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Critiques de Jules Champfleury (11)
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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

Une lecture audio qui a peiné à retenir mon attention, malgré son thème, la narration parfaite de Simon Jeannin et les commentaires intéressants de Sylvain Trias



Ces textes sont présentés chronologiquement et évoquent la manière dont le chat a été représenté dans la littérature au cours des siècles. Sylvain Trias intervient entre chacun d'eux pour les replacer dans leur contexte, commenter l'évolution de la vision du chat dans la littérature, d'un personnage souvent félon, voleur, déloyal ou pire encore maléfique à un animal auquel les auteurs vont s'attacher, qu'ils vont célébrer dans leurs textes, mais un animal qui ne renonce pas à son indépendance.



L'idée m'avait séduite, je connaissais et appréciais certains de ces textes, et pourtant les écouter n'a pas réussi à me passionner. Peut-être parce chaque texte était très court, et ne me laissait pas le temps d'apprécier l'auteur et son style. Peut-être des textes trop variés qui ne m'ont pas permis d'entrer dans l'atmosphère de ce livre audio, et je me suis surprise plusieurs fois à devoir revenir en arrière pour réécouter un extrait.



Une petite déception donc, mais qui saura sans doute séduire d'autres lecteurs-auditeurs.



Merci à NetGalley et aux éditions VOolume pour cet envoi #Leschats #NetGalleyFrance







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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

En tant qu’amoureuse des chats, ce titre m’a tout de suite intriguée et même si je crains quelque peu les textes classiques, je trouvais que se laisser bercer par ces histoires félines était une idée attirante. En revanche, oubliez tout de suite l’image de vos boules de poils toutes mignonnes se prélassant dans le canapé. A travers ces textes, j’ai plutôt découvert l’image que la société avait des chats à certaines époques et c’est parfois très éloigné du regard énamouré que je porte aux miens.



Ces trois heures d’écoute sont passées à grande vitesse, j’ai beaucoup aimé la façon dont le narrateur donne vie à des textes que je n’aurais sûrement pas découvert à l’écrit. Sauf les poèmes de Charles Baudelaire que j’ai eu grand plaisir à écouter et à redécouvrir. La narration est fluide, entraînante, telle une pièce de théâtre qui se déroulerait sous nos yeux. Me prenant complètement au jeu, j’ai été touchée et même un peu choquée par moments. A croire que les chats ne sont pas tous des êtres adorables. Je sais, c’est très difficile à croire.



Il est également intéressant que les textes soient commentés, c’est l’occasion d’apprendre sur le contexte et de prendre en note quelques anecdotes. Ce livre audio est une agréable façon de découvrir les textes classiques sous une autre forme et surtout, avec envie.

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L'Homme aux figures de cire

Je suis tombée sur cette nouvelle par hasard, alors que je cherchais un ouvrage fin-de-siècle au comptoir de vente du musée Gustave Moreau. Champfleury est un nom que j'avais déjà croisé, mais associé à un autre Gustave, Courbet, le réaliste. Je ne comprenais pas vraiment ce qu'il faisait là, dans la maison de l'"assembleur de rêve", magicien des mythologies. Séduite par le résumé j'abandonnai la correspondance de Lorrain et Huysmans, sur laquelle je lorgnais pourtant depuis un moment, à son profit, ce petit livre étant de toute façon plus abordable.



Dans cette nouvelle, Champfleury parle de la passion macabre pour l'inanimé à travers l'exemple d'un montreur de figures de cire devenu lui-même un pantin grotesque au sein d'un musée moribond. le ton est cynique, l'atmosphère malsaine. A la lecture, les images des Vénus anatomiques florentines du 18e siècle et celles, peut-être plus perturbantes encore, des poupée japonaises à taille humaine ultra réalistes ne me quittaient pas. D'un pays et d'une époque à l'autre, certaines obsessions perdurent.



Est-ce pour autant une simple histoire sordide et la seule démonstration de la bassesse humaine, j'en doute. de la part d'un auteur connu comme l'un des théoriciens du réalisme, la nouvelle pourrait être lue comme une réflexion, ou plutôt un clin d'oeil amusé, sur la finalité de la création artistique réaliste. La vraisemblance de la copie, ici de cire, finit par être telle, que l'original n'a plus lieu d'être.
Lien : https://mahautdavenel.wordpr..
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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

Ce recueil regroupe des textes de grands auteurs sur les chats et les replacent dans l'histoire en racontant comment les chats étaient perçus à l'époque de leur écriture.

