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Critiques de Jim Tully (28)
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Vagabonds de la vie

J'avoue avoir été séduit par la couverture de ce livre qui montre deux hommes grimpant dans un wagon de marchandises .Cette illustration en noir et blanc,émouvante, laisse déjà entrevoir la fuite,la détermination,l'entraide,la clandestinité. La quatrième de couverture nous indique qu'il s'agit de hobos,des travailleurs itinérants saisonniers qui parcourent le pays de ville en ville en fonction de l'accueil qui peut leur être réservé par les autorités locales et une population peu tolérante à leur égard .Il faut dire qu'on trouve toutes sortes d'individus parmi cette population itinérante bagarreuse,souvent alcoolisée, prompte au chapardage,parfois habile à tromper celui ou celle qui lui tend la main.C'est cette vie d'errance,ces relations conflictuelles,la vie dans la jungle que nous relate avec beaucoup de précisions et d'à propos JIM TRULLY qui a partagé ce quotidien pendant de nombreuses années. Cet ouvrage a un fort pouvoir de témoignage,les scènes sont vivantes, la nature humaine est explorée avec minutie,sous toutes les coutures.

J'ai appris beaucoup de choses,encore une fois,tout en ayant aussi l'impression d'avoir accompagné ces vagabonds sur leur chemin de misère et avoir,parfois,échappé aux pires dangers.

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Vagabonds de la vie

A seize ans ans, Jim Tully commence à brûler le dur, c'est à dire à devenir vagabond du rail. Il quitte St Marys dans l'Ohio et va connaître pendant six ans les expériences de vie, émaillées de voyages et surtout de nombreuses rencontres, le jeune qui sert de souffre-douleur à un vagabond plus expérimenté, à fréquenter tous les types d'hommes, du plus roublard au plus réglo, en passant par le poète ou le profiteur...

Au fur et à mesure de la lecture de ses chroniques, on découvre l'Amérique pauvre et marginale des hommes quelques fois très jeunes qui souvent pour des raisons de maltraitances et quelque fois par goût de l'aventure, font le choix d'une vie sans habitudes, sans liens et sans attaches...Une communauté qui tisse rarement des relations suivies mais souvent peuvent être sincères, connaissant tous les tuyaux et les bonnes adresses, celles où ils peuvent espérer une peu de nourriture, quelques villes à fuir, là où les condés vous tombent dessus en vous tabassant...

Les vagabonds de la vie est un récit instructif qui permet d'aborder un courant littéraire qui s'inscrit dans celui initié par Jack London et plus tard Jack Kerouac, celle du voyage solitaire et sans contrainte.
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Circus parade

Jim Tully retrace un épisode de sa vie quand, encore adolescent, il est embauché dans le cirque Cameron, un de ces cirques qui sillonnent les Etats Unis, se déplaçant grâce aux chemins de fer, mobilisant une dizaine de wagons pour transborder artistes, animaux et matériels, rabatteurs ou manœuvres, plus ou moins traités selon une hiérarchie organisée en fonction des postes occupés ou de leur importance artistique dans le spectacle.

Des conditions difficiles voire terribles où le patron escroque les salariés, se débrouillant pour s'en débarrasser avant leur paye, ou retenant malhonnêtement leurs gages...C'est l'occasion de découvrir une galerie de personnages hauts en couleur, du dompteur de lion, à la femme forte en passant par la femme aux cheveux de mousse et les vagabonds occasionnels qui s'engagent pour quelques jours de travail mal payés, des hobos (vagabonds du rail) qui sillonnent le pays pour survivre.



Paru en 1927 ce roman-témoignage a jeté la lumière sur les cirques et surtout les conditions difficiles et quelquefois inhumaines que l'on y rencontrait, suscitant les réactions de l'association des cirques Circus Fans’ Association of America. Jim Tully y dresse des portraits d'une grande humanité, y décrit souvent une grande violence, une lutte pour la survie, l'histoire d'une Amérique dure, où seuls, les plus roublards ou les plus forts peuvent survivre.

Circus Parade nous offre un éclairage et un témoignage précieux sur le monde des nomades, des marginaux, et des va-nu-pieds de l’Amérique du début du XXe siècle et reprend la tradition du narrateur vagabond initié par Jack London, et qui sera repris plus tard par Jack Kerouac.
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Vagabonds de la vie

Ce récit de Jim Tully, « descendant de conteurs irlandais », s’inscrit dans la lignée de la littérature vagabonde américaine. Il y raconte « dans la langue de la route », avec une verve imprégnée d’argot, ses souvenirs de hobo, de travailleur saisonnier qui « brula le dur » six ans durant et rencontra les trimardeurs les plus infréquentables, voyagea clandestinement sur ou sous les trains postaux et les convois de marchandises, bivouaqua dans les « jungles », mendia et se frotta aux policiers. « Il y a beaucoup à apprendre sur la route et plus encore à endurer. »

(...)

tableaux touchants, que tout cela n’est pas seulement littérature : « Nous étions des gitans trempés de la vie, demandant peu, obtenant moins que ce que nous demandions, et méritant encore moins que ce que nous obtenions. » Il deviendra, plus tard, conseillé pour Charlie Chaplin pendant le tournage de La Ruée vue l’or.



