AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Juan Gabriel Vásquez (188)


Juan Gabriel Vásquez
« La nouvelle est une machine particulièrement efficace pour capturer une émotion, un mouvement de notre sensibilité trop petit pour que le roman puisse s’en occuper »,
Commenter  J’apprécie          612
Je vous parlerai d’assassinats invraisemblables et de pendaisons imprévisibles, d’élégantes déclarations de guerre et d’accords de paix imprécis. Je vous parlerai d’incendies, d’inondations, d’intrigues en mer et de conspirations dans des wagons de chemin de fer.
Commenter  J’apprécie          00
Chers lecteurs, armez-vous de patience. Ne cherchez pas à tout savoir, à tout sonder dès le départ, gardez vos interrogations pour vous [ …] En d’autres termes : laissez moi faire. Je déciderai quand et comment raconter ce que je souhaite raconter ; quand et comment occulter, révéler, ou me perdre dans les méandres de ma mémoire pour le simple plaisir de le faire.
Commenter  J’apprécie          00
Quand nous sommes arrivés à l’Hacienda Napoles, le ciel était couvert et une touffeur désagréable s’était installée. Il n’allait pas tarder à pleuvoir. Le nom de la propriété s’étalait en lettres à la peinture écaillée sur le portail blanc aux proportions démesurées – un semi-remorque aurait pu le franchir aisément. Un petit avion blanc et bleu était délicatement posé en équilibre sur la traverse. Il s’agissait du Piper qu’Escobar pilotait à ses débuts et grâce auquel il disait devoir sa richesse. Passer en dessous, lire le matricule sur la partie inférieure des ailes revenait à entrer dans un monde où le temps s’était arrêté/ Pourtant le temps était bien présent, ou, pour être plus précis, il avait fait des ravages. Depuis 1993, l’année où le baron de la drogue avait été criblé de balles sur un toit de Medellin, l’Hacienda Napoles avait connu une décadence vertigineuse. C’est ce que nous constations, Maya et moi, tandis que le Nissan roulait le long du chemin pavé bordé de citronniers. Aucune bête ne broutait plus dans les champs, ce qui expliquait, entre autres choses, pourquoi l’herbe était incroyablement haute. La végétation avait envahi les pieux, sur lesquels s’attardait mon regard lorsque j’ai soudain aperçu les premiers dinosaures.
Commenter  J’apprécie          50
Ce sont moins ces gages de bonne foi que la curiosité qui m’ont incité à me taire, cette terrible curiosité qui m’a si souvent causé des ennuis sans que je sois capable d’en tirer la leçon. J’ai toujours été curieux de l’existence d’autrui en général, et je m’intéresse en particulier à celle des individus tourmentés et à ce qui survient dans le secret de leur solitude, derrière les volets. Nous avons tous des vies cachées, mais parfois le volet bouge pour nous laisser entrevoir un acte ou un geste, et nous soupçonnons que, derrière, il se passe des choses, sans qu’on sache jamais si ce qui nous captive dans leur face cachée est leur invisibilité ou les efforts fournis par les autres pour ne pas nous la révéler.
Commenter  J’apprécie          82
Vous savez, on vit une époque détraquée. Nos dirigeants ne dirigent plus rien et se gardent bien de nous raconter ce qui se passe. C’est là que j’entre en scène. Je dis ce qui se passe aux gens. L’important, dans notre société, ce ne sont pas les événements en soi, mais ceux qui les racontent. Pourquoi laisser ce soin aux seuls hommes politiques ? Ce serait un suicide, un suicide national. On ne peut pas leur faire confiance, on ne peut pas se contenter de leur version, il faut en chercher une autre, celle d’autres personnes ayant d’autres intérêts, celle des humanistes. C’est ce que je suis : un humaniste. Je ne suis pas un humoriste. Je ne suis pas un barbouilleur. Je suis un dessinateur satirique, une activité qui comporte également ses risques, inutile de vous le préciser. Le risque du dessin, c’est de devenir un analgésique social : sous forme de dessins, les choses sont plus compréhensibles, plus assimilables. Il est moins douloureux de les affronter. Je n’ai pas envie que mes caricatures jouent ce rôle, surtout pas. Mais c’est peut-être inévitable.
Commenter  J’apprécie          40
Juan Gabriel Vásquez
Je ne sentais rien, j’étais distrait : la peur me rendait distrait. Je m’imaginais le visage des assassins cachés sous leur visière : j’entendais le bruit des détonations et un sifflement continu dans mes tympans malmenés : je voyais le sang couler brusquement. Aujourd’hui encore, alors que j’écris ces lignes, je ne parviens pas à évoquer ces instants sans que cette même peur me glace tout entier. Dans le jardon présomptueux du thérapeute qui m’avait reçu quand ces problèmes étaient apparus, ma peur s’appelait « stress post-traumatique » et, selon lui, elle n’était pas sans rapport avec l’époque où les bombes dévastaient le pays, quelques années plus tôt. « Donc, ne vous alarmez pas si vous avez des problèmes dans votre vie intime » a-t-il décrété en soulignant ces mors, vis intime. Je n’ai pas répondu.
« Votre corps mène un combat très dur, a-t-il ajouté. Vous devez vous concentrer là-dessus et ne penser à rien d’autre. La libido est ce qui disparaît en premier, vous comprenez ? Alors ne vous faites pas de souci. Ces dysfonctionnements sont normaux.
Commenter  J’apprécie          130
