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Critiques de Joe Casey (71)
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Godland Volume 2: Another Sunny Delight

Ce tome fait suite à Hello, Cosmic! (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2006, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Tom Scioli, et mis en couleurs par Nick Filardi.



En orbite autour de la Terre, des astronautes voient passer une pluie d'un millier de points de lumière qui foncent droit vers New York. Le cadavre de Discordia est l'objet d'un affrontement entre Eghad (l'homme de main de Friedrich Nickelhead) et une troupe de rats anthropomorphes habillés comme Superman (sans le S sur la poitrine).



Neela Archer vient dire au revoir à ses 2 sœurs (Angie et Stella) avant de partir en mission dans l'espace. L'opinion publique se soulève contre Adam Archer du fait des conséquences trop importantes sur la population de New York lors de son dernier combat. Maxim provoque la révélation de l'origine de l'univers dans l'esprit d'Adam Archer. Puis ce dernier est capturé alors qu'un vaisseau en forme de pyramide monumentale est en position stationnaire au-dessus de l'océan, à proximité de New York (après avoir percuté la statue de la Liberté).



Pas de changement par rapport au tome précédent, les auteurs continuent de réaliser des comics à la manière de Jack Kirby en mode cosmique. Tom Scioli augmente le nombre de cadrage à la Kirby, c’est-à-dire avec les mains en avant, ou même les pieds en avant. Il réalise de magnifiques séquences cosmiques dignes de Kirby en particulier lors de la révélation relative à l'origine de l'univers.



Il y a des corps célestes à profusion, des entités anthropomorphes de taille gigantesque, de l'énergie qui crépite sous forme de Kirby Crackles. Le vaisseau en forme de pyramide est gigantesque, la texture de la pierre de son "hangar" est rendu presqu'aussi bien que l'aurait fait Kirby. Les personnages ont souvent cette expression exagérée d'emphase avec la bouche ouverte.



Joe Casey continue également de faire son Kirby. Il y a bien sûr les péripéties, qu'il s'agisse des combats physiques avec superpouvoirs, et des personnages qui discutent pendant (ou qui exprime leurs réflexions à travers des bulles de pensée), de l'origine de l'univers, de races extraterrestres, ou bien d'un visionnaire illuminé très humain. Ce qui apparaît de manière plus patente dans ce deuxième tome, c'est également le rythme très soutenu du récit, similaire à ceux de Kirby. Les péripéties s'enchaînent sans temps mort, avec une grande inventivité et une belle capacité de renouvellement. Casey utilise également les tourments intérieurs des personnages, mais sur un ton moins intense que celui de Kirby. Le départ de Neela Archer est plus raisonné, et moins émotif que les réactions de Johnny Storm ou Ben Grimm.



Bien sûr le lecteur ne peut que constater à nouveau qu'à eux 2, Casey et Scioli ne sont pas Jack Kirby. Scioli n'arrive toujours pas à maîtriser les ombrages conceptuels à la Kirby, et sa représentation de la technologie est plus laborieuse et moins convaincante que celle de Kirby. Les piercings d'Angie Archer changent de place et de nombre d'une séquence à l'autre, dans un manque de cohérence peu professionnel (à moins qu'il n'y ait une explication à cet étrange phénomène dans les tomes suivants). Casey n'arrive pas à rattacher son récit aux grandes mythologies et aux grands mystères de l'humanité. Ils réalisent une ou deux séquences à la naïveté désarmante. Il y a par exemple Angie pilotant un avion monoplace au-dessus de New York capable de dialoguer avec Adam Archer, comme si de rien n'était malgré la vitesse, le vent, et le fracas du moteur. Il s'amuse à faire discrètement référence à une autre de ses histoires (The milkman murders), de manière gratuite, sans rapport avec le récit.



D'un autre côté, Casey et Scioli ne limitent pas leur narration à faire du sous-Jack Kirby, comme un hommage bon marché pour un profit rapide. À plusieurs reprises, Scioli s'abreuve à la même source que Kirby pour le merveilleux. La pluie de points de lumière est enchanteresse, les paysages cosmiques sont imposants, l'énergie crépite avec une vivacité indomptable, Eghad (une sorte de décalque de Toad, Mortimer Toynbee) est bondissant et enjoué, la créature tentaculaire au sein de laquelle Adam Archer se retrouve est un amalgame parfait du dessin et des effets spéciaux de couleurs (infographie qui n'existait pas du temps de Kirby).



Joe Casey fait preuve d'une belle imagination pour les menaces cosmiques et il continue de sonder le concept de la création par une créature d'un ordre supérieur. L'impression donnée par ce thème est assez amusante car Casey et Scioli montrent le créateur comme une sorte d'extraterrestre de grande taille, dans une armure technologique indéchiffrable. Difficile de ne pas y voir comme une déclaration d'athéisme devant cette image infantile du créateur.



La narration des auteurs mélangent images naïves et rebondissements improbables, dans une histoire pétillante et enlevée qui s'adresse aussi bien à des adultes qu'à des enfants. En effet, ils réalisent un hommage, ce qui invite à un deuxième degré de lecture en tant que commentaire sur les comics de Jack Kirby. Le ton n'a rien de pédant car ils font preuve d'un humour bon enfant qu'il s'agisse du comportement de Friedrich Nickelback (assez imbu de sa supériorité déambulant avec un verre de vin à la main), ou de celui de Basil Cronus (toujours flottant de guingois dans son bocal, en attente d'un prochain fix).



Le lecteur de comics plonge donc un récit à la forme aisément reconnaissable, aux thèmes classiques, et à l'humour sympathique qui ne verse jamais dans la parodie moqueuse. Il constate également qu'il ressent l'émerveillement d'Adam Archer (et de sa sœur Neela) devant l'immensité de l'univers, ses phénomènes indicibles, et le sens de l'inconnu. Les auteurs ne se contentent pas de faire du Kirby, ils réussissent à se connecter sur cette soif de la découverte, cette volonté d'aventure, ce besoin de remettre en question la place de l'homme dans l'univers. Il est possible de s'agacer des facilités narratives (bulles de pensées, ou situations trop infantiles dans leur conception) ; il est impossible de résister à cette pulsion de découverte, à cet environnement dont l'enchantement n'a pas disparu dans l'œil de celui qui le contemple. Le lecteur aura bien du mal à résister à l'envie de savoir ce que les aventures d'Adam Archer lui permettront de découvrir.
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Godland, tome 1 : Hello, Cosmic !

Ce tome est le premier d'un récit complet en 6 tomes. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2005, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Tom Scioli, avec une mise en couleurs de Bill Crabtree.



De nos jours, sur Terre, le centre spatial Kennedy (à Cap Canaveral) a détecté la chute d'un corps céleste sur Terre. Ils préviennent l'armée. Un général relaie l'information à la Tour de l'Infini à New York, pour qu'Adam Archer se rende sur place et utilise ses fabuleux superpouvoirs pour prendre la mesure de ce mystère. Sur place (en Chine), il découvre qu'il s'agit d'un extraterrestre dont la forme évoque celle d'un chien géant.



La prise de contact est brutale mais semble s'acheminer vers une compréhension mutuelle, quand arrive Basil Cronus (une tête flottant dans un bocal relié à un corps mécanique), bien décidé à capturer l'extraterrestre par la force, pour l'asservir. Dans sa forteresse arctique, Discordia retient captif Crashman (un superhéros) et le soumet à la torture régulièrement.



À la découverte de la couverture (et en feuilletant l'intérieur), le lecteur est frappé par l'aspect graphique qui ressemble de très près à du Jack Kirby en mode cosmique. Le lecteur identifie facilement les emprunts faits aux dessins de Kirby. Le premier qui saute aux yeux est les points d'énergie (Kirby crackles), ces gros points noirs assemblés en agrégat qui évoquent l'énergie bouillonnante qui habite certains personnages, ou qu'ils émettent.



De même, le lecteur reconnaît les ombres portées aux formes plus conceptuelles que réalistes, les bouts de doigts carrés, et les postures de personnages (le bras tendu en avant vers le lecteur). Il y a aussi le registre limité des expressions de visage, avec la bouche entrouverte, le vide de l'espace encombré par des corps céleste sphérique, la forme de l'extraterrestre qui évoque Lockjaw (le chien des Inhumains), la forme simplifiée des canons des armes à feu, la combinaison antiradiation des scientifiques (qui évoquent les combinaisons de l'AIM), etc.



À la lecture, il apparait des différences notables, comme les ombres portées conceptuelles inexistantes sur les décors (alors que très présentes chez Kirby), la représentation de la technologie (plus concrète chez Scioli, plus abstraite chez Kirby), les piercings d'Angie Archer (impensable chez Kirby), les épaules hypertrophiées (tics graphiques spécifique à Scioli). De même Scioli développe plus ses arrières plans que Kirby. Par contre c'est avec plaisir que le lecteur constate que Scioli n'a pas peur de faire sourire ses personnages, comme pouvait le faire Kirby.



