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Critiques de Joe Casey (71)
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Jesusfreak

Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Ce récit est initialement paru en 2019, sans prépublication. Il est écrit par Joe Casey, dessiné et encré par Benjamin Marra, avec une mise en couleurs réalisée par Brad Simpson. Le design de l'ouvrage a été conçu par Sonia Harris, et le lettrage réalisé par Rus Wooton. Dans l'introduction d'une page, les auteurs précisent qu'il ne s'agit pas d'une reconstitution historique, ou religieuse. Ils ont effectué des recherches préalables, mais ont choisi d'appliquer quelques simplifications, à commencer par un langage unifié (l'araméen). Ils écrivent noir sur blanc (l'inverse en l'occurrence, des lettres blanches sur une page noire) que leur récit n'est pas dépendant de l'existence ou non d'un individu nommé Jésus. Ce tome comprend également une note des auteurs d'un peu plus d'une page revenant sur le fait que les comics permettent d'aborder tous les sujets possibles et imaginables. La page précédant l'histoire présente une carte situant les villes de Jérusalem, Bethléem, Bethabara, Sepphoris, Nazareth et Macheronte.



En 26 de notre ère, à Sepphoris la capitale de la Galilée, Jésus est en train de se recueillir plutôt que de travailler au chantier du palais. Simon vient le trouver pour lui dire qu'il doit se remettre à l'ouvrage. Il lui répond que ses migraines sont de retour, plus fortes que jamais. Il leur rappelle qu'ils sont venus là depuis Nazareth parce qu'il y a du travail rémunéré. Mais il ne voit pas pourquoi il devrait consacrer sa vie à bâtir une construction à la gloire d'un empereur romain. À Jérusalem, le nouveau préfet de Judée est en train d'entrer en ville pour prendre ses fonctions : Ponce Pilate, succédant à Valérius Gratus. Il se dirige vers le temple pour rencontrer Caïphe le grand prêtre du Temple de Jérusalem. Il souhaite en effet mettre un terme très rapide aux prêches des faux prophètes et des soi-disant messies. La nuit tombée, les travailleurs vont dormir dans un camp de fortune, n'ayant plus la force de faire le trajet retour vers leur ville. Mais les nuits de Jésus sont agitées car il est en proie à des cauchemars douloureux dans lesquels des démons se battent contre la divinité, le conflit entre l'amour et la haine. Les autres n'ayant pas ces cauchemars, il estime que cela le rend différent, et il se demande si ces cauchemars ne sont pas des paroles proférées par il ne sait qui.



Réveillé par ses cauchemars, Jésus se lève et retourne dans Sepphoris. Il est conscient des injustices sociales perpétuées par la bureaucratie romaine. Alors qu'il se tient dans un théâtre en plein air, un gros lézard s'adresse à lui. Jésus se demande s'il est encore en train de rêver. Le lézard lui répond que c'est à Jésus de décider ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Alors que Jésus évoque les prophètes qui entendent une voix divine, le lézard indique qu'il s'agit de charlatans religieux uniquement dans la partie pour faire des affaires, mêmes les Zélotes ne sont en fait intéressés que par leurs objectifs politiques. Il lui dit que la vérité qu'il cherche est en lui. Le lendemain, Jésus ne rejoint pas ses compagnons au chantier. Il s'installe en position de tailleur pour méditer, pour étudier la rage qui est en lui, mais aussi la confusion et l'illumination. Il entreprend de voyager jusqu'à la rivière du Jourdain. Sur ses rives, il assiste à un baptême réalisé par Jean le Baptiste. Ce dernier sent immédiatement sa présence. Jean le Baptiste rentre avec lui dans Bethabara pour lui expliquer la raison de ses actions. Après l'avoir écouté, Jésus voit une femme s'avancer vers lui : Marie de Magdala.



En découvrant cette bande dessinée, le lecteur perçoit tout de suite les signes d'un ouvrage de type underground : jaune vif de la couverture, plusieurs images pour composer la couverture avec des couleurs délavées par endroit, police de caractère évoquant celles utilisées pour les titres de films de genre exploitation dans les années 1970. Au fur et à mesure, il relève d'autres signes, à commencer par une forme de naïveté dans les dessins, lui faisant se demander si l'artiste maîtrise bien son métier, ou s'il s'agit d'un amateur. Jésus porte le même pantalon du début jusqu'à la fin, toujours pied nu. Ponce Pilate apparaît systématiquement en armure d'apparat. Les autres personnages portent des vêtements génériques, possiblement d'époque, mais sans assurance. Quand il y en a, les décors semblent en carton-pâte. Quand Jésus se tient devant la ville de Sepphoris, le dessinateur représente un groupement de maisons déposées au petit bonheur sur une surface désertique, sans distinction entre les maisons (elles sont toutes construites sur le même modèle), sans logique d'urbanisme. 50% des cases sont dépourvues d'arrière-plan. Le lecteur sourit franchement quand il voit que le corps de Jésus est celui d'un individu à la musculature bien découplée, qu'il ne porte pas de chemise ce qui permet d'admirer ses pectoraux et qu'il ressemble fortement à Bruce Lee. Il adopte d'ailleurs des postures évoquant l'acteur, aussi bien quand il se bat à main nue, que quand il se met en position de méditation. Le lecteur relève également que le scénariste confond Bethabara avec Béthanie-au-delà-du-Jourdain, et Marie de Magdala avec Marie de Béthanie. Pourtant…



Pourtant, malgré des cases frisant parfois l'amateurisme et les imprécisions sur les éléments bibliques, le lecteur se rend compte qu'il accepte bien volontiers de suivre les auteurs dans leur récit. Joe Casey n'en est pas à son premier récit étrange : il est également l'auteur d'une série de superhéros dont le thème est annoncé dans le titre Sex avec Piotr Kowalski, d'un superhéros à la morale très personnelle Butcher Baker The Righteous Maker avec Mike Huddleston, ou encore d'une série prenant les récits cosmiques de Jack Kirby comme un genre à part entière Godland avec Tom Scioli. De même, Benjamin Marra est l'auteur de plusieurs récits jouant sur des conventions de genre représentées au premier degré pour un décalage analytique, comme Terror Assaulter: O.m.w.o.t. (One Man War on Terror), American Blood,Night Business. En outre, dans la postface, ils indiquent que leur intention est de revenir à forme narrative plus libre pour retrouver l'inventivité de défricheurs dans les comics, citant plusieurs œuvres dont Brought to Light: Shadowplay (1989) par Bill Sienkiewicz & Alan Moore.



De fait, derrière l'usage de conventions de genre inattendues (à commencer par celles du Kung-Fu), le lecteur se rend compte que les auteurs évoquent le parcours de Jésus, en s'attachant à montrer comment il a pu devenir un meneur religieux de première importance, suivi par des disciples et par le peuple. Casey & Marra se livrent à un exercice délicat dans lequel le lecteur connaît déjà le résultat (l'avènement du Messie), où ils montrent comment il en arrive là. Mine de rien, ils évoquent (très) rapidement le contexte de l'époque, en particulier l'existence de nombreux prophètes et de messies. Ils s'attachent au questionnement intérieur de Jésus, le scénariste faisant usage du commentaire de Simon reconstituant à posteriori l'évolution de la pensée de Jésus, ou mettant en scène des allégories comme ce lézard qui parle. S'il parvient à dépasser l'apparence naïve des dessins, le lecteur se rend compte qu'il peut aussi envisager la narration visuelle comme une interprétation imagée de ce que ressent Jésus, de sa façon d'envisager les choses. Avec ce point de vue, la narration visuelle fait plus sens. Effectivement, elle rend visible les conflits intérieurs qui agitent l'esprit de Jésus. Il ne s'agit plus de réaliser une reconstitution historique fidèle, mais de rendre apparents des états d'esprit, une forme populaire d'art naïf (même si des fois le lecteur se dit que le dessinateur serait bien en peine de réaliser des dessins plus techniques).



Avec ce point de vue, le récit fait sens : Jésus se forge progressivement une conviction intime sur les inégalités sociales qu'il voit tous les jours, sur la nature de la tourmente qui agit son esprit. Joe Casey se garde bien de porter un jugement sur la réalité de la présence divine, mais il se garde bien également de railler Jean le Baptiste ou Jésus, ou même de prendre un ton moqueur. Au regard des positions d'art martial utilisées pendant les 2 combats physiques, les convictions des 2 hommes ne sont pas plus incongrues. L'approche politique fait sens : Jésus refuse d'accepter que la domination des romains en Judée condamne le peuple à la pérennité des injustices. Il devient logique et légitime que Jésus se révolte en utilisant la force à 2 reprises. Lorsqu'il se retrouve face à Jean le Baptiste dans la forteresse de Macheronte, Jésus se retrouve à nouveau face aux convictions de Jean le Baptiste, à sa révolte non-violente. Le lecteur y voit les prémices de la nouvelle foi professée par Jésus par la suite.



Peut-être attiré par les auteurs, le lecteur sait en voyant la couverture et le titre qu'il va plonger dans un récit marqué par une forme désuète, utilisant des conventions de genre naïves, et mettant en scène Jésus de manière peu conventionnelle. Effectivement, Benjamin Marra réalise des dessins naïfs, au point parfois de faire se questionner le lecteur sur le niveau réel de l'artiste. Le scénario transforme Jésus en un combattant à main nue, extraordinaire, une sorte de guerrier maîtrisant un art martial et enclin à la méditation. Sous réserve qu'il accepte ces formes de surréalisme et qu'il accepte que les auteurs manient sciemment le symbolisme, le lecteur se rend compte que les Marra & Casey mettent en scène un questionnement pertinent : comment Jésus a-t-il pu avoir la conviction qu'il était un prophète légitime ? Comment a-t-il pu convaincre une partie significative de la population quant à l'honnêteté de ses convictions, l'intelligence de ses propos ? Cette lecture est à réserver à des lecteurs consentants par une forme volontairement naïve, pour mieux dérouler un propos réfléchi.
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Officer Downe : Bigger Better

Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il s'agit de la réédition d'un comics initialement paru en 2010, écrit par Joe Casey, dessiné et encré par Chris Burnham. La mise en couleurs a été réalisée par Marc Letzmann. La bande dessinée comprend 53 pages. Pour cette édition, ont été ajouté une postface de 2 pages du scénariste, 11 pages commentées par l'artiste allant du script à la page encrée, 6 pages d'étude graphique, et 6 illustrations en pleine page réalisées par Charles Paul Wilson III, Chris Chua, Kyle Strahm, Nathan Fox, Nick Pitarra, Reily Brown, Richard Sala, Rus Wooton, Ryan Browne, Sean Dove, Shane White, Steve Wilhite. Enfin se trouve une page annonçant Butcher baker (2012) du même scénariste, illustré par Mike Huddleston.



L'officier Terry Downe est totalement concentré sur sa tâche : il est en train de réaliser un cunnilingus d'anthologie à une femme couchée sur le dos sur son lit, en train de monter au septième ciel comme jamais. Il a conservé ses lunettes de soleil réfléchissantes. Après sept orgasmes d'affilée, elle remercie son amant. L'officier Downe indique qu'il ne faisait que son devoir : être au service du public. Elle s'étonne d'une odeur bizarre, mais lui ne la remarque pas. Il est interrompu dans sa phrase par un appel sur sa radio professionnelle. Il écoute et indique à sa partenaire que c'est pour lui. Il se rhabille et à sa demande il promet qu'il reviendra. Quelque part dans un entrepôt de Los Angeles, Headcase Harry surveille le processus de fabrication d'une drogue de synthèse, le super-crank. Les doigts de sa main gauche sont ensanglantés, et il laisse tomber deux globes oculaires dans un des vases utilisés pour la distillation. Les gardes prennent leur arme à feu en main car ils ont entendu du bruit à l'extérieur. Un poing ganté traverse un mur. Officer Down lance son pied en avant et continue de démolir le mur préfabriqué, permettant de lire le mot Police sur la semelle de sa botte. Il écrase le poing qui tient son pistolet sur le visage d'un trafiquant, tout en en saisissant un autre de la main gauche en le prenant par les bijoux de famille, et il écrase la trachée d'un troisième en marchant dessus. Il perfore le torse d'un quatrième en lui tirant dessus.



Officer Downe est dans la place et il a tôt fait de tuer tous les trafiquants. Headcase Harry est toujours vivant abrité derrière une table renversée ; il se relève et appuie sur un détonateur. Il se produit une énorme explosion qui pulvérise littéralement le bâtiment. Vingt et une minutes plus tard, deux fourgons du médecin légiste arrivent sur place. Une demi-douzaine d'agents du coroner fouillent les décombres et trouvent le cadavre d'Officer Downe. Ils le récupèrent et l'emmènent. Dans une autre partie de la ville, trois responsables du crime organisé tempêtent contre l'intervention de Downe qui vient de leur coûter cher. Ils décident d'avoir recours à Zen Master Flash, assassin à louer, et chef d'une bande organisée de tueurs qu'il forme dans une école implantée dans un endroit reculé. Les trois parrains, l'un avec une tête de lion, l'autre de tigre et le troisième de vautour, se rendent dans un sauna, et ils bénéficient chacun des services sexuels d'une jeune femme pour les détendre avec une fellation.



Ce n'est pas du Shakespeare. Le scénariste est dans une phase où il écrit des histoires courtes, totalement focalisées vers l'action, sans faire dans le détail. Il faut donc que le lecteur ait un goût certain pour la violence graphique pour pouvoir apprécier ce déchaînement de brutalité, cette extermination de criminels, avec force et sadisme. En 53 pages, il va droit au but, enchaînant trois massacres, avec des blessures ouvertes, des arrachages de membre et des morts subites. L'artiste se fait un plaisir de montrer tout ça de manière explicite, avec une forme d'entrain un peu caricatural, du gore avec une touche d'exagération. Par exemple pour la première intervention d'Officer Downe, il réalise un dessin en double page pour montrer la force de son coup de pied, et une bande de 8 petites cases qui courent en-dessous. Le lecteur peut voir en gros plan, la grosse paluche gantée de Downe saisir l'entrejambe d'un type dont on ne voit rien d'autre, et il sait que ça doit faire mal. Bien sur ce nettoyage par le vide a généré des projections de sang, et il y a une demi-douzaine de gouttelettes sur le visage de Downe, dont une sur un verre de lunette. Le coloriste utilise un rouge bien vif pour le sang, jouant à la fois sur l'horreur et sur l'exagération pop.



Le lecteur retrouve ce brave officier sur une table d'opération en train d'être ramené à la vie, et il peut voir une plaie ouverte au ventre, le radius brisé est apparent, il manque la partie gauche du visage. À nouveau il y a une forme d'exagération qui apporte une vitalité épatante, et qui invite à une prise de recul ne permettant pas un premier degré bas du front. Pour l'intervention suivante, Downe fracasse le mur où se tiennent les criminels, en le défonçant avec son énorme 4*4. Un individu est éventré par le parechoc en forme de crocs, la moitié supérieure d'une tête (la partie avec la mâchoire supérieure, le nez, les yeux, le front) vole au premier plan en direction du lecteur. Parmi les horreurs bien gore, il est encore possible de mentionner des globes oculaires éjectés de leur orbite par la force du coup porté sur la tête, une main arrachée au niveau poignet, des dents délogées de la mâchoire, des chairs tuméfiées, de la matière cervicale mise à nu la calotte crânienne ayant été brisée, un poing traversant un crâne avec force, etc. Un vrai festival de violence sans retenue, de lutte sans merci, de déchaînement de force sans une once de remords ou de respect pour l'intégrité physique de l'individu. Le scénariste a conçu un dispositif qui fait en sorte que le personnage principal n'ait pas à se préoccuper de l'état de son corps, et ses ennemis adaptent leur mode de réponse pour en tenir compte. Une vraie boucherie, avec une touche d'exagération grand guignol.



