Comment mieux connaître les émotions, les sentiments, les sensations, en un mot, la vie, d'une minorité persécutée, qu'en se mettant dans la peau de l'un de ses membres ?
C'est l'expérience incroyable et véritable qu'a tenté John Howard Griffin. Journaliste et écrivain américain, il a foncé sa peau à l'aide d'UV et d'un traitement médicamenteux et a passé six semaines loin de ses proches « dans la peau d'un noir » en pleine ségrégation raciale. Il nous livre son expérience au jour le jour, grâce à son journal intime.
Si vous pensiez bien connaître ce pan de l'histoire des États-Unis, vous vous trompiez : Griffin vous en dévoilera les détails les plus sombres et les plus sordides, mais aussi toutes les subtilités, dans une description réaliste et honnête et d'un point de vue, celui d'un blanc devenu noir, jamais exploité.
Le récit se situe en 1959 et J.H. Griffin décide de séjourner dans différentes villes du Sud parmi les plus racistes des États-Unis. Très courageux ou légèrement inconscient, le journaliste teste volontairement des situations ordinaires mais pourtant périlleuses : il voyage beaucoup, de jour comme de nuit, en car ou en stop, à la merci des conducteurs. C'est ainsi qu'il rencontre la faune locale, composé de spécimens hétéroclites. Il y a le pervers curieux que Griffin rencontre régulièrement la nuit : sous prétexte de l'obscurité, il oublie toute notion de pudeur pour questionner avec avidité un représentant noir sur sa vie sexuelle. Il y a le conservateur haineux qui clame son habitude de coucher avec ses employées noires et de « donner une leçon » aux noirs indociles. Mais il y aussi le progressiste, cordial, qui discute avec Griffin d'égal à égal. Et encore d'autres cas…
John Howard Griffin nous parle, dans une langue révoltée mais subtile et honnête, fine mais concrète, de la difficulté de satisfaire des besoins les plus simples pour un afro-américain de cette époque, quand trouver un endroit où boire, où aller aux toilettes, où se restaurer, où dormir, se transforme en véritable parcours du combattant au quotidien. Il nous parle de la soif, de la gêne, de la peur, de la solitude qu'il a ressenti, mais aussi de la solidarité des afro-américains entre eux ou encore de l'« oeil haineux » croisé chez certains blancs. En perte de repères, éloigné de ses proches et investit corps et âme dans son projet, Griffin en vient même parfois à douter de son identité…
Une expérience édifiante.
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