Du point de vue du récit, Joe Casey emprunte tout autant à Jack Kirby, qu'il s'agisse des éléments de science-fiction de la série Fantastic Four, ou de l'influence de "2001, l'odyssée de l'espace" (film de Stanley Kubrick, dont Jack Kirby avait réalisé l'adaptation en comics). L'influence de Kirby ne s'arrête pas là. Casey a également repris les modalités narratives telles que les personnages qui parlent à haute voix pour expliquer ce qu'ils font et leurs motivations, quelques bulles de pensée (pas très nombreuses), et un langage un peu écrit et emphatique.



Oui, mais pourtant ce n'est pas du Jack Kirby des années 1970, ou 1980. Tom Scioli ne donne pas entièrement le change. C'est comme s'il maîtrisait le vocabulaire de la langue Kirby, sans en maîtriser totalement la grammaire. Ça ressemble à du Kirby, mais ça n'a pas le goût du Kirby, ce qui au final est plutôt un compliment qu'un reproche. Scioli réalise des dessins mémorables : des pas d'Adam Archer sur le sol de Mars, à la tête flottante dans son bocal de Basil Cronus, en passant par l'assurance arrogante de Discordia.



À condition de supporter cette apparence très années 1970, le lecteur se plonge confortablement dans un récit dont il connaît les codes sur les bouts des doigts. C'est comme de revêtir un vieux pull, ou de s'installer dans son vieux canapé un peu défraîchi. Il sourit même devant ce bouton d'appel au secours, dissimulé dans la botte de Crashman.



Derrière cette tonalité globalement d'un autre âge, le lecteur commence par être saisi de l'intensité de certaines séquences. Casey et Scioli ne font pas que rendre hommage à Jack Kirby, ils s'abreuvent à la même source d'inspiration que lui. Ils transcrivent avec la même intensité que lui l'émerveillement un peu terrifié du cosmonaute sur Mars, saisi par la conscience de la beauté de l'univers et par son insignifiance et sa fragilité d'être humain. Même dans les affrontements physiques, les auteurs capturent l'énergie de Kirby, montrent l'implication totale des combattants dans l'instant présent, et la réalité du danger qu'ils affrontent.



Enfin presque parce qu'il y a un ou deux clin d'œil indiquant que les auteurs jouent avec les conventions des comics de superhéros. Il peut s'agit de cette flottant dans un bocal, avec toujours une forte inclinaison, lui donnant une allure comique. Il y a également Friedrich Nicklehead en train de manger du popcorn devant sa télé, pendant le procès de Discordia. Ils ne se moquent pas des personnages qu'ils mettent en scène, ou des conventions des comics. Ils montrent qu'ils savent qu'ils s'adressent à des adultes, eux-mêmes conscients du caractère enfantin des comics de superhéros.



Néanmoins, Casey et Scioli ne se cantonnent pas à réaliser un comics de superhéros à la manière de Jack Kirby (ce qui n'est déjà pas une mince affaire). Ils conservent leur propre identité, ce qui aboutit à un comics qui est à ranger dans les hommages récits, et non dans les plagiats insipides. En outre, ils développent plusieurs thèmes sur la base d'opinions différentes de celles exposées par Kirby dans ces comics.



Cela commence avec ce conclave de têtes flottantes qui ont donné des pouvoirs à Adam Archer, qui ont artificiellement accéléré son évolution pour le faire passer au stade supérieur. Pris au premier degré, il s'agit d'une intervention similaire à celle du monolithe dans "2001 l'odyssée de l'espace". Mais par la suite, les auteurs pointent du doigt le côté anthropocentrique du dispositif, accordant une importance démesurée à la race humaine, par le biais d'un cadeau désintéressé.



Il y a également les tortures infligées par Discordia qui sonnent faux, et qui sont justifiées par une inclination à faire le mal (une motivation classique et idiote dans les comics de superhéros). L'issue du procès montre que ces motivations n'ont que peu de poids face à un criminel endurci. Casey s'amuse également beaucoup avec Maxim (l'extraterrestre dont la forme évoque celle de Lockjaw) car il est capable de lire les motivations réelles et intimes de chaque personnage, disant tout haut ce qu'ils préfèreraient rester tu.



Par le biais de ces exagérations ou de ces remarques, Joe Casey interroge les conventions des comics de superhéros, non pas en s'en moquant, mais en les rendant apparentes. Il incite le lecteur à être critique face à ces éléments auxquels il attribue sa suspension consentie d'incrédulité de manière mécanique à la lecture de comics de superhéros. Il ne s'agit pas d'une déconstruction à proprement parler puisque Casey utilise ces conventions au premier degré. Il s'agit plus de leur redonner du sens grâce à un point de vue conscient de ce qu'elles sont.



Joe Casey et Tom Scioli réalise un hommage impressionnant aux comics de Jack Kirby, appartenant au registre de la science-fiction. Cet hommage fait honneur au maître, et il contient également des idées propres aux auteurs qui explorent les en douceur les conventions admises des comics de superhéros.
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Sex Volume 3: Broken Toys

Ce tome fait suite à Supercool (épisodes 9 à 14). Il faut absolument avoir commencé la série par le premier tome : Summer of hard (épisodes 1 à 8). Il contient les épisodes 15 à 20, initialement parus en 2014/2015, écrits par Joe Casey, et majoritairement dessinés et encrés par Piotr Kowalski, avec une mise en couleurs de Brad Simpson, et un lettrage de Rus Wooton. Ian McDaid dessine les 2 tiers de l'épisode 17, Luke Parker les 2 tiers de l'épisode 18, Ian Macewan les 2 tiers de l'épisode 19 et 3 pages de l'épisode 20.



Le tome commence avec un trombinoscope des 16 principaux personnages, puis par un rappel des faits en 19 phrases concises et pertinentes, accrochées à une frise chronologique. Simon Cooke a pris la décision de faire mener une enquête officieuse concernant l'incident avec les représentants de l'entreprise japonaise Kansei. De manière surprenante, il la confie à Elliot K. Barnes, responsable de la comptabilité. De son côté le Maire Sedgwick se fait remonter les bretelles par un certain Monsieur Weber, sur son incapacité à avoir rallié Cooke à une organisation clandestine.



La santé de The Old Man continue de se détériorer mais il ne lâche rien en affaire. Prank Addict est dans le coma à l'hôpital. Sheila a tenté de revenir travailler pour Annabelle Lagravenese, malgré son état. Les membres du gang Break font comprendre à Keenan Wade qu'il ferait mieux de tirer une croix sur sa vie privée.



Le tome se termine avec une interview de 4 pages de Joe Casey, en petits caractères. Avec les questions pénétrantes de l'intervieweur, il expose ses convictions de créateur, ses objectifs pour cette série, la raison pour laquelle il a choisi un titre aussi accrocheur et provocateur, la durée de la série et sa structure. L'intervieweur fait en particulier remarquer que la série a démarré sur un rythme un peu lent. Le scénariste explique qu'il l'a fait sciemment puisqu'il souhaitait développer progressivement l'environnement du récit. Il évoque également sa dimension sociale.



Le premier tome présentait effectivement la particularité d'introduire les personnages en prenant le temps, de s'attacher à leur état d'esprit, et de n'en révéler que peu sur leur passé. Ainsi Casey étoffait ses protagonistes et leurs motivations personnelles, dans une narration un peu éclatée puisque tous les personnages ne se rencontraient pas. Le deuxième tome avait permis d'établir plusieurs connexions entre différents personnages et de commencer à découvrir l'historique des liens les unissant, sans rien perdre en profondeur psychologique, au contraire. Ce troisième tome poursuit dans cette voie d'une grande richesse.



L'intrigue repose sur une guerre des gangs qui couve, de plus en plus proche du point de non-retour, avec plusieurs factions criminelles, 1 superhéros qui reste actif, et un autre qui est retourné à la vie civile. Une ancienne supercriminelle reste neutre. La tension monte, sans qu'il soit possible d'anticiper les rebondissements, ce qui assure un bon niveau de divertissement. Le récit amalgame polar urbain, stratégies de multinationale, et personnages qui se cherchent, d'une manière harmonieuse et tendue.



Il y a également une composante superhéros, par le biais de retour dans le passé qui abordent les origines de Prank Addict, la relation entre Armored Saint et son assistant adolescent, et la relation entre Armored Saint et Shadow Lynx. Le lecteur peut jouer au jeu des ressemblances avec des personnages DC bien connus. La relation entre Armored Saint et Keenan Wade évoque celle entre Batman et Robin, celle avec Shadow Lynx évoque celle entre Batman et Catwoman. Mais les personnages ayant déjà acquis leur histoire personnelle bien étoffée, il s'agit de clins d'œil, et en aucun cas de manque d'inspiration, ou de simple décalque.



