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Critiques de Le Tasse (5)
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La Jérusalem délivrée

"Pounded by the hammers

Of the giants of the world.

I can see in darkness,

I'm the overlord.

Single combat I await

My shadow brings them fear.

The spikes upon my chariot

Will grind them when they're near."

(Manowar, "Black Wind, Fire and Steel")



Avengers du 16ème siècle !

Les puristes me pardonneront, j'espère, cette introduction, mais en lisant "La Jérusalem délivrée", je n'ai pas pu m'empêcher de penser aux musclors épiques sur la pochette de l'album de Manowar, ni aux paroles pleines de batailles, gloire et honneur. Sans oublier, bien sûr, l'opéra baroque de Monteverdi !

Le poème de Tasso est un feu d'artifice de couleurs et d'intrigues étonnantes : sorciers volants, déguisements improbables, nécromancie, forêts fantomatiques, interventions angéliques, guerriers invisibles, armures d'or et boucliers de diamant, têtes tranchées au même titre que bras droits, bras gauches, voire les deux en même temps (ceci plusieurs fois !), diaphragmes percés, duels brutaux entre des champions à la musculature surnaturelle et sang qui gicle par geysers !

Je classe ces aventures de Godefroy de Bouillon et les preux chevaliers de la chrétienté devant les portes de Jérusalem à peine au-dessous de l'insurpassable "Roland Furieux" d'Arioste.



Torquato Tasso fait partie des poètes européens de plus grande influence, même si de nos jours il est quelque peu tombé dans l'oubli. Pas étonnant : qu'est-ce qui pourrait être plus étrange à notre pensée que l'Italie du 16ème siècle, le renforcement du catholicisme aux dépens de la Renaissance (Tasso est né peu avant le début du Concile de Trente), le retour vers les légendes chevaleresques, voire la glorification des Croisades ? Les romans en vers ne sont plus à la mode depuis longtemps, sans parler des longues épopées héroïques. D'ailleurs, on pourrait dire la même chose de la poésie rimée tout court, et on peut difficilement compter Tasso parmi les maîtres de la trempe de Dante. Son "ottava rima" (ABABABCC) répétitive fait vite penser à un moulin mécanique, et pour une fois j'étais soulagée de devoir me rabattre sur la traduction en prose. Quel est donc l'intérêt de découvrir "La Jérusalem Délivrée" au 21ème siècle ?



La vie de Tasso vaut déjà largement un petit tour sur Wikipédia. Il n'était tout simplement pas né pour son époque, même si celle-ci lui avait été relativement favorable. Il avait le soutien des puissants, mais sa vie était remplie de tensions qui se sont pleinement manifestées qu'après l'écriture de "La Jérusalem" (1575). Tasso est subitement saisi de doutes sur l'"honnêteté" de son poème, et accessoirement sur sa propre personne. Par deux fois, il subit de son plein gré l'interrogatoire de l'Inquisition, et par deux fois on le rassure que tout va bien. Mais les doutes de Tasso sur sa propre hérésie mènent aux accès de la folie paranoïaque, et à l'enfermement dans l'asile des aliénés de St. Anne à Ferrare. Il meurt au moment où son nom atteint les sommets de la gloire.



En lisant "La Jérusalem", on peut comprendre d'où venaient ces craintes. Le cadre de la foi chrétienne est presque accessoire : Tasso mélange l'exotisme et la magie orientale avec l'amour passionné et la beauté sensuelle de la nature et des hommes. Son épopée est plus proche de "L'Enéide" de Virgile, et la mission des chevaliers de Godefroy de Bouillon fait penser avant tout à la fantasy moderne. Les épisodes fantastiques nourrissent l'imagination, sans manquer pour autant de profondeur émotionnelle et morale. Même si la division du Bien et du Mal est évidente, même si tout se dirige inévitablement vers un heureux sac/libération de Jérusalem, une étrange mélancolie flotte au-dessus des vers de Tasso. Passions, haines, trahisons, douleurs... dans un tableau qui montre un pays irréel au-delà de toutes les banalités.

