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Citations de John Haines (48)


Pour qui vit dans la neige et l'observe jour après jour, elle se lit à livre ouvert.
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Je prends la route en sens inverse, vers Banner Creek, je m'enfonce dans les ténèbres éclaircies de neige. Sous la lueur des étoiles, la neige étincelle faiblement. La crête ombreuse et boisée de Richardson Hill s'élève derrière moi. Mes mocassins font doucement crisser la neige sur le bord de la route. Il n'y a pas d'autre son dans la nuit. Rien, pas même le vent.
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Tandis que je le regarde et l'écoute former ses phrases à tâtons, je me rappelle qu'il a toujours été un homme pacifique. Et sans motif, parce que nous avons mis la conversation sur les bois, il me dit :
— Lorsque je coupe du bois, je cherche toujours un arbre déjà blessé, un arbre qui va un peu de travers. J'aime pas couper un arbre sain. Je me dis que peut-être ils ont des sensations, tout comme nous.
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Tandis que je reste là, rafraîchi par le silence et la nuit proche, je me dis que cette vie est la bonne.
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Parcourues de jour en jour, de saison en saison, ces pistes finirent par constituer à leur façon une partie de ma concession, une extension de mon territoire. Tout comme je m’attendais à voir tomber les feuilles en automne, je guettais ces lieux incontournables où faire une pause pendant le trajet, où contempler les collines, où traquer un élan. Clairières de prédilection, branches jetées à terre par le vent, fourrés où cueillir myrtilles et airelles. Tout ce qu’on trouvait le long des pistes avait son utilité : un bout de bois sec pour démarrer le feu, un bouleau mort pour l’écorce qui le maintenait droit, un tas de feuilles sèches sous les trembles où récolter des champignons à la fin de l’été. En un rien de temps, les pistes acquirent chacune leur légende, faite de prises passées et d’autres évènements mémorables : ici, un ours s’était arrêté pour manger au début de l’été ; là, à l’automne dernier, un élan mâle avait coupé les branches d’un jeune épicéa en y frottant ses bois.
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Eteignez toutes les lumières d’une ville, et voyez combien la vie se hâte de retourner aux ombres, à quelle vitesse la crainte ancestrale nous revient des arbres sans lumière et des porches silencieux, tandis que la nuit s’emplit une fois de plus de mufles et de chuchotements, d’ailes râpeuses et de corps pesants qui se heurtent.
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Il n’y avait pas moyen de les suivre du regard dans cette lumière vacillante. A peine en avais-je isolé une sur le fond du ciel qu’elle virevoltait pour aller s’enfoncer dans l’obscurité touffue du bois. Les chauve-souris suivaient une trajectoire spasmodique étrange qui rappelait le vol des papillons, mais en plus rapide et vigoureux. C’était comme si l’atmosphère tranquille et vespérale où elles évoluaient cédait soudain à un coup de vent brusque qui se serait emparé d’elles pour les rejeter sur le côté. Comme si elles étaient soudain arrêtées dans leur vol par une ficelle invisible qui les arrachait d’une secousse à leur parcours.
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Dans cette existence sauvage, j’ai trouvé un moyen de rentrer de nouveau en contact avec le monde. Un moyen unique. Vivre la vie qui m’attend ici, la vivre pleinement, et me passer de l’autre, celle réglée sur les horloges, les heures, le salaire. Chaque jour, je revis l’espérance du chasseur : le départ et la piste à l’aube. Que trouverons-nous aujourd’hui ?
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La pêche et la chasse, les baies sauvages, les pièges, le bois pour le feu et la nourriture, tout cela nous est offert par ce pays. Une fourrure de martre est ravissante quand on la regarde à la lumière en la tournant pour la mettre en valeur. Et la viande d’élan est un bienfait, elle nous repaît et nous réchauffe, je n’ai pas à l’acheter chez un boucher. Mais il m’est impossible de piéger et de tuer sans pensée ni émotion, et il se peut que chaque mise à mort m’inflige à moi aussi une blessure légère, peut-être fatale. La vie ici se partage entre le soleil et le givre, entre le sang vif et la sève des choses, entre leur déchéance et leur mort soudaine.
