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Critiques de Jordan Tannahill (16)
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Infrason

Comment réagiriez-vous si votre vie était perturbée par un bourdonnement continuel ?

Comment une chose aussi bénigne, aussi inoffensive, a pu mettre des vies sens dessus dessous ?

Moi qui souffre d'acouphènes, je compatis. Mais j'ai l'avantage de savoir l'origine contrairement à Claire, l'héroïne du roman de Jordan Tannahill « Infrason ».

Cette professeure de littérature dans un lycée coule une existence paisible, dans sa résidence pavillonnaire, auprès de ses amours Paul, son mari et Ashley, leur fille adolescente.

Un soir, au coucher, Claire entend « Le Bourdonnement », elle fait le tour de la maison pour en trouver la source. Elle interroge les autres membres de sa famille, mais il semble qu'elle soit la seule à entendre ce bruit.

Elle sort dans le quartier, sans plus trouver la cause. Et plus elle se concentre, plus il s'intensifie. Et ce bruit ne la quittera plus, provoquant insomnies, migraines, saignements de nez, l'étonnement et l'incompréhension de ses proches.

De plus en plus minée par cette nuisance, elle se confie à ses élèves pour savoir si d'autres personnes perçoivent ce son. Dans un premier temps, c'est une réponse négative unanime. Mais un jour à la fin d'un cours l'un deux, Kyle, jeune homme solitaire, sensible, aux dispositions intellectuelles supérieures, lui confie entendre, également, le bourdonnement et aussi la mère d'un de ses camarades. Bientôt Claire et Kyle se retrouvent le soir pour sillonner en voiture la région à la recherche de la source d'émission et leur complicité, mal perçue, provoque le renvoi de Claire du lycée.

Bientôt, un petit groupe des victimes se forme et une réunion est prévue à l'initiative d'un géophysicien à la retraite, le docteur Howard Bard et sa jeune compagne Jo, professeur de Yoga. Ils donnent une explication naturelle au phénomène : la Résonance de Schumann et déclarent pouvoir en tirer bénéfice par la concentration et la synchronisation mutuelle et arriver à une sensation proche de l'orgasme.

Seulement, ces réunions, de plus en plus fréquentes, inquiètent les proches des participants. Et le passé sulfureux du Docteur ne prône pas en sa faveur. Les membres de ce groupe ne sont-ils pas manipulés ? Participent-ils de leur plein gré à ses rassemblements ?

Ce roman est une fine analyse du comportement humain en général et du traitement de l'information. Il nous interpelle sur la fragilité des rapports, l'égoïsme, les aprioris. Mais aussi sur l'intransigeance, le cloisonnement de la pensée, l'embrigadement, l'endoctrinement, mais également sur des fléaux très actuel, la désinformation et les théories du complot.

Bâti comme un simili thriller, ce livre nous garde en haleine jusqu'à son terme. Nous n'en sortons pas indemnes et nous donne envie d'en savoir plus sur le sujet, entre nuisances d'origine naturelle tel la Résonance de Schumann (ondes électromagnétiques de très basses fréquences appartenant au champ électromagnétique de la Terre, elles se propagent dans la cavité formée par la surface de la terre et l'ionosphère, c'est pour cette raison que l'on parle de résonance. Les éclairs sont sa principale source). le champ magnétique fait partie des choses discrètes entrant en interaction avec la vie humaine, exerçant une influence réelle sur nos comportements. Par exemple, il est avéré que les spationautes, lors de leur voyage dans l'espace souffrant de certains symptômes tels que maux de tête et malaises appelés « mal de l'espace ». Mais parait-il, les résonances géomagnétiques peuvent favoriser une santé optimale par certaines pratiques, contempler la nature et s'y promener, respirer à plein poumon, mais aussi pratiquer la méditation de pleine conscience et de la gratitude et de la bienveillance aimante (c'est ce que le petit groupe dans le roman cherche à réaliser et qui le discréditera auprès de l'opinion). Mais ces nuisances peuvent, bien souvent, provenir de causes matérielles telles les éoliennes, lignes à haute tension ou autres bruits industriels et les témoignages sur internet sont nombreux de groupes de personnes souffrant de mal-être et de malaises dues à ces pollutions sonores.

On pourrait dire beaucoup plus sur le sujet, n'hésitez pas à vous procurer ce roman pour vous faire votre idée.

Sincères remerciements aux Éditons du Seuil pour cette lecture.

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Liminal

Je ne sais jamais quoi dire quand on me demande mon type de romans parce que mon dada, ce sont les romans chelous, dérangeants et s’ils parlent de mort, alors là c’est la cerise sur le gâteau. Bref, impossible de quitter la discussion sans avoir été cataloguée sociopathe - et c’est bien regrettable mais ce n’est pas le sujet du jour.



Comme j’ai -par dessus le marché- un sens du timing désastreux, aujourd’hui, à la veille de la fête des mères, je ne vais pas seulement vous parler d’un ouvrage qui parle de la mort mais… d’un ouvrage qui (se) raconte la mort d'une mère. C’est plus précisément Jordan Tannahill qui dissèque cette fraction de secondes où il comprend qu’elle est morte, cet entre-deux où son esprit appréhende la présence-absence de sa mère.



