AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Joseph Sheridan Le Fanu (143)


Parfois, après une heure d'apathie, mon étrange et belle compagne me prenait la main et la serrait longtemps avec tendresse; une légère rougeur aux joues, elle fixait sur mon visage un regard plein de feu languide, en respirant si vite que son corsage se soulevait et retombait au rythme de son souffle tumultueux. On eût cru voir se manifester l'ardeur d'un amant. J'en étais fort gênée car cela me semblait haïssable et pourtant irrésisistible.
Commenter  J’apprécie          30
Si vous étiez moins jolie, j'aurais très peur de vous.
Commenter  J’apprécie          40
"Parce que vous ne croyez à rien de ce qui est incompatible avec vos préjugés et vos illusions. Je me rappelle un temps où j'étais comme vous, mais, depuis lors, j'ai changé ma façon de voir."
Commenter  J’apprécie          40
Y a-t-il sur cette terre un être humain autant que moi voué au malheur? disait-elle au moment où je m'approchai. Me voici au milieu d'un voyage qui est pour moi une question de vie ou de mort. Perdre une heure, c'est peut-être tout perdre.
Commenter  J’apprécie          80
Le premier changement que je subis me parut assez agréable : et pourtant, il était bien proche du tournant où commençait la descente aux enfers.
Commenter  J’apprécie          20
Le Destin de Sir Robert Ardach (extrait)
Au sud de l’Irlande et sur les frontières du comté de Limerick, se trouve un district de quelque deux ou trois milles de long, qui attire particulièrement l’attention en raison des quelques restes des forêts primitives. Cela n’a pas, ou si peu, le caractère grandiose des forêts américaines, bien sûr : les arbres les plus vieux et les plus imposants sont tombés sous la hache. Mais, dans ce coin de forêt qui subsiste, s’est réfugiée une nature sauvage et séduisante dans toute sa complexité : ses points de vue où l’on voit paître en toute quiétude un bétail débonnaire, ses fraîches clairières, où les rochers émergent des dodelinantes fougères, les hampes d’argent des bouleaux centenaires, le tronc noueux des chênes vénérables, les feuillages extravagants mais superbes que la serpe n’a jamais contraints ni domptés, le doux gazon d’émeraude, les marqueteries d’ombres et de lumière, les herbes sauvages et luxuriantes, le lichen et les mousses, tout, tout rivalise de splendeur dans la fraîcheur verte du printemps, ou dans l’agonie mélancolique de l’automne. Leur beauté est de cette sorte qui fait déborder le cœur de joie, car elle suscite des élans affectifs avec un pouvoir qui n’appartient qu’à la nature. Cette forêt s’étend de la base à la crête d’une longue chaîne de collines irrégulières, et peut-être qu’il y a bien longtemps, elle ne constituait que l’orée d’une sylve immense qui occupait toute la plaine en contrebas.
Commenter  J’apprécie          10
Dieu merci, j’ai passé mon enfance dans un endroit tranquille, loin du tumulte effrayant du monde. Dans le paysage, pas de rôdeurs ; peu de capital ; aucune entreprise ; les bonnes gens, assoupis ! Les changements catastrophiques qui, ailleurs, apportent un impitoyable lot d’oubli sont ici impensables. Je regarde un paysage aussi immuable que le ciel lui-même. L’été arrive, puis disparaît ; l’automne fait tomber les feuilles, l’hiver voit venir la neige. Toutes choses demeurent ici telles que mes yeux arrondis de petite fille les ont contemplées, avec un naïf et délicieux étonnement, quand le monde s’est pour la première fois offert à eux. Les arbres, la tour, l’échalier, les pierres tombales mêmes sont mes premiers amis. Je tends les bras vers les montagnes comme si je pouvais les serrer contre mon cœur. Et, dans la trouée entre les vieux arbres, le grand estuaire s’étend vers le nord, de plus en plus large, pour se perdre à l’horizon de la haute mer.
Commenter  J’apprécie          180
- Eh bien, son enterrement à elle est fini, et les cantiques aussi, alors nos oreilles ne seront plus écorchées. Cela m'a rendue nerveuse. Assieds-toi ici, près de moi... plus près... tiens -moi la main, serre-la... plus fort, plus fort..."
Nous avions gagné un autre banc et nous nous y installâmes. A cet instant, l'expression de son visage me fit peur. Il était dénaturé comme sous l'effet d'une métamorphose, une horrible pâleur l'envahissait. Puis elle crispa ses lèvres sur ses dents serrées, et ses mains se contractèrent ; un tremblement nerveux secoua tout son corps tandis qu'elle regardait fixement le sol. On eût dit qu'elle luttait de toutes ses forces, à perdre le souffle, contre une crise de nerfs. Enfin elle poussa un cri étouffé et, peu à peu, se calma.
'Voilà ce que c'est que d'étrangler les gens avec des cantiques ! dit-elle. Tiens-moi, tiens-moi encore. Cela va aller mieux."
En effet, son comportement redevint normal. Et - fut-ce pour dissiper l'impression désagréable que m'avait laissée ce spectacle ? - elle se montra particulièrement vive et enjouée pendant le trajet du retour.
C'était la première fois que j'étais témoin d'une de ces défaillances nerveuses auxquelles avait fait allusion sa mère. La première fois aussi que je la voyais faire preuve d'un mouvement d'humeur.
Cette crise se dissipa comme un nuage d'été.Par la suite, je ne surpris qu'une seule autre fois chez elle un accès de colère.
Commenter  J’apprécie          20
Sans posséder une fortune princière, nous habitions, en Styrie, un de ces châteaux que dans la région l'on nomme schloss. Là-bas, de minces revenus permettent de mener une vie large. Avec les nôtres, nous aurions à peine passé pour riches en Angleterre, patrie de mon père. Mais dans ce pays primitif, où l'abondance est à votre portée, notre confort et notre luxe étaient aussi étendus qu'ils pouvaient matériellement l'être.
Mon père avait servi dans l'armée autrichienne. Sa pension jointe à son patrimoine lui avait permis de se retirer en acquérant, pour une somme modique, cette demeure féodale et le domaine attenant.