En particulier, Joe Casey met en lumière que Simon Cooke était un homme blanc, à la tête d'une imposante fortune, dont la motivation n'était pas tenue pour acquise par son mentor Quinn, qui plaçait beaucoup plus de confiance en Keenan Wade, jeune homme noir venant de la rue (donc avec plus la rage au ventre). D'une certaine manière, il est possible d'y voir une version plus adulte de l'écart qui séparait Batman (Bruce Wayne) de Robin (Jason Todd, voleur de pneus). Néanmoins il n'est pas nécessaire de connaître ces références pour apprécier les nuances du récit. Dans l'interview, Casey précise qu'il ne s'aventurera pas plus loin sur la dimension raciale, dans la mesure où lui-même blanc et qu'il ne dispose pas du vécu nécessaire pour parler de la condition de personne de couleur.



Le scénariste continue d'intégrer des scènes de relation sexuelle dans son récit (il tient la promesse du titre), en leur donnant une dimension psychologique. Il ne s'agit pas de parties de jambes en l'air pour le simple plaisir de se rincer l'œil, mais bien d'une des formes d'expression de la personnalité des individus. Pour une partie d'entre eux, le sexe n'est qu'un des aspects de l'exercice du pouvoir, d'une preuve manifeste de domination (aussi bien sur les femmes que sur les hommes). Pour une autre partie, leur vie sexuelle révèle d'autres pans de leur psyché, pas toujours à leur avantage, mais il ne s'agit jamais d'un acte neutre, indépendant de la personne qui s'y adonne. Tous les dessinateurs prêtent une attention particulière à ne pas réduire les corps à l'état d'objet, ce qui neutralise le côté voyeur, et le côté érotique.



Comme dans le tome précédent, Piotr Kowalski cède la place à d'autres dessinateurs, dans la logique narrative qu'il s'agit de séquences se déroulant dans le passé, et s'attachant à des personnages spécifiques. Le lecteur découvre ainsi comment Frank est devenu Prank Addict. C'est du pur Joe Casey, avec son inventivité coutumière Il emploie des conventions de récit d'aventure, en les tordant pour les présenter sous un autre jour, leur redonner un sens, loin d'un cliché tout fait, prêt à l'emploi pour scénariste pressé et paresseux. Le lecteur découvre un personnage sortant de l'ordinaire, et très différent du Joker (auquel son nom fait immédiatement penser). Les dessins de Luke Parker font penser à du Mike Mignola qui utiliserait des plus petites cases, et mettrait plus de détails dans ses dessins. Brad Simpson utilise une palette de couleurs qui évoque celle de Dave Stewart (le metteur en couleurs attitré de Mike Mignola), sans le singer bêtement. L'intrigue de Casey est assez puissante pour que malgré les ressemblances de surface, cette partie dispose d'une identité propre et spécifique.



Dave McCaig réalise une séquence consacrée à Keenan Wade, et à la suite de son intégration dans le gang Break. Il utilise un encrage un peu épais, un peu pâteux qui correspond parfaitement au ton de la séquence considérée. Ian MacEwan dessine de manière assez proche de celle de Kowalski, avec des contours un peu plus ronds, malgré la dureté et le sérieux de ce qui est représenté. Son application dans les détails réduit fortement la rupture de ton et assure au lecteur de rester à un bon niveau d'immersion.



Certes, ce n'est pas très respectueux des autres dessinateurs, mais Piotr Kowalski est identifié comme le dessinateur régulier de la série, et le lecteur a appris à l'apprécier, et à associer son identité graphique à ce titre. Il retrouve avec grand plaisir son sens du détail, sa minutie, l'encrage légèrement sec qui confère toute la gravité nécessaire aux personnages, ses compétences de costumier, de chef décorateur, de metteur en scène. Le premier plaisir graphique est apporté par les couvertures, insérées comme il se doit entre chaque épisode. Le lecteur en apprécie le design audacieux et unique. Il arbore un franc sourire devant l'ironie du numéro 19, The Old Man étant allongé tout nu sur un divan, tenant dans la main droite le tome 1, dont la couverture préserve sa modestie.



Piotr Kowalski continue de donner une identité prononcée à la ville de Saturn City, grâce à des monuments et des façades aisément reconnaissables (les autres dessinateurs respectant cette prescription). Chaque personnage est immédiatement identifiable, grâce sa forme de visage, sa morphologie, son expression particulière, et sa tenue vestimentaire. Le lecteur n'éprouve aucune difficulté à distinguer Warren Azoff (l'avocat personnel de Simon Cooke), d'Elliot K. Barnes (directeur de la comptabilité). Il reconnait au premier coup d'œil Lorraine Baines (l'adjointe de Simon Cooke), sans la confondre avec Juliette Jemas (la journaliste carriériste, compétente et efficace.



Le lecteur apprécie que Kowalski l'invite dans l'intérieur des personnages, tous aménagés en fonction de la personnalité de son occupant. Les scènes de dialogue utilisent parfois la mise en scène bien pratique de l'opposition entre champ et contrechamp, mais dans ces cas-là avec une information visuelle complémentaire en arrière-plan. La plupart du temps, le dessinateur élabore un découpage plus sophistiqué, montrant les mouvements des personnages, le lieu où ils évoluent, ainsi que leur attitude liée à ce qu'ils ressentent.



Piotr Kowalski se montre tout aussi ingénieux pour les séquences d'action. Par exemple, le dernier épisode est l'occasion d'une poursuite sur les toits des immeubles de Saturn City. Alors qu'il s'agit d'un lieu commun dans les comics de superhéros, le dessinateur sait la rendre visuellement intéressante, grâce à des cadrages bien choisis, et un découpage impulsant un bon rythme de lecture.



C'est avec une certaine surprise que le lecteur découvre dans l'interview de Joe Casey qu'il ne s'est pas fixé de longueur pour son récit, en termes de nombre d'épisodes. Il indique que bien sûr la durée de la série est assujettie à son succès auprès du lectorat, et qu'il souhaite la continuer tant qu'il aura quelque chose à dire. Le lecteur éprouve plutôt l'impression d'être un récit à la structure bien établie, déroulant une intrigue rigoureuse où les pièces du puzzle s'assemblent sans solution de continuité, où la vie des personnages progresse dans une direction donnée, en fonction de leurs interactions, avec un dosage sophistiqué des retours en arrière, pour mieux éclairer les décisions du présent, et les conséquences sur le futur. 5 étoiles pour un récit adulte, à destination d'un lectorat adulte, et pas pour les scènes de sexe.
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X-Men: X-Corps

Ce tome contient les épisodes 394 à 409 de la série "Uncanny X-Men", ainsi que le numéro annuel 2001, initialement parus en 2001/2002, tous écrits par Joe Casey. Ces épisodes sont successivement dessinés par Ian Churchill, Sean Philips, Tom Raney, Ashley Wood, Ron Garney et Aaron Lopestri. Ces histoires se déroulent concomitamment aux New X-Men de Grant Morrison.



L'équipe est essentiellement composée de Nightcrawler (Kurt Wagner), Wolverine (Logan), Iceman (Bobby Drake), Chamber (Jonathan Starsmore), Angel (Warren Worthington III) et Stacey X.



En guise d'introduction, les X-Men doivent arrêter Warp, un mutant qui se la pète en massacrant des soldats à Cape Citadel (le lieu de la première confrontation entre les X-Men et Magneto). Épisodes 395 à 398 - Jonathan Starsmore s'est mis à la colle avec Sugar Kane (une jeune popstar qui s'est entichée de lui) à Londres. Dans les sous-sols désaffectés de la capitale anglaise, des mutants défigurés survivent tant bien que mal, jusqu'à ce que surgisse Mister Clean) un tueur de mutants qui vient pour les massacrer.



Épisodes 399 & 400 - Warren Worthington se rend compte que ses entreprises financent une maison close où des mutants réalisent des passes, alors qu'un nouveau groupe anti-mutants fait son apparition, l'Église de l'Humanité. Annuel 2001 - Telford Porter (Vanisher) s'est lancé dans une nouvelle carrière, sans costume ridicule : dealer d'une drogue un peu spéciale.



Épisodes 401 à 409 - Sean Cassidy (ex-Banshee) a décidé d'arrêter de boire et de devenir proactif. Il a créé une entreprise qu'il appelée X-Corps, dont le siège social est à Paris. Cette équipe (constituée de mutants au passé discutable, et d'anciens membres de Generation X) a pour lettre de mission d'être la police des mutants, les protégeant des menaces, mais châtiant aussi les mutants récalcitrants. Malheureusement il y a un loup dans la bergerie.



Pas facile d'exister quand on est en concurrence directe avec Grant Morrison, sur l'autre série mensuelle des X-Men. Joe Casey est un scénariste qui a aussi bien écrit pour Marvel que pour des séries indépendantes dont il a gardé les droits, avec un ton assez personnel (voir Vengeance pour Marvel, ou Butcher Baker, the righteous maker chez Image). Pour ces épisodes, il adopte une tactique qui consiste à mettre en œuvre une série à l'effectif réduit et à élargir l'horizon.