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Du sang sur la lune

Cinquième et ultime opus de son « Cycle des bas-fonds », ce récit autobiographique revient sur les jeunes années de Jim Tully (1891-1947), depuis ses cinq années de séjour à l'orphelinat St. Joseph jusqu'à sa décision de raccrocher les gants pour devenir écrivain. Il dresse de vivants portraits des personnes qu'il côtoie et rencontre, non pas « comme un entomologiste étudie un insecte au bout d'une épingle » : « J'étais l'un d'eux. Je le suis toujours. Je peux sentir l'amertume de leur vie dans le pain que je mange aujourd'hui. »

Dès sa sortie de l'institution, il travaille pendant dix-huit mois chez Boroff, « un fermier cinglé », « un menteur, un tricheur et un quasi meurtrier », qui l'oblige à faire les foins sans chaussures. Son grand-père, Hughie Tully, imposante figure familiale, jamais avare d'anecdotes, lui append « l'art de raconter des histoires dans les bars » et le marque profondément, notamment par ses conseils : « Alors, crois-moi, mon gars, crois-moi jusqu'à ta mort : travaille jamais d'tes mains, même si tu crèves d'faim. Crever d'faim ou travailler d'ses mains, y a pas d'différence. » Aussi décide-t-il de « tailler la route » et, rapidement, assimile le jargon, les us et coutumes des vagabonds. Il apprend le pire « trop précocement » et devient « savant dans un tas de domaines qui n'en valaient pas la peine ». Pendant sept ans, il mène « une vie d'errance, toujours en partance ou à destination de Chicago, le moyeu de la roue du hobo. »

Il parcourt « plus d'trois mille bornes sur les essieux d'un train » pour rencontrer Chlorine, après que Coffee Sam, « un artiste de l'arnaque à la monnaie » dont seul la moitié des revenus provenait de la vente du café et des sandwichs, lui ait dit qu'elle était la plus belle femme qu'il ait jamais vue. Elle était « la reine des dynamiteuses » au saloon de Paddy Croan, c'est à dire qu'elle percevait cinquante pour cent de l'argent qu'elle arrivait à faire débourser aux consommateurs.

Il côtoie aussi le Grand Slavinsky, l'empereur de la magie, et apprend de Joe Gans les fondamentaux de l'art pugilistique. Jim Tully déroule ainsi une impressionnante galerie des personnages, attachants ou déroutants : une poignée de prostitués, un bourreau, de nombreux compagnons de route, Moses et Scotty, deux yeggs vieillissant, Josiah Flynt qui le convainc d'arrêter de vagabonder.

« Déterminé à quitter la route, je fis plusieurs tentatives – souvent en vain. Pendant des semaines, je vécus dans une sorte de transe. le démon du voyage est une fièvre qui brûle jusqu'au plus profond de l'âme. » Après sept ans de voyage, il décide de devenir chaînier pendant quelques mois, pour se fixer, spécialisé dans les maillons biseautés, expérience qu'il raconte longuement, puis, lucide sur sa haine du labeur physique, qu'il partage avec son grand-père, il essaie de s'en sortir par la boxe, commençant même à se faire un nom sur les rings, tout en fréquentant une bibliothèque, où la responsable, Elva, l'encourage à écrire : « Je pense que vous y arriverez, dit-elle calmement. Vos émotions sont en constante ébullition. Vous devez les contrôler. Vous aurez besoin de perspective, de détachement. »



« En me repenchant sur mes vingt premières années, je n'étais fier que d'une chose : l'inflexible détermination avec laquelle j'avais laissé le trimard derrière moi. Je n'avais aucune des illusions habituelles de la jeunesse. Je savais que je ne serais jamais président des États-Unis. Des deux côtés de ma famille, je descendais d'ivrognes barbares pétris de superstition et aussi illettrés que des oies. Les vastes royaumes de la connaissance et de la beauté m'étaient fermés. »





Alors que le nom de Jack London s'impose partout, il considère pouvoir mieux parler de la route que lui, y ayant passé plus de temps, aussi décide-t-il de tenter sa chance : « J'écrirai ou j'crèverai de faim ! ». Dix ans plus tard, son premier livre était publié. On ne peut que le féliciter de cette résolution. Son récit autobiographie tient autant de la littérature que du matériel sociologique : des tranches de vie à l'état brut.



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Le boxeur

En ouvrant « le Boxeur », que Jim Tully a écrit en 1936 après avoir lui-même combattu, je souhaitais comprendre un peu mieux le « noble art », ce sport de coups : Pourquoi (et à mon niveau : comment peut-on) aimer le pratiquer, ou même le regarder ? Ne se prend-on pas assez de coup dans la vie ? Où est le plaisir à voir les autres en prendre ? S'imagine-t-on les donner ? Est-ce une sorte d'exutoire autorisé et encadré ?

L'histoire est celle de Shane Rory, un vagabond qui apprend à boxer sur le tas pour gagner de l'argent lors de combats organisés pour les paris. On suit son ascension de ville en ville, au gré des trains de marchandises qu'il emprunte. Il s'entraine dans les salles qui veulent bien l'accueillir, sert de partenaire aux plus anciens, commence à se faire un nom dans le milieu, sans autre but que gagner sa croûte, même s'il en ressent de plus en plus une certaine fierté.





