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Citations de Julia Latynina (63)


Comme nous l’avons déjà dit, Zaour jouissait alors de faveurs exceptionnelles pour un prisonnier. Ses détenteurs lui donnaient des livres et, une fois, il lui fut même permis d’aller se laver. Buvadi Khangeriev passait le voir au moins une fois par semaine et prenait le temps de converser avec lui dans la cave, au moins une heure et souvent plus. Il le consultait sur toutes sortes de problèmes de gestion. Il lui demanda même un jour s’il devait ouvrir à Moscou un réseau de restos-grils à brochettes comme des amis azéris le lui avaient proposé.
Le maître de maison aussi descendait de temps à autre pour causer un brin avec Zaour. C’était un ancien professeur de langue et littérature russes qui n’avait rien à voir avec les boïéviks et ne touchait pas d’argent pour l’entretien du prisonnier dans sa cave, mais aucun villageois du coin n’aurait osé désobéir à Buvadi Khangeriev depuis qu’il avait fait venir vingt soldats russes sur le parvis du village, dont six avaient été convertis à l’islam et tous les autres, égorgés.
Certes Zaour était toujours très mal nourri, mais pour la seule et bonne raison que les maîtres de maison eux-mêmes n’avaient rien à manger.
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— Personne ne bouge ! dit Wahit.
A cet instant l’un des accusés saisit d’une main un garde planté près de la cage, le plaquant contre les barreaux, et dégoupilla de l’autre main une grenade qu’il lui mit sous le nez. L’autre se pétrifia sans opposer de résistance pendant qu’un troisième larron prenait les clés de la cage.
Toute l’assistance se rua vers la sortie à l’exception du juge qui, naturellement, ne pouvait s’enfuir, ayant un pistolet collé sur la tempe. Les bandits bondirent hors de la cage, désarmèrent les gardes et les jetèrent à leur tour derrière ces mêmes barreaux. Il est vrai que, sur les neuf membres de la bande, seuls sept prirent la fuite, les deux autres ayant préféré, après réflexion, rester dans la cage avec leurs gardes.
Le juge fut poussé dans le couloir et jeté dans un véhicule de la police de la route qui attendait à la sortie et démarra sur les chapeaux de roues.
Il s’agissait là d’un événement extraordinaire pour l’époque parce que ce n’était pas tous les jours que des accusés s’échappaient de leur cage en emmenant avec eux le juge de la Cour suprême.
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On apprit que l’avion arrivait de Pridnestrovie et que les armes avaient appartenu aux troupes stationnées dans les pays signataires du traité de Varsovie.
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Quand il regagna sa troupe, deux semaines plus tard, Djamaluddin découvrit avec surprise qu’un pli secret l’attendait. De toute sa vie, il n’avait jamais vu de pli secret. Cette guerre se faisait sans plis secrets. On ne recevait pas d’ordres non plus. Chaque chef d’unité agissait à l’échelle de son champ de vision. Les uns ne voyaient pas plus loin que la première tranchée, d’autres jusqu’à la deuxième. Arzo, jusqu’à la troisième. Il ne servait à rien de voir plus loin. A vouloir regarder plus loin, on finissait par avoir la berlue.
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Ce n’était ni une villa ni un palais mais un château médiéval qui surplombait les lieux dans le plus pur respect des règles de fortification. Une vingtaine de quatre-quatre stationnaient à l’intérieur dans une cour goudronnée, dominés par un blindé clinquant d’huile et de peinture fraîche. Ainsi d’un labrador au milieu de chiens pékinois. A droite du blindé s’échappait une coquette allée de pierre qui dévalait la pente, enlaçant au passage une fontaine mise en veille pour l’hiver.
Là-haut, sur un plan de gros cailloux blancs, s’épaulaient quelques maisons plus ou moins grandes, collées flanc contre flanc, pareilles à des champignons sur une souche, avec, en retrait, la flèche d’un minaret cernée d’une galerie close, comme un clou qu’on aurait planté pour accrocher la montagne au ciel.
Derrière les maisons plongeait l’autre versant du relief par d’épineux buissons enneigés, truffés de projecteurs et de caméras de surveillance, puis par une coulée de pierre qui butait sur des roches rougeâtres semblables à des poings levés, tombées là depuis des temps immémoriaux.
Plus bas, c’était un champ de mines envahi par la mauvaise herbe à fleur de neige, bordé en aval par des rouleaux de barbelés, des hangars de casernes en alu et un ruban de béton qui se perdait dans le vide : la piste de la base aérienne de Bechtoï.
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Les journaux télévisés rendirent compte de l’opération. Filmé devant l’immeuble en ruine de la rue Youjnaya, le ministre de l’Intérieur de la république Mahomed Tchebakov déclara que tous les terroristes finiraient comme des chiens. Il y avait à ses côtés un homme en treillis, obèse, pas très jeune : le vice-procureur général de la fédération de Russie nommé chef du tout nouveau Comité d’urgence de lutte contre le terrorisme et la diversion de la république régionale d’Avarie-Dargo-Nord où un attentat d’une audace inouïe avait été perpétré trois mois plus tôt, des bandits ayant fait sauter sur la route de Chamkhalsk la voiture de Vladislav Pankov, premier commis du Kremlin auprès du district fédéral du Caucase.