Quand nous sommes arrivés à l’Hacienda Napoles, le ciel était couvert et une touffeur désagréable s’était installée. Il n’allait pas tarder à pleuvoir. Le nom de la propriété s’étalait en lettres à la peinture écaillée sur le portail blanc aux proportions démesurées – un semi-remorque aurait pu le franchir aisément. Un petit avion blanc et bleu était délicatement posé en équilibre sur la traverse. Il s’agissait du Piper qu’Escobar pilotait à ses débuts et grâce auquel il disait devoir sa richesse. Passer en dessous, lire le matricule sur la partie inférieure des ailes revenait à entrer dans un monde où le temps s’était arrêté/ Pourtant le temps était bien présent, ou, pour être plus précis, il avait fait des ravages. Depuis 1993, l’année où le baron de la drogue avait été criblé de balles sur un toit de Medellin, l’Hacienda Napoles avait connu une décadence vertigineuse. C’est ce que nous constations, Maya et moi, tandis que le Nissan roulait le long du chemin pavé bordé de citronniers. Aucune bête ne broutait plus dans les champs, ce qui expliquait, entre autres choses, pourquoi l’herbe était incroyablement haute. La végétation avait envahi les pieux, sur lesquels s’attardait mon regard lorsque j’ai soudain aperçu les premiers dinosaures
Commenter  J’apprécie          50
"Ah ,voilà comment on tue cette canaille! s'était-il exclamé en passant une main gantée sur sa redingote .Ni avec des verges ni avec un bâton, mais à la hache, c'est plus efficace ."
Commenter  J’apprécie          10
La mort d'un animal nous ébranle toujours, sans doute parce qu'elle nous semble plus injuste, se dit-il.
Commenter  J’apprécie          150
Je n'aurais pas laissé Maya Fritts dormir seule cette nuit-là. J'ignore à quel moment j'ai commencé à me soucier de son bien-être, à regretter qu'une vie à ses côtés soit impossible, que notre passé commun n'implique pas nécessairement un avenir à deux. Nos vies se ressemblaient tout en étant différentes, la mienne du moins, car on m'attendait de l'autre côté de la cordillère, à quatre heures des Acacias, à deux mille six cent mètres au-dessus du niveau de la mer. Je songeais à cela dans la pénombre de la chambre, même si penser dans le noir n'est pas idéal : on voit les choses plus grandes ou plus graves qu'elles ne sont en réalité, les maladies sont plus nocives, la présence du mal plus proche, le désamour plus intense, la solitude plus profonde. Voilà pourquoi on veut dormir auprès de quelqu'un, voilà pourquoi pour rien au monde ne n'aurais laissé Maya dormir seule cette nuit-là.
Commenter  J’apprécie          30
Aujourd'hui, 7 août 1924, alors que dans ma lointaine Colombie on célèbre les cent cinq ans de la bataille de Boyacá, l'Angleterre pleure cérémonieusement et en grande pompe la disparition du Grand Romancier. Alors qu'en Colombie on commémore la victoire des armées indépendantistes sur les forces de l'Empire espagnol, ici, sur le sol d'un autre empire, on vient d'enterrer l'homme qui m'a volé...
Commenter  J’apprécie          20
Ainsi passait le temps, comme on le dit dans les romans, et la vie politique faisait des siennes à Bogotá. Le président poète auteur de l'hymne glorieux avait juste eu à tendre le doigt pour désigner son successeur : don Miguel Antonio Caro, illustre spécimen de l'Athènes sud-américaine qui faisait d'une main des traductions homériques et de l'autre des lois draconiennes. L'occupation favorite de Miguel Antonio consistait à ouvrir les classiques grecs et à fermer les quotidiens libéraux. Et aussi à exiler tous azimuts.
Commenter  J’apprécie          10
En lisant dans le hamac, j'éprouvais plusieurs sensations, certaines indéfinissables, mais j'étais surtout troublé de découvrir que cette histoire qui ne mentionnait pas mon nom parlait de moi à chaque ligne. Les émotions qui me gagnaient ont fini par se réduire à un terrible sentiment de solitude dont l'absence de motif apparent induisait qu'il était sans remède. La solitude d'un enfant.
Commenter  J’apprécie          50
Le bouleversement d'un passé qu'on pensait immuable est sans doute ce qu'il y a de plus difficile et de moins acceptable.
Commenter  J’apprécie          10
L'enfance n'existe pas pour les enfants ; elle est en revanche aux yeux des adultes un pays perdu relevant du passé que nous cherchons en vain à récupérer en le peuplant de souvenirs flous ou inexistants, qui ne sont en général que les ombres d'autre rêves.
Commenter  J’apprécie          20
"Mais d’autres personnes voient clair", me suis-je rappelé. J’ai soulevé le bocal et l’ai regardé dans la lumière. Chair, os, formol à 5% : des restes humains, certes, mais surtout des objets du passé. J’y ai toujours été sensible, voire vulnérable, et j’admets que la relation que j’entretiens avec eux est teintée de fascination ou de fétichisme, mais aussi (impossible de le nier) empreinte d’ancienne superstition : je sais qu’une part de moi les considère et les considérera toujours comme des reliques, et c’est pourquoi le culte que vouent les croyants à un éclat de la croix du Christ ou à un suaire célèbre sur lequel s’est miraculeusement imprimée l’image d’un homme ne m’a jamais semblé mystérieux et encore moins exotique.
Commenter  J’apprécie          10
Non, l'oubli ne se maitrise pas, nous n'avons jamais appris à le faire, même si notre cerveau fonctionnerait mieux si nous parvenions à contrôler la manière dont le passé vient s'immiscer dans le présent.
p :163
Commenter  J’apprécie          20
Je songe à des épisodes de ma vie (ce que j'ai vu, entendu, décidé de faire) sans lesquels j'irais mieux, car ils ne me sont d'aucune utilité et me paraissent en revanche dérangeants, honteux ou douloureux, pourtant je sais que leur oubli volontaire n'est pas possible, qu'ils resteront tapis dans ma mémoire ; peut-être me laisseront-ils tranquille pendant un temps plus ou moins long, mais un jour ou l'autre je verrai, entendrai quelque chose ou prendrai une décision qui les feront ressurgir, pointer le nez : les souvenirs coupables ou simplement perturbants reviennent nous hanter à des moments imprévisibles, et une sorte de réaction musculaire - un geste réflexe de notre corps - accompagne toujours ces apparitions :
p : 162
Commenter  J’apprécie          00