C'est lorsqu'il est confronté aux magouilles du circuit, à un match trafiqué qu'il va perdre, que sa motivation bascule. Atteint dans son coeur et sa fierté, il décide de montrer au monde entier qu'il est le meilleur. Pourtant, sa rencontre avec un ancien champion, rendu quasi-légume par les combats, l'interrogera sur l'intérêt de sacrifier sa vie de cette manière pour finir seul, en asile.

On ne le comprend pas tout de suite, mais ce sont ses discussions d'apparence anodines avec celle qu'il aime (qui est visiblement en plein oedipe, mais c'est une autre histoire) qui lui donneront LA raison de remonter sur le ring. Plus déterminé que jamais, il nous offrira alors le combat final : celui du championnat des poids lourds, où la majorité le parie déjà perdant…





*****



Même pour les novices hypersensibles comme moi, c'est une belle peinture de l'époque, de ce milieu fermé, du contexte économique et social dans lequel il s'est développé, de l'ambiance lors des combats et avec les journalistes. On finit par s'attacher à la fine équipe qui se monte au fil des péripéties. Décrits par cet ancien boxeur, on visualise les mouvements, les presque-pas de danse ; le ballet du ring.





Shane n'étant pas le narrateur, je ne pensais pas pouvoir pénétrer ses motivations profondes (autres que l'argent), ni les sentiments qui le poussent à continuer malgré ses tourments. A cela s'ajoute un récit constitué de nombreux dialogues, en langage très parlé, qui laissent peu de place à une analyse psychologique approfondie. Mais après le combat final, l'auteur nous livre la conclusion de Shane. Une seule phrase, qui éclaire tout son parcours.

Jean-Claude Bouttier, champion d'Europe des poids moyens en 1971, dira plus tard : « Pour tous ces jeunes, la boxe est un moyen de se mettre dans le droit chemin et d'accéder à une certaine noblesse ». Ce fut sûrement en partie le cas pour Shane, lorsqu'on comprend ce qu'il voulait prouver à la personne qui comptait pour lui. Sa conclusion explique sa détermination, donne un sens à son histoire.





Au total, la plume demeure très factuelle, et la construction est tout ce qu'il y a de plus linéaire. Mais elle nous mène inéluctablement vers son point d'orgue, cette lutte finale qui sera finalement aussi mentale que physique. Contre quoi va lutter Shane en réalité : Contre son adversaire, contre lui-même, contre les a priori des autres ? Contre la vie ou bien la mort ? Quel que soit ce combat, j'étais moi aussi derrière lui, serrant les poings et les mâchoires, concentrée sur la posture de mon challenger pour vérifier qu'il applique bien le conseil secret de son entraineur dans le dernier round. Même si je n'ai pas trouvé dans ce roman tout de ce que j'étais venue y chercher (notamment la réponse à ma question : dans l'absolu, pourquoi aime-t-on un sport qui consiste soit à blesser soit à être blessé soit à regarder des gens se blesser ?), je me suis laissée prendre au jeu le temps du championnat !
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Vagabonds de la vie



Tailler le bout de gras avec une dose outrancière de décibels et une haleine de phacochère désoeuvré ne pousse pas vraiment le chaland à lâcher l’obole.



Exit squattage des devantures de boulangerie ou de parvis d’édifices à beffroi, les grand-mères sont bien trop en manque de socialisation et leurs retraites bien trop ridicules pour en tirer de quoi se payer une canette de 8.6, ah si, peut-être une migraine carabinée due à une logorrhée galopante et frénétique.

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En ces temps de 5G et d’itinérance comme graal visé, il est parfois bon de se ressourcer en remontant à l’origine du phénomène quand le vagabondage américain était élevé au rang d’art et vecteur de liberté.



Jim Tully nous promet donc un épisode old-fashioned de vis ma vie de charclo façon 20’s au pays de l’Oncle Sam.



2 époques, 2 pays, 2 ambiances.



Wooter, 15 piges, France, quelque part dans le Sud-Est, je venais juste de me débarrasser de ma mue vocale et maitrise tout récemment ma nouvelle voix bien trop grave, seul soupçon de maturité qu’incarne ce corps d’adolescent bourgeonnant de sébum d’immaturité et d’indolence envers autrui. Dépendance financière aux géniteurs totale. Ma carrure de crevette et mon courage de branleur au corps de lâche ne me permettent pas de m’émanciper financièrement en trafiquant des fines herbes.



Jim Tully, 15 piges , USA – Ohio, Quand ta chevelure couleur feu n’est plus suffisante pour assurer la fonction de sauvage central, et que le filet social n’est encore qu’un doux rêve, va falloir se lever le fiacre pour trouver de quoi vivre.



Bruler le dur. Bruler le dur. Bruler le dur.



Si pour moi il n’a au début s’agit que de chassé-croisé avec des contrôleurs trop feignasses pour faire chauffer les godasses, puis par la suite pour trouver d’autres moyens moins recommandables pour voyager aux frais de la princesse SNCF, l’itinéraire était soigneusement prédéfini à l’avance. Métro-goulot-dodo.