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Yangurchi s’approcha et vit que l’enfant n’était pas seul dans l’ambulance. Une femme en chemise de nuit était couchée près de lui sur un brancard avec deux hommes assis à son chevet : le ministre de l’Intérieur Mahomed Tchebakov et le colonel Khadjiev. Les yeux rivés sur elle, Yangurchi s’aperçut soudain qu’elle avait bougé.
Cela n’avait pas échappé à Tchebakov qui souleva le plastique noir dont elle était couverte et vit ses doigts gratter le brancard. Alors le patron du ministère de l’Intérieur sortit son pistolet et tira dans le front de la femme.
— En route, dit-il à l’ambulancier.
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Sans dire un mot, Djamaluddin s’accroupit au-dessus d’un corps qu’il fit rouler sur le dos. D’après l’étiquette qu’il portait à son pied nu, c’était Wahha Arsaïev, entièrement brûlé, dont la tête faisait penser à un ballon noir rabougri. Quand Djamaluddin l’eut tiré par les cheveux, une partie du scalp lui resta dans la main.
— Lui aussi tu veux l’enterrer ?
C’était la voix de Tchebakov.
Djamaluddin jeta le scalp sur la dépouille, se leva et dit :
— Je ne fais pas la guerre aux morts. Je fais la guerre aux vivants
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Il se passait quelque chose d’incroyable. Kirill Vodrov, haut fonctionnaire du Kremlin, et le ministre de l’Intérieur de la république régionale d’Avarie-Dargo-Nord étaient dans la mire de pistolets-mitrailleurs, et ce non pas dans les montagnes, ni en temps de guerre, ni dans le feu d’une opération commando, mais en plein centre-ville, à deux pâtés de maisons du siège gouvernemental. Et les hommes de l’unité d’élite du FSB qui les accompagnaient avaient baissé leurs armes en exhibant un sourire impudent.
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Comme l’instruction était au point mort, Moscou avait dépêché dans la république, deux jours auparavant, toute une kyrielle de responsables fédéraux. Les résultats ne s’étaient pas fait attendre : le chef des terroristes venait d’être éliminé.
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On maîtrisa l’incendie tant bien que mal, et deux hommes des forces spéciales déposèrent dans une ambulance un torse minuscule ramassé sur le bitume.
Une file se forma bientôt devant le véhicule. Tous les flics du dispositif d’encerclement venaient voir le petit corps gisant derrière la portière.
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Pétrifié, Yangurchi ne quittait pas des yeux la femme aux abois sur le balcon.
Sans doute attendait-elle la nacelle d’une grue de pompier, mais point de nacelle. Alors la femme se pencha dans le vide en tenant son enfant à bout de bras. Un vaste fouillis encombrait le balcon de l’étage inférieur avec, fixées à la balustrade, de larges jardinières emplies de terre. La femme semblait vouloir jeter son enfant là-dessus.
Apparut une deuxième femme, jeune et plutôt replète, vêtue elle aussi d’une chemise de nuit. Elle enjamba la rampe et sauta sur le balcon inférieur. Ceci fait, elle n’alla pas se réfugier dans l’appartement mais tendit les bras en l’air pour récupérer l’enfant. L’autre le lâcha et la chute du petit commença. Il manquait moins d’un mètre.
Un fusil toussa sèchement à gauche de Yangurchi, et la jeune grassouillette, celle qui venait de sauter d’un étage, fut projetée au fond du balcon. Yangurchi se trouvait assez près pour voir la moitié droite de son visage réduite à l’état d’une pastèque rouge sang éclatée. Un deuxième tir claqua et l’enfant se contorsionna dans le vide, touché par la balle. Il n’y avait plus personne pour l’intercepter à l’étage inférieur et il continua sa chute, recevant encore deux autres balles en cours de vol.
Sur le balcon du haut, la femme poussa un cri désespéré, les bras en croix. Une seconde plus tard, le support du balcon recevait un obus à fragmentation.
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Ça détona si fort que Yangurchi manqua d’y laisser les oreilles. Un petit kiosque de dépannage, ouvert jour et nuit, fut léché par une flamme qui jaillit du canon. Le coup porta dans le mur du rez-de-chaussée, ouvrant une brèche d’un bon mètre. L’étage supérieur résista, signe qu’on avait tiré un obus à blanc pour ouvrir la voie à l’assaut.
L’instant d’après, une femme surgit sur le balcon du quatrième étage. On ne pouvait pas dire qu’elle était dévêtue : elle portait une espèce de chemise de nuit plaquée si fort par le vent qu’on voyait bien qu’il n’y avait rien dessous. Elle tenait dans ses bras un bébé d’un an ou deux, et Yangurchi, de son œil perçant, distinguait nettement son visage blême et effrayé.
— Mais tirez, putain ! Feu ! hurla Tchebakov.
