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Citations de Juan Rulfo (94)


« Doña Susana est morte.
- Mort ? Qui ?
- Sa femme.
- Ta femme ?
- Celle de Pedro Páramo. »
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Là-bas, tu trouveras tout ce à quoi je tiens. L'endroit que j'aime. Où les rêves m'ont creusé les flancs. Mon village, dressé en pleine campagne, plein d'arbres et de plantes, tel un coffret dans lequel on aurait serré ses souvenirs. Tu verras que l'on a envie d'y vivre pour l'éternité. L'aurore et le matin, le midi et la nuit y sont toujours pareils, sans autres différences que celles que le vent apporte. Là, le vent change la couleur des choses, souffle sur la vie comme si elle n'était qu'un murmure, le simple murmure de la vie...
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C’était pendant les jours caniculaires où souffle le vent d’août brûlant, corrompu par l’odeur putride des savonniers.
Le chemin montait et descendait : “Il monte ou il descend selon que l’on s’en va ou que l’on arrive. Pour qui s’en va il monte ; pour qui arrive, il descend.”
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« Réveille-toi ! » lui dit-on.
Il reconnaît le timbre de la voix. Il essaie de deviner de qui il s’agit, mais son corps se dérobe et il sombre dans la torpeur, écrasé par le poids du sommeil. Des mains viennent tirer les couvertures sous lesquelles le corps se tapit dans la chaleur, cherchant la paix, et elles s’y agrippent.
« Réveille-toi ! » dit-on encore.
La voix fait tressaillir les épaules, force le corps à se tendre, les yeux à s’ouvrir. Des gouttes d’eau qui tombent du filtre dans la cruche pleine, des pas traînants font entendre… Puis une plainte.
Alors, il a entendu une plainte. C’est ce qui l’a réveillé : une plainte égale et grêle qui, peut-être parce qu’elle est si grêle, a pu traverser l’écheveau du sommeil et atteindre l’endroit où nichent les alertes.
Il s’est relevé tout doucement et a vu le visage d’une femme en larmes, appuyée contre le jambage de la porte et encore enténébrée par la nuit.
« Pourquoi pleures-tu, maman ? a-t-il demandé en posant les pieds par terre, quand il reconnut les traits de sa mère.
« Ton père est mort », lui a-t-elle dit.
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J'ai lu le livre après avoir entendu une adaptation exceptionnelle, sublime. Je ne pouvais pas ne pas aimer le livre, tellement j'avais été transporté par l'adaptation. S'il y a une seule oeuvre à écouter dans l'histoire de la littérature, c'est celle-ci. On la trouve sur Youtube.
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"Voilà ma mort", a-t-il dit.
Le soleil s'est répandu sur toutes choses et leur a rendu forme. La terre dévastée s'étendait devant lui, vide. La chaleur réchauffait son corps. Ses yeux bougeaient à peine ; ils sautaient d'un souvenir à l'autre, effaçant le présent. Son coeur a eu un brusque coup d'arrêt et il lui a semblé que le temps s'arrêtait aussi. Et le souffle de la vie.
"Pourvu que ça ne soit pas une nouvelle nuit", s'est-il dit.
Parce qu'il avait peur des nuits qui pour lui remplissaient l'obscurité de fantômes. Peur d'être enfermé avec eux. Voilà de quoi il avait peur.
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"Combien d'oiseau as-tu tué dans ta vie, Justina ?
- Beaucoup, Susana.
- Et ça t'a attristée ?
- Oui, Susana.
- Alors, qu'attends-tu pour mourir ?
- La mort, Susana.
- Si ce n'est que ça, elle viendra. Ne t'inquiète pas."
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Il a pensé à Susana San Juan. Il a pensé à la petite servante avec laquelle il venait de coucher il y avait à peine un miment, à ce petit corps saisi d'effroi et tremblant qui paraissait vouloir rejeter son coeur par la bouche. "Tu es un rien de chair", lui avait-il dit. Et il l'avait étreinte en essayent de changer cette chair en celle de Susana San Juan. "Une femme qui n'était pas de ce monde."
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Quand ils sont partis, tu t'es agenouillée à l'endroit où s'était trouvé son visage, tu as embrassé la terre et tu aurais bien pu y creuser un trou si je ne t'avais dit : "Partons, Justina, elle est ailleurs ; ici, il n'y a plus qu'une chose morte."
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Il a dû arriver vers une heure, quand le sommeil est le plus lourd ; quand les rêves commencent ; quand, après le "Dors bien", on remet sa vie entre les mains de la nuit, et quand la fatigue du corps ronge les cordes de la vigilance et les casse.