Jim Tully, irlandais de souche, n’aime pas trop les bâtons dans les roux, et s’il chope un train, les sièges molletonnés au patchwork infâme que nous impose actuellement les bureaucrates de la RATP reste un doux fantasme inavouable et insoupçonné, lui c’est plutôt wagons à bestiaux, benne à charbon et salade de bourre-pif offerte au cheminot qui aimerait juste pouvoir faire ce pour quoi il est payé à coups de lance-pierre.



Si l’aventure sent bon la sueur, le smegma, et la gnole bon marché - à vous percer l’estomac; et tient en haleine – fétide- un bon tiers du roman, le manque de créativité littéraire et la redondance de précarité a tendance à faire souffloter discrètement le petit blanc-bec de bonne famille que je m’efforce de paraître aujourd’hui. Joignez à ça une traduction toujours délicate de chansons de vagabonds du rail qui sonnent carrément faux dans notre langue et sortie d’un contexte bien lointain, j’aurais presque rallumé BFM TV si Jim Tully n’avait pas gardé quelques épisodes croustillants sous la godasse trouée qu’il traine de wagons en wagons.



J'’vais pas dire qu’il y a du Steinbeck ou du Faulkner dans ces lignes car c’est ce que font tous les zèbres qui lisent de la littérature de prolo du Sud des US, laissés pour compte célébrés trop-tard que nous font toucher du doigt les éditeurs qui ne laissent vendre une littérature qui est jugée profitable - pardon c’était l’ado rebelle de 15 ans.



Embarquez avec Tully et vous aurez quelques ficelles pas bien gaillardes pour extorquer une poignée de pesetas à ceux qui en ont le plus besoin.



Je tire tout de même mon chapeau à un gamin de 15 ans qui a su se montrer honnête dans son récit et bien plus adulte que je n’aurai pu l’être à son age en célébrant la liberté et la vie de traine-savate, accroché d’une main au garde-fou du wagon et l’autre à une bouteille de tord-boyau à en faire dérailler la locomotive.



Témoignage distrayant à défaut d’être indispensable il célèbre une forme de liberté que la sédentarité n’assouvira jamais.



Tchou-tchou mother f#cker.







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Vagabonds de la vie

Dans ce récit qui file à la vitesse d'une locomotive lancée à toute vapeur, Jim Tully raconte comment à l'âge de quinze ans, il décide de larguer les amarres.

Las de son travail à l'usine, fasciné par les histoires racontées par les trimardeurs qu'il rencontre dans la gare de triage de son patelin, il est pris d'une irrésistible envie de liberté et d'aventure. Alors il décide, sur un coup de tête, de lui aussi prendre la route. Endurci par une enfance passée à l'orphelinat, il ne pense même pas aux dangers de la vie qui l'attend.

Son errance dure plusieurs années pendant lesquelles il avale des milliers de kilomètres à bord de trains postaux ou de marchandises sans but précis, juste possédé par la fièvre de la route, l'envie de bouger. Il intègre la confrérie des hobos et en adopte l'argot, les habitudes, la morale brutale et étrange.

Vivant de mendicité et de rapine, s'alcoolisant beaucoup, il doit constamment veiller à déjouer les pièges tendus par les flics des compagnies ferroviaires qui traquent les clandestins. Il lui faut durement défendre sa liberté car le risque de se faire coffrer pour délit de vagabondage est permanent.



C'est avec une grande simplicité de style que Jim Tully raconte son expérience de gamin du rail. Plus qu'une simple illustration d'un mode de vie hors-la-loi, qui deviendra malheureusement celui de milliers d'américains quelques années plus tard lors de la grande crise des années 30, ce roman se fait aussi le témoin de la naissance d'une contre-culture qui donnera jour à d'autres célèbres clochards.

Cette lecture passionnante fait découvrir un univers qui, cent ans plus tard, fait étrangement penser aux migrants de Calais.
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Le boxeur

Publié en 1936, le Boxeur est une pépite oubliée qu’on est tout heureux de découvrir, un roman assez incroyable de fraîcheur qui nous décrit l’ascension d’un jeune homme au grand cœur, Shane Rory, dans le monde impitoyable de la boxe des années trente. Le roman est essentiellement consacré à une description presque clinique du Noble Art alors à son apogée, les combats à couper le souffle, les crochets du gauche, les directs du droit, les feintes, le sang et les larmes, les entraînements qui tueraient un cheval mais aussi les combines, les paris truqués, les managers véreux, les femmes fatales, la folie qui rôde, la richesse, la misère, en bref tout ce qui fait la grandeur et la décadence de la boxe.



Et pourtant le Boxeur ne nous parle pas que de boxe, il nous dépeint aussi le monde des hobos, ces vagabonds des années trente qui parcouraient l’Amérique sans le sou bien avant les clochards célestes que nous dépeindra vingt ans plus tard un certain Jack Kerouac. On sent confusément que la crise de 29 est passée par là et que brûler le bitume comme le fait Shane à ses débuts, est presque une tradition ancrée dans la manière de vivre d’un pays aussi immense et impitoyable que l’Amérique.