Et ce qui est merveilleux, c’est qu’il le fait en convoquant la philo, les maths et la physique quantique de façon tout à fait pédagogique : le chat de Schrödinger, le fonctionnement d’un champignon parasite, l’extase de sainte Thérèse d’Avila… Chaque chapitre digresse sur un sujet a priori sans aucun lien avant de revenir, dans une habile construction, à cet intervalle où tout s’est joué pour son double fictif, à cet état de découverte, par nature évanescent pour en expliciter les différentes strates. On n’est donc pas uniquement face à une autofiction sur le deuil et le rapport mère/fils (très touchant au passage), on est aussi face à une superbe réflexion sur notre rapport au corps et à la mort.



J'ajoute que ce n’est pas un roman qui vous fera déprimer mais au contraire savourer ce qu'il vous reste à vivre. Si les dernières pages m’ont arraché quelques larmes, c’est uniquement parce qu’elles m’ont rappelé un de mes livres doudous qui recense toutes les belles choses du quotidien qu’il faut savourer tant qu’elles sont encore là : Le sel de la vie de Françoise Héritier. Des bonnes larmes donc. Et un immense coup de coeur à l'arrivée. Foncez !
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Liminal

Jordan Tannahill, l’auteur qui monte, en particulier à Toronto où il a une galerie « Videofag », dans Augusta Avenue, coincée entre un « Egg Bae » avec des caractères chinois et une maison à la devanture de toutes les couleurs. A souligner que le suffixe « fag » correspond à une appellation homophobe. Bien entendu, ce n’est pas cela qui fait de la bonne littérature, mais c’est encore central, près de Dundas Street W et du grand Toronto Western Hospital, juste au nord de Chinatown et en face de Little Italy.

Donc, Jordan Tannahill est né et a grandi à Ottawa. Il est venu à Toronto à l’âge de 18 ans où il commence à travailler. Des petits boulots qui lui permettent de rencontrer toute une faune spécifique de travailleurs à temps partiel, de nuit, ou bien de chez le fabuleux « Honest Ed’s », malheureusement fermé il y a 2 ou 3 ans. Gigantesque magasin de près de 2 hectares, quasi un bloc, au coin de Bloor et Bathurst, où l’enseigne gigantesque (23 000 ampoules) vantait que l’on y trouvait de tout (et c’est vrai), de l’occasion aux produits presque neufs, et le tout à des prix défiants toute concurrence. Les vendeurs y étaient d’ailleurs issus de la même source (du presque neuf). C’était avant le quasi esclavage des McDonalds. C’est aussi un quartier très engagé sur la culture LGBTQ, où se déroule la Gay Pride fin juin, sur Bloor et Dundas. L’œuvre de Jordan Tannahill y fait donc fréquemment référence, lui-même ne cachant pas son attirance pour le coté queer. Il ouvre donc sa boutique, reprise à un ancien barbier-coiffeur, profitant de la proximité de Kensington Market, lieu de perdition, avec ses petites boutiques locales, inclues plusieurs fromageries, très animées. La galerie devient vite un lieu de contre-culture important à Toronto. Elle est actuellement fermée. Il monte la pièce de Sheila Heti « All Our Happy Days Are Stupid» (2015, McSweeney's Publishing, 128p.), alors que le script datait déjà de près de 10 ans. Le script a été réutilisé par l’auteur dans « How Should a Person Be ? » traduit par Stéphane Roques en « Comment Etre Quelqu’un » (2014, L’Olivier, 288 p.).

« Liminal » (2018, Anansi Press, 284 p.) est le premier livre de Jordan Tannahill, qui vient d’être traduit par Melissa Verreault (2019, La Peuplade, 440p.). La différence de pages s’explique (peu) par une liste de références et la catalogue de La Peuplade. On se rend vite compte de la traduction lors d’expressions typiquement québecoises. Les lampes DEL par exemple pour les lampes led, le « Nuage » qui désigne le cloud de Microsoft, ou les « fuck » ou « fucking » qui interviennent à tout bout de champ. Il faut dire que c’est mieux que les « hostie » ou « tabernacle. Sa sortie a été fort bien accueillie au Canada, où on l’a comparé à Ben Lerner et Rachel Cusk. Le premier a été introduit et traduit en français par Jakuta Alikavazovic avec son premier roman « Au Départ d’Atocha » (2014, L’Olivier, 208 p.). Une espèce de train-movie en Espagne, avec en fond de tableau la fusillade de la gare d’Atocha à Madrid. La seconde écrit sur le mariage et la séparation comme dans « Contrecoup » (2014, Points Seuil, 192 p.). Un titre, tout d’abord, qui se détache en lettre blanches sur la couverture. « Liminal : Qui est au niveau du seuil de la perception ». Tout commence un matin du samedi 21 janvier 2017. Sa mère ne s'est pas réveillée à l'heure habituelle. Son fils la regarde sans trop comprendre. Est-elle vivante, est-elle morte ? « Tandis que je me tiens ici […], toi dans ton lit, moi dans l'embrasure de la porte, dans un moment de contemplation, quelque chose - peut-être toute chose - est dévoilé. Et je deviens dé-fixé. Mais je ne comprends pas encore ». Le moment est véritablement liminal. « Je suis dans le moment entre la conscience et la compréhension. L'intervalle entre la main qui touche l'eau bouillante et la douleur de la brûlure. Entre sens et sensation ». C’est par la suite, tout au long des 400 pages la relation d’un fils à sa mère. La vision réciproque de chacun, avec des recours à la philosophie, la physique, les mathématiques et à la création artistique. « C’est comme se faire dire qu’on pourrait sauver ta mère en remplaçant son cerveau ». On retrouve alors les délires scientifiques d’Elon Musk, non cité, sur les connections cerveau-ordinateur.