D'un côté, ce comics n'est pas très long, ce qui évite au lecteur de se lasser, et ce qui permet au scénariste de ne pas avoir à étayer son intrigue, ou à passer par des scènes d'exposition. Pour autant il prend quand le temps d'expliquer d'où provient l'énergie qui anime Terry Downe, et comment ses supérieurs le ramènent à la vie. Cela donne lieu à deux séquences fort impressionnantes où le dessinateur montrent les individus qui fournissent cette énergie, et ce qui peut leur en coûter quand il en faut encore plus à Downe. Même si la trame est simpliste, l'intrigue comprend plusieurs phases et ne se limitent pas à une longue séquence de massacre, prenant ainsi exemple sur Geoff Darrow et le combat hallucinant de Shaolin Cowboy (2004-2007) ou ceux de Carl Seltz dans Hard Boiled (1990-1992) avec Frank Miller. Il y a une progression dans l'intrigue, et dans la dimension des combats. L'artiste effectue un peu plus que le minimum dans la représentation des différents lieux, ne se limitant pas à un arrière-plan au début et plus rien après, et le scénariste intègre d'autres informations, en particulier sur l'histoire personnelle de Terry Downe, et la manière dont il est devenu cette machine de guerre. Par contre, il n'y a pas de commentaire social autre que la police doit exterminer les criminels qui sont monolithiques, violents et irrécupérables. Cette histoire a été adaptée en film : Officer Downe (2016) réalisé par Shawn Crahan, percussionniste de Slipknot, avec Kim Coates dans le rôle principal. Il semblerait qu'il soit également dans un registre très premier degré.



Après l'histoire se trouve un dossier très complet. La postface de Joe Casey est rédigée avec un ton sarcastique, indiquant qu'il s'est servi du modèle d'un ami policier pour créer l'officier Downe, et en particulier de sa propension à faire un usage immodéré de sa matraque, témoignage dont peut douter le lecteur au vu du ton employé. Il se trouve également un page d'information sur la réédition de la première collaboration entre ce scénariste et ce dessinateur : Nixon's Pals (2008). Les pages d'explication de Burnham s'avèrent plus enrichissantes avec des exemples de script de Casey, et le processus pas à pas : l'établissement d'esquisses pour découper la page, la réalisation au crayon, puis la phase d'encrage. Les études graphiques s'adressent avant tout aux artistes en herbe. Parmi les illustrations en pleine page, le lecteur sera plus ou moins marqué par celle très sale de Strahm, celle très charnelle de Fox, celle avec une figurine de Pitarra, ou encore celle de Browne tout à fait dans le ton de la série.



Voilà une histoire rondement menée qui n'est pas pour lecteur sensible ou émotif. Casey & Burhnam ne font pas semblant de chercher des excuses : il raconte une nouvelle brutale et sadique, avec blessures explicites, qui fonce dans le tas, sans autre ambition qu'un défouloir gore, d'un policier surpuissant exterminant la vermine avec brutalité et de manière définitive. Parfait pour les amateurs du genre.
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Sex, tome 4 : Daisy Chains

Ce tome fait suite à Sex Volume 3: Broken Toys (épisodes 15 à 20) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 21 à 26, initialement parus en 2015, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Piotr Kowalski, et mis en couleurs par Brad Simpson. Le lettrage a été réalisé par Rus Wooton, et le design graphique de la publication par Sonia Harris. Il commence avec un trombinoscope très synthétique de 16 personnages, suivi par un rappel chronologique de 25 événements, en une phrase concise.



Dans un bar, une jeune femme avec un maquillage vaguement gothique et une tenue vestimentaire tout aussi gothique s'approche d'un homme accoudé au comptoir, échange quelques phrases compatissantes empathiques avec lui, et lui propose de passer un peu de bon temps ensemble, même si d'habitude elle n'est pas si directe que ça. Le lendemain, par une belle journée ensoleillée, Simon Cooke reçoit la délégation japonaise dans l'immense salle de réunion de son immeuble professionnel. Il présente ses excuses et ses condoléances à la délégation de l'entreprise Kansei de feu monsieur Tanaka. Monsieur Inoue, le responsable de celle-ci, indique qu'il transmettra ses paroles de réconfort, qu'il espère que Cooke gardera à l'esprit la proposition de rapprochement et de fusion des deux entreprises, et que madame Yoshiko Tanaka souhaite poursuivre cette conversation économique avec lui, dans un avenir proche. Leur conversation est interrompue par l'arrivée de Warren Azoff, très en retard. La délégation japonaise n'en prend pas ombrage, et prend congé. Une fois seul avec les membres de son équipe, Simon Cooke récapitule la situation : la nouvelle responsable de l'entreprise Kansei, un candidat sérieux pour des négociations de fusion, est la veuve d'un homme âgé, qui a trouvé la mort aux mains des prostituées dont il avait loué les services alors qu'il faisait du tourisme à Saturn City. Non seulement ces prostituées ont à leur tour été assassinées par les hommes de Tanaka, mais en plus elles étaient employées par l'un des gangs de rue les plus dangereux de la ville, les Skin. Simon poursuit en tête-à-tête avec Elliot en s'interrogeant sur le fait que la veuve Tanaka souhaite elle aussi venir à Saturn City, et ce que pouvait bien faire Warren pour être ainsi en retard.



Warren Azoff repense à l'occupation qui l'a accaparé : nu, attaché les bras écartés sur un lit, avec une demi-douzaine de femmes âgées en face de lui, vêtues uniquement de sous-vêtements, en cuir, prêtes pour une partie fine. Azoff assure Cooke qu'il n'y aura plus de retard, et demande à son patron comment s'est passé son rencart avec Annabelle Lagravenese. Simon lui explique qu'il n'a pas bien compris ce qu'elle voulait pendant le repas en amoureux, et qu'il s'est retrouvé à la pourchasser de toit en toit. Warren change à nouveau de sujet en évoquant la mission que Simon a confié à Elliot K. Barnes, enquêter sur le meurtre perpétré par les prostituées. Drexeler, un responsable parmi le gang des Skin, est justement en train de recevoir Barnes et de le soumettre à la tentation d'autres demoiselles de petite vertu. Dans une chambre d'hôtel, la femme au visage desséché s'apprête à avoir un rapport sexuel avec un autre jeune homme. Dans un quartier défavorisé, Keenan Wade en tenue du gang Breaks, discute avec son pote Skyscraper sur le comportement bizarre de l'amie de ce dernier qui est enceinte, et qui ne veut pas dire qui est le père.



C'est un vrai plaisir de retrouver cette série qui annonce clairement son thème principal dans le titre, tout en s'avérant beaucoup plus riche qu'une simple succession de galipettes coquines. Le scénariste a décidé d'inclure une scène de sexe par épisodes, avec nudité partielle ou totale, classique ou aventureuse, voire parfois déviante car pas forcément consentante. Il raconte l'histoire de Simon Cooke, un ancien superhéros qui a raccroché son costume, et qui a grandi pour prendre des responsabilités civiles dans la société, dans sa fonction de capitaine d'industrie multimillionnaire. La relation sexuelle (les siennes et celles des autres) devient le marqueur du passage à l'âge adulte, le révélateur du cœur de la personnalité des uns et des autres, et il est représenté de manière adulte, sans romantisme édulcoré, sans visée pornographique à base de performances acrobatiques. Dans ce tome, le lecteur assiste aussi bien à l'homme de loi s'offrant à des sexagénaires, qu'à une femme absorbant l'énergie vitale de son coup d'un soir, en passant par une relation consentie entre amants, à la misère sexuelle d'un employé loyal, ou encore à de la gérontophilie avancée. À chaque fois, les dessins sont dans un registre descriptif et factuel, sans gros plans, et sans hypocrisie, montrant aussi bien la nudité frontale des hommes que celle des femmes, sans gros plans anatomiques de pénétration. Effectivement, chaque relation sexuelle met en lumière un aspect de la personnalité des amants : leur pragmatisme, une forme de domination psychologique, une aventure pour une forme de plaisir sortant de l'ordinaire sans être glauque, une activité professionnelle, une manière de retrouver une forme de tonus physique, etc. Cette bande dessinée s'adresse à des adultes, mais elle n'est pas du genre qui se lit d'une seule main.



Depuis le tome précédent, le lecteur sait qu'il n'éprouvera pas de difficulté à se replonger dans l'intrigue, même s'il a laissé la série de côté pendant quelque temps. Les auteurs font tout pour lui faciliter la reprise : trombinoscope concis en ouverture avec quelques mots et une touche d'ironie gentille, et chronologie des faits les marquants. Il reprend pied sans aucune difficulté dans l'intrigue avec ses différents fils : Simon Cooke naviguant entre les tentatives de prises d'intérêt dans sa multinationale, Keenan Wade infiltrant l'un des deux principaux gangs de la ville, Annabelle Lagravanese essayant de retrouver une vie aventureuse, Sheila subissant sa grossesse, avec en toile de fond une guerre des gangs montant en puissance. Le lecteur observe Old Man en se demandant quel objectif il poursuit en s'approchant du terme de sa vie, les frères Cha-Cha & Dolph Alpha s'attaquant sans relâche à un site après l'autre de leurs concurrents, Masai le chef du gang des Breaks accélérant ses préparatifs pour une émeute généralisée, sans oublier l'enquête de la journaliste Juliette Jemas sur le citoyen Simon Cooke. Joe Casey entremêle ces différents fils d'intrigue avec une aisance remarquable, sans jamais perdre le lecteur, sans oublier la personnalité de chaque protagoniste, ni son histoire personnelle. Le lecteur reste curieux de découvrir ce qui va se passer, de savoir si tel personnage va s'en sortir, si tel autre parviendra à ses fins, le prix à payer pour celle-ci ou celui-là.



Comme dans les tomes précédents, la narration visuelle s'avère aussi naturelle que sophistiquée. L'artiste sait camper les personnages tels que le lecteur éprouve l'impression de pouvoir les croiser dans n'importe quelle grande ville, tout en ayant un physique inoubliable. Le jeu des acteurs et de type naturaliste, avec une expressivité remarquable, le lecteur pouvant ressentir leur état d'esprit en les observant, que ce soit l'intensité de l'implication de Keenan Wade dans ce qu'il entreprend, sa vie en dépendant littéralement, ou les hésitations un peu timorées d'Elliot K. Barnes, ou encore le plaisir manifeste de Warren Azoff toujours aussi étonné d'avoir trouvé la sexualité qui lui correspond le mieux et de pouvoir la pratiquer sans entraves et avec consentement. Le lecteur se rend bien compte que certaines teintes de couleur ressortent fortement car elles sont inattendues, mais il n'en prend conscience qu'après coup, car elles accompagnent parfaitement une émotion en la renforçant. Il faut qu'il fasse un effort conscient pour voir comment Brad Simpson utilise sa palette de couleurs pour établir une ambiance par séquence, tout en conservant une parfaite distinction entre les différents plans de chaque case, et entre chaque élément représenté. En outre, Piotr Kowalski aborde ses planches avec la volonté affichée et assumée de rester à un niveau descriptif élevé, en représentant les décors dans plus de 80% des cases, avec un niveau de détails aussi précis que nombreux. Cela n'aboutit pas à une apparence photographique un peu stérile, mais à des cases avec un ressenti plus organique, et très tactile.



Le lecteur peut donc se projeter dans des endroits très concrets, où évoluent des personnages plausibles, interagissant avec les objets et les obstacles qui les entourent, plutôt que d'évoluer sur une scène avec juste une toile tendue en fond. Les auteurs manient avec dextérité et à propos différentes conventions de genre : un peu de costume de superhéros en très faible nombre, un peu d'action, plus d'intimidation musclée ou menaçante, un peu de complot, pas mal de tension psychologique, et bien sûr du sexe régulièrement mais en quantité limitée. S'il le souhaite, le lecteur peut également se laisser gagner par les enjeux personnels, la quête existentielle de l'un ou l'autre, un caractère parfois obsessionnel. Il découvre avec délice les journaux de Quinn (Emily Carol Quinlan) évoquant la manière dont elle a entraîné Simon Cooke, son objectif en l'entraînant, sa rencontre et ses relations avec ses parents. Il est fasciné par l'implication totale de Keenan Wade dans son infiltration de gang, sans bien savoir ce qu'il recherche exactement, par les conséquences sur sa vie de couple. Il perçoit la même fibre obsessionnelle chez Juliette Jemas, la journaliste d'enquête au Saturn Sentinel, clin d'œil assumé à Lois Lane (attesté par le doublement de la lettre J, pour celui de la lettre L), tout en étant beaucoup plus crédible. Il se demande sur quoi va déboucher la fin de vie d'Old Man, etc.



Ce quatrième tome s'avère encore plus prenant que le précédent, à la fois pour l'excellence discrète de la narration visuelle, à la fois pour l'évolution de l'intrigue qui continue de construire sur les bases des tomes précédents, à la fois pour les relations sexuelles, pour les motivations profondes des personnages, pour l'implication viscérale plus ou moins consciente des unes et des autres qui rend leur vie beaucoup plus intense.
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Fantastic Four : La première famille

Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, qui ne nécessite pas de connaissance préalable pour l’apprécier. Il comprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2006, écrits par Joe Casey, dessinés par Chris Weston, encrés par Gary Erskine, et mis en couleurs par Chris Chuckry.



Il y a quelques temps, un hélicoptère de l'armée américaine vient récupérer 4 individus se tenant debout dans leur combinaison d'astronaute au milieu des débris de leur fusée. Au milieu de la nuit, un colonel appelle le général Walter Montgomery pour l'avertir de la présence de ces 4 individus dans une base isolée de l'armée américaine Heyford. Il se rend sur place et est accueilli par les professeurs Sanford et Rutgard. Ils l'amènent dans la salle de contrôle. Puis il accompagne les 2 professeurs dans les couloirs et passe devant les vitres donnant sur quatre chambres : une combinaison vide donnant l'impression de se verser du thé dans l'encolure, un jeune homme couché sur un bat-flanc dans une pièce maintenu à une température inférieure à zéro, un homme recouvert d'un épiderme pierreux qui balance sa chaise contre la paroi vitrée, un individu en caleçon dont les bras sont étirés sur plusieurs mètres. Walter Montgomery entre dans la pièce où se trouve Reed Richards et lui parle. Il n'obtient aucune réponse, pas même un cillement. Dans son esprit, Richards se trouve habillé dans sa combinaison d'astronaute, devant une silhouette entièrement blanche, évoquant l'évolution. Les doigts de Richards s'allongent et s'emberlificotent entre eux. La silhouette évoque la situation de Raymond Perryn, un assistant de laboratoire emmailloté dans des bandelettes et inanimé, sur un lit médical. Il a été irradié par des rayons cosmiques.



Johnny Storm est toujours couché sur son bat-flanc et il entend la voix de sa sœur. Elle se tient invisible devant lui et lui indique qu'elle cherche une solution. Son frère lui répond qu'il est surpris que ses cheveux ne brûlent pas. Susan Storm se rend ensuite dans la cellule de Benjamin Grimm : elle dit des paroles rassurantes. Ben répond qu'on ne le laisse voir personne, pas même sa copine Linda McGill qui est pourtant médecin. Il se redresse sur son séant et se rend compte qu'il n'y a personne à ses côtés. Enfin elle se rend dans la cellule de Reed, sans parvenir à le tirer de son mutisme. Le lendemain, Walter Montgomery a fait sortir Reed Richards sur sa chaise de bureau à roulette et les 2 professeurs s'apprêtent à lui faire subir des tests. Dans son esprit, Reed se trouve à nouveau devant la silhouette blanche qui lui parle de pensée et de conscience. À une question de Reed, elle répond qu'il est un scientifique comme lui, qu'il s'est aussi intéressé aux radiations cosmiques suite à la chute d'une grande météorite sur terre. Au fur et à mesure qu'elle parle, un squelette commence à se reconstituer à l'intérieur de la silhouette blanche. Puis apparaissent les muscles, puis la peau, et enfin une tête, un visage et des vêtements. L'individu finit par se présenter : professeur Franz Stahl.