L'endroit était isolé et pittoresque. Le château se dressait sur une hauteur au milieu de la forêt. Une route étroite et ancienne passait devant le pont-levis, que l'on ne levait jamais, et dans les douves voguaient les cygnes et croissaient les nénuphars. Le château profilait sur l'eau sa façade aux innombrables fenêtres, ses tours, sa chapelle gothique.
Devant la grille d'entrée, une clairière irrégulière s'ouvrait dans la forêt et la route franchissait un pont au-dessus d'une petite rivière serpentant dans l'ombre du sous-bois.
Commenter  J’apprécie          40
La porte du hall était ouverte, et j'entrai dans un vestibule obscur, mal éclairé, et n'y trouvai personne. Toutefois, je n'eus pas à attendre longtemps dans cette pénible situation ; avant que mon bagage eût été déposé dans la maison, et avant même que j'eusse enlevé ma cape et autres mitaines afin de pouvoir regarder plus à l'aise autour de moi, une jeune fille accourait d'un pas léger dans le hall, et m'embrassant avec chaleur et d'une façon quelque peu impétueuse, elle s'exclama :
"Ma chère cousine, ma chère Margaret, je suis si ravie, tellement essoufflée, on ne t'attendait pas avant dix heures ; mon père est quelque part dans les lieux, il ne doit pas être loin. James, Corney, allez avertir votre maître ; mon frère est rarement à la maison, en tout cas jamais à une heure raisonnable ; tu dois être si fatiguée, si épuisée, laisse-moi t'accompagner à ta chambre ; assurez-vous que les bagages de Lady Margaret sont tous montés ; tu dois t'étendre et te reposer. Deborah, monte du café à l'étage - on s'y rend par cet escalier ; nous sommes si ravis de te voir, tu ne peux savoir à quel point j'ai été seule ; que cet escalier est raide, n'est-ce pas ? Je suis si contente que tu sois venue - je pouvais à peine croire que tu allais venir pour de bon ; que tu as bien fait, chère Lady Margaret."
L'accueil de ma cousine trahissait une nature bonne, du ravissement et une sorte d'abandon dans ses manières qui me mit tout de suite à l'aise et me plaça aussitôt sur un pied d'intimité avec elle.
Commenter  J’apprécie          40
Mon oncle, Sir Arthur Tyrrell, était un homme gai et extravagant, et entre autres vices il s'adonnait au jeu à un degré dispendieux. Cette inclination malheureuse, même après que sa fortune en eut si gravement souffert qu'elle rendit impératif un train de vie réduit, ne cessa pourtant pas de l'absorber, presque à l'exclusion de tout autre activité. C'était, toutefois, un homme fier, ou plutôt vaniteux, et il ne pouvait pas se faire à l'idée que l'amoindrissement de ses revenus fût cause de triomphe pour ceux avec qui il avait joué par le passé. En conséquence, il ne fréquentait plus les lieux ruineux de sa dissipation, et il s'était retiré du monde des plaisirs, laissant sa coterie en découvrir de son mieux les raisons. Mais il n'abandonna toutefois pas son vice préféré : bien qu'il ne pût rendre un culte à sa grande divinité dans ces temples coûteux où jadis il avait sa place, il lui fut cependant tout à fait possible de s'entourer d'un nombre suffisant d'adorateurs de jeux de hasard pour parvenir à ses fins. Ainsi à Carrickleigh, qui était la résidence de mon oncle, il y avait toujours un ou plusieurs de ces visiteurs que j'ai décrits.
Commenter  J’apprécie          40
Je perdis ma mère alors que j'étais jeune encore, et je ne garde nul souvenir d'elle, pas même le plus ténu. Suite à cette disparition mon éducation fut assurée par mon unique parent encore en vie. Il entreprit cette tâche avec l'attention particulière que la situation exigeait de lui. Mon instruction religieuse fut poursuivie avec un souci presque exagéré ; et, comme il se doit, j'avais les meilleurs maîtres pour me perfectionner dans tous les domaines que mon rang et mes biens semblaient exiger. Mon père était ce qu'on appelle un original, et sa façon de m'élever, quoique constamment bienveillante, était dictée moins par l'affection ou la tendresse que par un sens élevé et sans faille du devoir. En effet, je le voyais et lui parlais rarement, sauf aux heures des repas, et en de telles occasions, bien qu'il fût doux, il était ordinairement réservé et d'humeur sombre. Il passait ses heures de loisir, qui étaient nombreuses, soit dans son bureau, soit en promenades solitaires ; bref, il semblait ne prendre, dans ce qu'il fallait d'intérêt à mon bonheur ou à mon éducation, que ce que le respect consciencieux de son propre devoir semblait imposer.
Commenter  J’apprécie          40
Cette histoire de Pairie irlandaise a été écrite,autant que faire se peut, avec les mots mêmes employés par son "héroïne", feu la comtesse D*, et ainsi est racontée à la première personne.
Commenter  J’apprécie          40
" Et ils dressent l'embuscade de leur propre
sang : ils sont à l'affût de la vie des leurs.
Tels sont les agissements de celui qui est âpre
au gain ; qui ôte la vie à celui qui la possède."
Commenter  J’apprécie          20
Elle avait coutume de me passer ses beaux bras autour du cou, de m’attirer vers elle, et, posant sa joue contre la mienne, de murmurer à mon oreille : " Ma chérie, ton petit cœur est blessé. Ne me juge pas cruelle parce que j’obéis à l’irrésistible loi qui fait ma force et ma faiblesse. Si ton cœur adorable est blessé, mon cœur farouche saigne en même temps que lui. Dans le ravissement de mon humiliation sans bornes, je vis de ta vie ardente, et tu mourras, oui, tu mourras avec délices, pour te fondre en la mienne. Je n’y puis rien : de même que je vais vers toi, de même, à ton tour, tu iras vers d’autres, et tu apprendras l’extase de cette cruauté qui est pourtant de l’amour. Donc, pour quelque temps encore, ne cherche pas à en savoir davantage sur moi et les miens, mais accorde-moi ta confiance de toute ton âme aimante."
Après avoir prononcé cette rapsodie, elle resserrait son étreinte frémissante, et ses lèvres me brûlaient doucement les joues par de tendres baisers.
Commenter  J’apprécie          130
En vérité, je crois que, dans la vie de chacun de nous, les scènes pendant lesquelles nos passions ont été stimulées d’une façon particulièrement effroyable sont celles, entre toutes, qui laissent l’impression la plus vague sur notre mémoire.
Commenter  J’apprécie          20
Extrait de Gaïd Girard à propos de Carmilla :