Joe Casey ajoute donc plusieurs nouvelles créations : l'Église de l'Humanité (une nouvelle secte religieuse anti-mutant, pas vraiment original), des mutants se cachant dans des tunnels délaissés à Londres (copié-collé des Morlocks à New York, en moins consistant), un groupe de mutants faisant la police parmi les mutants (déjà un peu plus original, même si le dispositif s'effondre rapidement), une nouvelle arrivante Stacey X (franchement originale et provocatrice).



Au départ, Casey s'en sort plutôt bien avec l'équipe. Il prend soin de développer les sentiments d'un personnage par histoire, pour fournir un point d'encrage émotionnel au lecteur, et générer de l'empathie. À ce titre, Jonathan Starsmore offre un point de vue original, puisqu'il s'agit d'un mutant peu préoccupé par le sort de sa race, avec un niveau d'altruisme assez faible qui ne l'incite pas à lutter contre les supercriminels. Passé "Poptopia", Starsmore doit partager le devant de la scène avec les autres X-Men, ce qui diminue fortement le niveau d'investissement émotionnel, jusqu'à ce que le lecteur se désintéresse de ces gugusses sans personnalité (avec quelques sursauts de ci de là, comme les questionnements de Kurt Wagner).



Au départ, l'intrigue n'a rien de passionnant, la redite sur les Morlocks étant vraiment moins bonne que l'original, squelettique et inutile. L'arrivée de Stacey X pimente un peu le récit et ramène sur le devant le thème de la différence et de l'acceptation, les X-Men bon teint regardant d'un drôle d'air cette prostituée d'un genre qui sort de l'ordinaire. De la même manière, le concept du X-Corps est original et l'instauration d'une police des mutants promet des dilemmes épineux. Mais très vite, Casey réoriente le récit vers un complot sans intérêt.



Enfin cette série est secondaire, c'est-à-dire dépendante de celle Grant Morrison. Casey n'a donc pas la possibilité d'introduire des évolutions significatives dans les personnages ou la continuité. Cette contrainte renforce la nature de second choix de ces épisodes.



Pour la mise en images, les scénarios de Joe Casey sont traités de manière hétérogène. Le premier épisode est dessiné avec minutie et entrain par Ian Churchill avec un encrage très précis. Churchill reste jusqu'à l'épisode 396, avec une diminution de la densité des décors au fur et à mesure, et des cases très vivantes, malgré des personnages un peu caricaturaux. Il cède sa place à Sean Phillips pour l'épisode 397 qui est encré par Mel Rubi pour une esthétique proche de celle de Churchill.



Les dessins changent de registre avec l'épisode 398, dessiné par Phillips, avec un encrage beaucoup plus personnel d'Ashley Wood. Les décors deviennent inexistants, mais les traits sont plus secs, plus vifs et plus coupants. Épisode 399, Tom Raney assure les dessins et revient dans un registre superhéros plus traditionnel, plus détaillé, plus consistant.



L'épisode 400 est dessiné par 6 artistes : Cully Hamner, Ashley Wood, Eddie Campbell, Javier Pulido, Sean Phllips et Matt Smith, pour un mélange heurté d'images industrielles et d'images d'art et d'essai. Ashley Wood assure tout seul la mise en images de l'annuel 2001, avec une approche graphique originale et expérimentale intéressante, mais au service d'un scénario trop classique.



Ensuite Ron Garney dessine les épisodes 401 & 402, suivi par Aaron Lopestri pour le numéro 403, puis Sean Phillips les numéros 404 & 405, retour de Lopestri pour le numéro 406, et Phillips revient dessiner les épisodes 407 à 409. Cette alternance entre une approche graphique traditionnelle et une approche plus expressionniste (celle de Sean Phillips) finit par nuire à l'immersion du lecteur. En outre Sean Phillips dose mal la densité d'information dans ses dessins (ils ne sont pas assez descriptifs). Les autres ont du mal à rendre crédible les péripéties, en particulier la destruction de Paris (l'Arc de Triomphe et même la Tour Eiffel) qui ressemble à des maquettes mal faites.



Pour tenir compagnie à la série mère écrite par Grant Morrison à la même époque, les responsables éditoriaux prennent des risques en confiant la série secondaire à un scénariste peu conformiste, et des dessinateurs prêts à expérimenter (en particulier Ashley Wood). Le résultat est en dessous des attentes du lecteur. Joe Casey manque d'assurance dans le développement de ses intrigues (il fera beaucoup mieux avec une équipe moins prestigieuse Wildcats Version 3.0). Ashley Wood et (dans une moindre mesure) Sean Phillips sont trop éloignés des canons habituels des comics de superhéros et doivent cependant dessiner des scénarios assez classiques du genre. Les autres dessinateurs ont du mal à donner corps et consistance aux scènes spectaculaires.
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X-Men, Tome 0 : Les enfants de l'atome

Le meilleur de la série des X-Men 100% Marvel. On apprend la formation des X-Men. On y découvre Cyclope, Phénix, Fauve, Angel, Iceberg. Charles Xavier est bien là. Il veut créer son école de mutant, mais rien n'est simple, il doit faire face aux politiques qui ont peur de ces êtres différents, ainsi que de Magnéto qui cherche lui aussi à enroler des X-Men mais pas pour les mêmes raisons.

L'histoire est prenante, le scénario est bon. Un vrai bon comics.
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Nixon's Pal

Un album qui démontre une nouvelle fois que les comics ne sont pas que du super héros, d'une part, et, ensuite, que ces jeunes générations d'auteurs ont encore pas mal de bonnes choses dans leur manches.
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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Hip Flask, Tome 1 : Sélection contre nature

intéressant mais dérangeant tant pour le graphisme que pour le scénario
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Avengers, Tome 1 : Les plus grands héros de l..

Il s'agit d'une minisérie en 8 épisodes, initialement parus en 2005. Le scénario est de Joe Casey, les dessins et encrages de Scott Kolins, la mise en couleurs de Morry Hollowell et Wil Quintana. Ce tome contient les épisodes 1 à 8 (ainsi que "Avengers classic" 1 à 6, pour ces derniers voir le commentaire de Tornado).



L'histoire tout le monde la connaît : au début de l'ère Marvel, 5 superhéros se sont unis pour déjouer les plans de Loki. Il s'agissait de Thor (Donald Blake), Hulk (Bruce Banner), Iron Man (Tony Stark), Ant-Man (Hank Pym) et Wasp (Janet van Dyne). Peu de temps après, Hulk quitte l'équipe, mais laisse Rick Jones en tant que mascotte (ou faire-valoir). L'équipe découvre le corps cryogénisé de Captain America (Steve Rogers) qui est intégré aux Avengers. Ils affrontent différents gugusses allant de Baron Zemo aux Maîtres du Mal (Masters of Evil), en passant par Namor, Kang, le comte Nefaria. Arrivé à l'épisode 16 de la série de 1963, tous les membres originaux sont partis et ont été remplacés. Oui, mais dans les coulisses, il a bien fallu que quelqu'un se préoccupe de choisir une base pour cette équipe (le manoir Stark), que quelqu'un rédige une charte de membre ratifiée par les superhéros, prenne contact avec les autorités officielles pour bénéficier d'autorisation d'intervention, etc. Toujours dans les coulisses, peut être que tous les membres n'étaient pas convaincus de la même manière de la pérennité de l'équipe, de sa viabilité, ou de l'intérêt de se former une équipe.



Joe Casey est connu pour ses projets très personnels (Butcher Baker, le redresseur de torts ou The milkman murders) et pour quelques histoires de superhéros, elles aussi sortant de l'ordinaire (telles Vengeance ou Wildcats Version 3.0, Tome 1 : Imposition des marques). Avec cette histoire, il a pour objectif de raconter les premières heures de l'équipe des Avengers, non pas sous l'angle de leurs aventures (comme dans la série originelle), mais en tant qu'organisation naissante. Casey a l'élégance de concevoir son récit de telle sorte que le lecteur n'ait pas besoin d'avoir lu les premiers épisodes des Avengers pour comprendre les enjeux ou les sous-entendus (The Avengers : L'intégrale : 1963-1964). Au fil des pages, il est possible de découvrir les réponses à tout un tas de questions de base. Qui a rédigé la charte des Avengers ? Comment un dieu (Thor) a-t-il pu accepter de s'associer à de simples mortels ? Pourquoi Rick Jones est-il resté associé à cette organisation ? Le gouvernement a-t-il accepté d'emblée la bénévolence de ce groupe de superhéros ? Quel atout a permis aux Avengers de convaincre l'agent gouvernemental James Murch d'accorder une priorité absolue à l'équipe ? Dans quelles conditions Captain America s'est-il intégré à l'équipe ? Quelles conséquences a eu sa présence sur les autres membres ? Qui a vraiment convié Clint Barton à s'associer avec les Avengers ? et bien d'autres encore.