Ce n'est pas la première fois que Joe Casey revient sur les origines d'un groupe de superhéros Marvel. Il l'avait fait en 1999/2000 avec X-Men, Tome 0 : Les enfants de l'atome illustré par Steve Rude, Paul Smith, Esad Ribic. Il avait également revisité les premières années des The Avengers, Tome 1 : Les plus grands héros de la Terre (2005 & 2007) avec Scott Kolins et Will Rosado. L'exercice n'est pas simple : les auteurs sont amenés à revisiter très régulièrement les origines des superhéros (Marvel ou DC), soit dans un mode révérencieux, soit pour y apporter un éclairage différent. Le lecteur chevronné sait que dans le premier cas la redite est assurée, et que dans le deuxième cas toutes les nouveautés seront rapidement oubliées, à de rares exceptions près. Ici, le scénariste fait en sorte de s'insérer dans les interstices de l'origine parue en 1961 et racontée par Jack Kirby & Stan Lee, pour ne pas déranger, sans être obligé de répéter ad nauseam les mêmes choses. Le fan se rend bien compte qu'il anticipe quand même de plusieurs années la capacité de Sue Storm à créer des champs force. Le principe est donc de dire qu'entre deux aventures canoniques, les 4 astronautes avaient eu à gérer une autre menace : Franz Stahl. Il s'agit bien d'ajouter puisqu'il est fait référence au crash de la fusée qui survient juste avant la première page, et qu'il est fait mention du combat sur l'île des monstres et de l'affrontement contre Miracle Man (Joshua Ayers apparu dans le numéro 3 de la série Fantastic Four) sans qu'il n'apparaisse sur la page.



Du coup, le lecteur découvre bien une nouvelle histoire : elle a juste la particularité de se dérouler dans un contexte déjà connu qui est celui du tout début de l'équipe. Alors que le récit commence, Reed Richards et Sue Storm ne sont pas encore mariés, et les quatre Fantastiques ne se sont pas encore installés dans le Baxter Building à Manhattan. Joe Casey montre comment se passent les relations entre l'équipe et l'armée des États-Unis, comment l'équipe réussit à acquérir son autonomie, dans quelles conditions elle effectue sa première apparition publique. Il développe également la question de la raison pour laquelle ils sont amenés à former une équipe, à habiter au même endroit (dans le Baxter Building), de pourquoi ils en viennent à se battre contre des monstres. Le scénariste joue donc le jeu d'étoffer le récit initial paru en 1961, avec une approche un peu réaliste et adulte, moins dans les évidences enfantines. Le lecteur guette bien sûr les éléments classiques de la mythologie de cette série. Il a droit à une courte séquence entre The Thing et le Gang de Yancy Street, ainsi qu'à plusieurs scènes se déroulant dans le garage automobile où travaille Johnny Storm. Reed Richards est déjà facilement oublieux de sa copine, en scientifique obsédé par ses expériences. Au cours du récit, est abordée la question des origines des molécules instables des costumes des Fantastic Four. En attendant, Chris Weston détoure la silhouette de Sue Storm invisible comme se déplaçant nue car elle ne peut pas rendre invisible ses vêtements.



Chris Weston & Gary Erskine réalisent des dessins descriptifs avec un haut degré de détails, dans un registre réaliste. Weston avait déjà collaboré avec Grant Morrison pour The Filth (2002/2003, également encré par Erskine), et avec Warren Ellis pour Ministère de l'espace (2001). Le lecteur est frappé par la minutie apporté à la représentation des environnements et des tenues vestimentaires. Le récit commence par un dessin en pleine page : il peut distinguer les débris de la navette au pied des 4 astronautes, chaque pli dans leur combinaison, le harnachement et les pochettes des combinaisons, les sapins en fond de case, les pales des rotors, chaque vitre de la cabine des hélicoptères, les roues, etc. Il ne manque aucun détail. Sur la deuxième page, il peut voir le lit du général, les plis du drap, les motifs sur l'oreiller, sa femme allongée à ses côtés, le combiné téléphonique, la lampe de chevet, les pantoufles au pied du lit, la table de chevet, le liseré de la descente de lit, et tout ça dans la première case. Il identifie le modèle de voiture dans la troisième case. La quatrième comprend un luxe de détail alors que la voiture est arrêtée au poste de contrôle de la base militaire. La troisième page comprend une case avec une vue complète de la façade du long bâtiment de la base militaire, et tous les appareils technologiques et conduites de fluide sont représentés avec minutie. Le lecteur habitué des comics se dit que ça ne va pas durer longtemps comme ça : les artistes vont se fatiguer et le niveau de détail va baisser de manière significative d'épisode en épisode. Il n'en est rien : le niveau de qualité des dessins reste constant du début jusqu'à la fin. Il suffit pour s'en persuader de comparer le degré de détails et de cohérence entre la façade de la base dans le premier épisode et dans l'épisode 6, totalement raccord.



Ce soin dans les détails génère une intensité d'immersion remarquable pour le lecteur et participe grandement à rendre la narration plus mature que celle de Jack Kirby dans les premiers épisodes de la série. Weston & Erskine appliquent la même approche graphique pour les personnages : haut degré de détails et de réalisme dans leur visage. L'effet produit est moins convaincant parce que le dessinateur éprouve parfois des difficultés à assurer la cohérence d'apparence sur certaines pages pour un personnage ou pour un autre. De même, la morphologie de The Thing donne la sensation de subir des variations étranges dans certaines scènes. S'il est un peu troublant de voir la silhouette nue de Susan Storm au début, il est plus horrifique de voir les membres démesurément allongés des Reed Richards, Weston proposant une représentation littérale versant vers l'horreur corporelle. Il reste dans un registre beaucoup plus classique pour la manifestation des pouvoirs de Human Torch et de The Thing, avec sa peau rocailleuse.



Le lecteur se laisse facilement entraîner par la qualité de la narration visuelle, qui reste facile à lire indépendamment du nombre de détails. Il comprend rapidement que l'enjeu du récit ne réside pas la reprise des origines des Fantastic Four, Joe Casey écrivant en ayant conscience que ses lecteurs les connaissent déjà. L'enjeu réside dans l'intervention de Franz Stahl, personnage créé pour l'occasion. Casey n'a pas la prétention de créer un nouvel ennemi inoubliable pour les FF, mais il le développe de telle sorte à ce que des scénaristes ultérieurs puissent le faire. D'ailleurs il ne sera pas repris par la suite. Les pouvoirs de Stahl sont également un produit des rayons cosmiques et Stahl devient un miroir déformant des Fantastic Four, un dispositif narratif classique permettant de faire ressortir les différences entre eux et lui, et par voie de conséquence ce qui fait la spécificité et donc l'identité des FF. Joe Casey utilise ce dispositif avec maîtrise et efficacité, sans réussir à dire des choses nouvelles sur les 4 équipiers.



Du fait de la longévité des personnages de fiction récurrents, les éditeurs sont amenés à faire en sorte de rappeler leurs origines régulièrement, et à en commander de nouvelles versions mises à jour à leurs auteurs, au point que ce soit devenu un sous-genre à part entière. À ce jeu, Chris Weston & Gary Erskine réalisent une narration visuelle adaptée et immersive, à l'exception des personnages parfois un peu fluctuants. Joe Casey trouve la place de s'insérer dans le canon des épisodes originaux, en développant une histoire originale et en apportant des compléments d'information à ce que contenait les tout premiers épisodes de la série. L'histoire est intéressante et divertissante, même si elle ne parvient pas à s'imposer comme une nouvelle référence.
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Sex, tome 6: World Hunger

Ce tome fait suite à Sex Volume 5 (épisodes 27 à 34) qu'il est indispensable d'avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome pour comprendre l'intrigue. Il regroupe les épisodes 35 à 39 qui n'ont pas été publiés individuellement, mais directement en recueil, en 2019. Le scénario est de Joe Casey, les dessins et l'encrage de Piotr Kowalski, et la mise en couleurs de Brad Simpson.



La journaliste Juliette Jemas est dans le bureau de Mitch, le rédacteur en chef du journal We The People. Elle lui explique avec une conviction appuyée que Simon Cooke n'est pas un simple millionnaire PDG : il déploie des trésors d'ingéniosité pour afficher une vitrine de vie privée, de vie sociale riche, mais elle est entièrement factice. Mitch fait des efforts pour s'intéresser à ces propos, pour finir par lui faire remarquer qu'il a déjà consenti de gros efforts pour élargir le sens du terme Journalisme d'investigation, afin que cette enquête puisse en être qualifiée. Jemas ajoute qu'il vient d'être contacté pour être recruté dans le groupe Rothchild. Cela fait réfléchir Mitch. Elle continue : ce groupe tient une de ses réunions annuelles en Autriche et Cooke y est invité. Juliette continue, et Mitch explique que ça peut être intéressant, mais qu'il ne peut pas envoyer sa journaliste de manière officielle. Elle répond qu'elle s'y attendait et qu'elle sait à qui s'adresser pour s'introduire dans la place. Ailleurs, Keenan Wade passe un coup de fil à sa copine Vernita pour lui expliquer qu'il est en train de surveiller l'appartement de Skyscraper en espérant qu'il pointe le bout de son nez, car il veut l'aider. Il raccroche car il a un autre rendez-vous avec Masai, le chef du gang des Breaks. Celui-ci se trouve nu avec ses lunettes de soleil dans une pièce sans fenêtre pour s'entraîner contre 4 combattants à main nue. En même temps, il explique à Keenan que le temps est venu de s'en prendre au tigre de papier qu'est Bullchuck et son gang des Skins, pour s'emparer de Saturn City.



Dans un autre quartier, Drex, un chef intermédiaire des Skins, a décidé de passer à l'attaque de son propre chef, car il n'est pas d'accord avec la stratégie de Bullchuck. Dans la ruelle derrière son établissement, Annabelle Lagravenese s'entretient en toute discrétion avec Juliette Jemas qui est venue lui faire une proposition d'affaire. Cela étant, elle rentre à l'intérieur pour s'occuper de faire tourner sa boutique, alors que Eliot K. Barnes y pénètre et se rend à l'accueil pour passer commande de service sur le compte de la société Cooke. Pendant ce temps-là, Simon Cooke est en train de faire des exercices physiques dans son gymnase privé, tout en passant en revue les préparatifs qu'il a effectués : mettre Warren Azoff au courant de ses agissements, céder le contrôle de son entreprise à Lorraine Baines, ainsi que les réflexions de celle-ci en prenant place dans le fauteuil directorial, en particulier son appréhension de la réaction des membres du conseil d'administration. Elliot K. Barnes est en train de se laisser faire par 3 jolies jeunes femmes bien rémunérées, tout en expliquant à quel point son métier est stressant.



Le lecteur sait parfaitement pour quelles raisons il revient pour ce sixième tome : une intrigue montant en puissance et réservant des surprises, des personnages faillibles attachants, et bien sûr des scènes de sexe. Les accouplements restent présents, les auteurs tenant la promesse contenue dans le titre. Le scénariste continue d'intégrer des moments sexuels, révélateurs de la personnalité des uns et des autres, de leur évolution, et le dessinateur a trouvé le juste milieu entre des images explicites et une forme de distanciation qui fait que l'ouvrage ne tombe pas dans la pornographie sportive, et ne se lit pas d'une main. Cela commence avec Masai se battant nu contre quatre hommes torse nu : ce n'est pas un acte sexuel au sens premier du terme, mais il y a bien une démonstration de virilité sous une forme de fierté de son corps, les cases montrant un individu musclé sans gonflette avec un pénis de taille normale. Le lecteur bénéficie ensuite d'une vue de dessus d'Elliot K. Barnes, allongé sur un lit avec des draps de satin, avec trois jeunes femmes en lingerie cuir, dont une lui faisant une turlutte : là encore pas d'hypocrisie dans le dessin car on voit le sexe en érection, mais pas de gros plan non plus, ni d'élan romantique ou viril. Le rapport est suivant est beaucoup plus malsain : les frères Cha-Cha et Dolph Alpha tombent aux mains de Bone Collector. Cette fois-ci la nudité n'est pas frontale : les cases se succède avec des gros plans montrant le geste d'une caresse, d'un effleurement, d'un baiser léger. Il s'agit de montrer la montée du désir, savamment provoquée par une femme experte. Le lecteur y voit à la fois la personnalité de Bone Collector, une séductrice perverse, à la fois le détachement des frères Alpha cherchant le raffinement dans leur plaisir.



Il reste bien sûr le cas particulier de Simon Cooke, toujours non pratiquant. Le lecteur peut le voir supporter la souffrance physique pour retrouver sa forme physique après un combat qui l'avait laissé dans le plâtre sur un lit d'hôpital, endurant la souffrance physique, totalement focalisé sur le but à atteindre. À nouveau le dernier épisode lui offre la possibilité d'avoir un rapport avec une partenaire consentante, et à nouveau il préfère l'abstinence, pourtant Juliette Jemas est magnifique dans sa robe haute couture. À nouveau le lecteur s'interroge sur le sens que le scénariste veut donner à cette abstinence : un refus d'engagement, une volonté de sublimation de toutes ses pulsions sexuelles dans d'autres entreprises de sa vie ? Les auteurs continuent donc de tenir la promesse du titre, de représenter l'activité sexuelle de leurs personnages, en prenant bien soin de montrer que la personnalité de chacun se reflète dans ses pratiques, toujours sans aucune hypocrisie visuelle.



Tout en étant captivé par les développements de l'intrigue, le lecteur se rend bien compte qu'il souhaite également savoir ce qu'il va arriver à chaque personnage. Simon Cooke continue d'être une énigme par certains côtés. Le dessinateur montre un individu déterminé, disposant d'une réelle assurance, confiant en ses capacités, tout en restant conscient du danger, et ouvert à des possibilités sortant de l'ordinaire. Il en fait un homme d'une belle prestance, sans qu'il ne recherche un luxe ostentatoire, par exemple des costumes bien coupés et visiblement de prix, mais sans accessoire tape-à-l'œil. Casey parvient à maintenir le délicat équilibre entre le héros qui triomphe de tout, et l'individu qui peut connaître l'échec à tout moment. D'une certaine manière, Keenan Wade est le pendant inverse de Cooke : plutôt prolétaire, infiltré dans un gang de rue, se battant avec ses poings, engagé dans une relation chaude avec Vernita. Les dessins montrent effectivement un homme plus jeune, plus tendu, à la fois un peu aux abois, à la fois prêt à bondir au moindre danger, à la moindre agression. Dans ce tome, le troisième personnage à occuper le devant de la scène est Juliette Jemas. Au départ, le lecteur n'a vu en elle qu'une belle femme, journaliste de talent, souhaitant augmenter sa notoriété en s'intéressant au millionnaire Simon Cooke, sorte de Lois Lane (avec laquelle elle partage des initiales identiques pour le nom et le prénom) vraisemblablement nuisible pour le héros. Au fur et à mesure, il est tombé sous le charme de sa silhouette élancée, mais aussi de sa force de caractère, aussi déterminée que Cooke. Ici, il prend conscience de sa fragilité alors qu'elle se trouve dans une situation qui la dépasse, et qu'elle ne parvient pas à prendre l'ascendant sur Simon Cooke : une séquence des plus troublantes, grâce à un plan de prise de vue mettant en valeur un jeu d'acteurs tout en nuances.