L’auteur présuppose dans une interview qu’il y a deux écoles de pensée qui gouvernent le monde. La première est qu’il y a une vie après la mort, et donc que toutes nos actions se poursuivront dans l’au-delà. L’autre est que l’on vit ici et maintenant, dans le monde matériel de la nature et de notre corps. Il se place dans ce second paradigme. Il est vrai que la mort est présente tout au long du livre. Cela va de l’attentat de Nice en 2016, à la montée des mouvements fascistes et populistes, à Donald Trump et au Brexit. Cela débute dans les montagnes de Bulgarie pour s’enchainer sur une table d’opération à Mexico, et bien entendu sur son expérience de mélange d’art et de vie de tous les jours à Kensington Market. Il y a entre autres, des séquence où la dénommée Gia Bachmann squatte l’endroit. Elle a déjà une bonne soixantaine d’interventions de chirurgie (esthétique ou non) derrière elle. « Elle voulait avoir l’air fausse ». « A la suite d’une procédure de trop, le visage est étiré et les coins de la bouche sont relevés dans une sorte de léger sourire permanent, comme Joker dans Batman ». Un peu plus loin, cela se poursuivra en séquence vidéos sur les murs et vélo d’appartement. Le tout avant la fameuse opération de castration « in vivo » au Mexique. Entre temps il y aura la crise des migrants, la Syrie et ses massacres, et bien sûr le Sida. C’est un peu la vie de ces milléniaux, génération qui a vu le jour avec le XXIeme siècle pour lesquels les subdivisions temps/espace, ou esprit/corps, n’ont plus lieu, un peu à la façon du principe de superposition à la Schrödinger (et de son chat).

Le livre s’ouvre sur la marche des femmes à Ottawa. Il est 11 :03 :45 ce 21 janvier. Initialement prévue pour soutenir une manifestation organisée à Washington protestant contre l’élection de Donald Trump, la marche en est actuellement à sa troisième année consécutive en 2019. Le narrateur, qui se nomme également Jordan, rend visite à sa mère, Monica. D’où l’interprétation liminale de la relation entre les deux êtres. Cela d’autant plus que la mère est une scientifique, travaillant sur l’intelligence artificielle et le projet NEST, petite simulation d’un réseau neuronal, à l’Université de Carleton (Ottawa), croyante et pratiquante, alors que Jordan est athée et artiste. Ce qui vaudra des discussions passionnées entre la mère et le fils sur la physique quantique. Ou sur son interrogation quant à la sexualité de son fils. Pratiquante sporadique du yoga, qui ira jusqu’à cette scène où la mère en larmes quitte le fils, persuadée d’avoir engendré un monstre en pervers. « J’ai commencé à faire une fixation sur l’idée que j’étais génétiquement prédestiné à être soit un perdant, soit un pervers ».

Donc on assiste au non-réveil de Monica, féministe de 58 ans, « mère monoparentale. Survivante d’un cancer de sein. Membre d’un club de lecture. Inconditionnelle de la radio de CBC. Abonnée du magazine Maclean’s. Chrétienne aux tendances New Age. Humaniste. Membre du parti libéral. Force gravitationnelle d’une petite galaxie d’amies. Dure à cuire proclamée ». Un « premier accident ischémique transitoire (AIT) dans son lobe pariétal gauche, la partie du cerveau qui réconcilie le sentiment de soi d’une personne avec son corps ». Jordan, le fils et narrateur était à Londres et revient d’urgence au Canada. On retrouve cet épisode dans « Declarations ».

Des androïdes aux sex-clubs, on trouve presque de tout dans « Liminal », comme cette séquence « le soir de la première de Giselle [où] le danseur qui jouait le duc Albrecht est entré avec un godemiché mauve géant dans son cul ». D’ailleurs « le spectacle s’est terminé avec Giselle soufflant dans son vagin avec un cor français ». Voilà qui décoiffe, et est qualifié par les critiques « du plus extraordinaire acte de terrorisme artistique dans l’histoire de la danse canadienne ». Et l’on s’étonne que les mêmes critiques voient en Jordan Tannahill « un enfant terrible ». Il y aura aussi ces deux séquences de l’extase mystique de Sainte Thérèse d’Avila avec la fameuse statue du Bernin, par ailleurs dénommé Le Bernin ou Gian Lorenzo Bernini selon l’endroit du livre. Selon l’endroit et les personnes accompagnatrices, dont, avec l’ineffable Gia « une Thérèse travelo et chirurgicalisée ». On a droit aussi aux quatorze émotions d’Aristote. « Les sensations sont des choses dont on est conscient, on les sent se produire à l’intérieur de nous, monter à la surface, tandis que les émotions… ».