Pétrifié, Yangurchi ne quittait pas des yeux la femme aux abois sur le balcon.
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Yangurchi s’attendait à ce que le colonel au béret proteste et prenne la défense de son frère de tribu tchétchène, d’autant que le compromis sur la libération des femmes venait de lui, mais l’autre tourna les talons sans piper et remonta dans son Hummer. Le fédéral en manteau gris, avec ses airs d’importance, ne dit rien non plus.
Le ministre de l’Intérieur écouta la réponse d’Arsaïev et raccrocha.
— Donnez l’assaut, commanda-t-il.
Le Hummer blanc avança de cinq mètres et s’immobilisa près d’un bungalow. Un char se positionna à sa place.
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Il y avait peu de chance qu’un homme capable de cogner des putes et leurs clients permette à sa femme de se montrer au balcon dans le plus simple appareil. Devant Allah, il revenait au mari de répondre du comportement de sa femme. Le jour du Jugement dernier, Allah ne demanderait pas à la femme ce qu’elle faisait nue devant les soldats. Il lui demanderait seulement : “As-tu obéi à ton mari ?” Pour tout le reste, à Wahha de répondre. Or ce dernier, qui comptait bien décrocher un cinq-étoiles au paradis par son comportement, ne risquait pas de compromettre la chose en laissant sa femme courir à poil devant les fédéraux.
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La proposition parut pour le moins étrange à Yangurchi. S’il avait été, lui, à la place d’Arsaïev, il n’aurait jamais laissé sa femme se montrer nue au balcon sous le regard de centaines d’hommes du dispositif d’encerclement. Encore Yangurchi n’était-il qu’un blanc-bec, un sergent de vingt ans qui ne mettait pas les pieds dans les mosquées, alors que Wahha Arsaïev faisait sa prière cinq fois par jour et interdisait à ses boïéviks de dire des gros mots. On racontait même que huit ans plus tôt les hommes d’Arsaïev faisaient des rondes dans la rue Octobre-Rouge rien que pour y molester les prostituées. C’était d’ailleurs comme ça qu’avait commencé son conflit avec les flics car ceux-ci chapeautaient le business de la prostitution.
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— C’est une bonne chose, Wahha, que tes femmes soient prêtes à se rendre, mais je n’arrive pas à croire que ce n’est pas un piège. Votre planque est bourrée de plastic. Et si elles enfilaient des ceintures explosives pour les mettre à feu au moment d’être prises ? Non, si tu veux que ta famille reste en vie, il faut qu’on s’y prenne autrement. Tes femmes devront d’abord se montrer à poil sur le balcon pour qu’on soit bien sûrs qu’elles ne portent pas d’explosifs. Après quoi elles seront évacuées par des échelles de pompier.
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Khadjiev avait affaire aux Russes depuis si longtemps qu’il parlait sans accent, à peine avalait-il les labiales à cause de la moitié abîmée de sa bouche.
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Khadjiev dit quelques mots en tchétchène au téléphone, puis raccrocha. Un gros Russe en manteau de laine courut à lui (une huile débarquée de Moscou, à ce qu’on disait). Il ne tenait pas en place et parlait à la cantonade :
— Alors ? Alors quoi ?
Khadjiev tourna le visage du côté de Yangurchi qui se sentit comme balayé par le rayon infrarouge d’un fusil à lunette bien que l’autre eût les yeux levés sur l’immeuble et non sur lui. L’homme avait les cheveux tout blancs et la prunelle marron foncé, presque noire, la pupille liserée d’étincelles rouges qui lui émaillaient l’iris, le blanc des yeux lézardé de veinules gonflées de sang.
Ces yeux noirs qui lançaient des étincelles, Yangurchi les avait déjà vus une fois. Il savait qu’il ne les oublierait jamais d’ici à la fin de ses jours, ni même après. Le Tchétchène regarda le fédéral et prononça d’une élocution à peine altérée :
— Il a dit : Lâchez les femmes et faites de nous ce que vous voudrez.
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Il y eut un bruissement de pneus derrière Yangurchi. Un Hummer blanc s’immobilisa près du fourgon, d’où surgit un petit homme sec en treillis, un béret des troupes d’élite vissé sur le crâne. Il avait un portable à la main. Yangurchi, qui était en retrait sur sa gauche, ne le vit d’abord que de profil, bronzé, un nez proéminent, en bec d’aigle, le menton volontaire, la pommette saillante. Puis l’homme au béret se retourna, exhibant une face découpée en deux parties bien distinctes. La moitié droite paraissait telle que l’avait créée Allah, et Allah, indéniablement, avait eu la main large en puisant dans la marmite à beauté pour sculpter le visage de cet homme ; mais, sur l’autre moitié, l’œuvre d’Allah portait les marques d’un éclat de grenade.
Sa manche gauche était vide, agrafée à sa ceinture. Cette moitié d’homme s’appelait Arzo Khadjiev, un ancien chef de bande rallié aux forces fédérales, désormais colonel et chef du groupe Youg.
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