C'est un livre audio assez court, qui se suit avec plaisir, porté par la voix de Simon Jeannin, qui narre avec talent les textes d'auteurs classiques, comme les commentaires de Sylvain Trias. Ces commentaires montrent l'image des chats dans la société, passant de créatures du diable à câlins ambulants.

SI je ne suis pas amatrices de poésies (c'est peu de le dire), la variété des textes proposés permettra à chacun de trouver son bonheur.

Par contre, aucune autrice n'est présente dans cet opus. J'imagine que ce n'est pas forcément facile de trouver le matériel qu'il fallait, mais comment avez-vous pu oublier Colette…

Reste que ce recueil est très agréable à écouter offrant une variété de textes (contes, nouvelles, poèmes) et des commentaires intéressants. A découvrir.

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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..



Une écoute audio courte et particulièrement intéressante : au fil des siècles on remonte le cours de l’Histoire et on découvre la place que le chat y a occupée.

Cet être longtemps craint et malmené par certains et adulé par d’autres.

Tout est bien expliqué, des anecdotes amusantes, d’autres beaucoup plus cruelles parsèment le récit entre les textes d’auteurs classiques à la plume habile comme Baudelaire, Alexandre Dumas, Verlaine, Edgar Allan Poe, Lewis Carroll, etc.



On ressort de cette écoute moins bête ^^



Une « histoire qui au fil des siècles aura transformé cet animal maléfique en l’ami incontournable du monde de la culture. »
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Les Chats : À travers 17 textes cultes comm..

"Les Chats" est un recueil de textes célèbres, une balade littéraire divertissante et instructive à travers les œuvres de Baudelaire, du Bellay, Dumas, Poe, Perrault, Carrol, Montaigne, Verlaine, Balzac, Renard, La Fontaine, Champfleury, Moncrif.



Textes commentés par Sylvain Trias à découvrir chez @VOolume grâce à l'interprétation de Simon Jeannin !



Pourquoi le chat s'en va-t-il tout seul ? Les chats anglais sont-ils vraiment les plus distingués ? Par quel prodige cet animal maléfique est-il devenu, au fil du temps, l'ami incontournable du monde de la culture ? Vous trouverez réponse à ces épineuses questions, et à bien d'autres, dans notre sélection de 17 textes cultes commentés et mis en perspective.



Je remercie @VOolume et @NetGalleyFrance de m'avoir permis cette écoute très agréable de trois heures que je n'ai pas vu passer. Cela m'a permis de (re)découvrir ces textes classiques qui rendent hommage à nos amis les chats, ces êtres si malmenés par certains et si adulés par d'autres. J'ai beaucoup apprécié découvrir l'image que la société portait sur eux et qui évolue au fil des siècles.



Le narrateur parvient à donner de la vivacité à ces textes anciens en les modernisant grâce à son interprétation très juste et son flux narratif fluide, ni trop lent, ni trop rapide, qui s'écoute comme une pièce de théâtre.



J'ai aussi beaucoup aimé le fait que ces textes soient commentés car cela ajoute une plus-value contextuelle qui permet une meilleure compréhension. Une façon distrayante d'aborder des textes classiques que je recommande aux amoureux des chats !

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Les chats

D'abord pour l'objet livre un bel ouvrage petit format (10x15) rigide et de belle facture avec un papier mat couleur crème, pages épaisses il est très agréable en main. Éditions du Chêne.



De nombreuses et jolies gravures (dessins et eaux fortes dans l'édition originale) illustrent le livre.



Publié en 1868, Champfleury réunit peintres, philosophes, écrivains, sculpteurs, pour dresser un inventaire des représentations du chat à travers les civilisations depuis l'Antiquité. Il dresse un portrait de la nature du chat, ses comportements, son langage, ses jeux.



Plusieurs chapitres font état de réflexions à replacer dans le contexte de l'époque, mais Champfleury, plutôt fâché contre Descartes, préfère s'ouvrir aux esprits guidés par l'observation et la raison, tels Aristote, Plutarque, Montaigne.