Dans le dernier tiers de « Liminal » on découvre Asai Koichi, qui dirige une troupe théâtrale japonaise, dont Emily, un robot androïde féminin. La séquence commence par des extraits de courriels, ce qui augure d’un style littéraire varié, mais s’achève aussi vite après trois ou quatre échanges. Cet épisode est vite abandonné au profit des résultats du vote sur le Brexit, mais regagne en dimension affective avec le renouveau des relations entre Jordan et Osama (ou Oz). C’est un peu dommage car c’est une partie assez intéressante. « Ce qui nous effraie le plus, c’est ce qu’on désire le plus. C’est à dire, bien sûr, d’être des dieux ».

En résumé, un livre superbe sur les relations entre le fils et sa mère, relations qui reviennent périodiquement dans le roman. Le message sur les notions de perceptions, selon le titre « Liminal » est moins clair, dilué dans des considérations parfois hors de propos, ou est ce une lecture queer qu’il convient d’adopter. Une lecture assez facile, malgré les nombreuses références, aidées en cela par quelques pages en fin d’ouvrage. Des longueurs cependant qui auraient pu être coupées à l’édition. Il est vrai que cela vire parfois à l’autobiographie de Jordan Tannahill et oscille souvent entre les relations fils-mère et vécu aux amours multiples. C’est un peu le coda du quatorzième et dernier chapitre.

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Liminal

LIMINAL



Sept lettres blanches qui se détachent sur une couverture aussi belle qu'intrigante, faite de quelques corps suspendus dans l'espace. Une constellation d'étoiles et de figurines humaines.



Le sujet est ainsi donné, esquissé : Jordan Tannahill se livre à une série de questionnements autour du corps, celui-là même qui naît, vit et meurt sans que l'on sache vraiment ce qu'il peut, ce qu'il est, quelles en sont les limites et comment nous, nous le pensons, et à quelles expériences nous le soumettons au cours d'une vie.



Tout se cristallise autour d'un évènement : le matin du samedi 21 janvier 2017, la mère de Jordan Tannahill ne s'est pas réveillée à l'heure habituelle. Et tandis que le fils se tient sur le seuil de la chambre et regarde le corps alité de sa mère, le temps se fige, s'étire, se dilate ; est-elle vivante, est-elle morte? Et dans la brèche ouverte par cet état-limite s'engouffre tout : les souvenirs, les émotions, les interrogations métaphysiques, les expériences physiques et mystiques, toute la vie de Jordan Tannahill qui, dans cet instant d'incertitude existentielle, pense plus que jamais son corps et le corps de ceux à qui il se trouve lié.



"Tandis que je me tiens ici […], toi dans ton lit, moi dans l'embrasure de la porte, dans un moment de contemplation, quelque chose - peut-être toute chose - est dévoilé. Et je deviens dé-fixé. Mais je ne comprends pas encore. Je suis dans le moment entre la conscience et la compréhension. L'intervalle entre la main qui touche l'eau bouillante et la douleur de la brûlure. Entre sens et sensation".



"Liminal", "intervalle", "seuil", "embrasure" : voilà tout ce qu'explore (brillamment) le récit intime de Jordan Tannahill. L'entre-deux, les zones floues, les extrémités où tout devient poreux, mélangé, la vie dans la mort, la mort dans la vie, l'extrême jouissance côtoyant l'extrême souffrance ; la beauté, l'abject, l'attirant, l'écoeurant, le sacré, le profane, tout cela mêlé, nébuleux, fascinant et inquiétant, impliquant que nous ne sachions jamais vraiment ce qu'est un corps, ce qu'il peut, ni même ce que signifie "être vivant".

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Liminal

Quel roman!! d'abord difficile d'accès, exigeant, voir un peu décourageant, mais l'effort de départ est largement récompensé.

Ouvrant la porte de la chambre de sa mère, Jordan la découvre inanimée. S'ensuit l'histoire de Jordan, sa relation avec sa mère dont les aspirations sont radicalement opposées, sa relation avec le monde, le tout dans des milieux culturels et artistiques intenses et novateurs.

Mais cette espèce de road movie culturel s'enrichi de réflexions et références philosophiques complexes mais fortes sur le passage du corps vivant au corps inanimé, sur l'existence ou non de l'âme, sur la vie. Etant peu compétent en philo, je n'ai probablement pas tout compris, mais je ressors de ce roman avec un sentiment puissant et apaisé.
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Concord floral

« Concord Floral » (2016, Playwrights Canada Press, 96 p.) est une pièce écrite par Jordan Tannahill, qui met en scène des adolescents (21 à Toronto) dont une dizaine sont des étudiants. Il y en avait 11 à Reims où la pièce a été jouée, tout comme à Cluj, Thessalonique, Vienne et Koln. C’est un peu un thriller gothique et urbain, selon les termes de l’auteur, situé dans la banlieue de Toronto. Vaguement inspiré du Décaméron de Boccace, ces adolescents trainent en ville et de cachent dans une villa désertée, où ils vivent dans une serre immense une vie à leur guise, avec bien entendu de la fumette et du sexe. Et puis, une fille de leur communauté disparaît. Ayant longtemps harcelé la fille sur les réseaux sociaux, deux adolescentes de la bande découvrent la culpabilité. La pièce a été couronnée par le Prix Littéraire du Gouverneur Général, à nouveau en 2016, ce qui est assez rare.