Ce qui est brillant dans ce texte, c'est l'excès d'une sexualité indicible, qui trouve son origine dans la relation éperdue d'un corps de femme à un autre corps de femme. N'oublions pas que Carmilla et Laura appartiennent à la même famille du côté de leurs mères, ce qui laisse planer une ombre incestueuse sur leurs amours. D'autre part le schéma vampirique qui les lie permet à l'une d'enfanter l'autre en vampire. (...)
Faut-il parler de bisexualité, ou de fusion du masculin et du féminin? (...) Dans le baiser vampirique, la femme comme l'homme est munie d'attributs à la fois phalliques et utérins ; ils mordent et ils aspirent. De plus, ils peuvent tous deux engendrer d'autres enfants, effaçant ainsi la coupure entre les sexes. Le vampire de Carmilla pourrait donc en définitive correspondre moins à l'expression obscure d'une sexualité féminine qu'à un fantasme d'indifférenciation sexuelle, au désir d'une expérience fusionnelle.
Commenter  J’apprécie          20
Si ton cher cœur est blessé, mon cœur éperdu saigne avec le tien. Dans l'extase de ma très grande humiliation, je vis dans l'ardeur de ta vie, et tu mourras -doucement- dans la mienne. Je ne peux l'empêcher.
Commenter  J’apprécie          10
Carmilla se plaignait, elle aussi, de rêves et de sensations de fièvre, mais son état était beaucoup moins alarmant que le mien. A vrai dire, il y avait out lieu de s'inquiéter grandement à mon sujet. Si j'eusse compris cela, j'aurais demandé à genoux aide et conseil. Malheureusement, le narcotique d'une influence cachée agissait en moi et engourdissait tous mes sens.
Commenter  J’apprécie          100
Mais la curiosité est une passion sans scrupules ni repos, et aucune jeune fille ne peut endurer avec grâce qu'une autre refuse d'accéder à ses demandes.
Commenter  J’apprécie          50



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Joseph Sheridan Le Fanu (1887)Voir plus

Quiz Voir plus

Carmilla

Publié en 1872, cette histoire est-elle antérieure ou postérieure au "Dracula" de Bram Stocker ?

Antérieure
Postérieure

13 questions
58 lecteurs ont répondu
Thème : Carmilla de Joseph Sheridan Le FanuCréer un quiz sur cet auteur

{* *}