En 2005, Brian Michael Bendis a déjà propulsé la série "New Avengers" en tête du classement des ventes, devant celles consacrées aux X-Men (mais le film Avengers n'est même pas encore un projet en développement ; il est sorti en 2012). "Earth's mightiest heroes" est donc un projet guidé par une volonté d'étendre les origines "historiques" de l'équipe, sans les renier, tout en les modernisant pour les nouveaux lecteurs. L'approche de Casey est risquée à plus d'un titre. Pour commencer, il doit entrelacer son récit avec les épisodes existants, tout en livrant une histoire autonome. C'est tout à son honneur de constater qu'il y arrive sans difficulté apparente. Vous connaissez déjà les épisodes originaux, vous avez droit à toutes les coulisses de l'exploit, sans avoir l'impression de redite bourrative. Vous ne connaissez pas les épisodes originaux, vous avez une histoire qui forme un tout. Il est vrai que la narration a quand même un peu de mal à intégrer harmonieusement les affrontements contre les différents supercriminels. Il s'agit à chaque fois de brèves évocations qui permettent d'assurer la jonction avec les épisodes originaux, mais qui manquent d'intérêt. Le lecteur peut avoir l'impression que l'évocation de ces combats ne sert qu'à introduire un peu d'action dans un récit où les enjeux se règlent autrement que par les poings.



D'un coté, Casey se conforme servilement au cahier des charges qui lui impose de respecter scrupuleusement chaque point de continuité. La majeure partie du temps, ils sont amalgamés harmonieusement au récit, le nourrissent et l'enrichissent. Plus rarement, ils apparaissent pour ce qu'ils sont : un rappel d'un point de détail, sans autre raison d'être qu'une cohérence absolue avec la continuité. D'un autre coté, Casey construit un récit intéressant sur l'investissement et l'implication nécessaires pour créer une équipe, instaurer un esprit d'équipe, se faire une place officielle au milieu des pouvoirs en place. Casey développe ces points avec grande aisance, mais il ne se limite pas à cet aspect. Il met en valeur l'âme de l'équipe par le bais d'un personnage qui fournit une approche émotionnelle irrésistible. Du coup, ce qui aurait pu n'être que l'historique un peu froid d'une organisation devient l'évolution d'un individu complexe, aux motivations en évolution, permettant une forte implication du lecteur.



Scott Kolins dessine avec un trait un peu sec des cases regorgeant de détails, sans tomber dans l'hommage passéiste. Il ne modifie pas son style pour se rapprocher de celui de 1963. Il conserve celui qui lui est propre, en reproduisant les apparences des superhéros de l'époque (du joli slip violet de Hulk, aux différents modèles d'armure vintages d'Iron Man). D'un coté, cette approche établit un lien visuel avec les comics initiaux, de l'autre elle permet à Kolins de dessiner de façon moderne, en profitant pleinement de l'apport d'une mise en couleurs par infographie. Au fil des séquences, il est possible d'apprécier l'apparence de brute épaisse de Hulk, la richesse de la décoration des pièces de l'hôtel particulier des Stark (la magnifique chambre de Captain America), la présence imposante et régalienne de Thor, et d'une manière générale la personnalité de chaque superhéros. C'est l'une des grandes réussites visuelles de cette histoire : l'adéquation entre les dialogues et le langage corporel des personnages. Alors que chaque scène se situe dans l'univers partagé traditionnel de Marvel (univers 616), le lecteur constate l'incrédulité, puis le doute d'Iron Man quant au caractère divin de Thor dans son attitude. Il prend conscience par le biais d'informations visuelles du désarroi d'Hank Pym par rapport à la qualité des individus qu'il côtoie au sein de cette équipe. Si vous connaissez la suite du parcours de Pym (en particulier The trial of Yellowjacket), il s'agit de moments très émouvant.



À partir d'un concept un peu austère (raconter les débuts des Avengers vu sous l'angle de la naissance d'une organisation), Joe Casey et Scott Kolins construisent un récit où l'émotion l'emporte sur l'aspect didactique, pour une histoire poignante d'une manière inattendue. Il reste qu'à quelques moments les obligations de respect de la continuité et l'évocation des criminels combattus alourdissent la narration, plus qu'elles ne la nourrissent. Joe Casey a eu l'occasion de raconter la suite de l'historique de cette équipe dans Earth's mightiest heroes : Les plus grands héros de la terre II dessiné par William Rosado et encré par Tom Palmer (2007).
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Sex 2 : Supercool

Ce tome fait suite à Summer of hard (épisodes 1 à 8) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 9 à 14, écrits par Joe Casey et majoritairement dessinés par Piotr Kowalsky, à l'exception de la moitié de l'épisode 7 dessiné par Morgan Jeske, et de la moitié de l'épisode 14 dessiné par Chris Peterson.



Le tome commence avec un trombinoscope des 11 principaux personnages, puis par un rappel des faits en 9 phrases concises et pertinentes. Alors que le tome commence, Larry (Lorraine Baines, la PDG des entreprises Cooke) est en train de diner avec Tucker, un membre du cabinet du maire de Saturn City. Keenan est en train de s'envoyer en l'air avec sa copine dont il aime bien lui lécher le téton. Il se remémore une intervention contre Prank Addict, en tant qu'aide d'Armored Saint, sous la direction de Quinn. Il décide de lui communiquer l'endroit où habitent les Alpha Brothers (Cha Cha et Dolph).



Simon Cooke fait de son mieux pour remplir ses missions de patron de multinationale. En particulier, il accepte de négocier avec des japonais qui sont reçu par Elliot K. Barnes, l'un de ses responsables de service. Juliette Jemas (grand reporter) décide de fouiner dans la vie privée de Simon Cooke. Old Man poursuit son entreprise de reprise en main des activités illégales à Saturn City. Keenan Wade passe l'épreuve d'intronisation dans le gang de rues des Breaks. Sheila est tombée enceinte, et reçoit la visite de son employeur Annabelle Lagravenese. Warren Azoff continue d'apprécier l'attention que lui portent ces dames du troisième âge.



Généralement, les histoires vendues pour leur contenu sexuel explicite ont tendance soit à voir le quota de sexe diminuer rapidement, soit à se transformer en récit pornographique où l'intrigue devient secondaire. Ici, Joe Casey et Piotr Kowalski ne changent rien au dosage du premier tome. Les actes sexuels restent présents, de la position du missionnaire, à l'amour physique intergénérationnel (entre adultes consentants), en passant par de nombreuses fellations et des sévices sexuels en guise de torture, dépourvus de voyeurisme. L'intrigue ne faiblit pas en intensité ; elle devient même de plus en plus dense.



Dans le premier tome, Joe Casey avait fait le choix d'une narration posée pour pouvoir développer à sa guise les personnages, leurs motivations et leurs tâtonnements, ainsi que les rapports liant les différents individus entre eux. Cet investissement porte tous ses fruits dans ce deuxième tome. Casey avait posé les fondations de sa structure narrative ; il la reprend là où il l'avait laissé en commençant à monter les étages.



Du point de vue de l'intrigue, le lecteur suit avec patience la reprise en main de la pègre par Old Man, ainsi que les décisions des Frères Alpha, mais en s'intéressant plus à leurs frasques sexuelles, qu'à leur stratégie encore à l'état d'esquisse. Il suit avec plus d'intérêt l'implication toujours croissante de Simon Cooke dans ses affaires, et les décisions complexes qu'il doit prendre, dépassant le simplisme moral du bien / pas bien. Il regarde Keenan Wade s'infiltrer parmi un gang. Il s'interroge toujours sur le rôle et le comportement de Prank Addict.



Du point de vue des personnages, Simon Cooke est moins ingénu que dans le premier tome, plus crédible, plus proactif, comme une rémanence du superhéros qu'il fut. Keenan Wade compromet ses idéaux à sa manière, mais tout autant que Simon Cooke. Annabelle Lagravenese se révèle un personnage incroyablement attachant et décidée, en particulier en proposant son aide à Sheila. Contre toute attente, Warren Azoff dépasse le rôle de simple élément comique (et salace, par ses relations épicées avec des dames âgées portées sur la bagatelle), pour devenir une métaphore sur la différence assumée. Juliette Jemas promet d'être une reporter pugnace, sans devenir pour autant une caricature.



Du point de vue thématique, Casey oppose Cooke et Wade dans leur manière de faire. L'un souhaite changer la société en tant que chef de multinationale, mais il n'a d'autre possibilité que de faire affaire avec d'autres multinationales aux méthodes réalistes, c'est-à-dire moralement répréhensibles. Wade n'a d'autre choix que d'intégrer une bande bien organisée, c'est-à-dire de compromettre ses idéaux. Le scénariste dépeint leur précédente relation (superhéros & assistant adolescent) comme relevant de la subordination. Il n'essaye pas de faire croire à une relation entre égaux, mais bien à une relation de chef à assistant. Cette approche inscrit cette relation dans un mode adulte, dépourvu de niaiserie ou de simplisme.