Le projet d’exploration du cerveau présidé par Henry Markram, dont il est question dans le second chapitre est bien réel (et très controversé). Initialement intitulé « Blue Brain », il est proposé par Markram à l’UE. Son intérêt pour le cerveau remonte à la découverte de la maladie d’Asperger chez son fils Kai. Il décide de s’y consacrer avec sa femme Kamila. Il accumule alors des données sur des coupes de néocortex du rat, sites d’environ 30000 neurones et des milliers de synapses les reliant, dont seules quelque unes ont été mesurées. Installé en 2002 à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), il convainc tout d’abord IBM de constituer une équipe internationale dans le but d’étudier et de simuler le cerveau. Le projet est adopté par l’UE dans son programme « Future and Emerging Technologies» en 2013 à la hauteur de 1.2 milliard d’euros sur 10 ans. IBM livre un super-ordinateur « Blue Gene » doté de 8000 processeurs et de puissance 22800 milliards d'opérations par seconde (22.8 téraflops). Actuellement la seconde partie du projet atteint 53.5 téraflops, en doublant les processeurs. (Ce n’est cependant pas le plus puissant). Mais aussitôt, il y a une levée de boucliers internationale car la partie biologique et les neurosciences cognitives sont absentes du programme final, ceci sans concertation de leur part. De plus, la monocratie de son mode de gouvernance est jugée peu ouvert aux remarques. Un médiateur Wolfgang Marquardt est nommé en septembre 2014. L’intégralité du projet est à revoir. Il devient Human Brain Project. Et se focalise sur des colonnes verticales de neurones chez la souris. Le problème vient de ce que ces colonnes verticales existent bien et communiquent verticalement, mais interagissent aussi de façon horizontale avec des colonnes voisines. Ce qui n’est pas pris en compte par les simulations. Les critiques abondent « Tant qu’on continuera d’envisager le cerveau comme un ordinateur, on ne reproduira jamais la conscience les gens comme Markram peuvent augmenter les taux de transfert de données jusqu’à les faire exploser s’ils veulent, mais ce n’est pas ça la conscience ». Les ennuis s’accumulent, et son directeur exécutif Christoph Ebell démissionne en aout 2018. Entre temps un article « A Cell Atlas for the Mouse Brain » (https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fninf.2018.00084/full) est publié dans le nouveau journal « Frontiers », un journal en « open source » fondé par l’EPFL (par ailleurs aux ambitions tant scientifiques que financières). Les critiques actuelles visent autant IBM de s’être refait une virginité dans le domaine des super-ordinateurs, que le manque de prise en compte des données de plasticité du cerveau humain. L’étude simple des colonnes de neurones ne parait pas satisfaire avec les définitions de zones plus ou moins spécialisées du cortex.

Il faut noter que ce n’est pas le seul programme pluri annuel avec autant de financement. Les USA ont développé sous Obama un projet « Brain Research through Advancing Innovative Neurotechnologies (BRAIN) » tandis que les japonais lançaient le programme « Brain Mapping by Integrated Neurotechnologies for Disease Studies (Brain/MINDS) », accompagné de « Brain/MINDS Beyond » l’année suivante. Cette seconde partie essentiellement consacrée aux neurosciences et technologies innovatives neurologiques. Le projet américain est essentiellement destiné à cartographier le cerveau par l’étude détaillée de coupes minces du cortex. Pour ne pas être en reste, la Chine lançait en 2016 le programme « Brain Science and Brain-Inspired Intelligence » sur 15 ans et centré sur les méthodes d’apprentissage de la connaissance, en se référant aux méthodes de séquençage des ARN. Le but est censé apprendre à reconnaître et traiter les problèmes de dégénérescence liés aux désordres neuronaux. La population de la Chine vieillit… Il s’agirait également de développer les technologies intelligentes reliant cerveau et machine. D’où l’ouverture en 2014 à Shanghai du « Center for Excellence in Brain Science », dédié aux neurosciences collaboratives, dirigé par Mu-ming Poo.