Le lecteur reste tout aussi impliqué sur le plan émotionnel avec d'autres personnages : la rébellion d'Elliot K. Barnes qui monte en puissance, le désarroi de Skyscraper devant s'occuper d'un nourrisson, la détresse de Cha-Cha dont le visage émeut le lecteur, la rage contenue de Keenan Wade en découvrant Vernita à l'hôpital et en devinant les coups qu'elle a reçus en regardant les blessures, le comportement imprévisible de Bone Collector dont la folie apparaît par moment sur son visage, etc. L'intrigue n'est donc pas désincarnée, et l'évolution de chaque situation dépend du caractère des personnages impliqués. Elle continue à gagner en degré d'intrication, entre la guerre des gangs qui prend de l'ampleur, le risque que Lorraine Haynes ne parvienne pas à maîtriser la Cooke Compagny, la sorte de retour de Prank Addict, le mystérieux Viz Ibn Ziyad, la réalité du projet de société du groupe Rothchild, etc. Le lecteur se rend compte qu'il regrette l'absence d'autres fils narratifs faute de place, à commencer par le journal de bord de Quinn. Il se dit que le temps va être long jusqu'au prochain tome, d'autant plus en découvrant la dernière page. Elle annonce un tome 7 à paraître intitulé Crisis Apocalypto, mais sans date de précisée, et la parution en épisode mensuel s'est interrompue.



Il suffit de dire que ce tome est aussi excellent que le précédent, que ce soit pour l'intrigue, pour les personnages, ou pour les parties de jambe en l'air, la narration visuelle. Le lecteur en a pour son argent : ses attentes sont comblées, et les auteurs savent lui en donner plus, à la fois en termes de rebondissements, à la fois en visuels inattendus. Le lecteur est prêt à brûler des cierges pour que les auteurs puissent mener à terme leur histoire.
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Codeflesh

Je suis toujours intéressé de voir d’autre œuvre de l’un des dessinateur du génialissime Walking Dead. A noter que Corps de pierre réalisé par la même équipe à savoir Joe Casey et Charlie Adlard avait été une surprenante réussite.



On retrouve une espèce de canevas commun à savoir l’humanisme de personnages qui sont obligés par la force des choses à se dépasser. J’avoue avoue avoir apprécié la lecture de ce héros, agent de probation de métier, qui joue au justicier. Par contre, la fin de l’intrigue m’a un peu laissé de marbre. Le masque orné d’un code barre est par contre une excellente idée.



A la lecture, j’ai eu une réflexion sur le rôle de la justice. Visiblement, on préfère des gens qui règlent le problème par d’autres moyens non légaux. On banalise ce type de comportement en ne le remettant pas en question. Il ne faudra pas s’étonner qu’un jour, il puisse y avoir des conséquences. Mais bon, ce n’est que de la bd ou du cinéma avec le degré d’influence qu’on lui prête.
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MCMLXXV, tome 1

Ce tome comprend une histoire complète et indépendante de toute autre. Il contient les 3 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Ian Macewan, avec une mise en couleurs réalisée par Brad Simpson. Il y a également les 3 couvertures originales réalisées par Macewan, ainsi que les couvertures variantes réalisées par Dustin Weaver, Sloane Leong, Morgan Jeske, Farel Dalrymple, Artyom Trakhanov.



En 1975, la nuit, Prefect Patterson prend l'antenne sur la radio WMAK FM pour une émission de musique et d'informations, à Manhattan. Dans une rue de l'île, un homme en imperméable avec un attaché-case hèle un taxi. Il monte à l'arrière et indique l'adresse : Ryders Alley. Pamela Evans enclenche le compteur et commence à rouler avec la radio sur WMAK FM. Patterson annonce que la soirée va commencer avec Kool & the Gang, suivi par les O'Jays, dans la pure veine du Rythm & Blues. Il demande aux auditeurs de faire à attention à eux car c'est un monde étrange. Alors que la circulation est fluide, des ninjas surgissent en plein milieu de la rue où Pamela Evans est en train de circuler. Elle écrase l'accélérateur et en renverse une bonne dizaine, mais n'arrive pas à contrôler son dérapage et va percuter un stand de journaux sur le trottoir, inoccupé à cette heure. Elle conseille à son passager de rester dans le taxi et de n'en sortir sous aucun prétexte. Elle prend son démonte-pneu sur le siège passager et sort dans la rue. Elle est vite entourée par les ninjas car ils en ont après elle.



Pamela Evans s'avance vers les ninjas et son démonte-pneu se met à luire d'une lumière électrique bleutée. Elle fait tournoyer son démonte-pneu autour d'elle, blessant mortellement plusieurs ninjas. Au micro, Prefect Patterson annonce le titre suivant : Superstition de Stevie Wonder. Il ne reste plus qu'un seul ninja debout. Il interpelle Pamela Evans en lui indiquant qu'elle a encore de beaux restes en combat, mais pas assez pour la sauver de l'inéluctable. Il lui rappelle la nature des forces qu'elle combat, et lui annonce que se seront bientôt des armées entières qui fouleront le sol de Manhattan. Elle l'achève en lançant son démonte-pneu qui lui fracasse le crâne. Elle remonte dans son taxi et amène son client à bon port. Celui-ci descend et oublie presque de payer. Elle le rappelle à l'ordre. Sa nuit finie, elle ramène son taxi à la compagnie qui l'emploie. Grizzly, le propriétaire, lui remonte les bretelles au vu de l'état de la calandre. Elle le rabroue en indiquant qu'elle est son meilleur employé et rentre chez elle, dans un appartement de Harlem. Elle y retrouve Prefect Patterson qui a sorti un disque de Marvin Gaye de sa pochette et s'apprête à le mettre sur la platine. Pamela Evans évite savamment ses questions trop précises sur sa nuit de travail et ils finissent au lit.



L'éditeur Image Comics laisse les auteurs libres de choisir le format de leur histoire, tout en les conseillant sur les ventes potentielles. Ainsi Joe Casey peut régulièrement proposer des projets sortant du format traditionnel de la minisérie, sortant des sentiers battus de la production mensuelle : The Milkman Murders avec Steve Parkhouse, Valhalla Mad avec Paul Maybury, ou encore Jesusfreak avec Benjamin Marra. Au bout de quelques pages, le lecteur identifie la nature de l'histoire : un hommage pas tant à la Blaxploitation, qu'aux films urbains des années 1970 comme [[ASIN:B000059H1Z The Warriors]) (1979) de Walter Hill, avec une pincée de surnaturel. Pamela Evans n'est pas Pam Grier, mais une femme noire avec une bonne carrure, se battant comme un homme contre des créatures surnaturelles qui ne l'impressionnent pas le moins du monde. Il s'agit d'un récit court (3*20 pages) et les auteurs doivent aller à l'essentiel. Joe Casey indique que Pamela Evans a été enlevée à ce monde quand elle était encore enfant, qu'elle a appris à se battre, et qu'elle a combattu des années durant pour de mystérieux individus sur une planète dans une autre dimension. Elle n'a pas froid aux yeux, et elle semble habituée à voir ses proches mourir. Aucun détail superflu, droit à l'essentiel. L'intrigue est à l'avenant : simple et directe. Pamela Evans se bat contre chaque apparition de créatures surnaturelles et leur défonce la tronche à coup de démonte-pneu.



Joe Casey rend hommage à The Warriors de plusieurs manières. Il y a d'abord la présence de l'animateur de radio qui accompagne les nuits de travail d'Evans dans son taxi. Le scénariste a choisi une bande son très classique : Kool & the Gang, O'Jays, Ben E. King, Marvin Gaye, Stevie Wonder. Là encore il s'agit d'aller à l'essentiel, et il n'y a pas le temps d'étaler une culture musicale de spécialiste. Il y a ensuite les gangs de rue : Morningside Hooligans, MG Arzachs, Aristocrats, Diamond Dogs, Sapphire Stompers. Le lecteur peut détecter un hommage à Moebius (avec Arzach) et un autre à David Bowie (avec Diamond Dog). Là encore l'évocation des gangs de rue va droit au but : chaque gang dispose de sa tenue spécifique (ses couleurs) en lien direct avec son appellation (les chapeaux allongés des Arzachs), ce qui fait son unité. Aucun membre de gang n'est individualisé ou nommé : il s'agit d'un groupe unifié par un quartier ou un trait de culture populaire.



Il appartient donc à l'artiste de donner de la consistance à chaque élément évoqué rapidement pour que les éléments du récit ne se limite pas à une simple enfilade de noms sans consistance ou d'éléments en carton-pâte. Dans les 3 ou 4 pages où il représente les façades d'immeubles, l'artiste sait retranscrire les enseignes au néon de l'époque, et retrouver l'ambiance nocturne de la rue. La case de la largeur de la page avec uniquement la bouche de Prefect Patterson proche du micro capture bien également l'impression donnée par les images de The Warriors (et d'autres films), avec cette présence désincarnée au milieu de la nuit susurrant des phrases aux auditeurs, aux oiseaux de nuit. Cette image fait prendre conscience au lecteur que Joe Casey a inversé le cliché : c'est un homme qui adopte un ton sensuel, au lieu d'une femme. Par contre les images n'indiquent pas comment Prefect Patterson peut être informé aussi rapidement de ce qui passe dans les rues. L'évocation de l'époque apparaît également dans les tenues vestimentaires. Ian Macewan n'en fait pas trop de ce côté-là. Pamela Evans porte des fringues utilitaires, sans recherche particulière, sans suivre une mode. Le dessinateur réserve cette approche aux tenues des gangs : les costumes d'Arzach tous droit sortis de la bande dessinée du même nom de Moebius, les cuirs classiques des Sapphire Stompers, les tenues de footballeur pour un autre gang avec de belles chaussettes montantes, les tenues affriolantes blanches et les rollers pour les Sukkas. En termes d'évocation de l'époque, ce qu'il capture le mieux, ce sont les gestes de Prefect Patterson pour manipuler avec une infinie précaution ses disques vinyle. Le lecteur qui en a manipulé reconnaît tout de suite cette manière de se saisir de la galette.



Dans ce mélange entre film de genre de type urbain des années 1970 et film de Fantasy, il revient également à l'artiste de donner corps aux créatures surnaturelles. Les ninjas ont une apparence très classique avec une tunique rouge, des pieds dans des bandelettes qui montent jusqu'au genou et des bandelettes autour des main et des poignets. La créature humanoïde qui apparaît à la fin du premier épisode n'est pas très originale sur le plan visuel, oubliée dès Pamela Evans lui a fait avaler son extrait de naissance. Les autres créatures apparaissant par la suite ne bénéficient pas de gros plan, et ne constituent pas un intérêt visuel significatif. Le lecteur se rend compte que la force graphique d'Ian Macewan réside plus dans sa mise en scène des combats. Dans le premier épisode, le lecteur peut voir la détermination de Pamela Evans fonçant dans le tas, avec es ninjas qui en prennent pour leur grade. Dans le second épisode, le lecteur souffre pour elle alors qu'elle se fait pilonner par l'humanoïde surnaturel. Puis il ressent sa douleur alors qu'elle regagne son appartement en claudiquant et en perdant du sang. Enfin dans le troisième épisode, il s'en donne à cœur joie pour montrer les différents gangs se lançant dans la mêlée, et les créatures accusant le coup de leur attaque.



En découvrant ce récit en 3 épisodes, le lecteur sait qu'il va s'agir d'une histoire rapide. Effectivement, Joe Casey n'a pas de temps à perdre. Il intègre des éléments piochant dans des conventions de genre, avec un hommage appuyé au film The Warriors de Walter Hill. Le résultat est rapide et concis. Ian Macewan fait le nécessaire pour représenter les différents éléments avec un niveau de détails suffisant pour qu'ils soient consistants. Certains sont très réussis (les tenues des différents gangs, le taxi), d'autres sont moins développés (les monstres surnaturels). Le plaisir du lecteur dépend de sa sensibilité et de ce qu'il est venu chercher. Si un simple hommage à ce film suffit à lui faire revivre les sensations associées, 4 étoiles. S'il souhaite une histoire suffisante pour elle-même, 2 étoiles.
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Sexe, tome 1 : L'Été du hard

Simon Cook était l’Ange En Armure, super-héros qui faisait la justice sur sa ville, Saturn City. Il prend sa retraite de justicier et tente de redevenir un citoyen normal. Enfin, normal, c’est peu dire car dans le civil, il est un riche et puissant homme d’affaire qui avait délégué ses pouvoir quand il était actif en tant que super-héros. Son conseil d’administration le presse de prendre des décisions concernant les affaires et il doit se montrer mondain par rapport aux politiciens et le gratin de la ville. Sa vie est donc faite de meetings, de rencontres et de sexe. Cependant, la nostalgie le taraude et il n’arrive pas à retrouver sa place dans la société ordinaire. Or, pendant ce temps, les criminels qu’il a combattus tentent de reprendre leur business peu scrupuleux.



Après avoir terminé cette bande dessinée, je reste assez mitigé. Entre l’ennui et l’envie d’en apprendre plus quand le deuxième tome apparaîtra. Je trouve les dessins surchargés, le scénario aussi. L’histoire semble complexe. On dirait une longue et monotone psychothérapie du héros qui regrette sa vie antérieure mais qui s’enferme jusqu’au bout dans une décision qu’il n’a pas prise seul. Il ne se passe donc jamais rien de concret dans la vie de ce héros qui est pressé de toute part pour faire bonne figure. En sous-oeuvre, il y a les méchants qui mettent en place de nouvelles stratégies pour reprendre le contrôle de la ville. Là non plus, rien n’aboutit. Et pendant ce temps, en fond, du sexe, de la prostitution, qui, on se le demande, ont quel rapport avec cette histoire ? Les personnages secondaires se multiplient, compliquant encore cette histoire sans queue ni tête. Si ce premier tome n’est qu’une mise en place de la suite de l’histoire, je me demande où cela va me conduire. Donc, je suis dans l’expectative de savoir si je la continuerai ou si je laisse tomber.

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Sex, tome 5

Ce tome fait suite à Sex Volume 4: Daisy Chains (épisodes 21 à 26) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe 27 à 34, initialement parus en 2016, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Piotr Kowalski, et mis en couleurs par Brad Simpson. Le lettrage a été réalisé par Rus Wooton, et le design graphique de la publication par Sonia Harris. Il commence avec un trombinoscope très synthétique de 19 personnages.



Dans l'immeuble de l'entreprise Cooke, dans le grand bureau du PDG, Simon Cooke est en train de recevoir Lorraine Baines (Larry), tard dans la soirée. Il lui avoue qu'il a été le superhéros Armored Saint. Larry commence à pouffer de rire, puis éclate franchement de rire. Simon ne le prend pas très bien : elle lui explique qu'elle avait deviné depuis longtemps et qu'elle avait décidé de respecter le fait qu'il souhaite conserver le secret. Elle conclut la discussion sur le fait qu'il peut donc lui faire confiance, et qu'il ne reste plus qu'à se remettre au travail. Dans un autre quartier de la ville, Drexler, un responsable dans le gang des Skins, est en train de bénéficier d'une fellation, mais il trouve que la jeune femme n'est pas très efficace. Il est interrompu dans sa séance de relaxation par deux autres membres qui l'informent que le grand chef Bullchuck souhaite le voir séance tenante. Ce dernier est confortablement installé, avec cinq jeunes femmes nues qui s'occupent de lui, alors qu'il tient un cocktail dans la main droite. Il explique que Drexler s'est montré un peu trop prétentieux dans ses ambitions, mais qu'il va quand même lui confier une mission qui lui permettra de prouver qu'il mérite d'être promu. Dans le cabinet d'une conseillère matrimoniale, madame Barnes dit tout le mépris qu'elle a pour son mari Elliott, présent sur le canapé dans la pièce. La conseillère se tourne vers lui et lui demande si son malaise ne provient pas de l'évolution de la place du mâle dans la société. Il sourit timidement, en pensant à sa femme tombant dans le vide, après avoir traversé la paroi vitrée du cabinet situé à un étage très élevé d'un immeuble.



