Julia Heaberlin

Ma mère m'a tué,
Mon père m'a mangé,
Ma sœurette Marlène a pris bien de la peine ,
Por recueillir mes os jetés
Dessous la table et les nouer
Dans son foulard de soie
Qu'elle a porté sous le genévrier .
Kywitt,kywitt,bel oiseau que je suis!

Que disait cette citation de Poe que Lydia aimait tant? " j'ai sombré dans une folie ponctuée de longues périodes d'horrible lucidité"

Son bras m'entoure. Il dit quelque chose. Ma tête roule sur son épaule. Je le sens se raidir, puis se détendre. Son corps est chaud, une vraie bouillotte, comme celui de papa. Je me fiche bien de savoir si ce comportement est approprié pour un psy.
Il est la chaleur.

Si j'ai appris une chose cette année a propos des psychiatres cette année ,c'est qu'ils n'aiment pas que leurs invités se pointent avec des surprises .
Ils veulent être les seuls à semer sur le chemin des miettes de pain,même si elles finissent par mener à une forêt si dense qu'on n'y voit rien.

Et parce que Lydia resterait toujours Lydia,L'imagination dans la folie, un opus pris au hasard qui étudiait les " dessins, plans,descriptions et coutumes des aliénés " en 1876. Elle m'a enseigné les principes du test " une maison ,un arbre,une personne". La maison , c'est à dire comment je vois ma famille,L'arbre, mon univers . La personne comment je me vois,moi.

D'adorer déterrées de leur première cachette,puis jetées dans le champ avec moi,telles des carcasses de poulet.Nous étions quatre en tout,abandonnées lors d'un meme voyage .

La télé dit que l'exécution aura lieu d'ici quelques mois.
Je sursaute.c'est exactement ce vers quoi se dirigeait mon esprit .La voix d'homme éraillé qui a retenti dans mon dos est celle de M.Wermuth,imprégnéemanipulateur de la fumée des cigarettes.
Je marque un temps d'arrêt et déglutis pour faire disparaître le nœud dans ma gorge,j'attends qu'il me demande si je serai au premier rang pour voir mon agresseur émettre son dernier souffle .Au lieu de sça,il me tapote l'épaule maladroitement.

Angine était une sainte ,un Bulldog,une sorte de martyre aussi. Elle avait consacré la derniere moitié de sa vie et la majeure partie de l'héritage de ses parents à faire libérer des prisonniers que l'État du Texas avait condamné à tort.

C’est mon dix-septième anniversaire, et les bougies sur le gâteau ont allumées.
Les petites flammes me font signe de me dépêcher. Je pense aux Marguerite, allongées dans leur glacial tiroir métallique. A leur odeur, dont je ne parviens pas à me débarrasser, malgré les douches répétées et pourtant je frotte, je frotte.
Sois heureuse.

J'aurai is vraiment été heureuse de ne plus jamais,jamais,remettre ça.De ne plus jamais poser mes fessés sur le divan d'un psy.De ne plus revoir mes dessins manipulateurs représentant une jeune fille qui court dans le sable ,une autre dans sa bouche.
De ne plus avoir à lutter contre cette sensation atroce,l'impression que l'autre personne dans la pièce n'a qu'une envie ,éplucher mon cerveau pour percer à jour les secrets.

Eh oui.Comme l'intitulé m'avait intrigué ,j'ai fait un saut à la bibliothèque avant.Quand je suis rentrée dans l'amphi,ton psy parlait de l'étiologie de la fugue dissociative,en lien avec l'amnésie.

Chère Tommie, j'ai passé la plus grande partie de ma vie à vous chercher. Je crois que vous êtes ma fille.

Je ne sais plus qui je suis.
J'ai dit ça tout haut, dans le pick up, à mi-chemin de chez Sadie.
Je suis le fruit du mensonge.

Tu trouveras toujours la bonne réponse si tu prends le temps d'y réfléchir.

Tout ce temps je me suis protégée,et jusqu'ici tout va bien.Je suis heureuse maintenant et plus la gamine que j'étais à seize ans.

Ce que ce passage dans cette tombe m'a appris de plus précieux ? À relativiser.

Mon père brandit mon avenir comme un trophée cabossé qui aurait encore du sens,si lourd soit-il.
Il est assis derrière cette porte ,il se bat pour moi.Chaque jour,il se bat.J'ai tellement envie de m'élancer jusqu'à lui, de me blottir entre ses bras.

Trouble de conversion . Il a un joli nom sophistiqué,mon problème.
Freud appelaitça la cécité hystérique.

« Le mal vient à petits pas de chat. Il se poste assis au-dessus du port et de la ville. Je sais bien que ce n’est pas de ça que parle ce poème. Normalement, c’est le brouillard qui vient à petits pas de chat. Le brouillard, le mal. Ça marche aussi. En général, on n’aperçoit les phares que lorsqu’il est trop tard. »

Les souvenirs ne sont pas comme du compost,avait déclaré le docteur en me guidant jusqu'à son bureau .ils ne se décomposent pas.