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Age of Minority

Jordan Tannahill est né et a grandi à Ottawa. Il est venu à Toronto à l’âge de 18 ans où il commence à travailler. Des petits boulots qui lui permettent de rencontrer toute une faune spécifique de travailleurs à temps partiel, de nuit, ou bien de chez le fabuleux « Honest Ed’s », malheureusement fermé il y a 2 ou 3 ans. Gigantesque magasin de près de 2 hectares, quasi un bloc, au coin de Bloor et Bathurst, où l’enseigne gigantesque (23 000 ampoules) vantait que l’on y trouvait de tout (et c’est vrai), de l’occasion aux produits presque neufs, et le tout à des prix défiants toute concurrence. Les vendeurs y étaient d’ailleurs issus de la même source (du presque neuf). C’était avant le quasi esclavage des McDonalds. C’est aussi un quartier très engagé sur la culture LGBTQ, où se déroule la Gay Pride fin juin, sur Bloor et Dundas. L’œuvre de Jordan Tannahill y fait donc fréquemment référence, lui-même ne cachant pas son attirance pour le coté queer. Il ouvre donc sa boutique, reprise à un ancien barbier-coiffeur, profitant de la proximité de Kensington Market, lieu de perdition, avec ses petites boutiques locales, inclues plusieurs fromageries, très animées. La galerie devient vite un lieu de contre-culture important à Toronto. Elle est actuellement fermée. Il monte la pièce de Sheila Heti « All Our Happy Days Are Stupid» (2015, McSweeney's Publishing, 128p.), alors que le script datait déjà de près de 10 ans. Le script a été réutilisé par l’auteur dans « How Should a Person Be ? » traduit par Stéphane Roques en « Comment Etre Quelqu’un » (2014, L’Olivier, 288 p.).



« Age of Minority : Three Solo Plays» (2014, Playwrights Canada Press 160 p.). Comme son titre l’indique, il s’agit de trois pièces “Get Yourself Home Skyler James”, “”Peter Fechter: 59 Minutes” et “ rihannaboi95 “. La première pièce est basée sur l’histoire véridique du périple d’une jeune lesbienne qui quitte l’armée après son outing par des soldats amis. Skyler James devient alors le symbole de toute une jeunesse en proie à l’intolérance, via une « Gay Straight Alliance ». La pièce suivante raconte la dernière heure de Peter Fechter, abattu alors qu’il essayait de passer le Mur à Berlin avec un compagnon en 1962. La pièce se déroule en partie dans le noir. Peter : « Ma mère m’a toujours dit :ne t’endors pas avec une question non résolue, laisse là hanter tes rêves ». Son d’un coup de fusil. La montre digitale commence le compte à rebours depuis 59:00. La lumière se fait sur Peter Fechter, un jeune de dix-huit ans. […]. « J’ai été touché. Non, Oui, j’ai été touché. Est-ce que je souffre. Oui. Mon ventre. Debout. Fait le. Bouge toi. Cligner. Oui je peux cligner ». […]. « Et mon cœur. Comme un tambour. Perdant doucement son rythme. Inondant ma gorge de sang. Le gout des clous rouillés. De saleté ».° La dernière pièce narre l’histoire d’un adolescent de Toronto, dont la vidéo de sa dance en l’hommage de son héroïne favorite devient virale, ce qui lui rend la vie impossible. Trois pièces, donc, qui traitent de l’intolérance et de la cruauté auxquelles sont soumis trois jeunes queer. Cela vaudra à l’auteur le Prix Littéraire du Gouverneur Général en 2014.
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Declarations

Jordan Tannahill, l’auteur qui monte, en particulier à Toronto où il a une galerie « Videofag », dans Augusta Avenue, coincée entre un « Egg Bae » avec des caractères chinois et une maison à la devanture de toutes les couleurs.

Jordan Tannahill est né et a grandi à Ottawa. Il est venu à Toronto à l’âge de 18 ans où il commence à travailler. Des petits boulots qui lui permettent de rencontrer toute une faune spécifique de travailleurs à temps partiel, de nuit, ou bien de chez le fabuleux « Honest Ed’s », malheureusement fermé il y a 2 ou 3 ans. Gigantesque magasin de près de 2 hectares, quasi un bloc, au coin de Bloor et Bathurst, où l’enseigne gigantesque (23 000 ampoules) vantait que l’on y trouvait de tout (et c’est vrai), de l’occasion aux produits presque neufs, et le tout à des prix défiants toute concurrence. Les vendeurs y étaient d’ailleurs issus de la même source (du presque neuf). C’était avant le quasi esclavage des McDonalds. C’est aussi un quartier très engagé sur la culture LGBTQ, où se déroule la Gay Pride fin juin, sur Bloor et Dundas. L’œuvre de Jordan Tannahill y fait donc fréquemment référence, lui-même ne cachant pas son attirance pour le coté queer. Il ouvre donc sa boutique, reprise à un ancien barbier-coiffeur, profitant de la proximité de Kensington Market, lieu de perdition, avec ses petites boutiques locales, inclues plusieurs fromageries, très animées. La galerie devient vite un lieu de contre-culture important à Toronto. Elle est actuellement fermée. Il monte la pièce de Sheila Heti « All Our Happy Days Are Stupid» (2015, McSweeney's Publishing, 128p.), alors que le script datait déjà de près de 10 ans. Le script a été réutilisé par l’auteur dans « How Should a Person Be ? » traduit par Stéphane Roques en « Comment Etre Quelqu’un » (2014, L’Olivier, 288 p.).

