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Citations de Laurent de Wilde (11)


New york, new york, new york,. 9a grouille, là-dedans. Le monde enter s'y concentre. Un grand, grand salon. Du verre, de la brique, du fric, du bruit, du néon, des pompiers, des trous, de étés moites. du jazz, plein.
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(...) Pourtant le concept est simple. En 1996, le morceau ne poserait pas trop de problèmes, on a vu plus tordu. Seulement voilà : on est en 1956 (le 15 octobre pour être précis, des jours comme ceux-là, ça se remarque). Monk, confie Keepnews, quitta la séance excédé de ne pas trouver des musiciens qui pouvaient jouer un morceau aussi évident. Aujourd'hui, quarante ans plus tard, on le comprend. Mais c'est dire l'avance qu'il avait sur son temps : véritable pionnière en la matière, cette composition ne trouvera d'équivalent conceptuel que bien plus tard, chez des Charlie Mingus ou des Ornette Coleman. Et encore. Car il s'agit d'un prédicat élémentaire dont l'exécution est tout simplement irrecevable. C'est pas de la musique, c'est de l'obstination. C'est ça qui est génial. On entend presque une voix off qui dirait : abandonne, Thelonious, ça ne va jamais marcher ! Mais Monk va jusqu'au bout de son idée, et le résultat est étonnant.

Car il faut être complètement cinglé pour écrire un morceau comme ça. Il ne faut douter de rien. Rollins à la rame, dans un océan de tempos changeants, avec comme cadre à son improvisation des harmonies pas du tout contigües, ou bien trop lentes ou bien trop rapides. Ernie Henry, terrorisé à l'idée de louper un rendez-vous, qui se contente de regarder passer les trains, l'oeil rivé sur sa montre. Max Roach qui n'arrive pas à se faire à l'idée d'un pont de sept mesures, et qui en rajoute une dans son solo, avec l'air de savoir ce qu'il fait. Et pourtant tous les trois, comme Monk, sont de vrais New-Yorkais... on est en famille, ça devrait être plus simple pour faire de la musique. Reste Oscar Pettiford en éclaireur, le sang-mêlé indien de l'Oklahoma, qui agite les bras pour tenter de regrouper la colo. Et Monk, imperturbable, fend la bise avec sa sûreté habituelle, et donne un petit coup de volant quand la machine est sur le point de verser... L'équipée fantastique ! On s'étonne qu'il n'y en ait pas un qui soit resté sur le carreau de l'aventure... un seul faux mouvement, et c'est l'accident... Jamais on ne comprendra mieux qu'à la lumière de ce morceau ce que Trane disait de la musique de Monk : si on rate un accord, c'est comme si on tombait dans une cage d'ascenseur vide... Et les musiciens de la séance qui s'efforcent, tout en crissant des pneus, de ne pas quitter la route ! Ça sent la gomme brûlée dans le studio... Le pauvre Orrin Keepnews, dans sa cabine, il devait s'arracher les cheveux ! Jusqu'à présent tout allait si bien ! Erreur système ! Calamitas ! Ai-je vraiment bien fait de signer ce type ? Pourquoi suis-je encore vivant ? Dans son livret d'introduction à la compilation Riverside, il commence ainsi, très british, son évocation de la séance : "A bien des égards, ceci fut le vrai début de mon travail avec Monk." Ha ha ! Le travail ! Comme dit Hegel, le travail, la patience et la douleur du négatif ! Avec en plus Monk et Pettiford qui s'engueulent (à l'issue de cette session, ils ne joueront plus jamais ensemble), quel bordel ! Thelonious qui le premier soir repère un célesta dans un coin du studio, et qui exige de jouer Pannonica dessus ! Max Roach qui quelques jours plus tard découvre à son tour des timbales, et les matraque furieusement tout au long de Bemsha Swing ! Qu'est-ce que c'est que cette maison de fous ? Vous appelez ça un disque de jazz ? (...)

