Si son oeuvre n'est plus tellement lue aujourd'hui,
Le Tasse a connu à son époque, et longtemps après, une immense célébrité, son oeuvre a été également une grande source d'inspiration pour de nombreux artistes, aussi bien écrivains que musiciens ou peintres. Surtout son ouvrage le plus connu,
La Jérusalem délivrée, mais aussi
Aminte, pastorale dramatique.
La pièce est jouée à la cour de Ferrare en 1573. Elle connaît un succès international, elle est jouée à la cour en France, et connaît très rapidement une traduction française. La veine pastorale, imitée de l'antiquité avait une longue tradition en Italie :
Dante et
Pétrarque ont écrit des oeuvres s'y rattachant. Mais le Tasse va produire une oeuvre marquante dans cette esthétique, les pastorales dramatiques françaises du début du XVIIe siècle en sont marquées. Mais elle a aussi inspirée des opéras, Métastase a d'ailleurs écrit un livret à partir de la pièce. Bien plus tard encore, puisqu'en 1876, trois siècles après la création de la pièce, le canevas du ballet Sylvie de
Léo Delibes y trouve son argument. Cela contraste avec l'oubli dans laquelle est tombée aujourd'hui : aucune traduction moderne n'existe en français, le texte le moins difficile à trouver est la vieille traduction du fin du XVIe siècle.
Il s'agit d'une pièce en cinq actes, comme dans le modèle antique. Un prologue, dans lequel apparaît l'Amour précède la pièce. A la fin de chaque acte, il y a une courte intervention d'un choeur de bergers.
Aminte et Sylvie ont été élevés ensemble.
Aminte est tombé amoureux de Sylvie, mais cette dernière se refuse à l'amour.
Aminte ne voit plus de raison de vivre. Mais il n'est pas le seul à désirer la belle Sylvie : un Satire est sur le point de la violer, lorsque
Aminte survient, chasse la créature et délivre la belle. Mais cette dernière s'enfuit sans aucun remerciement ni adoucissement.
Aminte est encore plus désespéré. On lui apprend la mort de Sylvie à la chasse : il se précipité pour se tuer. Mais c'était une fausse nouvelle : Sylvie a réussi à échapper aux loups. Lorsqu'on lui apprend la mort d'
Aminte, elle réalise enfin l'amour qu'elle a pour lui, et veux partager son sort. Heureusement,
Aminte a survécu à la chute, et les deux jeunes gens vont pouvoir se marier.
Il est difficile de juger de la pièce dans une vieille traduction, dans une langue où des mots ou des tournures ne sont pas forcément faciles à comprendre. Néanmoins une poésie, certes très baroque et précieuse, mais réelle, se dégage du texte. La nature du Tasse n'est pas réaliste, mais très allégorique et métaphorique. L'amour est certes un sentiment, mais aussi une notion philosophique. Il y a un aspect sensuel, voire érotique dans le texte, non dépourvu d'un aspect quelque peu cruel et violent, un rapport de force, psychologique et physique, qui cohabite avec une galanterie extrême. En quelque sorte tous les aspects, y compris contradictoires, se font jour, plaisir, bonheur, joie, comme douleur, souffrance, dans une alternance, comme inséparablement mêlées.
Une oeuvre complexe et riche, que j'aimerais pouvoir lire un jour dans une traduction plus accessible à un lecteur d'aujourd'hui.