Il y a donc cette notion que tout engagement pour améliorer les choses s'accompagne forcément d'une forme de compromission parce que l'individu est contaminé par ce qu'il combat et par les méthodes qu'il emploie. Il subsiste également le thème des relations sexuelles comme rapport de force et comme indicateur de la maturité de l'individu. La force et l'intelligence de la narration de Casey font passer cette composante, de l'état de provocation & titillation de la libido du lecteur, à un état d'indicateur de la nature de la relation des personnages à leur entourage. Avec ces épisodes, le lecteur prend conscience que les gâteries que se font les frères Alpha (Cha Cha et Dolph) ne sont pas juste là pour choquer sur le thème de l'homosexualité incestueuse. Elles sont réalisées par des individus se portant des sentiments forts l'un pour l'autre. De la même manière la soumission de Warren Azoff aux désidératas de ces dames d'un âge respectable dépasse le comique de situation pour devenir une réflexion douce amère sur la recherche du plaisir entre adultes consentants, sous une forme réprouvée par les bonnes mœurs. Même les relations sexuelles de Keenan Wade (de type monogame et plus normales) donnent à réfléchir du fait de l'état d'esprit des 2 conjoints.



Piotr Kowalski réalise un travail toujours aussi pragmatique et anodin en surface, et toujours aussi sophistiqué en profondeur. Page après page, le lecteur découvre des cases où les personnages ont l'air naturel, où chaque individu dispose d'une morphologie propre, où les décors sont précis sans être m'as-tu-vu, où les actions coulent d'évidence, et les scènes de sexe sont réalistes (pas de morphologie de hardeuses ou de hardeurs). Comme dans le tome précédent, Kowalski évite les enfilades de cases ne contenant que des têtes en train de parler, pour plutôt élargir le cadre, montrer ce qui se passe autour, montrer les gestes que font les interlocuteurs.



Kowalski évite le sensationnalisme pour se concentrer sur les aspects pragmatiques des situations. Ce n'est pas synonyme d'ennui, mais de plausibilité. Si le lecteur finit par accepter la relation incestueuse entre Cha Cha et Dolph, c'est parce qu'ils sont dessinés comme des individus normaux, et qu'il est possible de noter quelques détails prouvant l'affection réelle qu'ils se portent. Si Warren Azoff dépasse le comique de situation, c'est parce que son comportement montre qu'il accepte et apprécie ces expériences sexuelles inhabituelles. C'est bien cet aspect anodin des dessins qui permet au lecteur de croire dans l'existence de ces personnages et dans leurs actions.



Morgan Jeske se charge de dessiner une séquence située dans le passé au cours de laquelle Armored Saint et Keenan Wade interceptent Prank Addict. Jeske colle à l'apparence de surface des dessins de Kowalski, en empruntant plus de codes visuels aux récits de superhéros (adaptés à la nature de la séquence). Le résultat est pleinement satisfaisant, sans solution de continuité visuelle. Chris Peterson dessine une séquence dans le passé, consacrée aux Frères Alpha, avec un encrage un peu moins râpeux que celui de Kowalski, pour un résultat également convaincant.



Ce deuxième tome tire le meilleur parti possible du travail d'investissement effectué dans le premier tome. L'intrigue se densifie, l'action est un peu plus présente. Les personnages ne perdent rien en densité et en complexité, et ils deviennent de plus en plus proches pour le lecteur, avec une empathie fonctionnant à plein. Joe Casey et Piotr Kowalski ne diminuent en rien la composante sexuelle du récit (promise par le titre), avec des dessins très explicites (sauf pour les pénétrations), sans pour autant tomber dans la pornographie car ces actes sexuels sont toujours en relation soit avec l'intrigue, soit avec la personnalité des protagonistes.
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Sexe, tome 1 : L'Été du hard

Casey nous offre une histoire atypique avec cet ancien super héros qui n’est plus que l’ombre de lui-même, désemparé et qui, faute d’amis ou de famille, explore comme il peut les pistes pour renouer contact avec la réalité. Ses premiers pas le tournent naturellement vers l’assouvissement de besoins primaires : le sexe. Mais si cet aspect est sans ambiguïtés, l’intrigue est loin de se limiter à cela.
Lien : http://www.bdencre.com/2014/..
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Vengeance

Il s'agit d'un récit complet en 6 épisodes, initialement parus en 2011, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Nick Dragotta, mis en couleurs par Brad Simpson, avec des couvertures de Gabriele Dell'Otto.



C'est à la fois très simple et très compliqué. La version simple : 2 nouveaux groupes composés de jeunes dotés de superpouvoirs souhaitent se tailler une place sous le soleil de l'univers partagé Marvel : la Teen Brigade et les Young Masters.



La version qui exige un peu plus d'attention : du coté des superhéros, la Teen Brigade est composée d'Ultimate Nullifier, Miss America (America Chavez), Angel (Angel Salvatore), Barnell Bohusk (Beak). Cette équipe bénéficie d'un informateur qui est Larry Young (Jack Truman, ex agent 18) un ex agent du SHIELD leur indiquant où aller récupérer des armes ou des prisonniers devant être neutralisés. C'est ainsi qu'ils libèrent une version adolescente de l'In-Betweener. Du mauvais côté de la loi, il y a les Young Masters (of Evil) composés d'Executionner (Danny Dubois), Egghead, Radioactive Kid, Black Knight et Mako. Premier objectif : s'approprier le cadavre de Bullseye. Mais il y a aussi cette histoire de projet de modification moléculaire sur des êtres humains, mené sous l'autorité du Red Skull (Crâne Rouge, Johann Schmidt) en 1944. Il y a aussi l'intervention d'un autre groupe de superhéros (les Defenders, même si ce nom n'est jamais prononcé), sous l'autorité de Kyle Richmond, comprenant Son of Satan (Daimon Hellstrom), She-Hulk (Jennifer Walters), Nighthawk (Joaquin Pennysworth) et Krang (un atlante). Enfin le parcours de quelques uns de ces personnages va croiser celui de 5 supercriminels majeurs de l'univers partagé Marvel.



Dans la courte postface (1 paragraphe), Tom Brennan (le responsable éditorial) explique que cette curieuse histoire trouve son origine dans un point de départ inhabituel. Gabriele Dell'Otto avait réalisé 6 peintures à l'effigie de Magneto, Bullseye, Doctor Octopus, Loki, Red Skull et Doctor Doom et que Brennan a demandé à Joe Casey une proposition d'histoire lui permettant d'utiliser ces 6 portraits comme couverture de chacun des épisodes.



Joe Casey est aussi bien connu pour ses comics pour Marvel et DC, que pour ses créations plus débridées : X-Men, Wildcats, Butcher Baker, le redresseur de torts, SEX (en VO). Dès les premières séquences, il est visible qu'il a pris un grand plaisir avec les jouets Marvel, pour un récit regorgeant de références obscures, et d'une énergie qui n'appartient qu'à la jeunesse. Il est certain que la forme rebutera les lecteurs occasionnels de l'univers Marvel. D'un côté, Casey s'amuse comme un petit fou à retranscrire l'ébullition propre à la jeunesse, surtout dans l'action, le mouvement et l'instantanéité (il reprend même le dispositif des tweets entre personnage, avec pseudos, qu'il avait auparavant utilisé dans Final Crisis aftermath - Dance en VO). D'entrée de jeu, il insuffle un rythme narratif très soutenu, avec une première page consacré à un personnage non identifié prenant un verre dans un bar, puis une double page dans une discothèque avec des tweets de personnages non identifiés, puis une page consacrée à un entretien sibyllin entre Red Skull et Adolph Hitler, et enfin une séquence (relativement) longue (4 pages d'affilée) relatant une intervention de Miss America. Autant dire que l'attention du lecteur est fortement sollicitée pour enregistrer les informations au fur et à mesure, sous une forme loin d'être prémâchée. Évidemment, la compréhension du récit s'améliore petit à petit, dans la mesure où le lecteur finit par discerner les personnages principaux et les retrouver d'une séquence à une autre.



