Citations de Le Figaro (153)
A Marseille, où il débarque avec sa malle, on le prend pour un fêlé. Mais, au bord de la Méditerranée, Cézanne le terrien sort de l'ombre. Il se plante devant le bleu, le blanc infini. Et laisse monter en lui la peinture.
C'est au contact de ses pairs, au Louvre et au musée d'Aix, que Cézanne affermit son regard. Il rêve aux maîtres du XVIIe siècle, aux Vénitiens et aux Espagnols, offre son admiration à Delacroix et à Courbet, et son amitié à Puget, le "pays" marseillais.
"Je ne vous donne pas la main, monsieur Manet, je ne me suis pas lavé depuis huit jours"
"Cézanne le banquier ne voit pas sans frémir derrière son comptoir naître un peintre à venir" (Emile Zola)
Il cultive son image de rustre, d'ours mal léché, l'artiste provençal. Mais son parcours est aussi une histoire d'amitiés. Amitié de Zola dès les bancs du collège. Amitié de Pissaro et du docteur Gachet, plus tard, à Pontoise. Etranger à Paris, refusé au Salon, le "primitif d'un art nouveau" semble moins à l'aise côté cour que côté jardin.
Cézanne ne pouvait exister sans la Provence, la Provence ne peut plus être reconnue sans Cézanne. Toute sa vie, le peintre aura tenté de saisir les couleurs et les sensations d'une région qui avait enchanté son enfance.
Bien malgré lui, Cézanne se retrouve chef de file d'une jeune garde d'artistes. On publie les idées sur l'art de l'ermite d'Aix.
D'abord sage dans ses compositions de nature morte, Cézanne renouvelle bientôt le genre. Huysmans reconnaissait à ses natures mortes leur originalité. "Et soudain, on perçoit des vérités nouvelles (...) : des tonalités étranges et cependant réelles (...). Tout cela fait de ces oeuvres des révélations dès lors qu'on les compare aux natures mortes habituellement maintenues dans des couleurs d'asphalte."
Aix-en-Provence, Paris, Auvers-sur-Oise, la Sainte-Victoire, Gardanne, Bibémus, l'Estaque, l'artiste fut un nomade solitaire, promenant son chevalet de site en site, exécutant ses toiles avec la lenteur d'un marcheur. "Les choses sans bornes de la nature m'attirent... Je procède très lentement, la nature s'offrant à moi très complexe ; et les progrès à faire sont incessants."
La reconnaissance fut tardive. Refusé des salons, brimé par la critique, Cézanne était trop moderne pour être compris de tous.
L'une des exigences, trop peu connue, du métier de poète, c'est la charité. Elle consiste simplement à se mettre à la fenêtre.
La quête de symboles et de correspondances, la quête de Beauté et d'ldéal au sein de l'horreur est un chemin de Salut pour Baudelaire. Un chemin où le sain et le malsain ne sont pas séparés, mais où l'un et l'autre s'alimentent pour être sublimés par les grâces du Beau. Or, cette double postulation, vers l'infernal et vers le divin, qui marque la poésie de Baudelaire au fer rouge, c'est elle aussi qui a brûlé à grands coups de whisky et de deuils la vie du nouvelliste américain [Poe].
Tout l'art du poète est pourtant de séduire son lecteur par les faux-semblants qu'il dénonce, recréés de façon si saisissante qu'il en est troublé.
Princier, c'est le qualificatif qui vient immédiatement à l'esprit du vivisteur qui découvre par une belle journée d'automne le Château de Chantilly!
Ainsi, la poésie devient-elle le moyen suprême de sonder l'infini, d'écouter la bouche d'ombre et de faire entendre l'inouï.
L'oeuvre poétique de Baudelaire, aux tonalités prénietzschéennes, reste hantée par la perception du gouffre de l'action, du rêve, du souvenir, de l'imbécillité et de la folie. Et c'est pire encore lorsque survient le tyrannique ennui.
Baudelaire est insaisissable. Il aime se dévoiler en se masquant toujours. Il est un diabolos, un « diviseur », un héautontimorouménos, son propre bourreau, écartelé entre la volupté du mal et l'appel de la grâce.
Baudelaire n'est pas le poète du vice, mais du péché. Le péché est toujours une obscurité que dévoile une lumière, la conscience d'avoir blessé la relation avec Dieu.
Auprès de I'homme comblé d'angoisse, de celui qui perd la raison, il contemple avec sa lucidité de voyant l'attirance vers le gouffre, le ''goût du néant'', que chacun porte en lui. La vérité, c'est que nous nous appliquons à nous-mêmes notre tourment, que nous sommes la victime et le bourreau. Nul ne peut se guérir du mal qu'il s'inflige et dont le terme est la destruction.
Il n'y a pas, chez Baudelaire, d'amour heureux. La relation privilégiée avec sa mère prend fin dès qu'elle se remarie. Sa passion pour Mme Sabatier s'étiole quand elle lui sourit : l'idéal, devenu accessible, perd son attrait. La relation tumultueuse qu'il entretient jusqu'au bout avec Jeanne Duval tourne en compassion à l'égard de l'infirme qu'elle est devenue. L'amour se transforme en pitié lorsque se dévoilent les faiblesses de l'être aimé.