(p. 166 à 169)
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Sauf que c'est un carton. Avec Switched-On Bach sorti en 1968, Wendy Carlos rafle quatre Grammy Awards et cinq ans plus tard le dieu est vendu à plus d'un million d'exemplaires. En 1971, rebelote : Stanley Kubrick lui commande la bande originale d'Orange mécanique où c'est le tour de Beethoven de passer à la moulinette du synthé. Décidément, le Moog modulaire est devenu le Steinway du futur. Du coup, tout le monde en veut. Les commandes pleuvent à Trumansburg et le petit atelier artisanal de fondus du son grossit à vive allure, passant de douze employés en 1967 à quarante-deux en 1969. La place manque, les pièces, les hommes et les circuits s'entassent dans un espace devenu trop étroit. Ce qui n'est pas forcément du goût de Bob Moog qui préférait un calme modeste mais créatif plutôt que la déferlante à laquelle il peine à faire face - il n'a d'ailleurs aucune compétence financière ou administrative pour le faire. Surtout qu'une autre idée lui est venue, dont il confie la réalisation à son assistant Bill Hemsath : celle d'un synthétiseur plus compact dont certains modules seraient déjà préassemblés et qu'on ne commanderait plus que par des boutons. Ça réduit les options mais au moins on n'est pas forcé de brancher des vermicelles de câbles pendant un quart d'heure avant de commencer à obtenir un début de son. (p. 27-28)
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(...) en matière de recherches, « toutes les décisions sont prises avec un sentiment de conviction et non avec une logique irréfutable. » (Hugh Le Caine)
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Durant l'hiver 53-54, Henri Renaud, pianiste et compositeur confirmé de la première génération des boppers français, se rend à New York pour y effectuer des enregistrements et rencontre Monk. Choc. Venu pour se frotter aux jeunes Turcs new-yorkais, le voilà qui tombe sur le grand Mamamouchi en personne. Pas farouche, Monk lui ouvre les portes de sa maison, et ils se lient bientôt d'amitié. Un soir peut-être plus philosophique que d'autres, raconte Henri, voici nos deux pianistes sur les berges de Manhattan, assis face à l'East River qui se perd quelques milles plus loin dans l'Atlantique. Je me demande, fait Thelonious pensif, ce qu'il peut y avoir de l'autre côté de l'océan... La fréquentation de Monk ayant appris à Renaud qu'il ne posait jamais de questions pour rien, ce dernier lui fit savoir qu'il y avait peut-être un moyen de lui faire voir au moins la France.
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(...) Arrivé un soir au club avec ses trois grammes cinq de Thorazine qui lui ronronnent chaudement dans le sang, il s’approche du bar et commande un triple cognac. Il vide le verre, puis retourne dans sa loge où, aimablement sollicité par un admirateur, il s’enfile un gramme de coke dans le nez avant de monter en piste. C’est alors qu’a lieu la scène que j’ai évoquée plus haut : Monk assis, devant le piano, suant à grosses gouttes, qui enfonce les touches sans produire un seul son. À la pause, il retourne au bar où Eddie est accoudé, sourit sans desserrer les dents et lui dit : – Bon set, non ?
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Inventer, c'est jeter inlassablement une ligne vers l'avenir en espérant que ça morde, on ne peut pas poser la canne et dire que c'est fini, il y a tant d'idées qui frétillent, juste là, à portée de main!
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Imaginons une chèvre : on a les tripes pour faire les cordes, la peau pour les tambours, les os font des baguettes acceptables, et on mange le reste avec le sentiment de ne pas avoir perdu sa journée.
L’orchestre à quatre pattes ! En revanche, les autres instruments sont une affaire d’ingénieurs. Combien de pièces dans la mécanique d’un piano ? Combien de coudes entre l’embouchure et le pavillon de la trompette ? Et les clés du saxophone, comment ça marche tous ces tampons ? Difficile à dire ! Mais une basse ou une batterie, un enfant de trois ans comprend comment ça marche. On pince, on tire, on tape, et roulez jeunesse ! Poum poum ! Ca fait longtemps qu’ils traînent dans la musique, ces deux-là, on a tellement l’habitude de les voir depuis la nuit des temps, qu’on ne fait plus attention à eux, pensez-vous, la tripe et la peau, c’est la vieille paire, pas de quoi en faire un plat.
Avec le be-bop, les voilà seuls. Finis, les chauds accords de la guitare qui éclairent le bassiste et soulagent le batteur !
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Et puis le piano. Fraîchement débarqué dans la musique. Une mécanique complexe, un cauchemar de polytechnicien. L’orchestre sous les doigts.
Percussif, mélodique, harmonique, le roi des animaux. Une invention diabolique, qui permet de se passer de tous les autres instruments. De les comprendre, de les engloutir, de leur expliquer qui fait quoi, l’intello de la famille, le donneur de leçons. Le meuble, aussi. Des marteaux, des pédales, des étouffoirs, du bois, de la fonte, du cuir, de l’acier, des ressorts, des feutres, des vis, de l’ivoire. Du coffre.
Seul instrument que l’utilisateur n’accorde pas lui-même. Le piano fait vivre les déménageurs, les accordeurs et les pianistes. Une famille à lui tout seul. Un instrument noble, quoi : généreux, compliqué, imposant.
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Imaginons une chèvre : on a les tripes pour faire les cordes, la peau pour les tambours, les os font des baguettes acceptables, et on mange le reste avec le sentiment de ne pas avoir perdu sa journée.
L’orchestre à quatre pattes ! En revanche, les autres instruments sont une affaire d’ingénieurs. Combien de pièces dans la mécanique d’un piano ? Combien de coudes entre l’embouchure et le pavillon de la trompette ? Et les clés du saxophone, comment ça marche tous ces tampons ? Difficile à dire ! Mais une basse ou une batterie, un enfant de trois ans comprend comment ça marche. On pince, on tire, on tape, et roulez jeunesse ! Poum poum ! Ça fait longtemps qu’ils traînent dans la musique, ces deux-là, on a tellement l’habitude de les voir depuis la nuit des temps, qu’on ne fait plus attention à eux, pensez-vous, la tripe et la peau, c’est la vieille paire, pas de quoi en faire un plat.
Avec le be-bop, les voilà seuls. Finis, les chauds accords de la guitare qui éclairent le bassiste et soulagent le batteur !
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Non, ce silence n’est qu’une partie seulement, frappante parce qu’elle est singulière, de l’ensemble de sa musique. C’est ou outil de création, une sorte de phénomène audible et quantifiable qui révèle un projet, beaucoup plus risqué : celui d’inventer le temps. 
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