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Les bourgeois de Molinchart

Grande audace qu'a eu Julien, le comte de Vorges, de choisir pour amante la femme de l'épicier de Molinchart dans un village où tout se sait.



Un simple procès de voisinage ameute toute la population, alors imaginez si le scandale de la relation entre le comte et Louise, la femme de l'épicier, était connue.



Pour l'heure, il n'est que suspecté, aussi pour détourner l'attention, il n'y a rien de mieux que de remplacer un sujet populaire par un autre.

C'est l'écuyère du coin qui est maintenant follement amoureuse du comte, dit-on. Les ragots pleuvent de tous les côtés quand l'écuyère chuta de son cheval à trop regarder au loin le comte avec admiration en perdant l'équilibre… La rumeur bouillonne, c'est un succès !



Les visites étant rares et difficiles, il doit aussi gagner la confiance du mari, l'épicier, dont le comte s'efforce d'en faire un ami, ou plutôt de subir sa lourde amitié.

L'amour est un concept inconnu chez cet épicier, sa femme est un acquis comme un autre, c'est plutôt les petites associations du coin qui méritent tout son amour de petit bourgeois médiocre et vaniteux.

De grands congrès pompeux où se mélange tout un tas de vieux et fantasques savants du dimanche et poètes maladroits : c'est le lieu favori de l'épicier, spécialisé dans la météorologie. Totalement inconnue du grand public, les membres de l'association y sont fiers comme si elle avait une dimension internationale.



Ce grand niais d'épicier dans la poche du comte, le comte peut entretenir des visites régulières et cachées à sa femme.



Tout n'est toutefois pas si simple dans un petit village où grouille des vieilles femmes qui ont pour unique occupation celle des autres.

Ursule, la soeur de l'épicier est une experte en ragots et rumeurs en tout genre, elle dévore de ses yeux le monde extérieur et voit le mal partout sans pourtant voir sa propre putréfaction intérieure.



En peu de temps, elle dévoilera avec certitude la relation et en fera jaser le tout public, elle rabaissera Louise avec une cruelle joie tout en la renfermant dans son foyer à subir ses railleries et discours culpabilisants à longueur de journée.



Des projets de fuite de cet enfer sont entretenus par la femme de ménage de Louise, qui sert d'intermédiaire au comte qui tente l'exiler à Paris.

Son projet aboutit et le rêve se réalise mais Louise passe d'un monde à un autre sans préparation. Elle n'aime pas l'esprit des femmes entretenues et coquettes qui règnent sur Paris, le bruit incessant… Se cloîtrer dans son appartement est son quotidien mais en outre elle a ce grave défaut d'être trop parfaite, trop douce, trop compatissante, sans réelle volonté. C'est un animal sauvage trop vite et mal apprivoisé, elle se complait dans une languissante vie sans buts. L'amour a beau contredire l'esprit de Julien, il est conscient que la situation sera fatale un jour ou l'autre sans en connaître le dénouement.



Au moment où il développe d'amer regrets, il est rattrapé et condamné par la justice pour détournement de femme mariée.



L'auteur a plein de bonnes idées mais devrait appuyer avec davantage de forces les points qu'il veut démontrer.

Il ironise sur les petits bourgeois de campagne, les commères, la réputation publique, les petits procès… C'est élégant mais cela ne pique pas. Seule la vieille et ignoble commère qui fait du chantage culpabilisant et manipulateur est marquante tant on la déteste.

Le comte seul a de l'esprit dans le roman, sorte d'introspection de l'auteur dans un personnage unique, conscient dans un monde médiocre et qui se noie dans l'espoir d'un amour impossible avec cette femme dont il a tellement boulversé le destin qu'elle n'est plus maître de rien. Et en s'abandonnant à lui tout entier, l'amour s'est abandonné dans un néant insipide et irréversible. C'est l'amer regret de la fin du roman.



Le roman a connu un fort succès à son époque grâce à ces petits épisodes de réalisme où l'on observe en autres : la plaidoirie mielleuse et larmoyante d'un avocat manipulateur et une autre qui joue sur les attaques personnelles avec excès ; la description du petit de salon de thé du coin où foisonnent toutes les rumeurs… On détaille avec beaucoup de sarcasme le mode de vie du petit bourgeois moyen et cela plait/plaisait au lecteur de l'époque. Il est dommage que l'intrigue principale prenne tant de temps à décoller pour finalement retomber à plat assez brusquement à la fin, cela aurait mérité une suite pour donner un peu de profondeurs.