Il n'est pas sans intérêt de noter la force des caractères féminins, et on apprécie que Tasso n'a pas hésité à joindre à l'aventure quelques dames plus que mémorables. La machine de guerre musulmane nommée Clorinde s'approprie un grand nombre des meilleures scènes, même si je me demande quelles chances aurait cette belle guerrière au casque du tigre contre la célèbre Bradamante d'Arioste, dans un combat singulier... Hm, finalement peu importe, car les deux demoiselles restent dans l'ombre de la divine Armide, une magicienne férue de tir à l'arc et d'élaboration de projets ingénieux. Enfermer cinquante chevaliers chrétiens dans un château sodomite enchanté est de sa part certainement une expérience de qualité ; mais le déguisement du puissant Rinaldo en femme et les jeux olympiques pseudo-lesbiens au milieu d'un labyrinthe qui s'ensuivent n'ont probablement plus aucune concurrence ailleurs. Peut-être seulement dans l'inoubliable combat final des deux amants tragiques, Tancrède et Clorinde.



Il se peut que, comme Tasso, nous soyons prisonniers d'une époque qui aime parler d'émotions, sans oser les vivre vraiment. de ce point de vue, "La Jérusalem" paraît assez actuelle. Comme autrefois, elle comble les besoins traumatiques, sans mener, comme dans le Werther de Goethe, vers une crise existentielle sans issue . le Romantisme a fait tomber l'exubérant monde de Tasso dans l'oubli, car les émotions faisaient partie de la vie réelle (y compris, parfois, ces suicides). Mais le Romantisme a été remplacé par le pragmatisme rationnel, et l'engouement actuel pour la fantasy et les aventures fabuleuses n'est pas un brusque retour en arrière, seulement le désir spontané de compenser l'ordinaire par l'extraordinaire. Voir le monde plus en couleurs, tel est peut-être le message légué par Torquato Tasso. 4,5/5
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Aminte

Si son œuvre n’est plus tellement lue aujourd’hui, Le Tasse a connu à son époque, et longtemps après, une immense célébrité, son œuvre a été également une grande source d’inspiration pour de nombreux artistes, aussi bien écrivains que musiciens ou peintres. Surtout son ouvrage le plus connu, La Jérusalem délivrée, mais aussi Aminte, pastorale dramatique.



La pièce est jouée à la cour de Ferrare en 1573. Elle connaît un succès international, elle est jouée à la cour en France, et connaît très rapidement une traduction française. La veine pastorale, imitée de l’antiquité avait une longue tradition en Italie : Dante et Pétrarque ont écrit des œuvres s’y rattachant. Mais Le Tasse va produire une œuvre marquante dans cette esthétique, les pastorales dramatiques françaises du début du XVIIe siècle en sont marquées. Mais elle a aussi inspirée des opéras, Métastase a d’ailleurs écrit un livret à partir de la pièce. Bien plus tard encore, puisqu’en 1876, trois siècles après la création de la pièce, le canevas du ballet Sylvie de Léo Delibes y trouve son argument. Cela contraste avec l’oubli dans laquelle est tombée aujourd’hui : aucune traduction moderne n’existe en français, le texte le moins difficile à trouver est la vieille traduction du fin du XVIe siècle.



Il s’agit d’une pièce en cinq actes, comme dans le modèle antique. Un prologue, dans lequel apparaît l’Amour précède la pièce. A la fin de chaque acte, il y a une courte intervention d’un choeur de bergers. Aminte et Sylvie ont été élevés ensemble. Aminte est tombé amoureux de Sylvie, mais cette dernière se refuse à l’amour. Aminte ne voit plus de raison de vivre. Mais il n’est pas le seul à désirer la belle Sylvie : un Satire est sur le point de la violer, lorsque Aminte survient, chasse la créature et délivre la belle. Mais cette dernière s’enfuit sans aucun remerciement ni adoucissement. Aminte est encore plus désespéré. On lui apprend la mort de Sylvie à la chasse : il se précipité pour se tuer. Mais c’était une fausse nouvelle : Sylvie a réussi à échapper aux loups. Lorsqu’on lui apprend la mort d’Aminte, elle réalise enfin l’amour qu’elle a pour lui, et veux partager son sort. Heureusement, Aminte a survécu à la chute, et les deux jeunes gens vont pouvoir se marier.



