
Evitant méthodiquement les reprises, les retours, elle s'accorde très mal
au rythme de la réflexion spontanée, qui est "peguyste" et non "classique" »
{Journal d'un intellectuel en chômage). Cette divergence des conversations
semble être le grain de sable qui use le plus rapidement les intellectuels
décidés à faire un pas sérieux vers le peuple. (J'entends par « un pas
sérieux » autre chose que les vaines parades de Sartre dans la rue ou la
manie condescendante des bourgeois qui parlent de « mon boucher »
ou de « ma crémière » avec une familiarité fausse, coquette et vide, qui
n'engage jamais à agir d'aucune manière avec le boucher ou la crémière,
et n'a pour but que de se faire servir mieux que les autres.) À l'inverse,
pourquoi les gens du commun zappent-ils immédiatement quand ils
voient un intellectuel à la télé ? N'est-ce pas l'effet d'une perplexité
insoluble devant le déploiement d'une géométrie qui n'est pas la leur ?
Quant à changer de géométrie, ils ne le peuvent, et si les intellectuels ne
réussissent pas le mouvement inverse, aucun partage d'expérience ne peut,
avoir lieu, aucune entreprise commune n'est possible.
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Primo Levi, directeur d'une usine de peintures, n'est pas devenu
ouvrier en imaginant La clé à molette, même si ce livre témoigne d'une
extraordinaire compréhension du monde du travail. Orwell n'est pas
devenu davantage un homme du commun parce qu'il a plongé quelque
temps dans la condition d'homme à tout faire et dans l'itinérance. Certes,
il a tiré de cette expérience des observations lucides', mais il a toujours
eu, prête à servir, comme Simone Weil ou Popper, la roue de secours de
la condition intellectuelle. Les gens du commun n'ont pas ce recours. Ce
n'est pas parce que Georges Navel, homme à tout faire, a réussi l'exploit
de raconter brillamment, dans Travaux, sa vie de déclassé nomade qu'il
est devenu un intellectuel. Ni, à ma connaissance, Ring Lardner dont les
merveilleuses nouvelles [Y en a qui les aiment froides) donnent une idée
exacte des conversations des gens du commun.
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Kenneth White n'est pas devenu peuple en écrivant les remarquables
Lettres de Gourgounel. Simone Weil n'est pas devenue ouvrière en
travaillant chez Renault : le récit de son expérience laisse une impression
d'impuissance et d'échec héroïques, certes essentiels pour son évolution,
mais qui n'auraient pu se prolonger sans catastrophe. Quand elle est sortie
de l'usine, ses parents l'ont ramassée à la petite cuillère. Popper s'est arrêté
à des essais plus sérieux :
Je fis en effet plusieurs tentatives pour devenir ouvrier. Ma
deuxième tentative échoua parce que je n 'avais pas la résistance
physique requise pour creuser les surfaces de routes dures comme
du ciment avec une pioche pendant des jours, sans fin. Ma dernière
tentative fut pour devenir ébéniste. Ce n 'était pas physiquement
épuisant, mais le problème était que certaines idées spéculatives
qui m'intéressaient s'interposaient entre moi et mon travail.
{La quête inachevée)
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J'ai voulu introduire la proportion dorée dans ma cabane des
Landes. J'avais le vague souvenir d'un livre lu autrefois [Les chanoines
de Pythagore, de Charles Ledit), qui expliquait comment les architectes
du Moyen Âge ont introduit le nombre d'or dans les proportions des
cathédrales, et j'ai, dans le plan de la cabane, déterminé un rapport de
dimensions qui correspond à peu près à ce nombre. Maintenant, comment
juger de l'harmonie produite ? Il faudrait comparer ma cabane à une
autre, où le nombre d'or serait absent, et à une série d'autres cabanes où
il aurait été introduit différemment. Je me contenterai de l'idée heureuse
que la proportion dorée est cachée là, et le demeurera aussi longtemps
que la cabane durera.
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Chaque terme de la série de Fibonacci (mathématicien italien du
XII'' siècle, connu sous le nom de Léonard de Pise, et qui s'appelait
probablement Leonardo Guilielmi) est la somme des deux termes
précédents :
15
1 (1+0)
2 (1+1)
3 (2+1)
5 (3+2)
8 (5+3)
etc
Le rapport entre deux termes consécutifs de cette suite est à peu
près stable à 1,6. Ce qui équivaut approximativement à "vS+l. Ce rapport
est le nombre d'or, ou proportion dorée.
C'est aussi la solution positive de l'équation x
- x - 1 = 0. Ce fameux
nombre (ou (/)') semble vouloir rivaliser avec n pour le nombre de
décimales. En 1998, Daniel Plouffe en a calculé dix millions.
On trouverait (je n'ai rien vérifié) la proportion dorée dans le nombre
des pétales des marguerites, dans le dessin de certains coquillages, dans la
distribution des feuilles sur une branche, dans la spirale d'un brin d'ADN,
dans la configuration des galaxies. Ce phénomène témoignerait d'une
tendance de la matière, animée ou inanimée, à prendre une certaine forme
précise, de préférence à d'autres, et pendant des siècles on a assimilé cette
forme, dépendant du nombre d'or, à la manifestation de l'harmonie.