La plongée dans le monde de la boxe au travers de l’ascension semée d’embûches de Shane, permet à Jim Tully de sonder l’âme humaine au scalpel, de ses recoins les plus sombres, comme l’appât du gain insatiable des managers, à ses aspects les plus lumineux comme le respect mutuel et presque fraternel qui lie entre eux les boxeurs, ou encore l’étonnante générosité dont fait preuve Shane. Le Boxeur est ainsi un des ces livres qui vous emporte et qu’on ne lâche qu’à regret, presque aussi sonné que Shane après quinze rounds d’un combat sans merci.

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Du sang sur la lune

Dernier volume du cycle des bas-fonds, Jim Tully – pionnier du hard-boiled – raconte sans fard ce qu’il a vécu et vu, de son enfance jusqu’au moment où il se mettra sérieusement à l’écriture : l’orphelinat, sa période hobo, son travail de chainier en usine, son expérience de boxeur.

Vagabondant dans tout le pays, sautant d’un train à l’autre, il décrit l’Amérique d’en bas en ce début de 20ème. Il passe 7 années à se cacher dans des wagons, à dormir avec  des clochards, à éviter les flics du rail, à mendier des repas par des portes dérobées, à côtoyer les prostitués et à hanter les bibliothèques publiques. Quand il quitte la route c’est pour travailler comme fabricant de chaînes ou pour s’essayer à la boxe. Au fil de ses errances, il rencontre toute une galerie de personnage dont il dresse le portrait et j’ai eu notamment grand plaisir à retrouver Hugh Tully, le mémorable grand-père irlandais, déjà croisé dans « Les assoiffés ».



Et pendant tout ce temps, lui qui aspire à devenir écrivain et à ne pas se laisser piéger par l'absurdité d'une vie laborieuse, transforme ses souvenirs en une chronique sombre et étonnante des déclassés et de ceux qui ont choisi de vivre en dehors du système.

« Du sang sur la lune » c’est encore une fois la Comédie Humaine à la sauce Tully, c’est-à-dire avec son style brut, direct, sans filtre et avec son extrême franchise.
Un récit autobiographique où la rudesse et l’iniquité du monde nous explose en pleine face mais qui pourtant se lit en sentant souffler un grand vent de liberté.



 Traduit par Thierry Beauchamp
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Les assoiffés

La tradition migratoire irlandaise aux Etats-Unis précède la Grande Famine mais c’est bien cet épisode qui sera le grand accélérateur de l’exode irlandais. En l’espace de sept années plus d’1,5 millions d’Irlandais quittèrent leur terre natale. La famille de Jim Tully fut de ceux-là.



« Les assoiffés » est un roman autobiographique. L’auteur nous offre les portraits mémorables des Tully et des Lawler, la famille de sa mère. Nous sommes dans l’Ohio - fin 19ème et début 20ème – tous vont prendre vie sous les yeux du lecteur. On découvre des hommes durs et sentimentaux, à la faconde intarissable. On les imagine avec des mains énormes, des épaules massives, taillés dans le granit, nés pour le dur labeur et la bagarre. Ils font partie de cette diaspora Irlandaise, celle qui a creusé des fossés, des canaux, construit les chemins de fers dans l’arrière-pays.

La sagesse de ces hommes est bien cachée sous les hectolitres de whisky et de bière qu’ils ingurgitent ; car tenir l’alcool est une qualité essentielle pour être respecté.



Au centre de ce récit il y a le grand-père paternel, buveur invétéré, hâbleur. Le récit d’un concours de boisson au coin d’un bar avec un unijambiste mythomane est un des morceaux de bravoure de ce livre !

Chaque membre de la famille va ainsi être croqué, donnant lieu à des portraits courts et colorés, mis en valeur par le sens du détail concret et du mot juste de Jim Tully.



Quelques mots sur l’auteur :

Jim Tully était romancier, nouvelliste et journaliste. Populaire dans les années vingt et trente, il est finalement tombé un peu dans l’obscurité. Pourtant il est considéré comme l’un des précurseurs du hard-boiled, style qui influencera toute la littérature américaine. Son œuvre est aujourd’hui éditée en France par les Editions du Sonneur.
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Belles de nuit

Après les 5 livres autobiographiques de Tully, les éditions du Sonneur nous font un nouveau cadeau en publiant un de ses romans, paru en 1935.



Tully a toujours écrit sur les lieux en marge et sur les hommes et les femmes qui les peuplent. Son « Cycle des bas-fonds » amenait les lecteurs sur les rings de boxe, à bord des trains de marchandises, sous les chapiteaux de cirque, dans les orphelinats… Il semble donc naturel qu'il nous ouvre à présent les portes d'une maison close.



Lors de sa parution, le livre fit scandale. Exemplaires détruits par la police, éditeur condamné, interdit au Canada : l'ouvrage est jugé obscène. Selon les normes actuelles, on a bien évidemment un peu de mal à comprendre ce jugement car dans cette histoire de femmes travaillant dans un bordel, il n'y a pas une seule scène de sexe. Mais l'on perçoit bien le côté « poil à gratter » de Tully qui avec sa représentation franche de la prostitution et de ses clients respectables, a dû bousculer les ligues de vertu américaines.