Dans le bureau du maire à la l'hôtel de ville, le maire Sedgwick reçoit l'inspectrice de police McGregor qui lui a apporté les photographies des dernières victimes en date de Bone Collector : des cadavres desséchés. La preuve est là : il faut faire quelque chose. La maire dit qu'il attend que McGregor lui fasse un rapport sur l'avancement de l'enquête quand elle aura plus d'éléments. Une fois qu'elle a quitté la pièce, il s'adresse à son adjoint Tucker : celui-ci lui confirme que les préparatifs de la rencontre entre Weber et Cooke arrivent à la fin. Le maire est satisfait : plus vite cette rencontre aura lieu, plus vite il se sentira soulagé. Au service de la maternité de Saturn City, Skyscraper veille devant la porte de la chambre où se trouve Sheila qui a accouché il y a peu. Keenan Wade lui veille dans la pouponnière surveillant le nouveau-né prématuré, encore très faible.



Le lecteur plonge dans ce nouveau tome avec un plaisir anticipé. Il sait qu'il va retrouver les dessins très consistants et l'intrigue qui monte en puissance, sans oublier les relations sexuelles dont la nature constitue une concrétisation du degré de maturité des personnages. Effectivement, Piotr Kowalski est toujours totalement impliqué dans la réalisation de ses planches. Le lecteur peut ainsi se projeter dans les différents lieux : la grande salle de réunion très dégagée avec une vue magnifique sur la ville dans le gratte-ciel Cooke Company, le bureau du maire tout aussi spacieux mais avec une décoration très différente, la chambre de l'hôtel dans laquelle Cooke reçoit Yoshiko, le toit du même hôtel, la salle de presse du Saturn Sentinel le soir après le départ des employés, les rues de Saturn ainsi que la vue des gratte-ciels depuis un étage supérieur, les pentes enneigées d'une ville des Alpes autrichiennes, les couloirs d'un hôpital et la chambre de Simon Cooke, la boîte de nuit de Lagravenese dans le quartier Freiheit, le niveau de parking de l'hôpital, le temple de Zuul dans le Teryzikstan, etc. À chaque fois, le dessinateur sait rendre le lieu unique par des détails spécifiques, et à montrer la nature du lieu grâce aux équipements ou à la décoration correspondante. En outre, il sait faire de la ville de Saturn City, un vrai personnage, avec ses immeubles reconnaissables, et ses différents quartiers, à l'urbanisme différent à chaque fois.



De la même manière, les personnages sont toujours aussi remarquables. Bien sûr, ils sont facilement identifiables : Simon Cooke un joli blond à la posture altière, Keenan Wade et son allure plus populaire, les frères Alpha et leur costume haute couture, Raymond & Reggie et leur allure rap, etc. Il voit qu'à l'évidence Annabelle Lagravenese et Juliette Jemas ne sont pas interchangeables, même s'il s'agit de deux jolies femmes. Ce n'est pas simplement que l'une est brune avec des lunettes, et l'autre bonde sans lunette : chacune porte une tenue vestimentaire différente correspondant à sa personnalité, et leur langage corporel diffère, comme si elles étaient interprétées par des actrices différentes. Le lecteur observe attentivement les uns comme les autres, par exemple Elliott K. Barnes en voyant sa rébellion enfler progressivement en lui, ou Sheila avec des attitudes de plus en plus repliées sur elle-même. Le dessinateur s'avère très impressionnant, capable aussi bien de transcrire des états d'esprit fugaces et ténus, que des moments spectaculaires relevant de l'aventure inattendue comme ce temple abritant des archives secrètes. À plusieurs reprises, le lecteur se rend compte qu'il a marqué une pause dans sa lecture pour profiter d'un visuel inattendu : la séance chez la conseillère matrimoniale, les hommes de main omniprésents dans la cage d'escalier, Weber en train de répéter ses phrases devant son miroir, Bone Collector en train de courir dans la rue pour échapper à la police, Juliette Jemas découvrant dans quelle pièce l'a laissée Annabelle Lagravenese, Keena et Vernita se promenant tranquillement dans la rue, etc.



Le lecteur se sent happé par l'intrigue aux fils entremêlés pour une tapisserie où il attend le prolongement de plusieurs motifs : la fusion entre Cooke Compagny et l'entreprise japonaise Kansei, la guerre des gangs qui montent puissance, l'enquête de Juliette Jemas sur Simon Cooke, l'objectif poursuivi par Bone Collector, le retour de Prank Addict. Le scénariste a su développer plusieurs fils narratifs qui s'entrecroisent, qui s'entremêlent. Il n'oublie pas d'en mener certains à leur terme, pendant que d'autres poursuivent plus loin, et que de nouveaux viennent s'entremêler pour apporter leur touche au dessin de la tapisserie. En fonction de sa sensibilité, le lecteur apprécie plus ou moins bien le retour de quelques éléments de genre superhéros. La lecture des journaux d'Emily Carol Quinlan (Quinn) apporte des révélations bouleversantes pour un personnage, mais peut-être moins pour un autre qui a réévalué sa carrière de superhéros de lui-même. Keenan Wade s'interroge sur l'issue qu'il va donner à son infiltration dans le gang des Break : quel est le bon moment pour mettre le holà à leurs ambitions ? Faut-il le faire ? Le lecteur ne s'attend pas forcément à ce qui arrive à Frank (Prank Addict), et à l'apparition d'un personnage bien mystérieux Maghazo, ou encore à l'évocation d'un autre personnage tout aussi mystérieux Viz Ibn Ziyad. Puis il se souvient qu'il est dans un comics avec une composante superhéros, et il se dit que ces éléments y ont tout à fait leur place. En prenant un peu de recul, il voit bien que le nom de superhéros de Simon Cooke (Armored Saint) préfigurait ce développement. Il soupçonne que Casey avait conçu ledit développement dès le début de la série.



Ce qui frappe encore plus le lecteur, c'est qu'il éprouve une grande empathie pour chacun des personnages, tout en s'interrogeant sur leurs objectifs réels, et leurs capacités réelles. Simon Cooke est-il aussi novice que ça en tant que meneur d'entreprise ? Keenan Wade est-il dépassé par l'ampleur de l'ambition du gang des Break, ou maîtrise-t-il la situation ? Juliette Jemas est-elle une journaliste redoutable, ou a-t-elle eu les yeux plus gros que le ventre, ou va-t-elle se laisser manipuler par Annabelle ? Jusqu'à quel point Simon peut-il faire confiance à cette dernière ? Elliot K. Barnes est-il en mesure de tenir tête à son épouse ? Chacune de ces questions prouvent à quel point le lecteur est investi dans chaque personnage, leur potentiel pour déclencher l'empathie, ainsi que leur ambivalence qui les rend si attachants, et qui entraîne le lecteur à essayer d'anticiper ce que va faire l'un, ou à ce qu'il va advenir de l'autre. Les auteurs n'en oublient pas le sexe pour autant. Comme dans les tomes précédents, le lecteur observe les parties de jambes en l'air, en voyant ce qu'elles révèlent des amants. Il éprouve de la commisération pour la misère sexuelle d'Elliot. Il voit Juliette utiliser son ancien conjoint pour une relation sexuelle purement fonctionnelle, un moment de vraie détente. Il regarde la fellation de Dexler et celle de Bullchuck comme une expression crue de leur soif de pouvoir et de domination. Et il continue de s'interroger sur le sens à donner sur l'absence d'activité sexuelle de Simon Cooke.



Un cinquième tome extraordinaire, où l'implication des auteurs reste entière, avec un enthousiasme au service du récit. Piotr Kowalski impression par sa narration visuelle parfaitement maîtrisée et riche. Joe Casey impressionne par son art consommé de tisser sa toile avec plusieurs fils narratifs, avec un équilibre parfait entre intrigue et personnages.
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Corps de pierre

J'ai été très agréablement surpris par la lecture de ce one shot qui ne payait pas de mine au niveau de son graphisme dénudé. Le récit est tout ce qu'il y a d'ordinaire mais de dramatique quand un homme se sait condamné par une terrible maladie. Tout s'effondre autour de lui d'autant qu'il venait juste de divorcer. On va éviter la niaiserie avec des personnages et des dialogues réalistes. Bon, j'admets que quelques fois, cela va faire un peu Dr House ce qui ne déplaira pas aux nombreux fans de la série.



Le récit est si bien construit qu'on se demande si c'est tiré d'une histoire vraie : existe-t-il vraiment une maladie rare qui transforme le corps petit à petit en pierre suite à une véritable calcification ?

Pour autant, la conclusion du récit est si peu conventionnelle que cela ne laissait plus la place au doute.



J'ai beaucoup aimé cette plongée dans le quotidien de cet homme ordinaire dans sa manière d'appréhender son mal. On arrive à ressentir une vraie émotion pour peu d'avoir été confronté à la maladie une fois dans sa vie. Cela ne va pas bouleverser le genre mais c'est une oeuvre suffisamment forte pour attirer notre attention.
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Savage Sword

Ce tome est le premier d'une série de 2, rassemblant des histoires mettant en scène des personnages créés par Robert Ervin Howard. Il contient les épisodes 1 à 4 de la série initialement parus en 2010/2012. Il comprend 10 histoires indépendantes, un texte de Robert E. Howard accompagné de quelques illustrations (réalises par Tim Seeley) et un texte de contextualisation du personnage d'El Borak.



(1) Conan and the Jewels of Hesterm (24 pages, scénario de Paul Tobin, dessins de Welligton Alves) - Un groupe de voleurs a réussi à dérober le joyau du temple de Hesterm. Pendant ce temps-là, Conan est en train de descendre des pintes à la taverne et il décide d'en repartir avec la serveuse à ses bras. En sortant ils sont bousculés par le groupe de voleurs, et le démon à leur poursuite repart avec la serveuse. Conan se lance à sa poursuite et pénètre dans temple de Hesterm. (2) John Silent: The earthbound dead (8 pages, scénario de Scott Allie, dessins de Ben Dewey) - À Prague, au seizième siècle, John Silent transporte un artefact rectangulaire, soigneusement enveloppé et attirant la convoitise. Il n'hésite pas à égorger le premier qu'il soupçonne de vouloir le voler. (3) Six Guns and Scimitas: The wild west in the middle East (4 pages, texte de Mark Finn, illustrations de Tim Bradstreet) - Mark Finn resitue le personnage d'El Borak dans le contexte du moyen orient dans les années 1920. (4) El Borak: The incident at Hakim's rest (8 pages, scénario de Mark Finn, dessins de Greg Scott) - El Borak intervient pour neutraliser Hakim Khan qui en prend trop à son aise avec la population.



(5) Dark Agnes Storytelling (16 pages, scénario de Marc Andreyko, dessins de Robert Atkins) - En France au seizième siècle, un mercenaire costaud fait une entrée fracassante dans une taverne, réclamant de savoir où se trouve Dark Agnes. Un autre homme attablé lui propose de boire un coup et de lui raconter une histoire. (6) Sailor Steve Costigan: A new game for Costingan (8 pages, scénario de Joe Casey, dessins de Pop Mhan) - Steve Costigan a accepté de rédiger un article sur les 2 boxeurs qui doivent s'affronter le lendemain. Cela lui attire l'inimitié des 2 boxeurs, et en plus il doit se mêler d'une histoire d'enlèvement de jeune femme. (7) Sea Curse (6 pages, texte de Robert E. Howard, illustrations de Tim Seeley) - Dans un village pauvre en bordure de mer, 2 mercenaires imposent leur loi par la force chaque fois qu'ils reviennent à terre. Ils finissent par en prendre trop à leur aise avec la fille d'une vieille un peu sorcière. (8) The Sonora Kid: Knife, bullet, and noose (16 pages, scénario de Jeremy Barlow, dessins de Tony Parker) - Sonora Kid a réussi à amener le troupeau de vaches jusqu'à son acheteur, bien qu'il ait perdu quelques têtes en chemin du fait de l'agression d'un cowboy mal intentionné. Il lui reste à se faire payer, et à tenir tête aux copains du cowboy qui n'a pas survécu à sa rencontre.



(9) Brule: The spear and the siren (16 pages, scénario de David Lapham, dessins de Fabio Cabiosco) - Brule, le compagnon d'armes du Roi Kull, a pris la mer sur un frêle esquif. Il croise la route d'un navire plus imposant et découvre en montant sur le pont qu'il y a une sirène dans une cage. (10) Steve Harrison: Pinot noir (8 pages, scénario de Joshua Williamson, dessins de Patric Reynolds) - L'inspecteur Steve Harrison découvre l'existence d'un culte à l'occasion d'un meurtre, diffusant son poison dans des bouteilles de Pinot Noir. (11) The thing on the roof (8 pages, scénario de Dave Lan, dessins de M.S. Corley) - Un individu a ramené un joyau d'une crypte scellé lors d'un voyage en Amérique Centrale. Ce soir-là, il entend des bruits de sabot sur le toit de sa maison. (12) Conan: White death (9 pages, scénario de Peter Doree, peintures dessins peints de Sean Phillips) - Dans une région enneigée, Conan croise la route d'une guerrière Aesir qui lui propose de partager son repas. La nuit est mouvementée.



Le principe de cette anthologie est de fournir l'occasion au lecteur de découvrir des personnages créés par Robert Ervin Howard (1906-1936) et moins connus que le célèbre cimmérien Conan. Pour ce faire, l'éditeur a commandité des récits de longueur variable (de 8 à 26 pages) à des équipes différentes, proposant à chaque fois une histoire originale. Les 2 seules exceptions à ce principe sont le texte de présentation d'El Borak (intéressant, mais les illustrations de Tim Bradstreet ne sont pas à la hauteur des couvertures qu'il a pu réaliser pour des séries comme Punisher MAX de Garth Ennis, ou Hellblazer de Mike Carey), et le texte de Robert E. Howard, avec des illustrations trop littérales de Tim Seeley. En fonction de sa familiarité avec l'œuvre de l'écrivain, le lecteur découvre donc des héros moins connus comme Dark Agnes, John Silent, El Borak, Steve Costigan, The Sonora Kid, Brule, ou Steve Harrison. Pour être sûr d'appâter le lecteur, les responsables éditoriaux ont placé en ouverture et en fin de volume une histoire de Conan, personnage le plus connu et donc le plus vendeur.



Malheureusement la première histoire de Conan inaugure mal le recueil : le scénariste déroule une intrigue convenue et très dérivative de celles de Roy Thomas pour la série Conan publiée par Marvel. Effectivement le lecteur un peu curieux sait qu'il peut trouver des trésors d'histoires originales du personnage, par exemple dans les rééditions de la série Savage Sword of Conan à laquelle le titre de la présente série fait directement référence. La prestation de Wellignton Alves reste dans les clichés associés à Conan, avec une économie de décors, des gros biscottos et des dames accortes. S'il est déjà familier des comics de Conan, le lecteur trouve que l'artiste le plus impliqué reste Michael Atiyeh, le metteur en couleurs qui soigne es éclairages, les contrastes et les effets spéciaux. Cependant, il y a plus de chance que les récits consacrés à des personnages ayant bénéficié de moins d'exposition médiatique se révèlent plus surprenants.



Il n'est pas bien sûr que John Silent soit vraiment un héros récurrent dans l'œuvre de Robert E. Howard, au vu du récit qui est servi au lecteur, à nouveau très classique, avec un objet maléfique entraînant son possesseur dans une spirale d'horreur et de crime. Ben Dewey réalise des dessins un peu plus personnels que ceux d'Alves, avec un effort réel pour évoquer le seizième siècle (un peu générique, pas forcément celui de Prague) et pour conserver des arrière-plans dans une majorité de cases. Finalement le lecteur passe aux 4 pages de texte présentant le contexte d'El Borak, avec un quasi soulagement, alors qu'il ne s'agit pas d'une bande dessinée. Mark Finn se montre informatif et éclaire le contexte géopolitique qui a conduit Howard à situer un personnage dans cette région, à cette époque. Malheureusement le soufflé retombe avec l'histoire en BD d'El Borak, à nouveau linéaire et convenue à souhait, sans que le scénariste ou le dessinateur n'arrivent à transcrire le souffle épique de la prose d'Howard, ou son ode à la virilité, à la force de caractère, ou encore à la force physique. Malgré tout, les dessins de Greg Scott arrivent à transporter le lecteur dans cette région désertique.



