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Citations de Juan Rulfo (94)


«... Il y avait une lune immense au milieu du monde. Mes yeux se perdaient à te regarder. Un rayon de lune sur ton visage. Je ne me lassais pas de contempler ton image. Douce, frottée de lune, tes lèvres pleines, humides, irisées d'étoiles, ton corps dans l'eau transparente de la nuit. Susana, Susana San Juan. »
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Lorsque l'aube commence à poindre, le jour se retourne sur lui-même, lentement, on entend presque tourner les gonds moisis de la terre, la vibration de cette vieille terre qui rejette l'obscurité.
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"Ce village est plein d'échos. Ils semblent avoir été reclus au creux des murs ou sous les pierres. Quand on marche, on a l'impression qu'ils vous emboîtent le pas. On entend des craquements. Des rires. Des rires très anciens, comme lassés de rire. Des voix usées d'avoir trop servi. On entend tout ça. Je crois qu'un jour viendra où ces bruits s'éteindront."
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Il y a des villages qui ont un goût de malheur. On les reconnaît dès que l’on avale un peu de leur air usé et stagnant, aussi appauvri et sec que la vieillesse. Ce village est de ceux-là, Susana.
Là d’où nous venons, tu te distrayais au moins en regardant naître les nuages, les oiseaux, la mousse. Tu t’en souviens ? Ici, au contraire, tu ne sentiras rien d’autre que cette odeur fanée et piquante qui semble se dégager de toutes parts. C’est que ce village est voué au malheur, tout poisseux d’infortune.
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On aurait dit que les murmures étaient distillés par les murs, filtraient à travers leurs fissures et leurs écaillures. Je les entendais. C’étaient des voix humaines, non pas claires mais assourdies, qui semblaient me chuchoter quelque chose en passant, bourdonner à mes oreilles. Je me suis écarté des murs et j’ai continué d’avancer au milieu de la rue, mais je les entendais tout de même, devant ou derrière moi, comme si elles m’accompagnaient.
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Sans cesser de l’écouter, je me suis mis à examiner la femme qui me faisait face. Je me disais qu’elle avait dû traverser de dures années. Son visage était aussi translucide que si elle n’avait pas eu de sang dans les veines, et ses mains étaient flétries, flétries et toutes ridées. On ne lui voyait pas les yeux. Elle portait une robe blanche très ancienne surchargée de volants et, à son cou, enfilée sur un cordon, une Très-Sainte-Vierge du Refuge, avec l’inscription : Refuge des pécheurs.
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Vuus devez être fatigué, et le sommeil est le très bon matelas pour la fatigue.
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Tu t'es trompé d'endroit. Tu m'as donné une fausse adresse. Tu m'as envoyé là où les questions sont sans réponses. Dans un village désert. À la recherche de quelqu'un qui n'existe pas.
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- Ce village est plein d'échos. Il semble qu'on les ait enfermés dans le creux des murs ou sous les pierres. Lorsque tu marches, tu les sens sur tes talons. Tu entends des craquements. Des rires. Des rires déjà très vieux, comme lassés de rire. Et des voix usées d'avoir trop servi. Tu entends tout ça. Je pense que le jour viendra où ces bruits s'éteindront.
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L'eau qui gouttait des tuiles creusait un trou dans le sable du patio. Cela faisait : "flac, flac", et encore "flac", sur une feuille de laurier qui s'agitait, prise dans une fente des briques. L'orage était passé. De temps à autre, la brise secouait les branches du grenadier, faisant dégouliner une pluie dense et la terre étincelait de gouttes aussitôt ternies. Les poules, tassées comme si elles dormaient, battaient soudain des ailes et sortaient dans la cour, picorant vivement les vers déterrés par la pluie. Dans la course des nuages, le soleil illuminait les pierres, posait des arcs-en-ciel sur les choses, aspirait l'eau de la terre, et jouait avec l'air, faisant briller les feuilles qui dansaient dans le vent.
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«Le temps doit avoir changé, dehors. Ma mère me disait qu'à l'arrivée des pluies, tout se remplissait de scintillements et de l'odeur verte des jeunes pousses. Elle me racontait comment montait la marée des nuages, comment ils se précipitaient sur la terre et la transformaient en lui donnant d'autres couleurs, ma mère... Elle qui a vécu son enfance et ses plus belles années dans ce village et n'a pas pu y mourir. Elle m'a envoyé ici à sa place. C'est étrange, Dorotea, je n'ai pas réussi à voir le ciel. Peut-être lui, au moins, est-il le même que celui qu'elle a connu.
- Je n'en sais rien, Juan Preciado ; je n'ai plus levé la tête depuis tant d'années que j'ai oublié le ciel. D'ailleurs, si je l'avais fait, qu'y aurais-je gagné? Le ciel était si haut et ma vue si basse que je m'estimais déjà heureuse de savoir où se trouvait la terre. [...]»
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T'en souviens-tu, Justina ? Tu avais rangé les chaises le long du couloir pour que les gens qui viendraient la voir puissent s'asseoir en attendant leur tour. Elles sont restées inoccupées. Ma mère est restée seule au milieu des cierges, avec son visage blême, ses dents blanches qui se montraient à peine entre ses lèvres violacées, durcies par la mort livide, ses cils désormais tranquilles et tranquille aussi son cœur. Et toi et moi, qui n'arrêtions pas de prier, sans qu'elle pût rien entendre, sans que nous pussions rien entendre, car tout se perdait dans la nuit avec le tumulte du vent. Tu as repassé sa robe noire, en empesant le col et les poignets pour que ses mains aient bel air une fois croisées sur sa poitrine morte ; sa vieille poitrine tendre sur laquelle j'ai dormi un temps, qui m'a nourrie et a palpité pour bercer mes rêves.