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Les chats

A réserver exclusivement aux amoureux des chats ET de la littérature du XIXe siècle ! 

Ceci n'est ni un thriller,  ni un roman classique,  ni un feel good, c'est une antiquité, une sorte de bible des chats datée de 1869... Un bel exemple de littérature classique au style impeccable, désuet et encyclopédique. 

Champfleury, écrivain oublié, fait le tour des "connaissances" de son époque et du passé, des légendes et préjugés racistes ou misogynes. Le chat tueur de lièvres ennemi du chasseur,  le chat à qui on coupe la queue pour qu'il soit moins malade (si si !), les théories péremptoires des "scientifiques" du passé dont le but est avant tout d'affirmer la supériorité de l'homme, le chat de la sorcière, le chat de l'écrivain  (Baudelaire, Victor Hugo...), celui de la ville et celui de la ferme... Mais quelques jolies gravures et une édition de qualité ne suffisent pas à rendre cet ouvrage réellement passionnant.

Même pour le félinomane que je suis !
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Les Demoiselles Tourangeau

Aucun autre écrivain que Champfleury n'a su incarner aussi fidèlement, aussi parfaitement, l'époque à la fois féconde et cynique du Second Empire. Tout l'esprit de Napoléon III se résume dans cette carrière littéraire presque jumelle à la carrière politique de l'Empereur, s'étirant sur le plan romanesque de 1852 à 1870, avant que l'écrivain ne se réinvente comme historien d'art.

Champfleury était le pseudonyme littéraire de Jules Husson-Fleury, un journaliste local originaire de Laon, monté à Paris pour y faire carrière et qui fut servi par quelques très influentes amitiés, dont celle profonde et sincère qu'il partageait avec le peintre Gustave Courbet. Champfleury devient sous son influence un défenseur avide du réalisme dans l'art. Il appartient à cette génération des intellectuels lucides nés dans les années 1820 et qui veulent en finir avec le romantisme lyrique et évaporé de leur jeunesse pour faire émerger une littérature puisée dans le quotidien, dans la réalité de la vie des gens – des gens, mais pas nécessairement des petites gens, ce qui éloignera Champfleury des Naturalistes dont il s'était un temps rapproché.

Farouche monarchiste converti au bonapartisme, Champfleury était un bourgeois volontiers méprisant pour le peuple, les gens sans instruction et le républicanisme. Sans être particulièrement versé en politique, c'est un souverainiste qui considérait que c'est à l'élite de la société d'en gérer le fonctionnement. C'était surtout un ardent défenseur du rationalisme, doctrine philosophique héritée d'Aristote et de Platon, diffusée en France par René Descartes via son célèbre « Discours de la Méthode », et sensiblement modernisée au tournant du XIXème siècle en "rationalisme critique" par les philosophes allemands Emmanuel Kant et Georg Wilhelm Hegel.

le rationalisme se veut une philosophie qui place au-dessus de tout le raisonnement et la déduction logique nourrie par l'expérience. Elle rejette toute pensée irrationnelle, atavique, spirituelle et métaphysique, même si elle n'est pas pour autant opposée à la religion, qu'elle perçoit néanmoins comme un système social permettant de dominer les brutes et les gens simples par une morale basée sur un mythe superstitieux. le rationalisme est essentiel pour comprendre la pensée globale du XIXème siècle, tant il explique à la fois l'excellence artistique et intellectuelle de ce siècle, mais aussi son manque d'empathie, sa cruauté de jugement et son rejet des classes sociales les plus modestes ou des communautés religieuses, ethniques ou étrangères.

L'avènement définitif de la République, à partir des années 1870, entame un déclin progressif du rationalisme, vigoureusement combattu car accusé de manquer d'empathie, d'approfondir les inégalités et d'étouffer toute forme d'utopie. Voilà pourquoi en un siècle et demi nous sommes passés d'une société intellectuelle brillante, mais hautaine et méprisante, à une société à la fois plus humaine et plus égalitaire, mais complètement stupide. Sans doute que la perfection se tiendrait dans l'éventualité d'un juste milieu, mais cela reste hélas à définir et à appliquer.