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Que fait un homme dans un lieu comme celui-ci, si loin et si désert ? Pour commencer, il observe le climat : les étoiles, la neige, le feu. Ce sont les livres qu’il lit la plupart du temps. Et tout ce qu’il fait – du moment où il apporte du petit bois et des seaux de neige à celui où il jette les eaux usées - l’oblige à se tenir sous le ciel nu, loin de ses murs, hors des livres écrits par les hommes, à l’abri de ses pensées pendant un moment. Tandis que je reste là, rafraîchi par le silence et la nuit proche, je me dis que cette vie est la bonne.
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Je passe un pantalon de laine épaisse sur mes sous-vêtements, puis deux chemises de laine. Sur le pantalon de laine, j’en porte parfois un second, de coton léger, pour servir de pare-vent ou me protéger de la neige. J’enfile des chaussettes : trois paires en laine et celle du dessus en feutre. Deux paires de semelles intérieures, et enfin les mocassins en cuir. Je noue les lacets montants. Ces chaussures tiennent le pied sans me serrer, molles et légères. Je les ai confectionnées il y a six ans avec la peau d’un grand élan et, si elles se sont usées depuis, elles demeurent les meilleures que je possède.
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Qui sont ceux qui viennent là, dans cette blancheur, ce lieu distant et glacé, en quête de ce qu’ils ne peuvent nommer ? Non pas l’or, sans doute, mais une fortune spirituelle, une fraîcheur qui leur est déniée là d’où ils viennent.
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Parfois, dans ce monde appauvri, nous reviennent les rêves d’abondance des vieux trappeurs. Une contrée prospère, riche en gibier, en poisson, en fourrure, généreuse comme aux temps jadis. Des ours, des élans et des caribous. Des bois regorgeant de lapins, de martres courant un peu partout, faisant sur la neige des traces jumelles dessinant leur parcours sous les sombres épicéas. Et l’empreinte attentive, une patte devant l’autre, des lynx qui suivent leur chemin sans jamais se hâter. Les castors dans l’étang, un autour qui hante les fourrés à la fin de l’hiver tel un spectre ravageur, et de temps à autre la vague menace d’un loup en maraude.
Tout ceci, ou son ombre intermittente : une région moribonde, et rien à voir sur la neige. La famine, et le grand rêve qui s’éloigne.
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S’il était possible de quantifier la vie dans les bois, ou d’en mesurer simplement l’efficacité au regard des nombreuses satisfactions qu’elle procure, ma vie ne fut jamais un grand succès, mais elle dépendait de la présence d’animaux et du temps que j’étais prêt à consacrer à la traque. Par un hiver faste, je me souviens d’avoir pris vingt martres, deux lynx et un ou deux renards. Je reçus moins de trois cents dollars pour le tout. A l’époque c’était pour nous une grosse somme, environ les deux tiers de nos revenus annuels. A l’heure où j’écris ces mots, je sens bien, là encore, à quel point nous vivions de peu et combien ce peu pouvait s’avérer crucial.
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John Haines
Pendant un temps, je retournai au monde des villes et des citadins, des livres et des écoles : une autre partie de la forêt, qui possédait aussi ses pièges et ses leurres.
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Pour qui vit dans la neige et l'observe jour après jour, elle se lit à livre ouvert. Les pages se tournent au souffle du vent. Le même texte s'écrit là depuis des milliers d'années...
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Il arrive que le monde vous déçoive, que la Bourse s’effondre, que la circulation automobile s’arrête : il suffit alors d’une hache bien en main, d’un fusil, d’un filet, de quelques pièges… et la vie continue, debout et à l’ancienne.
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Mais il m'est impossible de piéger et de tuer sans pensée ni émotion, et il se peut que chaque mise à mort m'inflige à moi aussi une blessure légère, peut-être fatale. La vie ici se partage entre soleil et le givre, entre sang vif et la sève des choses, entre leur déchéance et leur mort soudaine.
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C'était un automne dur, à bien des égards l'année la plus dure et la plus misérable que j'ai passée dans le Nord. Mais ce temps et ces efforts en valaient la peine, car la cabane est toujours là, chaude et confortable. Peu m'importe de savoir combien de temps elle résistera, car elle nous semblera toujours neuve, et il nous paraîtra toujours étrange de la retrouver tout d'un coup au terme d'une longue marche dans ces lointaines collines, en sachant que c'est nous qui l'avons bâtie.
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Que fait un homme dans un lieu comme celui-ci, si loin et si désert ? Pour commencer, il observe le climat : les étoiles, la neige, le feu. Ce sont les livres qu'il lit la plupart du temps.
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