En fonction du lecteur, cette forme de narration pour le rebuter, ou au contraire il pourra le voir comme une transposition habile d'un quotidien dans lequel l'individu est sans cesse abreuvé de flux continus et denses d'informations. Deuxième caractéristique prononcée de la narration : les références très pointues à l'univers partagé Marvel. À l'évidence, ce dispositif destine cette histoire à des férus de cet univers. Il suffit de prendre comme exemple une conversation entre 3 personnages dans un bar dans l'épisode 4. Il s'agit de Kyle Richmond (premier Nighthawk du nom, membre fondateur du Squadron Supreme, et membre historique des Defenders), de Joaquin Pennysworth (cinquième individu à avoir endossé le costume de Nighthawk), et de Larry Truman, un agent du SHIELD apparu une seule fois dans l'épisode 60 de la série "Cable" en novembre 1998. Rien que l'identité de ces individus fait comprendre qu'il s'agit d'un récit pour connaisseurs. Alors qu'ils échangent quelques paroles, ils évoquent un technique tibétaine de permutation d'esprit (qui évoque un tour de passe-passe réalisé par Elektra dans Elektra, assassin), la transplantation d'esprit (épreuve subie par Kyle Richmond dans la série Defenders), la division ExTechOp du SHIELD (toujours dans "Elektra assassin"), et une version encore plus obscure de Deathlok. Il est facile de comprendre que pour un lecteur occasionnel, ou même simplement régulier de comics Marvel, ces propos plein de sous-entendus finissent par agacer, à ce point abscons qu'ils s'apparentent à un amphigouri.



Pour le lecteur chevronné de l'univers Marvel, il s'immerge dans un environnement d'une richesse inouïe, où l'auteur lui rappelle des souvenirs à moitié oubliés, des recoins rarement visités, des facettes laissées de côté. Chaque épisode regorge de ces éléments piochés à toutes les époques de l'histoire de Marvel, depuis l'époque des monstres avant l'avènement des superhéros (Tiboro - la Screaming Idol - contre laquelle se bat Miss America évoque les monstres créés par Steve Ditko et Jack Kirby) aux créations plus récentes (Lady Bullseye ou Kid Loki en VO), en passant par des personnages perdus de vue (Kristoff Vernard). Attention, Joe Casey ne fait pas dans le superficiel, il va chercher des personnages ayant marqué différentes générations de lecteurs, de Beak & Angel (nouveaux personnages apparus dans les épisodes des New X-Men de Grant Morrison) à l'In-Betweener (personnage créé par Jim Starlin et apparu pour la première fois dans la série mythique consacrée à Adam Warlock). Plus fort encore, il est aussi bien capable de retrouver le ton juste pour l'apparition de Lady Bullseye (telle que mise en scène par Ed Brubaker dans ses épisodes de Daredevil), que la dimension métaphysique d'In-Betweener, ou encore le caractère franchement inquiétant du Fils de Satan. C'est du grand art.



Pour mettre en images ces aventures référentielles, Joe Casey peut se reposer sur Nick Dragotta (dessinateur de la série East of West de Jonathan Hickman), dans une veine réaliste simplifiée. Dragotta sait rendre compte de la vitalité et de l'énergie, mais aussi de la morgue et de l'assurance de tous ces jeunes, chacun avec un registre de langage corporel qui lui est propre. Ultimate Nullifier (un nom emprunté par dérision à une arme ultime employée par Reed Richards contre Galactus) se tient comme un chef né, dégageant à la fois charisme et autorité, Miss America se conduit comme une personne invulnérable n'éprouvant aucun doute sur le fait qu'elle peut triompher de toute épreuve physique. Dragotta en fait une jeune femme pleine d'assurance, très séduisante avec un large décolleté, impossible à réduire à un objet sexuel tellement elle pulvérise ses ennemis (en particulier sur le monde de Screaming Idol). Ainsi chaque personnage dispose de sa morphologie propre, de sa coupe de cheveux stylée ou pleine de gel. Black Knight est une frêle jeune femme, avec un goût des plus douteux en termes de chic vestimentaire.



Dragotta réussit un mélange improbable de premier degré et de dérision pour les conventions superhéroïques. En prenant Daimon Hellstrom comme exemple, il est à la fois inquiétant lorsque la moitié de son visage se recouvre de symboles cabalistiques sur fond d'espace infini, signifiant sans ambigüité sa connexion avec des dimensions inhospitalières. Il est à la fois ridicule avec son casque idiot (avec des cornes) et son costume moulant rouge pourvu d'une grande cape. À la fois Dragotta semble dire au lecteur qu'il ne faut pas prendre ces gugusses au sérieux, mais aussi il reste premier degré dans sa façon de dépeindre leurs exploits, le déploiement de leur force physique, etc. À la fois, il n'a pas la prétention de faire croire à une réalité plausible (le lecteur est bien face à des concepts merveilleux et fantastique totalement imaginaires, à destination des enfants petits et grands), à la fois il présente des visions d'une grande cohérence entre elles formant un monde logique. Régulièrement Dragotta épate le lecteur par une mise en page inventive et pertinente à commencer par les lumières de la discothèque jusqu'à la représentation conceptuelle de l'In-Betweener et de la notion qu'il incarne, en passant par les couloirs monumentaux du QG d'Hitler ou la progression irrésistible de Tiboro.



"Vengeance" est une ode à la jeunesse prenant pied dans le monde des adultes et se faisant sa place avec la fougue qui lui est propre. C'est un récit étendant ses racines très loin dans l'histoire et la mythologie de l'univers partagé Marvel, au point d'en devenir un met raffiné pour le lecteur baignant dans ces références, et une histoire absconse et vaine pour le lecteur de passage. C'est un récit conceptuel sur l'entrée dans la vie active, racontée en respectant toutes les conventions les plus absurdes des récits de superhéros, une gageure aussi idiote que réussie, aussi absurde que signifiante, un véritable paradoxe. Joe Casey et Nick Dragotta parlent avec éloquence d'un âge de la vie, dans un langage compréhensible de quelques initiés.
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Butcher baker

Il s'agit d'une histoire complète, indépendante de toute autre, initialement parue en 8 épisodes en 2011/2012, écrite par Joe Casey, illustrée et mise en couleurs par Mike Huddlestone.



Dick Cheney (un ex vice président américain) et Jay Leno (un présentateur d'émission télé très célèbre aux États-Unis) se rendent dans l'établissement préféré de Righteous Maker (un superhéros semi retraité dont le costume évoque le drapeau américain). Cheney actionne avec répugnance la poignée (en forme de sexe masculin) de la porte d'entrée. Ils trouvent le superhéros en pleine orgie avec 4 femmes à ses pieds en train de satisfaire ses besoins (qui impliquent l'utilisation de lubrifiant et de gants en latex). Cheney et Leno viennent proposer une mission clandestine à Maker : exécuter tous les supercriminels emprisonnés dans la prison Crazy Keep, pour faire économiser de l'argent au contribuable. Maker s'acquitte de sa mission en pulvérisant la prison. Mais à son insu, une poignée de détenus ont survécu, dont certains plus dangereux que d'autres. Ils veulent tous la peau de Maker. En se rendant à cette prison, Maker a envoyé la voiture d'Arnie B. Willard (un policier) dans le fossé. Celui-ci a juré de retrouver le chauffard et de lui faire payer très cher son écart de conduite. Il va recevoir l'aide de The Absolute, l'évadé le plus mystérieux de Crazy Keep.



C'est un massacre du début à la fin, un outrage aux bonnes moeurs les 2 pieds dans le plat, une bordée ininterrompue de jurons, des jaillissements de stupre et de luxure, des grands coups de poing dans la tronche, des décharges d'énergie destructrice, des silhouettes improbables, des couleurs criardes, un transsexuel, un superhéros sur le retour qui ne fait pas dans la dentelle, un patrouilleur des autoroutes à la dignité bafouée, un énorme camion à l'américaine, des parties de jambes en l'air mémorables, et (dans l'édition en VO) une postface de 30 pages dans laquelle Joe Casey se lâche et se donne à fond. Dans ces 30 pages, il effectue une auto-interview d'une demi douzaine de questions parmi lesquelles celle de savoir si ce récit désinhibé, décomplexé et éhonté constitue un métacommentaire. Il se répond à lui-même par le biais d'un va-te faire bien senti. Si le lecteur n'avait pas compris à la lecture de ces 8 épisodes, c'est clair : il n'y a rien à comprendre, rien à chercher, tout est à apprécier au premier degré. C'est à la fois une grande déclaration d'amour au genre "superhéros", et un grand coup de pied dans les roustes, avec un second degré omniprésent renforcé par une provocation de mauvais goût assumé. Les illustrations de Mike Huddleston complètent et renforcent à merveille cette construction dégénérée, ce cri primal, ce défouloir hors norme.



En reprenant tout ça dans l'ordre, le lecteur peut constater que Joe Casey raconte une histoire primaire de superhéros, pas plus bête que toutes les autres. Le scénario est solidement construit, la logique interne est respectée, il y a des superpouvoirs, la ligne de démarcation entre superhéros et supercriminels est claire, le combat est manichéen à souhait. Les 2 derniers supercriminels à abattre sont les plus retors, il y a même des assistants adolescents (sidekicks) qui sont évoqués, et des costumes moulants colorés aux motifs improbables. Le récit se termine sur une résolution claire et nette. C'est juste qu'il y a une forme franche de promiscuité sexuelle, que la violence est caricaturale et parodique, tout comme les personnages. Casey s'amuse à parodier et à rendre hommage à ses auteurs préférés, Frank Miller et Alan Moore en tête. Si vous restez concentré sans vous laisser déborder par cette déferlante d'énergie bouillonnante, vous pourrez même voir passer un hommage au feuilleton le Prisonnier (avec ce village pour superhéros retraités).