Cette digression est importante pour expliquer l'oeuvre de Champfleury, dont les livres ne sont pas seulement des romans, mais des "études de moeurs" (Champfleury, en préface de ce volume, se réclame l'auteur de cette expression, ce qui n'est pas impossible), visant à démontrer, en situation "réelle", le bien-fondé de la pensée rationaliste.

« Les Demoiselles Tourangeau » nous conte effectivement une intrigue assez simple et réaliste, bien que posant une problématique d'ordre philosophique. le narrateur, Lucien, est un jeune parisien en première année de médecine. Il a sympathisé, sur les gradins d'un cours de droit, avec Michel Tourangeau, un provincial monté à Paris pour y devenir avocat. Bientôt une chaude et réciproque amitié unit les deux hommes qui, par mesure d'économie, louent ensemble un très grand appartement. Ils y partagent à la fois une amitié intellectuelle harmonieuse, et le travail rigoureux que nécessitent leurs études, dont la mise en commun renforce la qualité et le sérieux.

Durant les vacances scolaires, Michel retourne dans son Aisne natale pour y revoir sa famille. Très vite, il propose son ami de séjourner lui aussi dans la demeure familiale, laquelle est assez cossue, le père de Michel étant une sorte de promoteur immobilier de vieilles fermes retapées.

La petite ville de Longpont existe réellement dans l'Aisne, à mi-chemin entre Villers-Cotterêts et Soissons, et correspond assez bien au bain de verdure qui englobe le jeune parisien de son immanente tranquillité. La seule différence réside dans le fait que Lucien présente Longpont comme une ville assez conséquente de "cinq mille âmes", alors que le véritable Longpont a toujours été une minuscule commune rurale qui n'a jamais dépassé les 330 habitants.

Les Tourangeau sont fort bien logés dans une fermette de plusieurs étages, où les chambres d'amis ne manquent pas. C'est par ailleurs une famille attachante, et majoritairement féminine. le père Tourangeau, passionné par son métier, est rarement chez lui en dehors des heures des repas. La mère Tourangeau est une femme au foyer épanouie, mais au tempérament anxieux, qu'un trop-plein de bonheur inquiète. Et puis il y a les demoiselles Tourangeau, les trois filles du couple, les trois soeurs de Michel.

- Il y a d'abord Christine, l'aînée. C'est la moins jolie, mais la plus dévote. Sa ferveur religieuse est d'ailleurs maladive, et contribue à sa déchéance physique, Christine ayant à la fois une existence recluse et chagrinée, un tempérament nerveux et hystérique, et une propension au jeûne qui altèrent sa santé et sa séduction. C'est néanmoins vers elle que Lucien se sent d'abord attiré, de par la rigueur morale qu'implique la bigoterie de Christine, mais aussi parce qu'il la sent malade, tourmentée, et que sa vocation de médecin influe sur ses premiers élans du coeur.

Il est à noter que « Les Demoiselles Tourangeau » est, à ma connaissance, le plus ancien roman où la foi religieuse d'un personnage est exclusivement abordée comme une dangereuse pathologie mentale.

- Il y a ensuite Émelina, une jeune femme si radicalement opposée à sa soeur que la relation qui les unit est extrêmement conflictuelle. Émelina est une jeune femme qui lit beaucoup de romans, qui est pétrie d'idées exotiques, poétiques, mais aussi progressistes et féministes (elle milite pour l'indépendance financière de la femme, et son droit à travailler et à faire carrière). Émelina se révèle, pour Lucien, une interlocutrice charmante, toujours prête à accompagner Lucien dans des promenades bucoliques, tant elle est amoureuse de la nature, amoureuse de la faune, de la flore, amoureuse d'à peu près tout, et donc très logiquement, assez vite amoureuse de Lucien. Mais celui-ci, rationnaliste implacable, se défie de cette romantique qui s'abandonne à toutes les pulsions, et qui ne cesse de parler, de parler encore, de tout ce qu'elle ressent, de tout ce qu'elle imagine, de tout ce qu'elle voudrait faire et vivre, des envies brusques de fuite et de grandes aventures qui la saisissent parfois, au coeur de sa vie monotone et insipide. Aussi délicieux que soit ce babillage fleuri et coloré de jeune fille, forcément attendrissant même lorsqu'Émelina s'irrite du conservatisme frileux de Lucien, ce dernier ne s'imagine pas supporter un tel moulin à paroles et à idées sottes, du matin au soir pendant des décennies.