« Declarations » (2018, Coach House Books, 120 p.), toujours de Jordan Tannahill, est en quelque sorte une ode à l’immortalité qui fait pendant à « Liminal ». Écrit à la suite du diagnostic de cancer en phase terminale de sa mère. Mais cette fois la mère du narrateur est en phase terminale d’un cancer. C’est une archive stupéfiante de sensations, de souvenirs et de voix affirmant qu'ici a vécu, pendant un certain temps, une femme.

Il apprend qu’il ne reste pas plus de deux ans à vivre pour sa mère. Il revient d’urgence de Londres où il vit, et au cours de ces 6 heures d’avion, il passe en revue les éléments de son propre corps, pour s’assurer qu’ils sont bien vivants et à lui. Cinq acteurs-danseurs se partagent la scène de Canadian Stage à Toronto où a eu lieu la première. Un téléprompteur rythme les scènes. La première partie est d’ailleurs uniquement constituée par des déclarations telles que: "This is the point", "This is feminism", "This is a condo gym", "This is the Cuban Missile Crisis","This is my mother's cough". Le texte devient une sorte de long poème dans lequel le lecteur se perd. “This is a pocket with a hole in it/ This is the planet Saturn” or “This is a feather/ This is a decade”. Ou bien “This is smoke/ This is a path/ This is night/ This is a mountain/ This is a hill”. Ou encore “This is the colour blue/ This is a film starring Juliette Binoche”. On purrait en traduire des passages comme « C'est une ecchymose pressée. C'est le sourire de Greta Garbo. C'est l'odeur de Windex ».

C’est une chronique imparfaite d'une vie vécue ; un corps tiré à travers le temps, rencontrant des phénomènes météorologiques, la mythologie, des calamités politiques, la culture pop et des hasards quotidiens en cours de route. Écrit à la suite du diagnostic de cancer en phase terminale de sa mère, (cf « Liminal » du même auteur), c’est une archive stupéfiante de sensations, de souvenirs et de voix affirmant qu'ici a vécu, pendant un certain temps, une femme.

Puis le texte devient plus poétique avec des chants ou des mélopées rythmées à l’unisson "shake shake, mama, shake shake".

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Liminal

Je me suis ennuyée même si ce livre est riche de réflexions profondes sur le corps et l’esprit avant ou au moment de notre mort. J’ai souvent trouvé trop lourds les divers aspects philosophiques traités tout au long du récit. Ceci dit je n’ai jamais apprécié les romans où les réflexions philosophiques prennent beaucoup de place et je me suis lancée dans ce livre avant de me rendre compte que ce serait le cas. Je ne m’attendais pas à ce genre en lisant le résumé. J’ai cependant apprécié le partage intime de la vie du narrateur, bien que pas suffisamment présent pour que je m’y attache. J’avais l’impression de graviter autour de son histoire sans jamais réussir à m’y poser. Je devenais comme un des petits bonhommes flottant à la dérive sur la couverture noire du livre chaque fois que je m’y plongeais. Le plus souvent dans le noir et le vide de l’ennui. J’ai eu peu de moments d’intérêt ou de réflexion stimulantes, à tel point que j’ai lu 3 autres romans en parallèle avant d’arriver à le terminer. C’est pourquoi je lui attribue seulement 2 étoiles. Par contre, dans son style, si comparable il y a, je crois malgré tout qu’il plaira à beaucoup de gens car l’auteur est brillant et sa plume est agréable et accessible.
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Liminal

Le samedi 21 janvier 2017, la mère du narrateur (qui s’appelle également Jordan) ne se réveille pas. Il attend, elle mérite bien une grasse matinée. Puis il s’inquiète : sa mère ne s’est-elle pas plainte d’un mal de tête en allant se coucher ? Elle a déjà fait un accident ischémique transitoire, il devrait aller la voir. Mais il attend encore : tant qu’il ne va pas vérifier, sa mère est en même temps vivante et morte. Comme dans l’expérience du chat de Schrödinger.

Il finit par ouvrir sa porte à 11h04 et là il voit son corps. Est-elle vivante ? Est-elle morte ? Pendant cette minute où il l’observe, Jordan se remémore leurs souvenirs, leurs réflexions et discussions, sa propre relation à son corps et aux corps des autres et à sa propre peur de la mort. Tout le roman est concentré dans cette minute, et nous embarque dans une histoire folle entre métaphysique, sciences et art, aux frontières de la vie et de la mort, quand nos personnes deviennent des corps.

J’ai été époustouflé par ce livre ! Le point de départ est original et l’idée est très bien menée du début à la fin. Je ne me suis pas ennuyé une seconde pendant ma lecture ! C’est beau, c’est touchant, c’est drôle parfois et triste souvent. Et c’est si intelligent. Lire Liminal, c’est se surprendre soi-même à réfléchir à toutes les questions posées par le narrateur. Qu’on croie en Dieu, en l’âme, ou aux progrès de la science, aux bienfaits de l’art, on réfléchit avec Jordan aux implications de toutes nos croyances quand arrive ce moment tragique : sa mère est-elle morte dans la pièce à côté ? Son corps est-il devenu un simple corps, c’est à dire un cadavre ?