Il est difficile de juger de la pièce dans une vieille traduction, dans une langue où des mots ou des tournures ne sont pas forcément faciles à comprendre. Néanmoins une poésie, certes très baroque et précieuse, mais réelle, se dégage du texte. La nature du Tasse n’est pas réaliste, mais très allégorique et métaphorique. L’amour est certes un sentiment, mais aussi une notion philosophique. Il y a un aspect sensuel, voire érotique dans le texte, non dépourvu d’un aspect quelque peu cruel et violent, un rapport de force, psychologique et physique, qui cohabite avec une galanterie extrême. En quelque sorte tous les aspects, y compris contradictoires, se font jour, plaisir, bonheur, joie, comme douleur, souffrance, dans une alternance, comme inséparablement mêlées.



Une œuvre complexe et riche, que j’aimerais pouvoir lire un jour dans une traduction plus accessible à un lecteur d’aujourd’hui.
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La Jérusalem délivrée

À lire en parallèle avec ce très beau livre d'Amin Malouf Les croisades vues par les Musulmans. Le récit des faits héroïques rapportés par Le Tasse sera rudement mis à l'épreuve par Malouf. Il n'empêche que résident quelques superbes moments de poésie dont les plaidoyers de Sophronie et Olinde ou encore le célèbre combat de Tancrède et Clorinde. À cette dernière lecture, le lecteur musicologue ne pourra s'empêcher d'entendre Monteverdi.

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La Jérusalem délivrée

Après avoir lu le "Roland Furieux" de l’Arioste, j’ai complété ma découverte des œuvres références de la littérature classique européenne avec la "Jérusalem libérée" du Tasse (traduction de Michel Orcel).

Se nourrissant, notamment, de "l’Énéide" de Virgile, le Tasse transpose l’épopée antique au temps des croisades, tout à la gloire des princes de l’Europe. Écrit pour satisfaire l’égo de ses mécènes, la vision proposée de la prise de Jérusalem prête à rire pour le lecteur d’aujourd’hui. Pourtant, si on laisse de côté la propagande chrétienne faite de musulmans couards et perfides, laids et cruels, le récit du Tasse nous embarque dans une formidable aventure cumulant les sanglantes batailles, les duels au sommet, les ensorcellements, les interventions divines et les passions amoureuses. Et, avec un peu d’attention, on remarquera que le tableau du Tasse ne fut pas si élogieux qu’il n’y paraissait. Les atrocités des défenseurs du Christ en terre orientale ne nous sont pas cachées, et les païens, quant à leurs princes du moins, font souvent l’objet d’une fascination toute exotique, cachant sous le masque de la sauvagerie, la présence d’hommes en tout point identiques aux croisés.

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La Jérusalem délivrée

Un magnifique petit ouvrage trouvé dans une boîte à livres.



Il s'agît d'un classique de la Renaissance, écrit par Torquato Tasso, vingt poèmes qui nous transportent en 1099, au temps de la première Croisade.



En cette année, les soldats Croisés, menés par Godefroy de Bouillon, s'emparent de la cité de Jérusalem, permettant aux chrétiens de se rendre à nouveau au Saint Sépulcre, et abolissant l'esclavage des populations chrétiennes par les Turcs.



Ce livre reprend les codes de la chevalerie, les chevaliers ne vaincront pas simplement un peuple avec qui ils sont en guerre.

Ils devront apprendre à mener une lutte intérieure, faire fi des tentations et du péché, se montrer dignes de leur foi pour libérer Jérusalem.

Cet aspect est notamment mis en lumière par la présence divine, l'aide des archanges, et la lutte contre la sorcellerie.



Un récit épique et empli de piété, écrit à une période où l'humanisme et le protestantisme faisaient leur apparition, secouant les fondements du catholicisme.



Le poète devait d'ailleurs être couronné par le Pape Charles VIII en tant que roi des poètes, lorsqu'il fut emporté par la maladie en 1595.



Une belle découverte donc, d'une oeuvre historique dont on entend peu parler.

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