- Et enfin, il y a la troisième soeur, Julienne, celle à laquelle, durant toutes les années que couvre ce récit, Lucien parle le moins, tout simplement parce qu'elle travaille sans cesse. Julienne appuie sa mère, vieillissante, dans les tâches domestiques et gère aussi les besoins et les nécessités du foyer, servant d'ambassadrice à toute cette famille de gens qui ne se comprennent pas. Elle calme même les sautes d'humeurs de Michel, assez souvent perturbé par les incompatibilités de ses proches.

Bref, Julienne consacre sa jeune existence à prendre soin de ceux qu'elle aime. Elle ne lit pas de romans enfiévrés, ne va pas à la messe, ne songe pas même à l'amour et au mariage : il y a trop de travail dans cette grande maison, dont elle sait fort bien qu'elle en sera l'unique héritière, une fois ses parents disparus, tant ses soeurs seront incapables de s'en occuper. Lucien finit par s'éprendre de Lucienne, en laquelle il sent une âme droite, solide et saine.

Mais peut-on réellement parler d'amour ? Car l'amour n'est guère rationnel. Les sentiments de Lucien sont avant tout déduits de l'expérience acquise auprès de Christine et d'Émelina : de la droiture tempérée de Julienne nait une estime, une admiration et surtout une confiance qu'il ne peut éprouver pour les deux autres soeurs, trop à la merci de leurs émotions, et d'une certaine manière, déjà condamnées par cet abandon total à l'émotivité.

Émelina, la première, ne supportant plus le climat conflictuel de sa famille, s'est faite lectrice, puis dame de compagnie pour une aristocrate russe de passage, qui l'a entraînée dans son lointain pays. Elle qui se voyait déjà princesse orientale après de longues aventures flamboyantes se prépare à finir bonne à tout faire dans un pays au climat hostile dont elle ne peut s'échapper. Celle qui rêvait de dominer, de son caractère fort et passionné, la détermination patriarcale d'un homme se retrouve assujettie par une vieille femme cynique, qui a bien compris combien il est facile de mener par le bout du nez les âmes trop romantiques.

Quant à Christine, après un long séjour à Vichy, pour tenter de calmer par les eaux thermales quelques unes des douleurs imaginaires qu'elle croit envoyées par le Démon, elle en revient plus fanatisée que jamais, après la rencontre d'un prêtre qui a senti en elle le bois dont on fait les saintes martyres, et qui ne cesse, durant son séjour, de la pousser plus avant dans la dévotion, la mortification, et au final, la mort.

Affaiblie par ses privations et par le nuage d'obscurantisme qui lui ronge le cerveau, Christine meurt d'épuisement et de morbidité à Longpont. Sa mère, durement affectée par cette perte, semble elle aussi sur le départ. Bientôt seule en ce foyer affligé, Julienne n'a aucun mal à conclure que ce beau Lucien tombe à pic, d'autant plus qu'il lui accorde l'attention affectueuse que personne dans sa famille n'accordait à Julienne, tous habitués à ce qu'elle soit le pivot central du foyer. Et comme de plus, le vieux médecin de Longpont a pris sa retraite, il y aura pour Lucien une maison qui l'attendra après son diplôme, et dont il pourra faire son cabinet médical (époque ô combien lointaine où les médecins aimaient s'installer dans le terroir).

Comme on le voit, tout s'emboite à merveille dans ce pamphlet rationaliste, mais tout justement s'emboite trop bien pour que ce soit aussi rationnel que cela se veut. Comme tous les contes philosophiques, « Les Demoiselles Tourangeau » est plus perspicace sur ce qu'il dénonce que sur ce qu'il promeut.

Certes, Christine reflète fidèlement les grenouilles de bénitiers des temps passés.

Certes, Émelina ressemble beaucoup à nos adolescentes modernes, lectrices de romans de fantasy ou d'esthétisme celtico-gothique, cherchant la sublimation des sens dans une identité artistique obsessionnelle (le recueil de citations qu'elle alimente et que Lucien juge durement rappellera à beaucoup certaines pages féminines de nos actuels réseaux sociaux).