« Belles de nuit » suit Leora, l'ainée d'une famille irlandaise de neuf enfants installée dans l'Ohio. Cette gamine rebelle, rejette rapidement le destin qui devrait être le sien. Pas question d'accepter comme sa mère la violence d'un mari et les grossesses à répétition qui vous tuent à petit feu. Elle profite de son physique éblouissant pour s'essayer à la prostitution occasionnelle. Mais Leora a surtout une tête bien faite et comprend rapidement qu'en utilisant les hommes riches, elle peut gagner de l'argent et échapper à son milieu. Adieu l'Ohio, direction Chicago et la maison close de Madame Rosenbloom.



Tully ne décrit pas une prostitution misérable. Chez Madame Rosenbloom c'est du haut de gamme. L'hygiène est irréprochable, les clients sont des hommes socialement respectables et la mère maquerelle est presque une mère. Aucune fille ne se plaint de son métier et c'est d'ailleurs souvent un tremplin pour faire un très bon mariage. Finalement Tully nous parle moins de prostitution que de l'intelligence de ces femmes qui ont pris le pouvoir sur une société qui les prédestinait à la misère.



Anecdote : Mon libraire (avec lequel je partage la même Tullymania) me faisait part de son incompréhension face à la difficulté qu'il rencontre à vendre les livres de Tully alors que les mêmes clients achèteraient n'importe quoi du moment que c'est signé Jack London. Incompréhension que bien évidemment je partage et au risque de me répéter, je vous encourage une nouvelle fois à lire Jim.



Dites donc les éditions du Sonneur ? C'est quand le prochain Tully ?



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Le boxeur

Première parution en France depuis sa parution en 1936 .

Cet ouvrage en partie autobiographique raconte la vie difficile et chaotique d un boxeur .

Un superbe texte sur le noble art et toutes les difficultés qui vont avec.

Des phrases courtes et chocs univers sentant la sueur la souffrance l abnégation.

Je ne connaissais pas cet auteur et son univers qui rappelle aussi Kerouac et London mais je vais le pencher sur ses autres écrits .

De nombreuses annotations expliquent aussi l histoire de la boxe et ses champions
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Vagabonds de la vie

Jim Tully, né de parents immigrés Irlandais dans l’Ohio en 1886 et décédé en Floride en 1947, a vécu plusieurs vies. Garçon de ferme, boxeur, conseiller à Hollywood (pour Charlie Chaplin pendant le tournage de La Ruée vers l’or), c’est aussi un écrivain qui dès les années 1920 se partagea entre littérature et journalisme pour de nombreux magazines tels Esquire, Vanity Fair, etc.

Le présent ouvrage qui vient de paraître, Vagabonds de la vie, autobiographie d’un hobo, revient sur une époque difficile de la vie de Jim Tully, les six années courant de 1901 à 1907, où très jeune encore, il s’embarqua dans l’aventure ferroviaire chère aux clochards célestes.

S’il y a un mot qui m’a toujours fait rêver, c’est bien ce « hobo », croisé aussi bien dans la littérature que dans les chansons d’artistes américains. Aux Etats-Unis, le terme désigne un sans domicile fixe se déplaçant de ville en ville, le plus souvent en se cachant dans des trains de marchandises, et vivant de travaux manuels saisonniers et d'expédients. Bien entendu mes rêves se conforment mal avec la réalité qui n’est pas aussi rose, l’idée de liberté absolue, de voyages et de grands espaces devant être opposée aux souffrances (la faim, le froid) et aux violences physiques (bagarres entre trimardeurs ou avec les flics du train).

C’est de cette réalité qu’il sera question ici. Dans les pas de Jim nous allons faire connaissance avec des personnages pittoresques à défaut d’être toujours de bonne compagnie. Poivrots, voleurs, bagarreurs voire criminels, les hobos vivent de la mendicité des gens pauvres ou de petites arnaques qui paieront leur gnôle. « Ces hommes étaient des pauvres diables, des petits escrocs en loques. » De ses rencontres, l’écrivain ne gardera un souvenir ému que des prostituées, qui toujours lui apporteront un secours modeste mais bienvenu quand la dèche sera à son comble.

Jim Tully va sillonner les Etats-Unis en long et en large, croiser et recroiser tel ou tel, se faire des amis comme Bill, un fugueur ; il va frôler la mort, touché par la typhoïde et la malaria, être mêlé à des évènements guère brillants, le plus souvent en tant que témoin comme cet horrible épisode où un Noir est lynché. L’écrivain raconte ses souvenirs comme le ferait un journaliste, sans y mettre de pathos, les faits se suffisent à eux-mêmes ; ils sont ainsi, chacun en jugera comme sa morale l’entend.

Un bouquin très intéressant pour qui veut se plonger dans ce monde parallèle qui a ses règles, son argot, ses combines. Le récit est moins rude ou émouvant que celui de Jack London (Les vagabonds du rail) ou bien de Woody Guthrie (En route vers la gloire), il n’a pas le souffle de l’épopée d’un Jack Kerouac, il se rapproche peut-être plus d’un Mark Twain…

En ce temps de vacances et de voyages, vous lirez cette autobiographie en écoutant un disque de Woody Guthrie ou bien un Bob Dylan des débuts.

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Vagabonds de la vie

J'ai terminé ce livre voici déjà une dizaine de jours... et voilà seulement ma critique. Il faut dire que je suis peu inspiré.