C’est également très bien écrit et je m’empresserai de lire les prochains livres de Jordan Tannahill !
Lien : https://ledevorateur.fr/limi..
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Infrason

Tout semble aller le mieux pour Claire, professeur de littérature, qui partage son temps entre sa job au lycée et sa vie de famille, en banlieue pavillonnaire. Pourtant, la sage trajectoire qu’emprunte sa vie bien rangée dévie radicalement le jour où elle se met à entendre un bourdonnement, acouphène entêtant qui ne passe pas. Ce bourdonnement l’empêche de dormir, l’épuise, l’isole : ni son mari, ni sa fille, ni ses collègues ne le perçoivent, la croyant au bord du burn-out. Entre migraines, saignements de nez et diagnostics négatifs, Claire décroche et quand un de ses élèves lui avoue également l’entendre, c’est la libération : elle n’est pas seule, elle n’est pas folle. C’est du moins ce dont elle - et le groupe de voisins finalement sujets à la même hyper-sensibilité - sont convaincus.



La tension monte dans ce quasi-polar médical, dans lequel Jordan Tannahil (Liminal, 2021) flirte avec le surnaturel, le spirituel en même temps qu’avec les théories du complot. On se perd, doute et vacille aux côtés de la narratrice, alors que le groupe de voisins - groupe de soutien - famille choisie, commence à prendre d’inquiétants contours.
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Infrason

Les chapitres plongent au cœur d’un phénomène d’emprise, rôde autour d’une folie qui ne dit pas son nom.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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Infrason

Sectarisme et complotisme sont de mise dans ce roman brillant et dérangeant.
Lien : https://www.ouest-france.fr/..
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Liminal

Vivre pendant quelques temps avec Liminal en guise de livre de chevet est une expérience. Introspective, contemplative, merveilleuse.



Souvent, souvent quand je lis, je m'accompagne. Je veux dire par là qu'en plus de m'identifier maladivement aux personnages à cause d'un gros problème de crise existentielle, souvent il y a des proches qui interviennent pendant que je lis pour me sourire, pour pleurer, pour cracher, s'énerver, baiser, jouer.



Liminal c'est ça. Liminal c'est la seconde que choisit Jordan Tannahill où, un peu inquiet de ne pas voir sa mère se lever à ses heures habituelles, se demande si elle dort encore ou si ce corps puisqu'il s'agit d'un corps, est mort.



Liminal ça parle d'amour (forcément l'amour est partout), de vies volées, de robotique, du chat de Schrödinger (et de sa possible chatte transférée sur un t-shirt qui est un concept fantastique je trouve pas vous ?), de théâtre, de fist fucking, de Rome, du Brexit, de prostitution, de libertés LGBTQIA+, de liens mère-fils qui m'ont démonté les tripes. La gorge embrouillée, les larmes qui montent.



Ce roman est fou, génial, long, collant, vivant, magique. Ce roman panse à des endroits autant qu'il ouvre d'autres brèches insoupçonnées (oui la prostitution masculine aussi assumée que non assumée ça fait toujours krchhkrcchh chez moi, comprenez "ça me renverse mon petit").



Bref, on peut lire Liminal. On est pas obligé, jamais tu comprends bien, mais je sais que certaines personnes sensibles, hypersensibles, ultrasensibles, et complètement hérmétiques pourront s'y retrouver tout en la vivant, cette expérience.



(donc Alex, Katia, Plume, Ro Man, Audrey, d'anciennes relations amoureuses que je vais pas nommer ici faut pas déconner, and of course ma mère, merci de m'avoir aidé à tourner ces fucking pages)



Ah putain j'oubliais, ça nous vient direct du Canada c'est majestueusement traduit par Mélissa Verreault et vous pouvez toujours faire confiance aux éditions de La Peuplade pour nous parler d'amour. En tout cas l'amour tel que je le conçois.
Lien : https://www.instagram.com/lo..
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Liminal

C'est le lendemain de l'élection de Trump, et Jordan est retourné chez sa mère pour aller à la marche des femmes. En se levant, il remarque qu'il est le premier à se réveiller et en se préparant il tend l'oreille, guettant les bruits de pas qui ne viennent pas, la radio qui ne s'allume pas : sa mère n'a pas quitté sa chambre. Inquiet de nature, il décide d'aller voir si elle dort encore, et s'arrête sur le seuil de la chambre, tétanisé : est-elle encore vivante ? Attendre avant de vérifier, c'est garder une chance de ne pas voir se confirmer le pire, alors cette seconde s'allonge...

Face à un danger imminent, "voir sa vie défiler devant ses yeux" est devenu un poncif. Jordan Tannahill, dramaturge canadien, déploie ce principe dans son premier roman et nous livre un ovni littéraire de 400 pages dont toute la narration est contenue dans une seconde d'indécision, de doute. C'est l'occasion pour lui de revenir sur leur histoire, son enfance et leurs jeux, la question du corps, de la vie et de la mort, de la performance, du sexe, et du théâtre, de la robotique et de l'intelligence artificielle. Liminal est un roman sur la brèche, que l'on ne lâche pas, et que l'on dévore en retenant son souffle.
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Liminal

Roman au sujet original qui mis à part quelques passages techniques et scientifiques, qui en rendent la lecture compliquée parfois, m’a emballé du début à la fin.
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