Citations de Larry Watson (73)
Nous savions tous ce qui était arrivé — il était là présent ce passé que nous partagions tous, que nous ne reniions pas mais dont nous ne parlions pas, comme si ce silence était une question de bonnes manières.
Mon père détestait tellement les disputes qu'il faisait volontiers des promesses ou des suggestions comme celle-ci pour nous remonter le moral. Malheureusement il était bien rare qu'elles se réalisent.
Mon Dieu, ce que mon père pouvait maudire le vent, lui. "C'est ça, enlève la bonne terre et donne-la au Dakota du Sud !"
Je savais sans qu'on ait eu besoin de me le dire, comme l'air qu'on respire, que l'université n'était pas faite pour les Indiens. Pendant la guerre, Ronnie avait servi dans l'infanterie. Assez bon pour l'armée mais pas assez pour l'université !
C'est l'opération la plus difficile. Une fois les cartouches enfoncées, n'importe quel imbécile est capable de tirer. C'est bien ce qu'elle compte faire.
Blanche Weboy est née Blanche Gannon, ses ancêtres venaient de l’Illinois, et ils ont pris possession de terres au nord-est de Gladstone avant même que Gladstone n’existe. La vie a été dure dans les premiers temps. Blanche avait sept frères et sœurs, elle a perdu une sœur aînée, morte d’une pneumonie, et un jeune frère qui s’est noyé dans la citerne d’un voisin. Un autre de ses frères avait fait une chute de cheval, s’était cassé la colonne vertébrale, et avait passé le restant de ses jours sur une chaise roulante. Un de ses oncles était mort gelé quand il s’était perdu dans le blizzard en revenant de la ville. Son père avait été mordu par un serpent à sonnettes et avait failli en mourir. Oui, la vie était dure et tout le monde n’était pas capable de supporter ça. Dès qu’ils avaient pu, les frères et les sœurs de Blanche étaient partis sans le moindre regret. Blanche avait été la seule à rester, et ses enfants représentaient désormais la quatrième génération de Gannon et de Weboy nés et élevés sur le sol du Montana.
Bill Weboy fait les présentations. On échange des poignées de main, et pendant quelques instants les nouvelles connaissances battent la semelle, lèvent la tête vers le ciel bas et font des commentaires sur le temps – le comportement humain équivalent à celui des chiens qui tournent les uns autour des autres en se reniflant le derrière.
Depuis les escarpements rocheux à l’est de la ville, on a l’impression que Gladstone, Montana, est le résultat d’un coup de fusil, le centre commercial et les quartiers résidentiels sont au point d’impact, resserrés au milieu, puis les magasins et les maisons dispersés qui figurent la chevrotine appartiennent à ces natifs du Montana pour qui l’espace est plus sacré que les rapports de bon voisinage. Et toujours plus loin du centre, les arbres se font encore plus rares, au-delà des limites de la ville, rien ne pousse plus haut que le genou, si ce n’est les peupliers près des courbes scintillantes de la rivière Elk. Dans cette vaste étendue aride, on aperçoit quelques ranchs mais depuis cette hauteur, on ne peut pas savoir s’ils sont abandonnés ou exploités.
Je ressentis soudain une grande distance entre nous, comme si chacun, à cet instant, se tenait seul sur son carré de linoléum , à mille lieues des autres. Trop éloignés pour sauter d'île en île, il fallait nous contenter du regard que l'in pouvait porter sur l'autre comme ma mère e faisait alors avec mon père.
Comme Daisy tenait les fenêtres et les rideaux clos pour se protéger de la chaleur du jour, la maison McAuley était sombre et sentait le renfermé. Il y régnait d'ailleurs une odeur étrange, comme si Daisy y avait fait cuire un légume dont personne n'aurait jamais entendu parler.
Je sentais le poisson et je ne pouvais pas m'empêcher d'y penser. C'était pour ça que je ne me trouvais pas à l'aise dans cette pièce, c'était à cause de ça et non en raison du secret que je détenais, de la terrible découverte que j'avais faite...
Quand on voit les deux hommes côte à côte, il est évident que George Blackledge est plus vieux que Jack Nevelsen, mais la ressemblance est telle qu’ils pourraient être père et fils. Est-ce que c’est d’être shérif qui confère cet air distant et rongé par les soucis, ou est-ce que ce sont les gens de cette partie du monde qui n’élisent à ce poste que des hommes qui ont cette allure ?
Ça fait justement partie des choses que je n'ai jamais pu apprendre, dit-elle de sa voix tremblante. Ce n'est pas ce que tu m'as sans cesse répété, George ? Que je ne sais jamais quand il faut renoncer ?
Elle dénude un corps qui révèle le nombre de ses années aussi sûrement que les feuilles jaunes disent qu’on est en automne.
L'automne est venu, dans le Montana du nord-est. L'haleine des gens, la clarté des étoiles, l'odeur du feu de bois, les pierres au sol que même une journée de soleil ne saurait réchauffer, tout cela dit qu'on ne pourra plus se croire en été.
Il est de ces hommes qui préfèrent se faire des promesses à eux-mêmes plutôt qu'aux autres.
Un jour, comme il faisait la queue pour payer ses achats, Julian surprit une conversation entre un vieil homme aux jambes arquées et à la peau tannée et deux jeunes cow-boys.
— On m’amène donc ce cheval avec deux marques, disait le vieil homme. J’ai su alors ce qui m’attendait. Je le selle et le monte. Il reste immobile, de marbre. Puis comme je vais pour l’éperonner, il renverse brutalement la tête et je la prends en pleine figure. Il me casse le nez, et je me retrouve les quatre fers en l’air. « Que quelqu’un me donne une cravache ! », dis-je, et par Dieu, je lui ai fait mettre genou à terre.
Si tel était le châtiment pour un nez cassé, Julian se demanda ce qu’il en serait dans le Montana pour la mort d’un homme.
Mon Dieu, et t'en serais capable en plus. Et quand tu finiras par te rendre compte que ce que tu veux ne peut pas se faire ? Qu'est-ce qui va se passer à ce moment-là ?
Ça fait justement partie des choses que je n'ai jamais pu apprendre, dit-elle de sa voix tremblante. Ce n'est pas ce que tu m'as sans cesse répété, George ? Que je ne sais jamais quand il faut renoncer ?
« ——-Mais bon Dieu qu’est ce que je devrais penser?
Baiser une Indienne, la tripoter ou je ne sais quoi ……..
On ne met pas un homme en taule pour ça .
On n’enferme pas son frère. Un homme respectable. Un héros de guerre .
——-Arrête , papa. Je t’en prie » ..
« C’est un lieu commun que de souligner l’étroitesse d’esprit et la mesquinerie qui caractérisent la vie de village . Il me faut pourtant souligner qu’en 1948, à Bentrock, dans le Montana, l’inverse était vrai .
Les habitants de notre communauté toléraient toutes sortes de personnages aux comportements les plus excentriques, les plus insolites ou les plus aberrants . » ….