Mike Huddlestone compose des pages tout aussi démesurées que les rebondissements du scénario, tout est permis (ce qui ne veut pas dire qu'il fait n'importe quoi). Pour commencer il y a l'exagération des silhouettes des individus dont Huddlesotne s'amuse à augmenter les proportions musculaire (comme le font régulièrement les dessinateurs de comics de superhéros, mais ici avec un effet volontairement de parodie). Il y a aussi régulièrement cet appendice qui pendouille dans l'ombre, entre les jambes de ces messieurs dans le plus simple appareil, et de cet hermaphrodite si étrange. Huddlestone dessine ses personnages avec des contours fortement encrés, une impression de dessin rapidement exécutés (mais un examen plus détaillé montre de savantes compositions). Il a donné une apparence inoubliable à chaque personnage, Righteous Maker indestructible avec une largeur d'épaule impossible, Arnie B. Willard magnifique avec son gros ventre et sa capacité à conserver sa dignité, Jihad Jones très inquiétant dans sa normalité, The Absolutely exceptionnel dans sa silhouette où tourbillonnent des galaxies multicolores. Il joue avec les registres graphiques d'une page à l'autre : de la case juste crayonnée comme une esquisse, à la case dont chaque forme est rehaussée par les complexes schémas de couleurs appliquées à l'infographie. La démesure règne en maître, chaque mouvement est exagéré pour un impact plus grand, chaque expression est soulignée pour mieux transmettre l'émotion. À plusieurs reprises, Huddleston prend exemple sur le mode d'exagération de Bill Sienkiewicz (en particulier dans Elektra assassin) pour faire glisser certaines composantes de ses dessins vers l'abstraction et pour inclure des symboles ou des stéréotypes visuels pour encore décupler la force des représentations. Cette inspiration prend également la forme d'un hommage appuyé à l'une des couvertures de la série "Elektra assassin", pour la couverture de l'épisode 7.



Dans les 30 pages de postface (uniquement dans l'édition en VO), Joe Casey utilise le même ton exubérant et bourré d'interjections grossières pour décrire son amour des comics, ses premières expériences de lecture de comics, le besoin vital de lire des comics viscéraux, la nécessité de proposer un comics provocateur qui sort des tripes. C'est une étrange lecture qui tient autant du billet d'humeur enflammé, que de la collection d'anecdotes d'un accro aux comics pour la vie.



"Butcher Baker, le redresseur de torts" constitue une expérience de lecture hors norme, libérant une énergie de tous les instants, rappelant qu'un comics de superhéros doit sortir des tripes, doit emmener le lecteur dans un maelstrom d'actions vives, rapides, inventives, décomplexées, pour une expérience intense et sans égale. Le résultat dégage une vitalité hallucinante à ressentir au premier degré, sans autre forme de métacommentaire. Ce comics est un hommage sincère de Casey et Huddleston à tous les créateurs de comics qui les ont rendus dépendants de leur dose d'aventures délirantes de superhéros costumés impossibles et ridicules, accomplissant des actions extraordinaires, tout en déclamant des dialogues kitch, mais toujours avec panache. Tout fan de comics ressentira cette déclaration d'amour au plus profond de son être, vibrera à ces actions d'éclat délirantes et décomplexées. Les autres risquent de n'y voir qu'un ramassis de ce qu'il y a de pire dans les comics, de plus superficiel, de plus débilitant. Dans la postface, il compare ce comics à une version non éditée des comics habituels, espérant que les lecteurs ressentiront ce qu'il à ressenti lorsqu'il a découvert la version non éditée de Les Guerriers de la nuit (Warrior) par rapport à celle éditée (scènes violentes plus courte) pour diffusion sur les chaînes du câble. Joe Casey refuse la tiédeur consensuelle et a décidé d'intituler son prochain projet "Sexe". Une seule certitude : ça ne va pas plaire à tout le monde.
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Sexe, tome 1 : L'Été du hard

Un comics à la couverture graphiquement très réussie. L'histoire est sympathique mais tout cela ressemble à bien des histoires déjà lues ou vues au cinéma. La suite offrira peut-être de nouvelles perspectives au lecteur.
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Sex 2 : Supercool

Le scénario de ce deuxième volume continue [...] sur les mêmes bases que le précédent et c'est une nouvelle fois passionnant et fascinant à la fois !
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Sexe, tome 1 : L'Été du hard

Alors que dans la plupart des récits érotiques, le scénario manque de consistance, Joe Casey nous en concocte un, très bien pensé. [...] Un premier tome déroutant, à la narration lente, mais il serait dommage de passer à côté.
Lien : http://www.auracan.com/album..
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Codeflesh

Dans ce comics, Joe Casey a certainement voulu montrer l’autre face des supers-héros. Il ne les montre pas comme des sur-hommes mais comme des gens ordinaires avec des problèmes de tous les jours : blessures, rupture, solitude...
Lien : http://www.avoir-alire.com/c..
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Codeflesh

Avec un pitch comme ça, et le fait que le dessinateur est celui de l'ultra connu Walking Dead, je ne pouvais décemment pas passer à côté.



Je dois dire que j'ai été assez surprise quand j'ai entamé ce titre.

J'veux dire, je m'attendais à quelque chose d'assez péchu et sombre ... mais pas à ce point, j'avoue !

C'est un peu un gros roman noir qui rencontre l'univers des supers-héros.

J'ai eu un peu de mal, du coup, au début. C'était presque dérangeant de le lire, tellement c'est froid, dur, cru et tourmenté.

Les premières pages m'ont laissées perplexe, je n'arrivais pas trop situer l'histoire, j'avais l'impression de plonger dedans en cours de route, d'essayer de rattraper un retard de quelque chose qui a déjà été entamé.

On démarre la lecture avec un combat entre un homme masqué et une sorte de personnage difforme.

Qui sont-ils ? Pourquoi se battent-ils ? Dans quel décors se trouve-t-on ?

Confuse, je vous dis !

Mais ensuite, doucement, le voile se lève, le scénario s'éclaircit, les protagonistes nous deviennent familier, et on se rend réellement compte de ce que l'on a sous les yeux et de sa qualité.



J'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir le coup de crayon de Charlie Adlard (il faut que je lise plus de comics de lui !), et c'est sans étonnement qu'il nous offre une oeuvre superbement travaillée aux visages très expressifs et aux détails réalistes.

Contrairement au dessin chargé et nerveux de son collègue, le scénario de Joe Casey est plus simple, presque épuré, et nous présente, au fond, une histoire assez classique dans un environnement unique et plus atypique.

Celui qui traque les monstres, les moins fiables et les déviants, flirte dangereusement avec la frontière qui le sépare d'eux. Ses intentions sont on ne peut plus louables, mais excusent-elles tout pour autant ?

Le fait d'agir avec un masque, sous une identité secrète, lui facilite grandement les choses (et les tâches administratives), mais il a peut-être plus à perdre qu'à gagner, à agir comme il le fait.

J'aime beaucoup comment la psychologie du personnage est traitées, et même si ses façons de faire peuvent être remises en question, on ne peut s'empêcher de le comprendre et éprouver de l'empathie pour lui.

On est déchirés entre plusieurs avis, plusieurs sentiments. Sûrement autant que Cameron ...



C'est un comic très particulier, très noir avec une grosse ambiance bien pesante, s'occupant autant des scènes d'action que de la psychologie des personnages, qui donne une nouvelle dimension à l'image du héros masqué qui agit pour la justice et qui offre une vision très moderne et réaliste de ce que serait la vie avec des super-vilains.
Lien : http://archessia.over-blog.c..
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Codeflesh

Alternant scènes d’action et passages plus intimistes avec beaucoup d’aisance, il propose une mise en scène efficace qui contribue à la lecture fluide de l’album. [...] Codeflesh est une très bonne surprise qui ravira les amateurs de polars flirtant avec le genre super-héroïque.
Lien : http://www.bdgest.com/chroni..
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Codeflesh

Codeflesh est une curiosité qui permet surtout de découvrir le travail de Charlie Adlard avant l’immense succès de Walking Dead. [...] Très à son aise dans le registre du polar, le dessinateur britannique s’y permet un encrage plus appuyé qui renforce le ton très noir de la narration.
Lien : http://www.bdencre.com/2013/..
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Codeflesh

Joe Casey nous offre un très bon polar, du vrai, avec l'ambiance et les codes qui vont bien.
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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