Le duel des grands-mères (bis)
Comme en écho au livre de Dembélé lu récemment, voici la version US du même thème, énième variation – ici particulièrement réussie – de la réflexion identitaire, de ce qui nous fonde et de ce qui nous fait ; de ce que l'on est, selon où l'on naît.
À Dalton, Dakota du Nord, Margaret et George Blackledge n'ont pas eu la vie espérée. Comme sa femme, l'ancien shérif aujourd'hui tâcheron dans le bâtiment ne s'est pas remis du décès accidentel de leur fils. Fini l'exploitation du ranch, les réjouissances familiales et les espoirs de transmission.
Et pour ajouter à leur malheur, leur belle-fille Lorna n'est pas restée veuve longtemps, s'entichant d'un fils Weboy qu'elle a suivi dans le Montana au coeur d'un clan familial peu recommandable. Et dans ses bagages, Jimmy, petit-fils arraché à l'amour d'une Margaret inconsolable.
Bien décidée à le ramener chez elle - « C'est un Blackledge, Georges. Il doit vivre parmi les siens » - Margaret se met en route, quitte à s'opposer à Blanche Weboy, l'autre grand-mère. “Une fois qu'il est arrivé dans le Montana et qu'il est entré dans sa maison, il est devenu un Weboy. Un des siens. Et quand elle pense que quelque chose lui appartient, elle ne le lâche plus ».
L'Un des nôtres de
Larry Watson – traduit par Élie Robert-Nicoud – est un délicieux livre à double lecture, où certains apprécieront l'intrigue solide de cette lutte noire et violente entre deux clans au verbe limité mais aux actions aussi rudes qu'efficaces.
D'autres comme moi, goûteront aussi – et surtout - cette deuxième couche beaucoup plus lente, remplie de colère et de sentiment d'injustice. Une réflexion sur ces petites choses qui forgent notre « moi », puis notre « nous ». Des petites choses dont certaines disparaissent au fil de la vie : des ascendants, une terre, un métier, un enfant…
Jusqu'à la perte de trop, celle qui nous devient insupportable, nous fait passer de l'aménagement du chemin de vie à l'impossibilité de le poursuivre tel qu'il s'annonce. C'est tout cela qui se bouscule dans le cerveau de Margaret, femme et grand-mère magnifique, qui doute mais agit, tremble mais avance.
« J'ai peur (…) J'ai peur d'être emportée (…) Que tout ce que les Mann ont été, tout le travail que mon père a accompli, et les Blackledge aussi, que tout cela soit réduit à néant. Bang. Disparu. Envolé. Plus personne sur notre terre portant le nom qui a fait de cet endroit ce qu'il a été. Ce qu'il est ».
Un joli livre donc, aux personnages féminins particulièrement réussis, à côté desquels brille un Georges Blackledge taiseux mais glorieux et empathique. Une réussite.
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