Dark Agnes est un personnage qui a inspiré plus de récits, en tant que femme capable de se défendre par elle-même. Alors que le scénariste fait le malin avec le titre de son histoire (storytelling = raconter une histoire), il aligne tous les poncifs possibles sur le personnage, avec un humour indigne d'être qualifié de tel, et Atkins réalise une prestation de narration visuelle compétente, mais totalement insipide. Si le lecteur arrive à terminer ces 16 pages, il décèle une remarque féministe ras-les-pâquerettes. Il oublie vite ce récit pour passer à celui de Steve Costigan, plus dans le ton, avec des dessins évoquant ceux de Gary Gianni en moins aboutis. Joe Casey se montre un peu plus aventureux que ses collègues en plaçant le boxeur à contre-emploi, avec une pointe d'humour pas très léger, mais méritant plus cette appellation. Un peu rasséréné, le lecteur passe à la courte nouvelle de Robert E. Howard, et se rend compte qu'il se laisse entraîner par sa prose, même s'il devine la chute du récit dès la première page. Il regrette la place que font perdre les dessins insipides de Tim Seeley.



Le lecteur découvre ensuite une histoire s'inscrivant dans le genre western, avec un vrai scénario et des dessins beaucoup plus personnels. Le scénariste Jeremy Barlow s'en tient à un récit premier degré, avec un cowboy qui tire plus vite que les autres, qui n'hésite pas à tuer ses ennemis et les dessins de Tony Parker présentent un bon niveau descriptif et de densité d'informations visuelles, avec une discrète exagération qui amplifie l'aura du Kid, sans être dupe. Remis en confiance, il passe à l'aventure maritime du compagnon de Kull. David Lapham écrit lui aussi une histoire convenue d'une platitude confondante, et Fabio Cobiaco s'en tire un peu mieux, mais reste fâché avec les décors de bout en bout ce qui obère d'autant l'immersion du lecteur, à la fois dans l'histoire et dans l'océan. Les 2 histoires suivantes relèvent le niveau grâce à leur concision, et la froide efficacité de Steve Harrison pour la première, la tonalité digne d'HP Lovecraft pour la seconde. Le lecteur n'est pas fâché d'arriver à la fin avec une histoire beaucoup plus prometteuse sur le plan visuel grâce aux peintures de Sean Phillips. Effectivement, par comparaison, le lecteur peut tout de suite constater ce qu'apporte un dessinateur impliqué et maîtrisant son art, à quel point les images nourrissent l'histoire, à nouveau d'une pauvreté difficile à croire. Mais malgré le plaisir plastique des pages de Phillips, le lecteur ne peut que déplorer qu'il reproduise les conventions les plus difficiles à avaler des aventures de Conan quand il se promène sur les champs de neige, en simple pagne, absolument insensible au froid, sans aucune explication autre qu'une capacité surnaturelle de son métabolisme à réguler sa température.



Alors que cette anthologie partait d'une bonne idée (= faire découvrir les autres personnages créés par Robert Ervin Howard), l'exécution platounette de la plupart des histoires fait regretter son achat au lecteur, et lui fait espérer que les suivants (dans le tome 2, ou dans d'autres projets du même genre) ne pourront pas faire pire.
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X-Men, Tome 0 : Les enfants de l'atome

Ce tome revient sur les événements qui ont immédiatement précédé la première apparition des X-Men dans l'épisode 1 de la série Uncanny X-Men, paru en 1963. Il contient les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 1999/2000, écrits par Joe Casey, dessinés par Steve Rude avec un encrage d'Andrew Pepoy (épisodes 1 à 3), Paul Smith & Michael Ryan avec un encrage d'Andrew Pepoy & Paul Smith (épisode 4), et Esad Ribic avec un encrage d'Andrew Pepoy (épisodes 5 & 6). La mise en couleurs a été réalisée par Paul Mounts pour les 6 épisodes.



Un jeune mutant a perdu le contrôle de ses pouvoirs, et a détruit par accident de nombreux pavillons dans la ville de Middletown au Missouri. Juste après un reportage sur cette tragédie, la télévision diffuse l'intervention de William Metzger, un individu qui prône la défense de la race humaine contre ces monstres incontrôlables dont les mutations génétiques peuvent provoquer des catastrophes. Dans un bureau de FBI, l'agent Amos (surnommé Fred) Duncan reçoit l'ordre de son supérieur hiérarchique d'investiguer sur le sujet. De retour à son bureau, Fred Duncan le trouve plongé dans le noir. Il commence à parler à haute voix pour prendre des notes sur son dictaphone qu'il a surnommé Bill. Il est interrompu par un individu en chaise roulante qui se trouve dans son bureau et qui commence à lui expliquer son point de vue sur les mutants. La nuit, un individu avec des ailes vient en aide à une femme se faisant agresser dans une rue de New York. Le lendemain, Charles Xavier se rend chez les Grey pour évoquer la possibilité qu'ils inscrivent leur fille dans son établissement. Elaine et John Grey promettent d'y réfléchir.



La télévision annonce que le lycée de Freeport High School a battu tous les records d'endettement, atteignant le million de dollars de déficit. Ce jour-ci, un nouveau professeur en chaise roulante y postule pour se faire engager. Dans les couloirs, 3 individus (Chad, Mikey et Starkey) à l'allure donnant l'impression qu'ils cherchent une victime à humilier évoquent le discours de William Metzger dans les jours à venir. Ils regardent passer d'un air envieux Hank McCoy la star de l'équipe de football du lycée. Dans le gymnase, Scott Summers, un adolescent souffreteux se fait rabrouer par le professeur de sport, qui se moque de ses lunettes rouges et de sa constitution chétive. Dans l'escalier de service, Bobby Drake s'est isolé pour être tranquille en se demandant pourquoi il a si froid. Dans différents états, la peur motive des citoyens à organiser une poignée de lynchage.



Régulièrement l'éditeur Marvel demande à une équipe créatrice de remettre au goût du jour, les origines d'un de ses personnages ou d'une équipe. Au tournant du millénaire, il échoit à Joe Casey de s'acquitter de cette mission pour les X-Men. Du point de vue de l'intrigue, il s'agit d'une gageure car il faut intéresser le lecteur à une histoire qu'il connait déjà, voire dont il a déjà lu de nombreuses versions. Joe Casey a l'idée de commencer son histoire quelques jours avant la première scène de Uncanny X-Men 1, paru en 1963, de Jack Kirby & Stan Lee. Ce premier épisode s'ouvrait avec le professeur X appelant ses X-Men à lui. Ils étaient alors au nombre de 4 : Cyclops, Iceman, Beast et Angel, déjà avec des costumes jeune & bleu. Mais, bien sûr, ils ne sortaient pas de nulle part, ils avaient été recrutés précédemment, et l'hystérie anti-mutante trouvait ses racines dans des événements passés. Joe Casey montre donc ce qui a conduit à cet état de fait.



En fonction de sa familiarité avec les premiers épisodes de la série Uncanny X-Men, le lecteur (re)découvre des faits sur le passé des personnages, amalgamés dans une narration qui rétablit une cohérence entre eux, en amenant de nouveaux éléments. Le scénariste a l'art et la manière de lier les événements dans un tout cohérent. Il peut voir dans quelles conditions vivaient les premiers X-Men avant d'intégrer l'école de Westchester : Jean Grey tranquillement dans le pavillon cossu de ses parents, Hank McCoy en utilisant ses pouvoirs dans le civil tout en les faisant passer pour les capacités d'un athlète accompli, Warren Worthington en essayant d'utiliser ses pouvoirs pour redresser les torts, Scott Summers vivant dans la pauvreté et exploité par un criminel sans scrupule, Bobby Drake dans le pavillon plus modeste de ses parents. De ce point de vue, le récit satisfait la curiosité du lecteur, mais sans réussir à générer assez d'empathie pour ces personnages. Ils sont pris dans une situation où ils doivent cacher leur pouvoir, où ils tentent de les utiliser discrètement et où ils se trouvent dans des fortunes diverses. La problématique pour le lecteur est qu'il sait déjà tout cela, et que Joe Casey ne parvient pas à faire ressentir leurs états d'esprit ou leurs émotions. C'est plus ou moins marqué en fonction des personnages ; c'est criant pour Bobby Drake, et c'est moins marqué pour Scott Summers.



Le lecteur peut alors s'intéresser aux personnages secondaires comme Fred Duncan, William Metzger, les 3 loubards, ou même Charles Xavier. En fait il n'en apprend pas beaucoup plus sur Fred Duncan, les 3 loubards brillent par leur dimension générique, et même William Metzger ne se différencie pas beaucoup des nombreux agitateurs anti-mutants qui l'ont précédé ou qui le suivront. Du coup, le lecteur se rabat sur l'intrigue qui est dense et racontée de façon moderne, sans bulle de pensée, et avec des inserts d'émission de télévision réguliers, pour rendre compte de la perception du phénomène tel qu'il est relayé par les médias. Il y a quelques surprises avec l'apparition d'un ou deux personnages emblématiques de la série, et bien sûr des affrontements physiques à chaque épisode pour fournir le quota d'action. À nouveau le tout est bien ficelé, mais étrangement, Joe Casey semble intimidé par son sujet, trop respectueux, alors qu'il a écrit de nombreux récits décapants comme la série SEX avec Piotr Kowalski, Butcher Baker the righteous maker avec Mike Huddleston, et des récits de superhéros traditionnels comme Vengeance avec Nick Dragotta, The Bounce avec David Messina, Godland avec Tom Scioli.



Le lecteur est plus impressionné par la couverture du recueil et par les 3 premiers épisodes dessinés par Steve Rude. Cet artiste a l'art et la manière de donner une impression de personnages enjoués, d'environnements vaguement rétro, avec des dessins facilement lisibles tout en contenant une bonne densité d'informations visuelles. Dès le premier épisode, le lecteur peut par exemple repérer Dana Scully et Fox Mulder dans un des couloirs du FBI. L'encrage d'Andrew Pepoy respecte bien les crayonnés de Rude, en particulier dans les arrondis élégants. Le lecteur prend grand plaisir à s'immerger dans cet environnement vaguement suranné, avec des hommages visuels patents à Jack Kirby (les belles courbes de Cerebro). Il observe les tenues vestimentaires de chaque personnage, y compris des figurants, notant qu'elles renvoient parfois aux années 1960. Il détaille les ameublements et les accessoires de chaque endroit pour s'imprégner de leur atmosphère, de la personnalité des personnes qui les ont aménagés. L'intérieur des Grey est vraiment douillet, alors que la cantine du lycée est aussi impersonnelle qu'elle est fonctionnelle. Il regarde incrédule l'opulence de l'aménagement du jardin de l'école de Westchester. Régulièrement le regard du lecteur s'arrête sur une image saisissante comme l'agent Duncan parlant à son dictaphone (clin d'œil à Dale Cooper parlant à Diane), Jean Grey s'amusant à faire tournoyer des pétales de fleur autour d'elle dans le jardin de ses parents (magnifique), Scott Summers avec un teeshirt crasseux et troué dans une posture d'abattement indicible, Bobby Drake caché sous ses draps partiellement recouverts de neige.



Le lecteur ressent forcément une pointe de déception du fait que Steve Rude n'ait pas dessiné les 6 épisodes. Les dessins de Paul Smith s'inscrivent dans l'approche de ceux de Rude, mais avec un encrage plus léger, et une densité d'information moins élevée. Ils en conservent néanmoins l'élégance. Les dessins d'Esad Ribic reviennent à une apparence beaucoup plus classique de dessins de superhéros, une variété de prise de vue moins importante, mais une forme de romantisation des personnages pour leur donner une aura plus tragique. Globalement ces 2 derniers épisodes sont nettement un cran en dessous des 4 premiers.



À la fin du tome, le lecteur reste sur l'impression d'un rendez-vous manqué. Joe Casey sait tisser la toile de fond de la création des X-Men, en étant raccord avec leurs débuts dans leur propre série en 1963. Mais il a bien du mal à les faire exister, à générer une empathie chez le lecteur. La première partie du récit n'en reste pas moins très agréable du fait des dessins toujours pleins de charme et d'élégance de Steve Rude. La narration visuelle baisse d'un cran dans la deuxième moitié du récit. Entre 3 et 4 étoiles.
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Sexe, tome 1 : L'Été du hard

Casey nous offre une histoire atypique avec cet ancien super héros qui n’est plus que l’ombre de lui-même, désemparé et qui, faute d’amis ou de famille, explore comme il peut les pistes pour renouer contact avec la réalité. Ses premiers pas le tournent naturellement vers l’assouvissement de besoins primaires : le sexe. Mais si cet aspect est sans ambiguïtés, l’intrigue est loin de se limiter à cela.
Lien : http://www.bdencre.com/2014/..
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Butcher baker

Il s'agit d'une histoire complète, indépendante de toute autre, initialement parue en 8 épisodes en 2011/2012, écrite par Joe Casey, illustrée et mise en couleurs par Mike Huddlestone.



Dick Cheney (un ex vice président américain) et Jay Leno (un présentateur d'émission télé très célèbre aux États-Unis) se rendent dans l'établissement préféré de Righteous Maker (un superhéros semi retraité dont le costume évoque le drapeau américain). Cheney actionne avec répugnance la poignée (en forme de sexe masculin) de la porte d'entrée. Ils trouvent le superhéros en pleine orgie avec 4 femmes à ses pieds en train de satisfaire ses besoins (qui impliquent l'utilisation de lubrifiant et de gants en latex). Cheney et Leno viennent proposer une mission clandestine à Maker : exécuter tous les supercriminels emprisonnés dans la prison Crazy Keep, pour faire économiser de l'argent au contribuable. Maker s'acquitte de sa mission en pulvérisant la prison. Mais à son insu, une poignée de détenus ont survécu, dont certains plus dangereux que d'autres. Ils veulent tous la peau de Maker. En se rendant à cette prison, Maker a envoyé la voiture d'Arnie B. Willard (un policier) dans le fossé. Celui-ci a juré de retrouver le chauffard et de lui faire payer très cher son écart de conduite. Il va recevoir l'aide de The Absolute, l'évadé le plus mystérieux de Crazy Keep.



C'est un massacre du début à la fin, un outrage aux bonnes moeurs les 2 pieds dans le plat, une bordée ininterrompue de jurons, des jaillissements de stupre et de luxure, des grands coups de poing dans la tronche, des décharges d'énergie destructrice, des silhouettes improbables, des couleurs criardes, un transsexuel, un superhéros sur le retour qui ne fait pas dans la dentelle, un patrouilleur des autoroutes à la dignité bafouée, un énorme camion à l'américaine, des parties de jambes en l'air mémorables, et (dans l'édition en VO) une postface de 30 pages dans laquelle Joe Casey se lâche et se donne à fond. Dans ces 30 pages, il effectue une auto-interview d'une demi douzaine de questions parmi lesquelles celle de savoir si ce récit désinhibé, décomplexé et éhonté constitue un métacommentaire. Il se répond à lui-même par le biais d'un va-te faire bien senti. Si le lecteur n'avait pas compris à la lecture de ces 8 épisodes, c'est clair : il n'y a rien à comprendre, rien à chercher, tout est à apprécier au premier degré. C'est à la fois une grande déclaration d'amour au genre "superhéros", et un grand coup de pied dans les roustes, avec un second degré omniprésent renforcé par une provocation de mauvais goût assumé. Les illustrations de Mike Huddleston complètent et renforcent à merveille cette construction dégénérée, ce cri primal, ce défouloir hors norme.