Le sujet était potentiellement intéressant. Suivre les pérégrinations d'un ado bourlingueur de train en train avec un statut de vagabond dans les années début XXème siècle, c'était prometteur.



Seulement, le livre pêche par manque de liant. Les chapitres sont posés tels quels avec, à chaque fois, le sentiment d'une approche très superficielle. La prose est assez simple. Le tout donne une impression d'inachevé, mais ce n'est pas déplaisant malgré tout. Ce n'est pas non plus un livre incontournable!
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Vagabonds de la vie

D’une langue âpre et sans concession, avec un art consommé de la description, Jim Tully condense ses 6 années comme trimardeur, comme hobo, ce saisonnier américain voyageant en train clandestinement et possédant mille ruses pour se faire offrir le boire et le manger, échapper aux forces de polices et résister aux conditions climatiques parfois extrêmes, alors que la Grande Dépression s’abat sur l’Amérique.



Si La Route, Les vagabonds du rail, de Jack London paru en 1907 est plus connu du grand public, ce court ouvrage édité en 1924 compte parmi les classiques de la littérature du genre.


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Vagabonds de la vie

Un régal, enfin un bouquin qui parle de Hobo sans faire l'éloge d'une pseudo aventure mais qui parle avec lucidité d'une errance mortifère et très peu porteuse d'espoir.



Quand on dit que cet auteur a inspiré des mecs comme kérouac, on se rend compte effectivement qu'il n'a du faire que les inspirer tellement on est loin de "sur la route". Il relègue cet ouvrage à une ballade sympa entre amis qui se font croire qu'ils sont libres.



Ce "Vagabonds de la vie" a un côté à la fois Patrick Declerk pour son froid réalisme qu'un côté Mark Twain pour son entrain.



Comme une bonne éloge funèbre où l'on a envie de picoler comme des trous en se rappelant les moments drôles du maccabée
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Circus parade

Difficile de faire rentrer ce texte dans une case. Récit, chronique, roman, autobiographie ? Sans doute un peu de tout cela à la fois. Ce qui est certain c’est que Jim Tully y raconte son expérience de manœuvre dans un cirque itinérant au début du 20ème siècle. Lui, le vaurien, le vagabond, le « gamin du rail » a un jour quitté son habit de hobo pour être engagé en tant qu’assistant dans la ménagerie d’un cirque. Le début d’une aventure à travers l’Amérique profonde et une succession d’événements dont il est difficile de vérifier la véracité.



Pour éviter les ennuis au moment de la publication de l’ouvrage en 1927, Tully n’a pas révélé le vrai nom du salopard de promoteur qui menait ses troupes d’une main de fer. Malgré tout, son témoignage à charge contre les pratiques plus que douteuses du patron souleva de nombreuses critiques, tant chez les défenseurs du cirque que dans les ligues de vertu.



Il faut dire que l’auteur de « Vagabonds de la vie » exprime un point de vue sans concession sur l’univers circassien, loin des images d’Épinal bohèmes et poétiques. Son cirque à lui n’était qu’un ramassis de va-nu-pieds, d’escrocs, d’arnaqueurs, de repris de justice et de pauvres hères au service d’une galerie d’artistes tenant plus souvent du monstre que de l’athlète de haut-niveau. Une population misérable exploitée par des promoteurs uniquement guidés par l’appât du gain.



Au fil des chapitres Tully narre la mort du dresseur de lions tué par un ours aveugle, les pickpockets s’attaquant au public en train d’acheter ses billets, les bagarres avec les autochtones qui parfois éventraient le chapiteau à coups de hache, la jalousie des artistes en quête de popularité, le danger pour les employés noirs dans les villes du sud et les nuits dans les trains entre deux étapes. Un tableau sordide où une population à la marge survit dans des conditions effroyables raconté dans une langue très orale à la syntaxe parfois syncopée.



C’est brut, sans filtre,violent, et même si certains passages semblent très romancés le réalisme des descriptions est saisissant. Un texte dur qui déborde de vitalité et constitue un témoignage unique sur ce qu’était un modeste cirque itinérant dans l’Amérique de 1900. Le livre eut un grand retentissement au moment de sortie. Trop cru et dérangeant, il fut interdit dans certains états. Hollywood en acheta les droits d’adaptation mais suite au lobbying de la très influente « Circus Fan’s Association of America », le film ne vit jamais jour.
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Vagabonds de la vie

Sur la fort peu céleste route de fer des hobos, un témoignage de première main.



Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2016/09/29/note-de-lecture-vagabonds-de-la-vie-autobiographie-dun-hobo-jim-tully/


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Vagabonds de la vie

À partir de 1901, le jeune Jim TULLY (1886-1947), tout juste sorti d’un orphelinat où il a passé six ans, décide de « brûler le dur », c’est-à-dire de monter clandestinement dans les trains des Etats-Unis, sans payer. Il a alors 15 ans. C’est ainsi qu’il va partager durant sept années la vie des hobos, ces clochards avides de voyages mais sans le sou qui sautent de train en train pour découvrir des paysages, des gens et des coutumes, traversant le pays de part et d’autre.



