Citations de Jules Renard (993)
extraits d"histoires naturelles" illustrés avec légèreté. Un bonbon à savourer en entracte !
16 janvier - Rostand avait un cocher attaché à sa personne. Il était plein de pitié pour lui. Quand il soupait, après le théâtre, il lui était insupportable de penser que le cocher restait dehors, à la pluie, au froid, à minuit et plus. Ca lui gâtait tout. Alors, il lui faisait porter un grog et dire de rentrer, que, lui, prendrait un fiacre.
Une nuit, le cocher entra au café et dit à "monsieur", qu'il le quittait. Il était vexé de ne pas être pris au sérieux.
"Auriez-vous peur ?" me demande Mme Vernet, comme nous passions sur un pont qui grinçait de tous ses fers.
Je luis dis :
"Oh ! moi, j'ai le physique lâche !"
Le véritable courage consiste à être courageux précisément quand on ne l'est pas.
La dernière page de ce numéro de "La petite illustration" est consacrée à la Comédie Française. Il est de coutume, dans cette revue, de reprendre parfois l'histoire d'un grand Théâtre.
Retracer l'histoire de la Comédie Française, c'est évoquer les souvenirs les plus glorieux de notre littérature dramatique.
De l'année 1689 où "l'Hôtel des Comédiens du Roi entretenus par sa Majesté" prit pour la première fois le nom qu'on lui connaît jusqu'à l'époque contemporaine, on ne peut songer à énumérer tous les auteurs, les pièces, les acteurs et les administrateurs successifs qui donnèrent, au fil des siècles, à cette belle institution le prestige qu'aucun autre Théâtre ne peut lui disputer.
Rêve de grandes choses : cela te permettra d’en faire au moins de toutes petites
Chacun trouve son plaisir où il le prend.
Quand un homme a prouvé qu'il a du talent, il lui reste à prouver qu'il sait s'en servir.
Elle affecte un goût, jusque-là contrarié, pour la nourriture
simple. Elle laisse le vin aux gens des villes et veut boire du cidre. Ses lèvres se resserrent, feuilles de sensitive. Sourit-elle ?
grimace-t-elle ? Elle aime le pain de ménage, dur, noirâtre au
moins, les couteaux qui ne coupent pas, les verres sans pied.
Elle souhaite des chutes d’insectes dans les plats.
Chaque matin,au saut du perchoir,le coq regarde si l'autre est toujours là___et l'autre y est toujours.
Le coq peut se vanter d'avoir battu tous ses rivaux de la terre,__mais l'autre, c'et le rival invincible,hors d'atteinte.
L'idéal du calme est dans un chat assis
La religion est l'excuse de leur pensée paresseuse. Vous leur donnez, de l'univers, une explication toute faite, bien médiocre. Ils se gardent d'en chercher une autre, d'abord parce qu'ils sont incapables de chercher, ensuite parce que ça leur est bien égal.
114 – [Librio n° 981, 14 septembre 1903]
Le bourgeois est celui qui n'a pas mes idées.
Ne jamais être content : tout l'art est là.
Il est victime de ce vice littéraire qui consiste à se forcer à aimer ce qu'on se croit obligé d'admirer. (p.347)
Le rêve, c'est le luxe de la pensée. (p.321)
La joie d'avoir travaillé est mauvaise : elle empêche de continuer. (p.307)
Le critique, c'est un botaniste. Moi, je suis un jardinier. (p.72)
- Poil de carotte : « Sans doute, les autres ont leurs peines. Mais je les plaindrai demain. Je réclame aujourd’hui la justice pour mon compte. Quel sort ne serait préférable au mien ? J’ai une mère. Cette mère ne m’aime pas et je ne l’aime pas. »
- Monsieur Lepic, son père : « Et moi, crois-tu donc que je l’aime ? » dit avec brusquerie M. Lepic impatienté.
A ces mots, Poil de Carotte lève les yeux vers son père. Il regarde longuement son visage dur, sa barbe épaisse où la bouche est rentrée comme honteuse d’avoir trop parlé, son front plissé, ses pattes d’oie et ses paupières baissées qui lui donnent l’air de dormir en marche.
Un instant Poil de Carotte s’empêche de parler. Il a peur que sa joie secrète et cette main qu’il saisit et qu’il garde presque de force, tout ne s’envole.
Puis il ferme le poing, menace le village qui s’assoupit là-bas dans les ténèbres, et lui crie avec emphase :
- « Mauvaise femme ! te voilà complète. Je te déteste. »
- « Tais-toi, dit M. Lepic, c’est ta mère, après tout. »
- « Oh ! répond Poil de Carotte, redevenu simple et prudent, je ne dis pas ça parce que c’est ma mère. »
p. 152