Ce conte est un moment de lecture poétique qui plaira autant aux adultes qu’aux adolescents. Il s’ouvre sur un immeuble parisien rue Céleste-Cannard et l’adolescente « qui s’appelait Nathalie – comme trois ou quatre petites filles par classe en cette année 1984. D’où la nécessité, afin de ne pas se fondre dans la masse, de se choisir un autre nom. La petite Nathalie du cinquième étage du 12, rue Céleste-Cannard s’appelait, en vrai, Sucre de Pastèque. » Sucre de Pastèque est une adolescente pas trop bien dans ses baskets qui vit seule avec sa maman, entourées, depuis cinq ans, des cartons du déménagement qu’elle n’a pas le courage d’ouvrir. Sucre de Pastèque aime la solitude, n’aime pas prendre l’air, aime écouter Cindy Lauper très fort sur son radiocassette et rêve qu’un prince charmant viendra la délivrer : « Il sera de la famille des Mefaireplusplaisir. »
Et comme pour troubler son ennui, un jour que Sucre de Pastèque est restée tranquillement dans l’appartement, avec sa « mélancolie maladive », un jeune garçon, Eugène, qui habite au sixième étage, vient sonner à sa porte pour lui demander de lui prêter une pompe à vélo. Commence alors entre Sucre de Pastèque et Eugène un jeu de cache cache et d’épreuves qui vient pimenter la vie de l’adolescente : « Elle lui a dit : Délivre-moi. » « Mais cette fille pour lui c’est comme un perroquet exotique qui agiterait ses plumes luisantes. Il est si flatté qu’elle l’ait choisi, lui, le petit Eugène tout bègue, qu’il en rougit sur son couvre-lit. »
A côté de l’histoire de Sucre de Pastèque et d’Eugène, Véronique Ovaldé dépeint la vie de cet immeuble parisien. Il y a Mademoiselle Poulichette et Madame Vertu-Lagache qui entretiennent une rancœur tenace depuis la guerre, il y a la concierge dans sa blouse en tergal, il y a les parents d’Eugène, Esclarmonde, sa mère qui est professeur de français dans un lycée de banlieue et son père qui est conseiller clientèle à la banque Durantin.
« Monsieur Lefèvre est un homme doux, sans grande ambition professionnelle, il cultive une forme d’humour difficile d’accès (il aime les charades), il est discret, il porte des pantalons en velours côtelé, des mocassins à glands et des cravates des années 1970 (qui ont un coté psychédélique sur ses chemisettes à carreaux que c’en est émouvant), il est inventeur, c’est ce qu’il demande à Eugène de mettre sur les petites fiches que celui-ci remplit au début de chaque année scolaire, PROFESSION DES PARENTS, et madame Lefèvre née Popincourt lui reproche de faire dire n’importe quoi à son fils, et elle conseille à Eugène d’écrire CONSEILLER CLIENTÈLE comme tout le monde. Il y a de petites crispations entre monsieur et madame Lefèvre mais rien de très grave, rien qui ne les empêche de vivre côte à côte. Il s’agit seulement de cet agacement affectueux qu’entretiennent les couples solides. »
Enfin il y a le chat du sorcier, Monsieur Ripolino…. qui descend les escalier « en soulevant très haut ses coussinets comme une danseuse étoile ».
Revisitant, avec humour et délicatesse le mythe du chevalier qui vient délivrer la belle princesse, Véronique Ovaldé et Joann Sfar livrent ici un conte à l’atmosphère un peu étrange, à la lisère entre le réel et l’onirique. Un coup de cœur particulier pour les illustrations de Joann Sfar qui peint une Sucre de Pastèque filiforme, tout de bleu vêtue dans son peignoir Demonius, un diadème dans les cheveux. A lire avec vos enfants en cette fin de vacances scolaires pour rêver comme des adolescents… ♥ ♥
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