Je dois bien avouer que mon dessein n'était pas des plus honorables : penser qu'il suffisait de mettre les petits plats dans les grands pour gagner les faveurs de sa copine me semblait un brin présomptueux. Avec la poisse pour seconde nature, j'allais sûrement être percé à jour bien avant le dessert. Ce qui m'aurait valu, à coup sûr, d'être ignoré le reste de la soirée par une Lola ravie de m'avoir vu me prendre les pieds dans le plat. C'était sans compter qu'une femme pouvait passer à table d'une tout autre manière.
Mes souvenirs d’enfance prenaient un coup de vieux, à tel point que je faisais partie de cette génération dont la musique s’enroulait sur la bobine d’un baladeur cassettes.
À cette époque, les plus petits d’entre nous frissonnaient devant la pâle copie d’une VHS que tout le monde se procurait au seul vidéoclub accessible. On téléphonait à notre amoureuse sur un cadran téléphonique, contraint de partager la conversation avec nos parents, par la faute d’un fil en accordéon toujours trop court. On avait encore le courage d’écrire une lettre à la main, et il y avait encore des icônes susceptibles d’émerger et de perdurer à travers les siècles.
Parce qu’on a tous un Lucien dans notre vie : vous savez, cet homme profitant de son grand âge pour opérer en toute tranquillité. L’athlète qui sommeillait en lui, par le passé, lui avait valu bien des médailles. Ce n’était pas un simple sportif se faisant gonfler les bras dans une salle de sport, se regardant dans le miroir pour tenter d’apercevoir si une jolie fille contemplait ses muscles avec fascination.
Depuis tout petit, je trimballais mon cartable à soucis sur le dos. Le ciel, pour tromper l’ennui, avait dû laisser la foudre s’abattre sur mon cas en pensant que cela allait l’amuser. Tout avait commencé à ma naissance : je m’étais présenté à ma mère par l’arrière-train. J’avais dû rester indécis quant à savoir si ma tête avait envie de voir le monde avant tout autre chose.
Lola adorait lire. Elle appréciait tout autant un coucher de soleil écrit à la main que se perdre dans des descriptions à n'en plus finir, où monter un escalier prendrait trois pages avant de pouvoir enfin poser un pied à l'étage. Dans un monde où tout va trop vite, les livres réussissaient à faire patienter même les plus impatients.