Jun Cai

Jiao Keming était un bon père de famille, un bon mari et un bon professeur… Que peut-on ajouter, sinon que ce genre d'homme a souvent une mauvaise fin ?

- Il existe encore une autre légende. La Démone n’aurait pas quitté l’endroit et serait simplement devenue invisible, sauf pour ceux qui possèdent un œil capable de voir les fantômes.
- Je crois l’avoir.
La Démone disparue ressuscitée ?
La Démone disparue il y a dix-huit ans doit ressusciter dans la rue Nanming, accompagnée par le dieu de la Mort, les cheveux rouges comme le feu, rouges comme le sang.
Avec son téléphone, elle éclaira sa courte chevelure rouge, comme une démente féroce.

En 1999, au cœur de l’été, la Démone disparut mystérieusement. Certains déclarèrent qu’elle était morte, d’autres qu’elle était partie dans le monde des esprits, d’autres encore qu’elle s’était métamorphosée en chat de gouttière ; enfin, on a même prétendu qu’elle rôdait toujours dans le voisinage…
Des années plus tard, le sujet était devenu tabou au lycée, les professeurs n’osaient pas l’aborder. Si un élève se risquait à l’évoquer, il était sévèrement rappelé à l’ordre, voire victime d’une mesure disciplinaire.
Finalement, retenez le vrai nom de la Démone… Ouyang Xiaozhi.

Ce fut Sheng Xia qui lui donna son nom : Sishen (dieu de la Mort).
Elle avait en effet adoré la saga Death note. Elle pensait qu’il ne pouvait pas y avoir de nom plus terrifiant que celui-ci. Ainsi, quand elle le promenait dans la rue et qu’elle criait : « Sishen, ne te sauve pas ! », les passants étaient pris de panique. C’était génial !
Toutes les recherches demeurèrent vaines : il fut impossible de déterminer la race de l’animal. Bien que son poids dépassât celui des deux filles, il ne les menaçait jamais. Il restait le plus souvent sagement couché à leurs pieds, comme s’il se prenait pour un labrador de compagnie.
Un jour, il s’était échappé, pour ne plus jamais reparaître.

- Ne le regarde pas dans les yeux ! cria le vétérinaire.
Mise en garde superflue.
Ye Xiao connaissait le chien et le chien le connaissait. Ils avaient tous les deux une mémoire à toute épreuve et un courage surhumain. L’inspecteur respira profondément, au risque de faire pénétrer des poils dans les lobes de ses poumons, et laissa pendre naturellement ses bras pour montrer qu’il n’avait pas d’intention agressive.
- Sishen !

Une semaine plus tôt, Sheng Xia avait fêté ses dix-huit ans.
Elle s’était offert elle-même son cadeau d’anniversaire, un voyage d’une semaine en Thaïlande, profitant d’un billet en promotion. Elle était partie le 11 août et avait repris l’avion le 18. Elle était rentrée chez elle la veille au petit matin. Elle avait voyagé seule. La nuit de son anniversaire, son professeur d’informatique avait été assassiné avec sa famille…
Hier, ses camarades l’avaient informée par WeChat.

En contemplant ce visage, on ressentait d’abord la douceur du printemps, puis la froideur du givre qui fondait aussitôt. Elle ne craignait pas de soutenir le regard de son interlocuteur ; ses yeux fixaient les siens – deux trous noirs perçant l’écran –, le clouaient sur place, le désarmaient et le contraignaient à se rendre.
Si cette jeune fille vivait encore, Ye Xiao brûlait d’envie de faire sa connaissance.
C’était une démone.

En découvrant le troisième cadavre, Ye Xiao manqua d’être victime d’un arrêt cardiaque. Il serra les poings et retrouva son calme.
C’était un monstre.
Le jeune policier était sur le point de défaillir, l’inspecteur l’autorisa à quitter les lieux.
Un monstre était couché sur le lit. Il ne possédait que la moitié d’une tête. Au-dessus des sourcils, il n’y avait rien ; comme si on avait découpé le crâne à la tronçonneuse. On aurait cru voir une pastèque entamée si la pulpe rouge avait été visible. Le sommet de la tête, puisqu’il faut employer ce mot, était recouvert d’une membrane plate, si bien qu’on pouvait se demander où était le cerveau. L’incendie, toutefois, n’en était pas responsable. C’était un cas de tératologie congénitale.

gémissant que ce n’était pas bien de faire ça. Sans un mot, la mère retourna dans la cuisine pour préparer un autre plat d’anguilles frites à son mari. Debout derrière son dos, sa fille épongeait le sang avec des mouchoirs en papier.

D’après le médecin, la tumeur est maligne mais pas incurable. Malheureusement, elle est mal placée et il serait difficile d’opérer sans risquer d’endommager le tronc cérébral. Si on n’a pas recours à la chimiothérapie, la tumeur va peu à peu dévorer tout le cerveau. Les médicaments et l’acupuncture peuvent seulement soulager la douleur.

N’importe qui pouvait être l’assassin, ou être en rapport avec lui. Les cendres des trois membres de la malheureuse famille avaient été déposées dans trois petites urnes et réunies dans la même tombe.

L’homme était réservé, il avait peu d’amis. Il ne prenait jamais de photos, et ne félicitait ou ne critiquait jamais personne. Parfois, dans le cercle de ses proches, quelqu’un plaisantait sur lui, oubliant peut-être qu’il risquait de lire les blagues.

On apercevait seulement un homme tout en noir qui portait un casque. Il était impossible de juger de son âge et de son aspect physique.

Les livrets de banque et l’argent liquide étaient toujours là. Il n’y avait rien de valeur dans l’appartement, ce qui était normal puisque son propriétaire était un pauvre professeur.

Dans le gris de la mort
Deux enfants ont marché
L'un rouge vif
L'autre vert pâle