En reprenant tout ça dans l'ordre, le lecteur peut constater que Joe Casey raconte une histoire primaire de superhéros, pas plus bête que toutes les autres. Le scénario est solidement construit, la logique interne est respectée, il y a des superpouvoirs, la ligne de démarcation entre superhéros et supercriminels est claire, le combat est manichéen à souhait. Les 2 derniers supercriminels à abattre sont les plus retors, il y a même des assistants adolescents (sidekicks) qui sont évoqués, et des costumes moulants colorés aux motifs improbables. Le récit se termine sur une résolution claire et nette. C'est juste qu'il y a une forme franche de promiscuité sexuelle, que la violence est caricaturale et parodique, tout comme les personnages. Casey s'amuse à parodier et à rendre hommage à ses auteurs préférés, Frank Miller et Alan Moore en tête. Si vous restez concentré sans vous laisser déborder par cette déferlante d'énergie bouillonnante, vous pourrez même voir passer un hommage au feuilleton le Prisonnier (avec ce village pour superhéros retraités).



Mike Huddlestone compose des pages tout aussi démesurées que les rebondissements du scénario, tout est permis (ce qui ne veut pas dire qu'il fait n'importe quoi). Pour commencer il y a l'exagération des silhouettes des individus dont Huddlesotne s'amuse à augmenter les proportions musculaire (comme le font régulièrement les dessinateurs de comics de superhéros, mais ici avec un effet volontairement de parodie). Il y a aussi régulièrement cet appendice qui pendouille dans l'ombre, entre les jambes de ces messieurs dans le plus simple appareil, et de cet hermaphrodite si étrange. Huddlestone dessine ses personnages avec des contours fortement encrés, une impression de dessin rapidement exécutés (mais un examen plus détaillé montre de savantes compositions). Il a donné une apparence inoubliable à chaque personnage, Righteous Maker indestructible avec une largeur d'épaule impossible, Arnie B. Willard magnifique avec son gros ventre et sa capacité à conserver sa dignité, Jihad Jones très inquiétant dans sa normalité, The Absolutely exceptionnel dans sa silhouette où tourbillonnent des galaxies multicolores. Il joue avec les registres graphiques d'une page à l'autre : de la case juste crayonnée comme une esquisse, à la case dont chaque forme est rehaussée par les complexes schémas de couleurs appliquées à l'infographie. La démesure règne en maître, chaque mouvement est exagéré pour un impact plus grand, chaque expression est soulignée pour mieux transmettre l'émotion. À plusieurs reprises, Huddleston prend exemple sur le mode d'exagération de Bill Sienkiewicz (en particulier dans Elektra assassin) pour faire glisser certaines composantes de ses dessins vers l'abstraction et pour inclure des symboles ou des stéréotypes visuels pour encore décupler la force des représentations. Cette inspiration prend également la forme d'un hommage appuyé à l'une des couvertures de la série "Elektra assassin", pour la couverture de l'épisode 7.



Dans les 30 pages de postface (uniquement dans l'édition en VO), Joe Casey utilise le même ton exubérant et bourré d'interjections grossières pour décrire son amour des comics, ses premières expériences de lecture de comics, le besoin vital de lire des comics viscéraux, la nécessité de proposer un comics provocateur qui sort des tripes. C'est une étrange lecture qui tient autant du billet d'humeur enflammé, que de la collection d'anecdotes d'un accro aux comics pour la vie.



"Butcher Baker, le redresseur de torts" constitue une expérience de lecture hors norme, libérant une énergie de tous les instants, rappelant qu'un comics de superhéros doit sortir des tripes, doit emmener le lecteur dans un maelstrom d'actions vives, rapides, inventives, décomplexées, pour une expérience intense et sans égale. Le résultat dégage une vitalité hallucinante à ressentir au premier degré, sans autre forme de métacommentaire. Ce comics est un hommage sincère de Casey et Huddleston à tous les créateurs de comics qui les ont rendus dépendants de leur dose d'aventures délirantes de superhéros costumés impossibles et ridicules, accomplissant des actions extraordinaires, tout en déclamant des dialogues kitch, mais toujours avec panache. Tout fan de comics ressentira cette déclaration d'amour au plus profond de son être, vibrera à ces actions d'éclat délirantes et décomplexées. Les autres risquent de n'y voir qu'un ramassis de ce qu'il y a de pire dans les comics, de plus superficiel, de plus débilitant. Dans la postface, il compare ce comics à une version non éditée des comics habituels, espérant que les lecteurs ressentiront ce qu'il à ressenti lorsqu'il a découvert la version non éditée de Les Guerriers de la nuit (Warrior) par rapport à celle éditée (scènes violentes plus courte) pour diffusion sur les chaînes du câble. Joe Casey refuse la tiédeur consensuelle et a décidé d'intituler son prochain projet "Sexe". Une seule certitude : ça ne va pas plaire à tout le monde.
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Sexe, tome 1 : L'Été du hard

Un comics à la couverture graphiquement très réussie. L'histoire est sympathique mais tout cela ressemble à bien des histoires déjà lues ou vues au cinéma. La suite offrira peut-être de nouvelles perspectives au lecteur.
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Sex 2 : Supercool

Le scénario de ce deuxième volume continue [...] sur les mêmes bases que le précédent et c'est une nouvelle fois passionnant et fascinant à la fois !
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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Codeflesh

Avec un pitch comme ça, et le fait que le dessinateur est celui de l'ultra connu Walking Dead, je ne pouvais décemment pas passer à côté.



Je dois dire que j'ai été assez surprise quand j'ai entamé ce titre.

J'veux dire, je m'attendais à quelque chose d'assez péchu et sombre ... mais pas à ce point, j'avoue !

C'est un peu un gros roman noir qui rencontre l'univers des supers-héros.

J'ai eu un peu de mal, du coup, au début. C'était presque dérangeant de le lire, tellement c'est froid, dur, cru et tourmenté.

Les premières pages m'ont laissées perplexe, je n'arrivais pas trop situer l'histoire, j'avais l'impression de plonger dedans en cours de route, d'essayer de rattraper un retard de quelque chose qui a déjà été entamé.

On démarre la lecture avec un combat entre un homme masqué et une sorte de personnage difforme.

Qui sont-ils ? Pourquoi se battent-ils ? Dans quel décors se trouve-t-on ?

Confuse, je vous dis !

Mais ensuite, doucement, le voile se lève, le scénario s'éclaircit, les protagonistes nous deviennent familier, et on se rend réellement compte de ce que l'on a sous les yeux et de sa qualité.



J'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir le coup de crayon de Charlie Adlard (il faut que je lise plus de comics de lui !), et c'est sans étonnement qu'il nous offre une oeuvre superbement travaillée aux visages très expressifs et aux détails réalistes.

Contrairement au dessin chargé et nerveux de son collègue, le scénario de Joe Casey est plus simple, presque épuré, et nous présente, au fond, une histoire assez classique dans un environnement unique et plus atypique.

Celui qui traque les monstres, les moins fiables et les déviants, flirte dangereusement avec la frontière qui le sépare d'eux. Ses intentions sont on ne peut plus louables, mais excusent-elles tout pour autant ?

Le fait d'agir avec un masque, sous une identité secrète, lui facilite grandement les choses (et les tâches administratives), mais il a peut-être plus à perdre qu'à gagner, à agir comme il le fait.

J'aime beaucoup comment la psychologie du personnage est traitées, et même si ses façons de faire peuvent être remises en question, on ne peut s'empêcher de le comprendre et éprouver de l'empathie pour lui.

On est déchirés entre plusieurs avis, plusieurs sentiments. Sûrement autant que Cameron ...



C'est un comic très particulier, très noir avec une grosse ambiance bien pesante, s'occupant autant des scènes d'action que de la psychologie des personnages, qui donne une nouvelle dimension à l'image du héros masqué qui agit pour la justice et qui offre une vision très moderne et réaliste de ce que serait la vie avec des super-vilains.
Lien : http://archessia.over-blog.c..
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Velocity, tome 1

Ce tome contient une histoire complète qui peut s'apprécier même sans rien connaitre au personnage de Velocity. Il contient les 4 épisodes la minisérie, initialement parus en 2010/2011, écrits par Ron Marz, dessinés et encrés par Kenneth Rocafort, avec une mise en couleurs de Sunny Gho. Il contient également l'épisode pilote, initialement paru en 2007, écrit par Joe Casey, dessiné et encré par Kevin Maguire, avec une mise en couleurs de Blond.



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- Decoys (minisérie en 4 épisodes) - Carin Taylor fait partie du groupe de superhéros appelé Cyberforce. Comme les autres membres, son corps a été amélioré par des implants cybernétiques, opération réalisée par une entreprise très opaque appelée Cyberdata qui en plus a mis un microprocesseur dans le crâne pour pouvoir les contrôler à distance (Cyberdata ne peut plus le faire, mais la puce demeure). Alors qu'elle sort d'une séance de cinéma pour un film des années 1930 ou 1940, Carin Taylor est agressé par des êtres robotiques, capturée, emmenée et détenue dans le laboratoire du docteur Erasmus Paine, l'un des scientifiques fondateurs de Cyberdata.



Paine explique à Velocity qu'il lui a injecté un virus déconstructeur et qu'il lui reste une heure à vivre, à elle, mais aussi à ses collègues de Cyberforce à qui il a injecté le même produit. La course contre la montre s'engage.



Peu de temps après la création d'Image Comics en 1992, chaque créateur a fondé son propre studio, une filiale à l'intérieur d'Image. Ainsi Marc Silvestri a fondé Top Cow et a vite confié ses personnages à d'autres créateurs, pour ses 2 séries phare : Witchblade et The Darkness. Il a également fait vivre son label en lançant régulièrement des initiatives appelées Saison Pilote, le principe étant pour plusieurs équipes créatrices de chacune réaliser un épisode d'une nouvelle série, la meilleure bénéficiant d'un développement complet sous forme de minisérie. Parallèlement il a relancé à intervalles espacés Cyberforce : en 1992 la minisérie initiale Tin men of war de Marc Silvestri et Eric Silvestri, en 2005 Cyberforce / Hunter-Killer de Mark Waid & Kenneth Rocafort, en 2006 Cyberforce volume 1 de Ron Marz, Pat Lee, David Wohl et Marc Silvestri.



Cette minisérie consacrée à Velocity fait donc suite à l'épisode Saison Pilote de 2007, inclus en fin de tome. Le scénario a été confié à Ron Marz, scénariste ayant longtemps travaillé avec Top Cow, en particulier sur la série Witchblade, voir par exemple Witchblade Volume 7 avec Stjepan Sejic. Il construit un scénario linéaire et basique : Velocity a une heure pour sauver ses 4 camarades (3 aux États-Unis et une à Venise). Elle a vite fait de trouver où se procurer un antidote, et c'est parti pour une course contre la montre, au sens littéral du terme. En scénariste chevronné, il conçoit son récit pour mettre en valeur les prouesses de l'artiste. Carin Taylor dispose d'un minimum de personnalité : elle aime les films de l'âge d'or du cinéma hollywoodien pour leur caractère intemporel (mais sans précision d'acteur ou de réalisateur). C'est une fonceuse, avec une personnalité enjouée. Le lecteur la prend rapidement en sympathie pour son entrain et son courage. Marz réussit à glisser un moment d'interaction avec Interface, une jeune scientifique de l'agence Hunter-Killer.



Du point de vue de l'intrigue elle-même, Ron Marz conçoit des scènes d'action spectaculaires, ainsi des surprises pour chaque affrontement quand Velocity arrive et qu'elle tombe sur les méchants robots encore à proximité de leur victime. Ça ne vole quand même pas très haut, puisque ce brave docteur Paine a réussi on ne sait comment à faire en sorte de faire injecter son virus à 4 personnes en des endroits différents et au même moment, et qu'il est incapable de conserver Velocity prisonnière pendant ces 60 minutes.



Il est vrai que l'attrait de ce tome réside avant tout dans la prestation de Kenneth Rocafort, plutôt que dans le scénario, ou une éventuelle nostalgie à l'égard d'un personnage de Cyberforce. Ça commence dès la couverture avec cette jeune demoiselle, le postérieur un peu en arrière, en train d'essayer différentes paires de chaussure de course. L'arrière-plan n'est pas très fourni, mais les modèles présentent une grande variété non dénuée d'humour (les tongs, ou les chaussons en forme de patte d'ours). Kenneth Rocafort n'avait pas encore adopté l'usage de lavis, mais Sunny Gho effectue un superbe travail de mise en couleurs. Il en est de même tout du long de ces 4 épisodes, dans lesquels il adopte une teinte vert clair pour le costume de Velocity, avec des éclairs jaunes qui se détachent bien dessus. Il en va de même pour sa chevelure rousse. Gho sculpte discrètement chaque forme avec des ombres portées sous forme de zone légèrement grisée, et des petites variations de nuances dans chaque teinte, aboutissant à des surfaces avec du relief, sans en devenir des montagnes russes.



Tout du long, Kenneth Rocafort représente Carin Taylor comme une jeune femme d'environ 18 ans. Le lecteur apprécie les expressions de son visage : franches, un peu amusées avec une lueur de défi, générant un bon niveau d'empathie chez le lecteur séduit pas ce caractère fonceur. Il l'affuble d'un décolleté plongeant jusqu'au nombril, habituel pour un costume de superhéroïne, pas forcément indispensable. D'un autre côté, Marz rappelle au moins par 2 fois, qu'il ne s'agit pas vraiment de la peau nue de Carin puisque celle-ci a été renforcée par un alliage lui permettant de résister à la friction. De la même manière, l'artiste insiste à quelques reprises (à nouveau rien de choquant pour un comics de superhéros) sur le postérieure de l'héroïne (un peu fort par rapport au reste de sa silhouette) ainsi que sur ses cuisses elles aussi un peu épaisses. Même si ce n'est pas dit, le lecteur comprend qu'il s'agit de faire passer l'idée que cette partie de sa musculature est plus développée du fait de sa capacité à courir très vite.



Le lecteur est happé par la vitalité des dessins de Kenneth Rocafort. Les couleurs vives évoquent des aventures rapides et enlevées. Les dessins montrent une héroïne dans le mouvement, avec une représentation qui ne singe ni celle de Flash (le super coureur de DC) ni celle de Quicksilver (le super coureur de Marvel). D'ailleurs Marz en profite pour se moquer de Flash (Barry Allen et les autres) en faisant dire à Carin Taylor que faire vibrer ses molécules pour passer à travers les murs est aussi impossible qu'idiot. Il apprécie également la manière assez particulière dont Rocafort représente la technologie. Il ne s'attache pas à lui donner une apparence vraisemblable ou réaliste, mais à donner l'impression d'une technologie minutieuse, faite d'assemblage de petits morceaux patiemment imbriqués les uns dans les autres, presque de manière obsessionnelle. Cette approche de la représentation participe à donner une apparence très personnelle à la narration graphique.



En outre Kenneth Rocafort adapte sa mise en page à chaque situation. Le lecteur apprécie que les formes des cases et leur disposition l'une par rapport à l'autre participe à la narration visuelle. Il y a bien sûr des dessins pleine page pour mettre en valeur l'héroïne en pleine course, mais aussi une double page construite sur 16 cases par page, plus un dessin central mordant sur une partie de ces 32 cases. Il peut y avoir une structure de page avec des cases qui rayonnent à partir de la tête d'un personnage, ou encore des trapèzes imbriqués les uns dans les autres pour accentuer l'idée de conséquence d'une case à l'autre. Le tout donne une lecture diversifiée et animée, sans donner l'impression de désordre et pages composées à la va-comme-je-te-pousse.