Personne n'est venu la voir. Ç'a été mieux ainsi. La mort ne se distribue pas comme si c'était un bien. […]
Et tes chaises sont restées inoccupées jusqu'à l'heure où nous sommes allées l'enterrer avec ces hommes à gages qui suaient sous un fardeau qui n'était pas le leur, étrangers à tout chagrin. Ils ont entouré la fosse ouverte de sable mouillé ; ils y ont descendu la bière peu à peu, avec la patience de leur métier, dans un vent qui les rafraîchissait après l'effort. Les yeux froids, indifférents, ils ont dit : « Ça fait tant. » Tu les a payés comme si tu faisais un achat quelconque, en dénouant ton mouchoir mouillé de larmes, tordu et retordu, dans lequel tu avais mis l'argent des funérailles…
Quand ils sont partis, tu t'es agenouillée à l'endroit où s'était trouvé son visage, tu as embrassé la terre et tu aurais bien pu y creuser un trou si je ne t'avais dit : « Partons, Justina, elle est ailleurs ; ici, il n'y a plus qu'une chose morte. »
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Il y a des villages qui ont un goût de malheur. On les reconnaît dès que l'on avale un peu de leur air usé et stagnant, aussi appauvri et sec que la vieillesse.
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Là-bas, tu trouveras tout ce à quoi je tiens. L'endroit que j'aime. Où les rêves m'ont creusé les flancs. Mon village, dressé en pleine campagne, plein d'arbres et de plantes, tel un coffret dans lequel on aurait serré ses souvenirs. Tu verras que l'on a envie d'y vivre pour l'éternité. L'aurore et le matin, le midi et la nuit y sont toujours pareils, sans autres différences que celles que le vent apporte. Là, le vent change la couleur des choses, souffle sur la vie comme si elle n'était qu'un murmure, le simple murmure de la vie...
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J'ai vu passer des charrettes, des bœufs au pas lent. Les pierres criaient sous les roues. Les hommes marchaient comme plongés dans le sommeil.
(...) Des charrettes vides, qui broient le silence des rues, se perdent sur le chemin obscur de la nuit. Des ombres. Et leurs échos.
J'ai pensé repartir. Là-haut, la route que j'avais suivie pour venir a été pour moi une plaie ouverte dans le noir des hauteurs.
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Alors il a entendu une plainte. C'est ce qui l'a réveillé : une plainte égale et grêle qui, peut-être parce qu'elle est si grêle, a pu traverser l'écheveau du sommeil et atteindre l'endroit où nichent les alertes.
(...) Dehors, dans la cour, il y avait ces bruits de pas, bruits étouffés de gens qui guettent, et là, debout sur le seuil, cette femme dont le corps empêchait le jour d'entrer mais laissait passer, à travers ses bras, des lambeaux de ciel et, sous ses pieds, des traînées de lumière, une lumière qui ruisselait comme si le sol, au-dessous d'elle, était inondé de larmes. Puis, il y avait cette plainte. Une fois encore, ce sanglot égal mais aigu, cette douleur qui la faisait se tordre.
" On a tué ton père.
- Et toi, maman, qui t'a tuée ? "
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Il n'est aucun souvenir, si vif soit-il, qui ne s'éteigne.
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Je songe à la saison où mûrissaient les citrons. Au vent de février qui cassait les tiges des fougères avant qu'on ne les eût laissées se dessécher. Aux citrons mûrs dont l'odeur emplissait la vieille cour.
Par les matins de février, le vent venait de la montagne. Les nuages attendaient là-haut que le beau temps les fasse descendre dans la vallée ; entre-temps, ils laissaient le ciel bleu vide, ils laissaient la lumière entrer dans le jeu du vent qui dessinait des cercles sur la terre, brassait la poussière et faisait battre les branches des orangers.
Les moineaux riaient. Ils picoraient les feuilles que le vent faisait tomber et riaient ; ils laissaient des plumes entre les branches épineuses, chassaient les papillons et riaient. C'était la belle saison.
En février, quand les matins n'étaient que vent, moineaux et lumière bleue. Je m'en souviens.
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« J'ai l'impression que quelqu'un nous marche dessus.
— N'aie plus peur. Tu n'as plus rien à craindre. Essaie de penser à des choses agréables, parce que nous allons rester ensevelis très longtemps. »

(N. B. ce sont des morts qui parlent.)
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« … L'homme dont je te parle dressait les poulains à la Media Luna. […] Mon ami Pedro disait de lui qu'il domptait un cheval les mains dans les poches. Mais on ne peut nier qu'il avait un autre métier, celui d'incitateur. Voilà ce qu'il était en fait. Il incitait au rêve. Et il a embobeliné ta mère comme bien d'autres femmes. Moi, pour ne pas chercher plus loin, un jour où je me sentais patraque, il s'est présenté et m'a dit : " Je viens te faire une petite imposition des mains pour te soulager. " Ce qui, pour lui, revenait à dire qu'il allait te peloter, en s'attaquant d'abord aux bouts de doigts puis, en frictionnant plus fort, aux mains, aux bras et enfin aux jambes, tout ça à froid mais, au bout d'un moment, l'échauffement ne manquait pas de se produire. Tout en te manipulant ainsi, il te parlait de ton avenir. Il entrait en transe, roulait les yeux avec force invocations et malédictions, te couvrait de crachats comme le font les gitans. Parfois, il se mettait nu en disant que c'était ce que nous voulions, nous, les femmes. Et il lui arrivait de réussir son coup ; il nous pressait de tant de côtés à la fois qu'il finissait par trouver le bon bout. »
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