Par des portraits pittoresques et gouailleurs de vagabonds magnifiques, Jim TULLY dresse un portrait au vitriol des Etats-Unis du début du XXe siècle. Alcool, bagarres, confrontations avec les flics et l’autorité, prison, meurtres parfois. TULLY dessine par sa plume alerte et argotique les campements de hobos (les « jungles »), les personnages qu’il côtoie pendant toutes ces années. Avec certains naîtra une amitié, parfois de courte durée.



TULLY est déjà un féru de littérature : accroché littéralement à des wagons de marchandises, il dévore les livres qu’il a pu récupérer (« substituer » serait plus juste), s’éduque et s’instruit de manière totalement autodidacte. Miséreux, il vit au jour le jour ainsi que ses compagnons d’infortune.



TULLY est un formidable conteur. Il nous embarque littéralement à bord, ou plutôt sur ces trains qui servent aux hobos à se déplacer afin de chercher parfois un travail, souvent l’aventure. Tous voyagent au gré des trains de marchandises, même sur les essieux, c’est-à-dire entre les wagons, voire dessous.



Le quotidien des hobos est fait d’alcool, d’amitiés, de disputes, d’arrestations, de misère, mais surtout de cette volonté de liberté absolue pour ne pas participer à la farce sociétale, liberté parfois stoppée nette par une addiction aux drogues dures. TULLY participe mais observe, en futur romancier qui s’ignore encore. Il donne la parole à ses compagnons de déroute qui évoquent leurs parcours par des mots crus sortis de l’argot des chemineaux, des errants.



Et puis tout à coup, une description d’une poésie flamboyante, comme si TULLY endossait un autre costume, moins poussiéreux, moins connoté : « Des nuages se formèrent à l’est et s’accumulèrent dans le ciel. Au début ce n’étaient que des points blancs et bleus qui se déplaçaient en ordre dispersé. Le plus gros d’entre eux se déchira en passant devant la lune et laissa derrière lui une traîne de brouillard d’un gris bleuâtre. Les étoiles et la lune semblèrent filer avec les nuages jusqu’à ce qu’une immense montagne de vapeur sombre s’élevât brusquement à l’ouest et déferlât tel un océan d’encre sous la voûte céleste ». Car le jeune Jim TULLY possède une prédisposition à l’écriture et ne tardera pas à le démontrer.



Ce livre qui file à toute allure est aussi l’occasion pour l’auteur de décrire les périodes d’élections ainsi qu’un bal local, sans jamais oublier les bas-fonds dont il est issu. La vie est faite de drames mais aussi d’exploits. Par exemple, ce train sur lequel le jeune Jim reste accroché pendant 21 heures sur près de 1000 kilomètres.



TULLY fait preuve d’un style acéré, exagéré, avec une grande force humoristique. Pour preuve, cette scène hilarante où des vagabonds jouent une scène de parodie de procès entre deux avocats, juste avant que le vrai jugement ait lieu. Jim se noue brièvement d’amitié avec Oklahoma Red, un dur à cuire, pas un hobo mais un yegg, irlandais tout comme la famille de Jim. « Un yegg est un voleur, un perceur de coffre-fort, l’aristocrate du chemin de fer et le vagabond le plus dangereux que l’on trouve sur la route », loin des idéaux du hobo ? Pas si sûr…



Dans ce récit pétillant autant que sombre sur le fond, on croise des camés, des putes, des alcoolos, des brisés de la vie et, comme l’écrit justement TULLY des « accidentés de l’enfance ». Au bout de sept ans, TULLY raccroche, il est alors usé à tout juste 20 ans.



« Vagabonds de la vie » se lit à la fois comme un récit de vie, un roman d’aventures de la misère étatsunienne, mais aussi comme un hymne à la liberté. TULLY peut être rapproché de Jack LONDON (qui fut aussi un hobo, voir son extraordinaire « Les vagabonds du rail ») et de Panaït ISTRATI pour la magnificence de ses personnages pauvres mais dignes et libres (il fut aussi comparé à Maxime GORKI). Car là aussi la liberté est le but ultime. Ce livre de 1924 amorce une série de cinq volumes, tous pouvant être lus indépendamment les uns des autres, ayant trait à la vie de Jim TULLY : son expérience au sein d’un cirque (« Circus parade »), les racines irlandaises de sa famille et plus généralement des immigrés irlandais (« Les assoiffés »), la vie des vagabonds incarcérés (« Ombres d’hommes ») et un texte plus global (« Du sang sur la lune »). À l’exception de « Ombres d’hommes », ils sont tous préfacés et magistralement traduits par Thierry BEAUCHAMP.



Jim TULLY est de ces « losers » formidables, de ces miséreux magnifiques dont la quête de liberté les mène vers la débauche et les extravagances. Les superbes éditions du Sonneur ont entrepris depuis 2016 (« Vagabonds de la vie » fut leur première publication de l’auteur) d’éditer ou rééditer l’œuvre complète de TULLY. Ce « Vagabonds de la vie » est un petit chef d’œuvre dans son genre, fait d’humilité et de conviction profonde. Je prends le train en marche (sans mauvais jeu de mots) concernant cet auteur, mais il m’a fortement impressionné et il paraît inconcevable que je reste désormais sur le quai.



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