Cette première histoire rentre dans la catégorie de la sucrerie pour les yeux (eye-candy en VO). L'histoire est assez légère et il ne faut pas y regarder à 2 fois pour sa cohérence, mais elle fournit une intrigue rapide et inventive. Les dessins exsudent un fort pouvoir de séduction, sans être racoleur, grâce à des couleurs agréables, une mise en page vivante, une héroïne sympathique et des visuels spectaculaires. 4 étoiles pour un divertissement léger et vivant.



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- Pilot season - Carin Taylor gagne sa vie en étant coursier excellant dans la rapidité. Elle livre un rein dans un hôpital pour un patient en attente de don d'organe, et en profite pour se faire soigner son épaule. Candy, une aide-soignante, en profite pour lui voler son dossier médical et l'apporte au Professeur Abel qui arrive ainsi à regagner le contrôle de la puce qui est implantée dans son cerveau. Sam (un infirmier) en profite pour draguer Carin. Cette dernière doit trouver comment échapper au contrôle à distance du Professeur avant qu'il ne lui fasse faire des bêtises.



Étrange début, puisque Joe Casey reprend exactement le même que celui de la série Flash Par Mike Baron & Jackson Guice de 1987. Déjà pour cet épisode pilote, le scénariste avait retenu le principe d'une course comme structure de son intrigue. Le lecteur comprend vite que cette dernière est d'une importance toute relative, et qu'il s'agit d'un support pour le scénariste puisse présenter le personnage, vaguement son histoire personnelle, et plus ses capacités. Joe Casey s'acquitte de sa tâche avec professionnalisme et un ton bon enfant. Kevin Maguire, le roi de la moue depuis ses débuts sur Justice League International de Keith Giffen & JM DeMatteis, s'en donne à cœur joie pour des expressions déclenchant un sourire chez le lecteur. Il joue la carte de la parodie légère avec le costume d'infirmière pour Candy. Il réalise des cases où la vitesse de Velocity apparaît bien.



Cet épisode pilote est amusant, bien écrit et bien dessiné, et s'oublie aussi vite qu'on l'a lu. 3 étoiles pour un exercice de style (celui de la présentation d'un personnage) bien exécuté, mais purement de circonstance.
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Sexe, tome 1 : L'Été du hard

Delcourt semble apprécier Joe Casey. Après Codeflesh et Corps de Pierre, tous deux mis en images par Charlie Adlard (le dessinateur de Walking Dead), ainsi que les tomes 4 et 5 de The Haunt (après le passage de relais avec Robert Kirkman, monsieur Walking Dead, tiens tiens), l’éditeur français mise sur la nouvelle série indé du scénariste chez Image : Sexe, probablement bientôt suivie de The Bounce. Tout un programme, en somme.



Joe Casey s’adjoint ici les services de Piotr Kowalski, dessinateur résidant en Belgique et ayant œuvré chez Le Lombard, Vent d’Ouest ou Casterman, avant de s’attaquer au marché américain (Robocop chez Boom ! et Hulk chez Marvel, entre autres).



Ce premier tome, « L’été du Hard », nous promet une saison chaude.



Le héros rappellera fortement (et forcément) Batman : riche milliardaire à la tête d’une industrie le jour, (ancien) super-héros sans pouvoir la nuit, mais également son rapport à la ville corrompue, sa relation avec Shadow Lynx (une Catwoman-like), son ancien acolyte acrobate façon Robin, ses méchants qui évoquent un Joker passé entre les mains de Garth Ennis et le Riddler, son questionnement sur sa vraie identité et quel est au final son vrai masque, sa difficulté à couper les ponts avec son ancienne vie…



Mais on retrouve aussi un peu de Superman : le boyscout (le Saint) coincé du cul, une analogie possible Quinn-Martha, le parangon de la justice intransigeante et de la vertu.



Au jeu des influences, on pense souvent à du Garth Ennis, ou à du Mark Millar et son Wanted, en moins maîtrisé mais parfois plus intello (le côté positif comme celui négatif du terme, d’ailleurs).



Le récit prend son temps avec un début lent, on n’est pas tout de suite plongé dans l’intrigue, si bien qu’il faut s’accrocher un peu, d’autant plus que les dialogues sont parfois indigestes, abscons, hermétique dès que ça touche à la finance, et faussement philosophique, qui tiennent parfois trop de la posture.



Mais tout cela se débloque et gagne en qualité à mesure que les chapitres défilent, même si ceux-ci finissent abruptement, comme si Joe Casey avait pensé ce tome directement en TPB et non en singles et qu’il se retrouvait limité par la vingtaine de pages imposées sans savoir comment les finir.



Quelques dialogues ou séquences s’avèrent de bonne facture, un peu d’humour distillé aux détours de certains dialogues ou certaines situations passe très bien, les flashbacks sont bien intégrés, les trames parallèles bien gérées, les personnages assez humains au final et bien creusés (au moins pour les principaux), et le tout gagne vraiment en ampleur et en intérêt au fur et à mesure que l’histoire se déroule.



Pour la partie graphique, on a le droit à des traits bruts très franco-belges (normal vu le dessinateur) et une colorisation acidulée, qui changent agréablement des comics habituels, mais le côté brut du coup donne un sentiment de dessins pas toujours très précis ou réguliers, où les personnages ne sont pas très détaillés.



Le lettrage se veut innovant, avec notamment un effet de surlignage, bien qu’une incompréhension persiste quant à l’intérêt du surlignage qui change de couleur sans aucune logique.



Contrairement à ce qu’on essaie de nous vendre, le sexe n’est pas l’élément central ni le plus intéressant dans ce récit, même si on y revient régulièrement, parfois de façon qu’on sent forcée, comme un passage obligé, ou pour faire de la provoc’ facile.



Du coup, on peut se demander quelle est vraiment la pertinence de toute cette mise en avant d’un côté soi-disant sulfureux, ainsi que du label érotique de Delcourt (au lieu de Contrebande, la collection habituelle pour les comics) puisque ce récit n’est pas érotique, ni pornographique d’ailleurs. On est juste face un comic clairement adulte, parfois pour public averti.



Une promotion et un marketing qui risquent de faire passer pas mal de lecteurs à côté de ce titre, qui s’il continue dans sa lancée gagnée au fil des chapitres, pourrait s’avérer pourtant très intéressant.
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Vengeance

Il s'agit d'un récit complet en 6 épisodes, initialement parus en 2011, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Nick Dragotta, mis en couleurs par Brad Simpson, avec des couvertures de Gabriele Dell'Otto.



C'est à la fois très simple et très compliqué. La version simple : 2 nouveaux groupes composés de jeunes dotés de superpouvoirs souhaitent se tailler une place sous le soleil de l'univers partagé Marvel : la Teen Brigade et les Young Masters.



La version qui exige un peu plus d'attention : du coté des superhéros, la Teen Brigade est composée d'Ultimate Nullifier, Miss America (America Chavez), Angel (Angel Salvatore), Barnell Bohusk (Beak). Cette équipe bénéficie d'un informateur qui est Larry Young (Jack Truman, ex agent 18) un ex agent du SHIELD leur indiquant où aller récupérer des armes ou des prisonniers devant être neutralisés. C'est ainsi qu'ils libèrent une version adolescente de l'In-Betweener. Du mauvais côté de la loi, il y a les Young Masters (of Evil) composés d'Executionner (Danny Dubois), Egghead, Radioactive Kid, Black Knight et Mako. Premier objectif : s'approprier le cadavre de Bullseye. Mais il y a aussi cette histoire de projet de modification moléculaire sur des êtres humains, mené sous l'autorité du Red Skull (Crâne Rouge, Johann Schmidt) en 1944. Il y a aussi l'intervention d'un autre groupe de superhéros (les Defenders, même si ce nom n'est jamais prononcé), sous l'autorité de Kyle Richmond, comprenant Son of Satan (Daimon Hellstrom), She-Hulk (Jennifer Walters), Nighthawk (Joaquin Pennysworth) et Krang (un atlante). Enfin le parcours de quelques uns de ces personnages va croiser celui de 5 supercriminels majeurs de l'univers partagé Marvel.



Dans la courte postface (1 paragraphe), Tom Brennan (le responsable éditorial) explique que cette curieuse histoire trouve son origine dans un point de départ inhabituel. Gabriele Dell'Otto avait réalisé 6 peintures à l'effigie de Magneto, Bullseye, Doctor Octopus, Loki, Red Skull et Doctor Doom et que Brennan a demandé à Joe Casey une proposition d'histoire lui permettant d'utiliser ces 6 portraits comme couverture de chacun des épisodes.



Joe Casey est aussi bien connu pour ses comics pour Marvel et DC, que pour ses créations plus débridées : X-Men, Wildcats, Butcher Baker, le redresseur de torts, SEX (en VO). Dès les premières séquences, il est visible qu'il a pris un grand plaisir avec les jouets Marvel, pour un récit regorgeant de références obscures, et d'une énergie qui n'appartient qu'à la jeunesse. Il est certain que la forme rebutera les lecteurs occasionnels de l'univers Marvel. D'un côté, Casey s'amuse comme un petit fou à retranscrire l'ébullition propre à la jeunesse, surtout dans l'action, le mouvement et l'instantanéité (il reprend même le dispositif des tweets entre personnage, avec pseudos, qu'il avait auparavant utilisé dans Final Crisis aftermath - Dance en VO). D'entrée de jeu, il insuffle un rythme narratif très soutenu, avec une première page consacré à un personnage non identifié prenant un verre dans un bar, puis une double page dans une discothèque avec des tweets de personnages non identifiés, puis une page consacrée à un entretien sibyllin entre Red Skull et Adolph Hitler, et enfin une séquence (relativement) longue (4 pages d'affilée) relatant une intervention de Miss America. Autant dire que l'attention du lecteur est fortement sollicitée pour enregistrer les informations au fur et à mesure, sous une forme loin d'être prémâchée. Évidemment, la compréhension du récit s'améliore petit à petit, dans la mesure où le lecteur finit par discerner les personnages principaux et les retrouver d'une séquence à une autre.



En fonction du lecteur, cette forme de narration pour le rebuter, ou au contraire il pourra le voir comme une transposition habile d'un quotidien dans lequel l'individu est sans cesse abreuvé de flux continus et denses d'informations. Deuxième caractéristique prononcée de la narration : les références très pointues à l'univers partagé Marvel. À l'évidence, ce dispositif destine cette histoire à des férus de cet univers. Il suffit de prendre comme exemple une conversation entre 3 personnages dans un bar dans l'épisode 4. Il s'agit de Kyle Richmond (premier Nighthawk du nom, membre fondateur du Squadron Supreme, et membre historique des Defenders), de Joaquin Pennysworth (cinquième individu à avoir endossé le costume de Nighthawk), et de Larry Truman, un agent du SHIELD apparu une seule fois dans l'épisode 60 de la série "Cable" en novembre 1998. Rien que l'identité de ces individus fait comprendre qu'il s'agit d'un récit pour connaisseurs. Alors qu'ils échangent quelques paroles, ils évoquent un technique tibétaine de permutation d'esprit (qui évoque un tour de passe-passe réalisé par Elektra dans Elektra, assassin), la transplantation d'esprit (épreuve subie par Kyle Richmond dans la série Defenders), la division ExTechOp du SHIELD (toujours dans "Elektra assassin"), et une version encore plus obscure de Deathlok. Il est facile de comprendre que pour un lecteur occasionnel, ou même simplement régulier de comics Marvel, ces propos plein de sous-entendus finissent par agacer, à ce point abscons qu'ils s'apparentent à un amphigouri.



Pour le lecteur chevronné de l'univers Marvel, il s'immerge dans un environnement d'une richesse inouïe, où l'auteur lui rappelle des souvenirs à moitié oubliés, des recoins rarement visités, des facettes laissées de côté. Chaque épisode regorge de ces éléments piochés à toutes les époques de l'histoire de Marvel, depuis l'époque des monstres avant l'avènement des superhéros (Tiboro - la Screaming Idol - contre laquelle se bat Miss America évoque les monstres créés par Steve Ditko et Jack Kirby) aux créations plus récentes (Lady Bullseye ou Kid Loki en VO), en passant par des personnages perdus de vue (Kristoff Vernard). Attention, Joe Casey ne fait pas dans le superficiel, il va chercher des personnages ayant marqué différentes générations de lecteurs, de Beak & Angel (nouveaux personnages apparus dans les épisodes des New X-Men de Grant Morrison) à l'In-Betweener (personnage créé par Jim Starlin et apparu pour la première fois dans la série mythique consacrée à Adam Warlock). Plus fort encore, il est aussi bien capable de retrouver le ton juste pour l'apparition de Lady Bullseye (telle que mise en scène par Ed Brubaker dans ses épisodes de Daredevil), que la dimension métaphysique d'In-Betweener, ou encore le caractère franchement inquiétant du Fils de Satan. C'est du grand art.



Pour mettre en images ces aventures référentielles, Joe Casey peut se reposer sur Nick Dragotta (dessinateur de la série East of West de Jonathan Hickman), dans une veine réaliste simplifiée. Dragotta sait rendre compte de la vitalité et de l'énergie, mais aussi de la morgue et de l'assurance de tous ces jeunes, chacun avec un registre de langage corporel qui lui est propre. Ultimate Nullifier (un nom emprunté par dérision à une arme ultime employée par Reed Richards contre Galactus) se tient comme un chef né, dégageant à la fois charisme et autorité, Miss America se conduit comme une personne invulnérable n'éprouvant aucun doute sur le fait qu'elle peut triompher de toute épreuve physique. Dragotta en fait une jeune femme pleine d'assurance, très séduisante avec un large décolleté, impossible à réduire à un objet sexuel tellement elle pulvérise ses ennemis (en particulier sur le monde de Screaming Idol). Ainsi chaque personnage dispose de sa morphologie propre, de sa coupe de cheveux stylée ou pleine de gel. Black Knight est une frêle jeune femme, avec un goût des plus douteux en termes de chic vestimentaire.



Dragotta réussit un mélange improbable de premier degré et de dérision pour les conventions superhéroïques. En prenant Daimon Hellstrom comme exemple, il est à la fois inquiétant lorsque la moitié de son visage se recouvre de symboles cabalistiques sur fond d'espace infini, signifiant sans ambigüité sa connexion avec des dimensions inhospitalières. Il est à la fois ridicule avec son casque idiot (avec des cornes) et son costume moulant rouge pourvu d'une grande cape. À la fois Dragotta semble dire au lecteur qu'il ne faut pas prendre ces gugusses au sérieux, mais aussi il reste premier degré dans sa façon de dépeindre leurs exploits, le déploiement de leur force physique, etc. À la fois, il n'a pas la prétention de faire croire à une réalité plausible (le lecteur est bien face à des concepts merveilleux et fantastique totalement imaginaires, à destination des enfants petits et grands), à la fois il présente des visions d'une grande cohérence entre elles formant un monde logique. Régulièrement Dragotta épate le lecteur par une mise en page inventive et pertinente à commencer par les lumières de la discothèque jusqu'à la représentation conceptuelle de l'In-Betweener et de la notion qu'il incarne, en passant par les couloirs monumentaux du QG d'Hitler ou la progression irrésistible de Tiboro.



"Vengeance" est une ode à la jeunesse prenant pied dans le monde des adultes et se faisant sa place avec la fougue qui lui est propre. C'est un récit étendant ses racines très loin dans l'histoire et la mythologie de l'univers partagé Marvel, au point d'en devenir un met raffiné pour le lecteur baignant dans ces références, et une histoire absconse et vaine pour le lecteur de passage. C'est un récit conceptuel sur l'entrée dans la vie active, racontée en respectant toutes les conventions les plus absurdes des récits de superhéros, une gageure aussi idiote que réussie, aussi absurde que signifiante, un véritable paradoxe. Joe Casey et Nick Dragotta parlent avec éloquence d'un âge de la vie, dans un langage compréhensible de quelques initiés.
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— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie

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