L'idée d'une tendance ou d'une préférence de la matière m'est revenue
brusquement en lisant ces propos de Bohr rapportés par Heisenberg
dans La partie et le tout : « Il existe donc dans la nature une tendance à
produire des formes déterminées — j'utilise ici le mot "forme" dans son
sens le plus général — et de faire réapparaître ces formes déterminées
encore et toujours, même lorsqu'elles ont été perturbées ou détruites. »
L'acharnement est dans la nature, et une persévérance sans bornes.
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Au lieu de je pense, Wittgenstein suggérait de dire voici une pensée.
Cette proposition se justifie si je suis pensé, et tout autant si la pensée me
vient à l'esprit, car cela peut signifier qu'elle vient d'ailleurs. Les gens du
commun répugnent à é\re je pense ; rien de tel ne leur vient à l'esprit C'est,
de leur part, un comportement intuitif, mais Wittgenstein en a fait une
proposition à prendre au sérieux. Anoblir ainsi une perception commune
est un grand mérite.
Sur ce qui me vient à l'esprit (d'où et comment), je ne sais rien.
Quand il m'arrive par inadvertance de dire ou d'écrire je pense, je devrais
me couvrir de ridicule.
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Quand j'écris, je me demande : « La vérité est-elle dans le sens où je
veux (ou aime, ou préfère) aller, ou bien dans la direction où je me trouve
déporté comme par un courant, une sorte de fatalité ? » La réponse à cette
question m'est inconnue. De quel côté est le faux-semblant, le mirage ?
Ou bien est-il partout ? N'est-il nulle part ? Chaque fois que je lis sur les
mirages de l'univers, cette ignorance de la direction vraie me revient, et la
lecture m'aide à vivre dans ma toute petite énigme avec plus de calme.
Parmi les chercheurs de mirages, Riordan et Schramm évoquent
la possibilité d'un « univers de l'ombre » qui « occuperait exactement le
même espace physique que notre univers familier, mais en n'ayant aucune
interaction normale avec lui, si ce n'est à travers la force de gravité » (Les
mirages de la création). Il y aurait des montagnes, des gens, des plantes, des
animaux, des mers, des galaxies de l'ombre qui nous traverseraient. Le
mirage serait d'oublier ce duplicata obscur, et ce n'est qu'un minuscule
échantillon des mirages possibles.
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Grozdanovitch prend le docteur subtil à témoin : il présente le raffinement
de la singularité comme le moyen paradoxal d'atteindre « l'Ens communse »
[Petit traité de désinvolture). Grozdanovitch a accumulé des carnets de notes
pendant quarante ans, sans publier un mot, et commence à peine, à 60 ans,
à puiser dans ce réservoir d'observations.
Eric Bolson serait l'auteur d'un roman, Lame blanche, traduit de
l'américain il y a plus de vingt ans chez Transes-Atlantique, à Niantes.
La maison d'édition ayant disparu, le livre ne serait plus disponible en
français, et Bolson aurait disparu aussi. Le journaliste Fabrice Gaignault
prétend l'avoir rencontré dans le Donegal, en Irlande, en mars 2001,
et soutient, dans La chasse à l'âme, que Bolson, sortant soudain de son
mutisme, lui aurait glissé en guise d'adieu : « I don't play anymore ! »
Grozdanovitch, Bolson : l'un apparaît tard, l'autre disparaît vile.
Quelle différence avec les assommantes têtes à claques qui occupent le
plancher à tout propos ! Quel soulagement qu'il existe encore des feux
follets !
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De son côté, Sloterdijk écrit :
Selon une conception plus ancienne, l'homme est une créature qui
prend part à tout ce qu elle rencontre. On ne peut pas voir un arbre
sans prendre soi-même Informe d'un arbre, ni rencontrer un jaguar
sans sentir en soi la forme du jaguar. [...] Mon but est de montrer
que sous les masques figés de la culture de l'indépendance, les
plasmas des anciennes formes invasives de l'expérience, des anciens
schémas participatifs [...] sont toujours là, ou bien de nouveau, là.
[Ni le soleil ni la mort)
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La non-localité (ou non-séparabilité) quantique témoigne d'un
lien instantané et indéfectible entre des particules qui ont interagi. Elle
a été établie par les expériences d'Alain Aspect (1982) et confirmée par
celles de Nicolas Gisin (1997), effectuées à plus grande distance, avec
deux photons éloignés de 11 km. « Deux objets peuvent être séparés dans
l'espace par une distance gigantesque et pourtant ne pas avoir d'existence
indépendante » (Brian Greene, La magie du cosmos). Voilà, dans l'espace,
l'équivalent de l'imbrication que j'éprouve dans le temps.
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Mon mal n'est pas celui que Guyotat dit être le mal de tous, « n'être
que cela, humain, dans un monde minéral, végétal, animal, divin »
[Corna). Je contiens, comme une casserole, tout ce qui m'a précédé dans
l'Evolution. Le minéral, le végétal et l'animal me remplissent, jusqu'aux
oreilles. J'ai partie liée avec eux de façon telle que je ne pourrai jamais
prétendre les considérer de l'extérieur sans fausseté. C'est une fusion
indémêlable, où ce que j'ai de spécifiquement humain fait figure de flux
d'énergie supérieur, baignant tout, animant tout, exprimant tout, plutôt
que d'étage d'un nouveau genre ajouté à une construction déjà composite.
Cette perception me porte à accueillir avec faveur aussi bien la non localité quantique que les idées de Sloterdijk sur une possible persistance
ou résurgence de l'homme préalphabétique.
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