Kirmen Uribe

Un mal qui ne guérit pas s'aggrave.

Dans un passage du livre, Unamuno [exilé à Hendaye] parle des visites qu'il reçoit en provenance du Pays Basque. Il raconte que ses amis lui demandaient quand prendrait fin la dictature. Et que sa réponse était toujours la même : "Combien de temps cela va-t-il durer ? Tant que vous le voudrez bien !"

"Pendant la guerre [...] Elle a accueilli chez elle un officier partisan de Franco, Javier, mais aussi une femme dont la mère était recluse à la prison des femmes de Santurrarán."
Je fronçai les sourcils.
"Oui, je sais que ça semble bizarre qu'en temps de guerre il y ait eu des gens des deux camps chez elle. Mais les idées sont une chose, la générosité en est une autre."

Le plus important ce sont les histoires, qu’elles soient vraies ou fausses, ou les deux.

De fait, les histoires reflètent les nuances de la réalité. Et les nuances sont ce qu'il y a de plus important dans la vie.

Notre tradition littéraire est comme la maison de ses parents, petite, modeste, désordonnée. Mais la pire chose que nous puissions faire est de la laisser dans l’ombre. Au contraire nous devons inviter ceux qui nous rendent visite et leur proposer tout ce que la maison a à offrir, même si c’est peu de chose et que cela leur semble bien maigre

Votre langue ressemble à la carte au trésor, me révéla-t-elle. Si tu fais abstraction du reste des lettres pour ne regarder que les x, on dirait qu'ils te montrent le chemin vers le trésor.

Thomas Mann disait qu’il fallait, avant d’écrire sur un événement réel, laisser s’écouler quelques années, que la société devait être engagée dans une nouvelle ère. Ce n’est pas vraiment le cas ici. J’ose pourtant m’aventurer, sans plus tarder, dans le récit de cette histoire. Cette histoire, qui est celle d’une famille. Cette histoire, qui pourrait être celle de tout un peuple.

Page 163 : à l'arrivée de l'Asturienne Carmen à Ondarroa : « La surprise de Carmen fut grande quand elle descendit de l’autocar et vit que tous les hommes étaient vêtus de bleu indigo. Cela lui fit froid dans le dos. Elle pensa que que tout le village était phalangiste, au lieu de comprendre qu'il s'agissait de pêcheurs. » (allusion à la Division azul des franquistes)

Au début, l’idée était d’écrire sur le bateau de mon grand-père. Et au passage, de parler d’un mode de vie qui est en train de disparaître. Un mode de vie très lié à la mer. En plus, le nom du bateau est très évocateur. Dos amigos.

La révolte des jeunes fit tache d’huile dans toutes les couches de la société, en particulier dans les milieux culturels et universitaires. Ce fut une seconde renaissance culturelle : la musique, la littérature, l’art renaissaient dans les mains de nouveaux créateurs, à la fois avides de modernité et attachés à la tradition. Le groupe polyvalent Ez dok Amairu, ainsi que les ateliers artistiques nés de l’initiative du sculpteur Jorge Oteiza sont des exemples notoires de ce rayonnement culturel. Les ouvriers, également, commençaient à s’organiser et à s’enhardir : à côté des syndicats « jaunes » de Franco, les anciens syndicats d’avant-guerre commençaient à se reconstituer et des groupements nouveaux voyaient le jour.

Laisse-moi vivre ma vie, ama. Je veux faire mon chemin. Je sais que je ne réussirai pas toujours, que je commettrai des erreurs, mais ce seront mes erreurs.

La musique provenait d’une maison à l’aspect délabré, de l’autre côté de la rue. Nous changeâmes de trottoir. On continuait de jouer ; soudain, le son se tut et les notes de musique furent remplacées par une douce voix angélique :
« Je ne peux pas continuer de jouer. C’est tellement beau ! Je me sens incapable de poursuivre… Comme j’aimerais aller à Cologne pour écouter un concert !

Il faut savoir s’adapter. Franco est maître en la matière. Ne vous fiez pas à la propagande des Rouges. Je vous assure que Franco ne va pas tomber. Vous feriez mieux de vous accommoder à la situation. Si vous le souhaitez, je peux vous aider à obtenir les papiers. Prenez votre temps pour réfléchir tranquillement, cher ami, et appelez-moi quand vous voudrez.

 C’est un gars brillant, un vrai philosophe. La dernière fois qu’on s’est vu, il m’a appris que les défauts sont bien plus intéressants que les vertus. Selon lui, les travers nous apprennent beaucoup sur les gens comme sur les peuples. Et pour être un peuple comme il faut, nous devons avoir des défauts ! Ils ne doivent pas être grands, mais importants.

Je voudrais bien vivre dans une petite maison comme celle que l’on voit là-bas, sur le flanc de la colline. Mais, pas tout seul… j’aurais besoin d’un bon cuisinier à mes côtés.

Les fascistes avaient la fâcheuse tendance à tout réquisitionner. Une femme, originaire du village d’Arrasate, me raconta qu’on lui avait même confisqué la poussette jaune de son nouveau-né. Elle avait ensuite regardé chaque jour passer devant chez elle un couple de parents, partisans du régime franquiste, promenant leur enfant dans cette poussette jaune qui lui avait été volée.

Pendant des siècles, nous avons su maintenir l’équilibre entre assimilation et résistance, entre tradition et modernité ; cela nous a permis de perdurer, depuis la nuit des temps. Oui, nous acceptons difficilement ce qui vient d’ailleurs ; mais une fois que nous faisons nôtre une mutation, nous en devenons les défenseurs les plus farouches. Nous avons mis du temps à nous convertir au christianisme, mais depuis lors… il n’y a pas eu plus croyants que nous.

Certains récits peuvent habiter des années l’esprit de l’écrivain avant d’être couchés sur le papier ; la plupart se perdent dans la nuit des souvenirs mais quelques-uns résistent au passage du temps...