L'enfant étoile : titre original "Krokodillevogteren", Danemark 2016, France 7/01/2021.
Un polar classique ? Oui, avec une scène de crime réaliste et les investigations de spécialistes crédibles. Nous sommes à Copenhague et une jeune étudiante a été assassinée, son cadavre est atrocement mutilé. L'enquête est confiée à la Criminelle. Une enquête classique commence avec les découvertes déterminantes des scientifiques, une autopsie érudite, les interrogatoires des proches de la victime dont le lecteur ressort avec des impressions ambigües.
Un polar classique ? Oui, avec un duo d'enquêteurs, Jeppe Kørner et Anette Werner, que tout semble opposer. Lui a été récemment brisé par un divorce, Anette est épanouie dans sa vie de couple. Mais cette association est efficace pour progresser dans la traque d'un meurtrier fou, ce que les flics redoutent le plus. Julie, la victime a eu son visage tailladé au couteau avant sa mort.
Un polar classique ? Oui, avec des indices qui pointent dans mille directions différentes. L'enquête s'annonce ardue, avec son lot de fausses pistes, de rebondissements, et de suspense. Tout cela est bien au rendez-vous pour rendre la lecture addictive.
Mais ce n'est pas un polar classique ! Katrine Engberg surprend le lecteur avec un scénario d'une rare habileté. Les premiers pas de l'enquête emmènent Jeppe et Annette vers une voisine de la victime, Esther de Laurenti, membre d'un groupe d'écriture. Quel personnage cette Esther, excentrique et attachante retraitée qui se dope au cubi de vin rouge pour l'aider à trouver l'inspiration ! Dans son appartement, des piles de pages et parmi celles-ci un récit glaçant, un polar avec un meurtre effroyablement similaire à celui de Julie. Qui a lu ce manuscrit et s'en est inspiré pour tuer ?
Dans un polar classique, les portraits ne sont que rarement aussi approfondis que ceux de la dizaine de protagonistes qui gravitent autour d'Esther et que Julie fréquentait également. Des personnages fragiles ou solides, banals ou extravagants, timides ou mégalomanes, manipulateurs ou influençables, tous semblent avoir un passé tourmenté jusqu'à influencer le présent. Il n'y a pas de narrateur dans le récit de Katrine Engberg, seulement le regard du duo d'enquêteur et les pensées et réflexions des principaux protagonistes, témoins ou suspects avec peut-être parmi eux la ou le coupable. Les relations de Jeppe et Anette surprennent, tout les oppose mais il n'y a pas d'affrontement brutal entre eux, à peine quelques remarques critiques. Chacun énerve l'autre mais finalement leur relation est marquée d'une sollicitude inattendue.
J'ai vraiment été surpris par ce polar qui sort de l'ordinaire et emmène le lecteur loin des scénarios classiques. Le récit est porté par la psychologie des personnages. Tout s'enchaîne de manière simple et logique, le quotidien des personnages alterne avec des révélations surprenantes et énigmatiques dans le monde de l'art et sur l'enfance orpheline, à la poursuite d'un assassin qui jalonne son chemin criminel d'étoiles gravées sur le cadre d'une porte ou tatouées sur un poignet. L'épilogue est de la même veine, cocktail efficace d'action et de révélations troublantes.
Katrine Engberg est une auteure danoise et "L'enfant étoile" est la traduction en France du premier titre d'une série qui compte cinq tomes parus entre 2016 et 2020. Jeppe Kørner et Anette Werner n'ont sans doute pas fini de nous étonner ...
Merci à Fleuve éditions
Lien :
http://cercle-du-polar-polai..