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Pendant un moment, le vent qui soufflait d'en bas nous a apporté un tintamarre de voix entremêlées, comme celui que fait l'eau pendant les crues quand elle dévale par-dessus les rochers.
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La nuit, tous ces gens énervés se calmaient. Dispersés un peu partout, les feux brillaient et, autour des lumières, les pèlerins disaient leur rosaire, les bras en croix, le regard tourné vers le ciel de Talpa. On écoutait le vent emporter et rapporter ces rumeurs, les mélanger jusqu'à en faire un seul mugissement.
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Il est monté par ici en griffant la montagne, s'est dit celui qui était à ses trousses. Il s'est ouvert un chemin entre les branches à coups de machette. On voit qu'il se laisse emporter par la frousse. Et la frousse laisse toujours des traces.
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On parlerait bien volontiers, ailleurs, mais ici, c'est trop fatigant. Ici on parle et avec cette chaleur qu'il fait dehors, les mots grillent dans la bouche, ils se racornissent, là, sur la langue, et finissent par vous étouffer.
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L'homme avançait en prenant appui sur les cals de ses talons, les ongles de ses pieds raclaient les pierres, il s'égratignait les bras, s'arrêtait chaque fois que l'horizon se dégageait, pour voir où il allait trouver sa fin: "Pas la mienne, la sienne" a-t-il dit. Et il a tourné la tête pour savoir qui avait parlé.
Pas un souffle d'air, rien que l'écho du bruit qu'il faisait en passant entre les branches mortes. Défaillant à force d'avancer à l'aveuglette, mesurant ses pas, retenant même son souffle, il a encore dit: "Je vais où je vais." Et, cette fois, il a su que c'était lui qui parlait.
4e nouvelle: "L'homme" pages 49 et 50 dans l'édition Folio.
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Une goutte d’eau tombe, grande et grosse, qui fait un trou dans la terre et y laisse une trace qu’a tout l’air d’un crachat. Une seule goutte. Nous, on s’attend à ce qu’il en vienne encore, après. Mais il ne pleut pas. Maintenant, si l’on regarde le ciel, on voit le nuage de pluie filer très loin, drôlement vite. Le vent qui vient du côté du village l’empoigne et le lance contre les ombres bleues des montagnes. Et la terre avale la goutte d’eau tombée par erreur, avec une telle soif qu’elle n’en laisse rien.
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On sentait les balles nous fouetter les talons comme si on posait le pied sur un nuage de sauterelles. Et quelque fois, les tirs, de plus en plus nourris, frappaient de plein fouet l'un de nous, qui tombait avec un craquement d'os.
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San Gabriel émerge de la brume mouillée de rosée. Les nuages de la nuit ont dormi au-dessus du village, cherchant la chaleur des habitants. Maintenant le soleil va paraître et la brume se lève doucement, enroule son drap, laisse des effilochages blanches sur les toits. Une vapeur grise à peine perceptible, attirée par les nuages, monte des arbres et de la terre mouillée ; mais elle s'évanouit aussitôt. Et à sa suite apparait la fumée noire des cuisines, à l'odeur de chêne brulé, qui couvre le ciel de cendres.
Là-bas, au loin, les sommets sont encore dans l'ombre.
Une hirondelle a traversé les rues et ensuite a retenti le premier tintement de cloche de l'angélus du matin.
Les lumières se sont éteintes. Alors une tache couleur de terre a couvert le village qui a ronflé encore un peu, endormi dans la chaleur du matin.
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On ne dit pas ce qu'on pense. Ça fait longtemps qu'elle nous a quittés, l'envie de parler. Elle nous a quittés avec la chaleur. On parlerait bien volontiers, ailleurs, mais ici, c'est trop fatiguant. Ici, on parle et avec cette chaleur qu'il fait dehors, les mots grillent dans la bouche, ils se racornissent, là, sur la langue, et finissent par vous étouffer.
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Après tant d'heures passées à marcher sans même rencontrer l'ombre d'un arbre, ni une pousse d'arbre ni une racine de quoi que ce soit, on entend l'aboiement des chiens.
C'est que parfois, au milieu de ce chemin qui n'en finit pas, on a eu l'impression qu'il y aurait rien ; qu'on ne trouverait rien de l'autre côté, au bout de cette plaine sillonnée de crevasses et de ruisseaux à sec. On entend les chiens aboyer, on sent dans l'air l'odeur de la fumée et on la savoure, cette odeur des gens, comme une espérance.
(incipit)
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