Mais Julienne, elle, n'est qu'un fantasme. Je dirais même que c'est paradoxalement le fantasme irrationnel sur la femme rationnelle, au caractère fort mais à l'ego effacé, soutien de famille mais servile sur commande, jolie mais pas coquette, tendre mais pas lascive, travailleuse mais pas ouvrière, ambitieuse au final mais soumise de bon coeur à l'époux qui aura droit sur sa vie.

Cette improbable Julienne, née d'un idéal naïf et purement masculin, fait grandement capoter la démonstration rationaliste. Champfleury s'est très probablement - et de façon parfaitement irrationnelle - abandonné au regret de ne pas avoir lui-même déniché une telle perle rare, mais voulait tout de même la brandir en exemple, on ne sait jamais, ça peut susciter des vocations…

Heureusement, Champfleury, tout philosophe et raisonneur soit-il, savait aussi raconter une jolie histoire avec un style bucolique charmant quoique forcément un peu étriqué dans sa morale. Si la démonstration rationaliste tourne court, « Les Demoiselles Tourangeau » se lit sans aucun ennui, et parvient même à l'exploit difficile d'être ouvertement "feelgood", comme on dirait aujourd'hui, et parfaitement intelligent; c'est-à-dire d'éviter le piège d'un optimisme niaiseux, et de faire la part assez juste entre la quête instinctive du bonheur et l'aveuglement idéologique qui parfois en découle. Selon Champfleury, ce sont les désordres émotionnels, et la façon dont on s'y abandonne par romantisme exacerbé ou par narcissisme pervers, qui sont bien souvent la cause de tous nos malheurs. Son jugement est parfois sévère, mais plus de 150 ans après la publication de ce roman, une telle conclusion n'a pas pris une ride et mériterait peut-être enfin, en refermant cet ouvrage, que l'on y réfléchisse chacun sérieusement et profondément.
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Chien-Caillou : Fantaisie d'hiver

Les Fantaisies d'hiver sont un recueil d'histoires courtes, assez méconnu de nos jours. Je l'ai découvert par pur hasard, en téléchargeant des livres numériques sur le site de tv5monde.



La première histoire, et la plus longue, est Chien-Caillou : très peu d'histoires arrivent à être à la fois mignonnes et émouvantes en si peu de mots. On y parle de pauvreté et de gens malheureux qui, dans leur douleur, font des choses qu'ils regrettent et accroissent encore plus leur malheur.

La deuxième histoire est une anecdote à propos d'un croque-mort, raconté avec beaucoup de légèreté.

La troisième conte une partie de dame entre un maire, ancien membre d'un tribunal révolutionnaire, et un abbé. Portrait peu reluisant des révolutionnaires.

La quatrième évoque avec une incroyable amertume teintée d'ironie le sort des misérable pendant l'hiver à Paris.

La cinquième poétise un peu sur le début du printemps et la mort de l'hiver.

La sixième et magnifique joue avec espièglerie sur la personnification d'une gravure de jeune fille et d'un rayon de soleil.

La septième est une fable amusante sur l'automne et les poètes à la recherche d'inspiration.

La huitième, une anecdote sur la Seine et la morgue – celle où l'on conserve les corps.

La neuvième est un court passage de Henry Heine traduit en français.

Enfin, la dixième est un récit biographique qui traite de la perception de l'excentricité dans une communauté et de la folie.

J'ai particulièrement apprécié la première, bouleversante, la quatrième, puissante, et la sixième, fine et touchante.



Malgré les thèmes peu joyeux, Champfleury sait ajouter de l'humour à travers quelques remarques décalées ou ironiques, en apostrophant le lecteur, en insérant des interludes commentant sur la littérature, sur son propre récit, ou sur certains aspect de la société.

Le sous-titre de ce livre "Ceci n'est pas un conte" – probablement en référence au même titre d'un conte de Diderot – ne saurait être plus vrai : on erre entre la nouvelle, la fable, l'anecdote ou le poème en prose, en fonction du récit.



C'est court, vite lu, mais mérite d'être connu. Un injuste oubli de l'histoire.
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