Je ne sentais rien, j’étais distrait : la peur me rendait distrait. Je m’imaginais le visage des assassins cachés sous leur visière : j’entendais le bruit des détonations et un sifflement continu dans mes tympans malmenés : je voyais le sang couler brusquement. Aujourd’hui encore, alors que j’écris ces lignes, je ne parviens pas à évoquer ces instants sans que cette même peur me glace tout entier. Dans le jardon présomptueux du thérapeute qui m’avait reçu quand ces problèmes étaient apparus, ma peur s’appelait « stress post-traumatique » et, selon lui, elle n’était pas sans rapport avec l’époque où les bombes dévastaient le pays, quelques années plus tôt. « Donc, ne vous alarmez pas si vous avez des problèmes dans votre vie intime » a-t-il décrété en soulignant ces mors, vis intime. Je n’ai pas répondu.
« Votre corps mène un combat très dur, a-t-il ajouté. Vous devez vous concentrer là-dessus et ne penser à rien d’autre. La libido est ce qui disparaît en premier, vous comprenez ? Alors ne vous faites pas de souci. Ces dysfonctionnements sont normaux
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Juan Gabriel Vásquez (547)Voir plus

Quiz Voir plus

Quiz mou (méfiez-vous des contrefaçons :-) et brûlant

Qu'est-ce qui s'enflamme à 232,8 degrés Celsius ?

Les scorpions (Pekinpah nous voilà)
Les livres (Bradbury nous voici)

1 questions
31 lecteurs ont répondu
Thèmes : tribuCréer un quiz sur cet auteur

{* *}